Traitement pluridisciplinaire d'un patient atteint de parodontite sévère - Cahiers de Prothèse n° 132 du 01/12/2005
 

Les cahiers de prothèse n° 132 du 01/12/2005

 

Implantologie

Diego Capri *   Massimo Fuzzi **   Maurizio Zilli ***   Roberto Bonfiglioli ****   Massimiliano Migliori *****  


* DMD - CAGS Periodontics - Dip ABP
** MD - DMD - LMD
*** MD - DMD
**** Chef de laboratoire
***** Technicien de laboratoire Centre odonto-stomatologique Porta Mascarella Piazza di Porta Mascarella n° 7 40126 Bologne (Italie)

Résumé

La maladie parodontale représente une des causes principales de la perte des dents chez l'adulte. Différents traitements à la fois chirurgicaux et non chirurgicaux ont montré leur efficacité pour réduire la perte des dents due à la maladie. Un diagnostic précoce est souvent la clé pour éviter des alvéolyses sévères. Pour les cas où le traitement n'a pas été initié à temps et où la maladie a évolué vers des stades terminaux, nous sommes confrontés à des problèmes de type trauma-occlusaux secondaires et abcès récurrents avec gêne esthétique et fonctionnelle pour le patient. Même dans ces cas sévères, fonction et esthétique peuvent être restaurées par une excellente coordination entre les traitements parodontal et implantaire et par une parfaite planification des procédures prothétiques.

Summary

Multidisciplinary management of the severely-damaged dentition of the periodontal patient: a case report

Periodontal disease represents one of the major causes of tooth loss in the adult patient. Various forms of treatment both surgical and non surgical have been proven successful in reducing tooth mortality due to the disease. An early diagnosis is often the key to prevent severe mutilation of the dentition. In cases where the treatment was not rendered in time and the disease progressed to its final stages, we have to face problems such as secondary occlusal traumatisms and recurrent abscesses with functional and esthetic impairment for the patient. In spite of that the compromised function and esthetics can be successfully restored through a well orchestrated interaction between the periodontal and implant therapies and the prosthetic treatment.

Key words

implant therapy, multidisciplinary approach, periodontal disease, prognosis

Les maladies parodontales en Europe affectent 20 % de la population adulte et 30 % des seniors [1]. Une évaluation exhaustive du passé médical et buccal et un examen clinique extra- et intrabuccal approfondi permettent de poser un diagnostic précis et ensuite de déterminer un pronostic.

Le pronostic global d'une denture après examen est lié au pronostic parodontal de chaque dent présente sur les arcades. Certaines dents doivent être extraites à cause de l'importance de l'alvéolyse ; d'autres doivent être traitées et utilisées comme support de la prothèse qui remplace des dents absentes. En d'autres termes, il est important d'évaluer chaque dent individuellement pour déterminer leur contribution à l'équilibre prothétique ou, au contraire, le risque encouru en les conservant [2].

La fiabilité du pronostic a été évaluée dans une série d'articles publiés par Mc Guire et al. [3-6] dans les années 90. Ces derniers remettent en question la précision du processus traditionnel pour établir le pronostic. Un test (PST Medical Science Systems) a été conçu pour déterminer le génotype IL-1 [7] ; un marqueur génétique spécifique est ainsi utilisé pour identifier les patients davantage susceptibles de développer des lésions parodontales sévères en présence d'une flore bactérienne pathogène. La présence d'un génotype IL-1 positif chez un fumeur semble multiplier le risque de perte de dent par 8 [6].

D'après une étude rétrospective [8], un génotype IL-1 positif associé à un tabagisme important résulte en une augmentation du risque de perte osseuse péri-implantaire. Une forte corrélation entre l'état parodontal des dents et les conditions péri-implantaires a été récemment observée [9].

Dans les cas de parodontite chronique sévère généralisée [10] ayant entraîné au cours du temps la perte de dents et les migrations secondaires des éléments restants [11], le contrôle de l'infection doit être suivi d'une correction précise des dysfonctions occlusales. Rétablir l'intégrité des arcades maxillaires et mandibulaires, éliminer la maladie parodontale et redéfinir un schéma occlusal stable constituent les objectifs de traitement [12].

Outre la restauration d'une fonction adéquate, il est impératif de nos jours de satisfaire les demandes esthétiques du patient [13-15]. Des traitements parodontaux chirurgicaux associés à des reconstructions prothétiques adaptées montrent leur efficacité chez des patients présentant des atteintes parodontales sévères sur le long terme [16, 17].

Les implants augmentent l'arsenal thérapeutique dont nous disposons pour traiter les cas même les plus avancés [18]. Leur intégration dans le plan du traitement permet à de nombreux cliniciens de réaliser des prothèses fixées pour leurs patients plutôt que des prothèses amovibles. Des techniques chirurgicales complémentaires ont été développées pour reculer les limites anatomiques de la pose d'implants telle la proximité des sinus [19].

L'importance de l'utilisation d'un guide de diagnostic et d'un guide chirurgical pour obtenir un positionnement idéal des implants est largement argumentée dans la littérature et de nombreux auteurs proposent des techniques de réalisation [20, 21]. Diverses méthodes de prise d'empreinte et moyens d'obtenir un maître-modèle précis sont testés pour éviter l'inadaptation des armatures fixées sur les implants [22, 23].

Les problèmes liés aux différentes conceptions d'armature métallique et à leur éventuelle variation dimensionnelle durant les diverses étapes d'élaboration, ont conduit certains cliniciens à adopter des solutions techniques précises pour les surmonter [24]. Un défaut d'adaptation entre la prothèse d'usage et les implants peut induire des contraintes internes dans la prothèse, sur les implants ou l'os lui-même [25].

Il semble évident que les implants devraient être insérés dans des bouches exemptes d'infections parodontales [26, 27] et, comme pour les dents naturelles, être entretenus à long terme en engageant le patient dans un programme de maintenance professionnelle [28].

Le but de cet article est de montrer, à travers un cas clinique, notre approche du traitement en insistant sur l'importance du pronostic et sur la gestion pluridisciplinaire du patient.

Cas clinique

Une patiente de 59 ans nous a été adressée par son chirurgien-dentiste généraliste. Dans ses antécédents médicaux figurait une hypertension artérielle traitée par un inhibiteur calcique. La patiente bénéficiait d'un traitement hormonal substitutif prescrit par son médecin généraliste. Elle fumait 2 à 3 cigarettes par jour depuis de nombreuses années. Elle n'avait jusqu'alors jamais présenté d'allergie médicamenteuse. Interrogée sur son passé dentaire, la patiente s'est souvenue de la mise en place, dans les années 80, d'une prothèse amovible partielle (PAP) mandibulaire pour remplacer des dents postérieures. Quelque 10 années plus tard, elle a reçu un bridge complet maxillaire. Récemment, son praticien a observé une fracture de l'armature du bridge maxillaire. Le motif de sa consultation portait donc sur ce qu'il était possible de faire pour notamment éviter une prothèse amovible. Le niveau d'hygiène oral était faible et l'inadaptation prothétique a été notée pendant l'examen intra-oral (fig. 1, 2, 3 et 4). Elle présentait des migrations dentaires secondaires [11] : les prémolaires mandibulaires étaient distalées et les incisives inférieures étaient vestibulées [12]. Les dents antérieures mandibulaires avaient été précédemment solidarisées par une contention en résine collée.

Le bridge maxillaire suite à un traumatisme occlusal était fracturé entre les 2 incisives centrales et un fil de ligature était en place pour éviter l'écartement. La patiente présentait une ligne du sourire moyenne, difficile à mettre en évidence à cause de sa tendance à peu sourire (fig. 2) car elle était consciente de son préjudice esthétique [29]. Les profondeurs de sondage étaient de 2 à 10 mm et la mobilité générale était de grade I de Miller [30], en dépit des nombreux dispositifs de contention. Malgré une inflammation gingivale généralisée, avec saignement au sondage et tissus érythémateux et œdématiés, aucune prise médicamenteuse pouvant être responsable d'hyperplasie gingivale n'a été identifiée.

L'examen radiographique (fig. 5) a mis en évidence une alvéolyse modérée à sévère avec des défauts verticaux profonds localisés sur la seconde prémolaire maxillaire droite, l'incisive centrale maxillaire gauche et sur les faces mésiales des prémolaires mandibulaires. La première molaire maxillaire gauche présentait une lésion inter-radiculaire. Toutes les dents maxillaires préentaient des traitements endodontiques de qualité moyenne et des tenons de longueurs variées étaient visibles. Une carie était aussi visible en distal de la seule molaire maxillaire et une lésion d'origine endodontique existait sur la racine mésio-vestibulaire.

L'examen occlusal a mis en évidence une classe I d'Angle canine avec des recouvrements vertical et horizontal de moins de 1 mm. Le plan occlusal semblait inversé (fig. 2, 3 et 4) avec une absence de guide antérieur efficace. Aucun signe ou symptôme de dysfonction de l'articulation temporo-mandibulaire n'a été relevé.

Le diagnostic parodontal a établi une parodontite chronique sévère avec migrations pathologiques secondaires [10, 11].

Immédiatement après la consultation initiale, quatre rendez-vous pour détartrage-surfaçage radiculaires sous anesthésie locale, enseignement à l'hygiène orale et réévaluation ont été fixés. La patiente a été informée de l'étiologie et de la pathogénie des maladies parodontales ainsi que des effets négatifs du tabac sur sa santé orale.

Le pronostic pour chaque dent a été déterminé lors du rendez-vous de réévaluation après la thérapeutique de base initiale [31]. Il était défavorable pour toutes les dents maxillaires sauf la canine droite en raison d'une perte osseuse sévère. La canine seule ne pouvant être intégrée efficacement à une restauration quelconque, son extraction « stratégique » [2] a été la solution envisagée. Sur l'arcade mandibulaire, les premières prémolaires et les incisives centrales présentaient un pronostic défavorable. Il a donc été décidé de les extraire simultanément aux extractions maxillaires.

La phase initiale de traitement a réduit de façon efficace l'inflammation gingivale [32]. Néanmoins, des procédures chirurgicales complémentaires ont été nécessaires pour réduire les profondeurs de poches résiduelles autour des dents mandibulaires restantes [33].

Le plan de traitement prothétique a comporté une prothèse fixée sur implants au maxillaire et une prothèse mandibulaire fixée sur les dents résiduelles et présentant des extensions distales. Le pronostic du traitement choisi était considéré comme satisfaisant à la fois à court et à long terme.

Un jeu complet de photos intra- et extra-orales a servi à l'évaluation du visage et l'analyse du sourire. L'axe bipupillaire a été enregistré et utilisé comme référence pour situer le plan incisif maxillaire.

Des empreintes ont été prises pour réaliser une prothèse complète provisoire immédiate au maxillaire (Auto-plast resin® de Candulor et Vivadent denture teeth® de Ivoclar-Vivadent) et un bridge provisoire à l'arcade mandibulaire (SR Ivocron resin® de Ivoclar-Vivadent).

Peu de temps après, la patiente est revenue pour l'extraction de toutes les dents maxillaires et des 34, 31, 41 et 44 et la réalisation, le même jour, de la prothèse immédiate complète maxillaire et du bridge provisoire mandibulaire après préparation des dents 35, 33, 32, 42, 43 et 45. Les deux incisives latérales ont été dépulpées pour des motifs prothétiques. De nouvelles empreintes ont été prises et utilisées pour réaliser un bridge mandibulaire renforcé par une armature métallique (SR Ivocron resin® de Ivoclar-Vivadent et CoCrMo Ceralloy® de Eukamed).

Ce second jeu de prothèse provisoire mandibulaire avait une double justification : une amélioration de l'adaptation marginale et une augmentation de la résistance qui permettaient d'utiliser le bridge sur une longue période (dans ce cas environ 1 an et demi) jusqu'à la fin du traitement et la pose de la prothèse définitive. Le nouveau bridge mandibulaire a été mis en place et de nouvelles empreintes réalisées au maxillaire pour préparer une prothèse complète (Aesthetic resin® de Candulor et Vivadent Orthosit PE denture teeth de Ivoclar-Vivadent), mise en bouche après cicatrisation des sites d'extraction. La chirurgie parodontale a été réalisée dans les 2 quadrants à la mandibule. Des lambeaux repositionnés apicalement et des chirurgies osseuses résectrices ont été réalisées selon les descriptions de Carnevale et Kaldahl en 2000 [34]. Les dents dépulpées ont été à nouveau préparées jusqu'au niveau osseux lors de la chirurgie selon un protocole décrit par DiFebo et al. [35] et Carnevale et al. [36].

Après 6 mois de cicatrisation des sites d'extraction au maxillaire, la patiente a été adressée pour réaliser un examen scanner en portant un guide d'imagerie obtenu par duplication de la prothèse complète. Après analyse des clichés issus du scanner, la chirurgie implantaire a été programmée. La patiente a souhaité une anesthésie générale pour réduire son anxiété et améliorer sa coopération. Huit implants (3i Implant Innovations) ont été placés en position de 15, 14, 13, 11, 23, 24, 25 et 26 (fig. 6, 7 et 8). Pour les implants en position de 11 et 24, des ostéotomes (3i Implant Innovations) ont été utilisés pour élargir la crête dans le sens vestibulo-lingual [37, 38]. En raison de la proximité du sinus, les implants remplaçant 15, 25 et 26 ont été mis en place en utilisant un ostéotome pour élever la membrane sinusienne [39]. Un mélange d'os autogène et de Bio-Oss® (Geistlich Biomaterials), os bovin, a été utilisé comme matériau d'apport (fig. 9). Tous les implants avaient un diamètre de 3,75 mm et une longueur de 10 mm, à l'exception de ceux en place de canines qui mesuraient 11,5 mm (fig. 10). La cicatrisation n'a pas posé de problème et les sutures ont été retirées après 2 semaines. La patiente a été autorisée à porter une prothèse rebasée 3 semaines après l'intervention.

Après 6 mois de cicatrisation, les implants en position de 14, 11, 23 et 24 ont été exposés (fig. 11) et des attachements boules ont été utilisés immédiatement pour assurer la rétention de la prothèse maxillaire, modifiée en forme de fer à cheval après élimination de la zone palatine (fig. 12 et 13). Les implants en position 15, 13, 25 et 26 ont été laissés enfouis 4 mois supplémentaires pour permettre une meilleure maturation des greffes.

À ce stade, la patiente, bien que satisfaite de la prothèse supra-implantaire provisoire qu'elle portait, a demandé s'il lui était possible de tester la différence en termes de confort et d'esthétique entre la prothèse qu'elle avait et une prothèse fixée sur implants.

Avant l'exposition des autres implants, une empreinte a été prise et des piliers prothétiques ont été fabriqués à partir de cylindres en titane (Brånemark temporary abutment®, Nobel Biocare), recouverts de résine composite (Cesead II resin®, Kuraray) (fig. 14). Une restauration provisoire de 10 éléments avec un renfort métallique (Enamel Plus Temp®, Micerium) a été scellée provisoirement sur les piliers en position de 14, 11, 23 et 24 (fig. 15 et 16). Huit semaines après l'exposition des implants restants, les empreintes de l'arcade mandibulaire des 8 implants maxillaires ont été réalisées (fig. 17 et 18) dans la même séance. Le transfert des modèles sur articulateur a été fait à l'aide d'un arc facial et de 3 cires d'enregistrement en relation centrée. L'empreinte des implants a été réalisée à l'aide d'un porte-empreinte individuel ouvert en regard des implants. Les transferts d'empreinte ont été solidarisés avec un fil de métal et de la résine chémopolymérisante [22, 23] et ensuite emportés dans l'empreinte après dévissage. Lors du même rendez-vous, un second jeu de transferts a été positionné et relié de la même façon pour obtenir un second index de repositionnement, cette fois sans prendre d'empreinte.

Après coulée du maître-modèle, le prothésiste a vérifié la précision de l'empreinte des implants en s'assurant que les 2 jeux de transferts se repositionnaient parfaitement sur le modèle sans erreur.

En regardant la longueur des incisives en fonction de la ligne du sourire, de l'axe bipupillaire et de la phonétique, l'esthétique n'était pas encore satisfaisante (fig. 19). Il a été alors entrepris de réduire la hauteur des couronnes cliniques en ajoutant de la résine rose sur la face vestibulaire de la prothèse maxillaire (fig. 20). Ainsi, conformément aux souhaits de la patiente, l'apparence de « dents longues » a pu être évitée. La prothèse provisoire sur implants a été ajustée jusqu'à ce que la patiente se sente à l'aise sur le plan fonctionnel. L'esthétique et la phonation ont été contrôlées jusqu'à complète satisfaction. La prothèse définitive a été réalisée en fonction des indications fonctionnelles et esthétiques fournies par les restaurations provisoires.

Deux infrastructures coulées droite et gauche (Castable UCLA abutment de ITD et Keramit Impla alloy de Nobil Metal) ont été prévues pour assurer la rétention de la prothèse maxillaire (fig. 21 et 22). L'adaptation des infrastructures a été vérifiée radiographiquement et une clé coulée en forme d'arche a été réutilisée pour vérifier la relation spatiale correcte entre les 2 infrastructures de piliers. La relation intermaxillaire a une nouvelle fois été contrôlée et vérifiée. Ce n'a été que lorsque nous avons été certains que les 2 infrastructures de piliers étaient parfaites que la suprastructure métallique (Aurex 71 alloy®, Fraccari) a été réalisée (fig. 21, 22, 23 et 24).

La porcelaine (Porcelain creation Willi Geller®, Klema) a été cuite sur la super-structure et un biscuit a été essayé en bouche pour valider fonction, phonation et esthétique (fig. 25, 26 et 27). Une dernière empreinte des constructions prothétiques a été réalisée pour effectuer un remontage sur articulateur. Ceci a permis d'obtenir des modèles utiles pour confirmer les rapports précis entre les limites prothétiques et les tissus gingivaux (profil d'émergence correct, correction des zones édentées, etc.). Le modèle mandibulaire est utile pour réaliser la brasure du bridge mandibulaire entre les incisives et les canines.

Les infrastructures métalliques reliant respectivement les implants 15, 14, 13, 11 et les implants 23, 24, 25 et 26 ont été mises en place et fixées par des vis (Brånemark abutment screw® de Nobel Biocare), serrées à 35 Ncm (fig. 28).

La suprastructure maxillaire coulée, sur laquelle la porcelaine a été cuite, a ensuite été mise en place et fixée sur l'infrastructure par 2 vis palatines (Transversal screw GS 300, 3i® Implant Innovations). La restauration fixée mandibulaire a été scellée définitivement (fig. 29 et 30).

Une gouttière nocturne a été confiée à la patiente pour limiter les effets d'une éventuelle parafonction et pour protéger la céramique d'un choc accidentel. À la fin de la phase active du traitement, l'hygiène de la patiente était très bonne grâce aux nombreux rendez-vous avec l'hygiéniste pendant le traitement (fig. 31, 32 et 33). Pour éviter une baisse de la motivation de la patiente et une récidive de la maladie parodontale, un programme de suivi personnalisé lui a été proposé.

Discussion

D'après les études de Mc Guire et al. [3-6], le pronostic est établi après la phase active du traitement, à savoir à la fin de la thérapeutique parodontale et avant de débuter la phase de suivi ; c'est quelque peu différent de ce qui se passe dans nos cabinets où le pronostic est généralement déterminé après la préparation initiale et la gestion de l'urgence, avant de débuter la phase active du traitement [31]. L'application clinique de toute recherche est proportionnelle aux similitudes entre le protocole de l'étude et ce que nous réalisons dans notre approche thérapeutique quotidienne.

L'utilisation d'un test génétique, désormais disponible pour identifier les patients IL-1 positifs, davantage sujets aux pertes dentaires au cours du temps (2,9 fois), a été suggérée comme moyen d'améliorer la fiabilité du pronostic [6]. Pour un patient gros fumeur ayant un génotype IL-1 positif (soit 8 fois plus de risques de perte de dents), mesurer les profondeurs de poches, les mobilités et les autres paramètres traditionnels ne semblerait pas améliorer la détermination du pronostic [6].

Bien que reconnaissant l'importance d'acquérir de nouvelles connaissances sur les nombreux facteurs de risque qui peuvent entraîner la perte de dent par parodontite, nous aimerions aussi tempérer l'enthousiasme lié aux tests génétiques en pratique clinique. Ceci afin d'éviter au praticien comme au patient de sous-estimer l'importance d'un recueil plus « traditionnel » des données nécessaires au diagnostic parodontal, sous prétexte qu'un certain groupe de patients est génétiquement condamné à une catastrophe parodontale.

La pertinence clinique du test génétique IL-1 a été remise en cause pour les patients n'appartenant pas au groupe ethnique caucasien [40-42]. De plus, Greenstein et Hart [43] ont récemment indiqué la difficulté d'interprétation des résultats des tests génétiques des patients pour orienter le programme de maintenance ou la phase de traitement parodontal. Bien que la connaissance du génotype IL-1 du patient informe le clinicien sur la prédisposition génétique générale à développer une parodontite sévère, elle ne donne pas pour autant d'information valable sur le risque pour chacune des dents de cette denture.

Les séquences traditionnelles de diagnostic qui évaluent l'inflammation gingivale, les profondeurs de poches et les pertes de niveau d'attache clinique représentent toujours les bases sur lesquelles sont construits un diagnostic et un pronostic parodontal. Selon la recherche de Wilson et Nunn [44], le patient avec un génotype IL-1 positif, bien que présentant un risque plus élevé de perte de dent par maladie parodontale [6, 7], ne serait pas davantage susceptible de perdre un implant. Cependant, il existe des éléments indiquant que les gros fumeurs IL-1 positifs auraient un risque plus élevé de perte osseuse péri-implantaire [8]. Ce constat est aujourd'hui corroboré par une étude récemment publiée qui semble confirmer qu'une forte consommation de tabac et une positivité IL-1 augmenteraient le risque de perte d'implant ou de complications biologiques [45].

Même si aujourd'hui, l'utilité clinique des tests génétiques est controversée, il est néanmoins important de noter comment ces patients IL-1 positifs semblent réagir de façon exagérée à l'environnement bactérien que ce soit autour des dents ou des implants. Il semble judicieux de tenir compte, sans résignation, des données pertinentes de la littérature disponible selon lesquelles 30 % des patients [7, 45] perdent à la fois leurs dents et les implants éventuellement utilisés pour les remplacer. Cette connaissance, au contraire, renforce l'importance de l'élimination des bactéries de la cavité buccale, de la réduction de la profondeur du sondage parodontal ou péri-implantaire par des moyens chirurgicaux et du maintien de la surveillance du niveau d'hygiène orale au travers d'un suivi parodontal. Cette relation intuitive entre l'état parodontal et péri-implantaire de nos patients partiellement édentés a été récemment confirmée [10].

Pour la patiente traitée, l'importance de l'arrêt du tabac [46, 47] a été largement abordée et à notre connaissance, elle a cessé de fumer avant la fin du traitement actif. Nous avons réalisé pour ce cas une évaluation précise du pronostic de chacune des dents pour choisir des éléments capables d'assurer un support efficace à la reconstruction prothétique envisagée.

Au vu de la pathologie sévère touchant les dents maxillaires, nous avons opté pour une prothèse fixée sur implants. À la mandibule, la perte des premières prémolaires et des incisives centrales n'empêchait pas l'utilisation des dents restantes comme dents supports d'un bridge complet. Le volume d'os résiduel disponible au maxillaire après l'extraction des dents était généralement limité ; il était particulièrement réduit sous les sinus maxillaires entraînant plusieurs problèmes qui furent analysés avec la patiente ; elle refusa de subir des interventions de reconstruction osseuse importante dans le but d'augmenter la quantité d'os disponible.

Il a été récemment prouvé que l'utilisation de longueurs d'implants réduites ne modifie pas significativement les taux de survie des implants rugueux [48]. Nous avons donc sélectionné 6 implants de 10 mm (fig. 34). L'examen scanner et le guide chirurgical ont été utiles pour positionner les implants aux endroits les plus favorables d'un point de vue à la fois anatomique et biomécanique. L'analyse préchirurgicale précise est un facteur déterminant pour choisir les meilleurs sites osseux pour la mise en place des implants et les bonnes inclinaisons vestibulo-linguales et mésio-distales des implants sur le plan biomécanique. Pendant la chirurgie, l'utilisation des ostéotomes pour l'élargissement de la crête [38] et l'élévation de la membrane sinusienne [39] ont permis les augmentations osseuses localisées nécessaires en respectant le souhait de la patiente de limiter le traumatisme chirurgical. Le taux de succès pour cette augmentation osseuse localisée sous le sinus maxillaire varie selon les études. Il est cependant raisonnable d'espérer au moins un taux de succès de 90 % avec ce type d'approche [49, 50]. Le Bio-Oss®, matériau d'origine bovine, a été choisi comme matériau de comblement en raison de ses propriétés ostéo-conductrices bien documentées [51]. De plus, cela permettait de satisfaire davantage les souhaits de la patiente en minimisant le traumatisme de la procédure chirurgicale.

L'approche « parodonto-prothétique » retenue pour réhabiliter l'arcade mandibulaire représente un traitement habituel dans notre exercice et est bien étayée par la littérature disponible [12, 13, 16, 17, 33-36]. Elle revêt une signification particulière vu l'importance du contrôle de la parodontite chez les patients qui ont des implants [9].

Tous les implants ont été découverts en utilisant des lambeaux d'épaisseur partielle repositionnés apicalement, pour préserver la gencive kératinisée autour de l'émergence des piliers. La présence de tissu kératinisé augmente le confort du patient pendant les manœuvres d'hygiène orale quotidienne. Une grande attention a été portée à la conception des restaurations provisoires : au maxillaire, une prothèse supra-implantaire modifiée en un bridge provisoire fixé avec une partie gingivale en résine rose pour satisfaire les souhaits de la patiente et améliorer l'esthétique générale. Nous avons jugé essentiel d'écouter les remarques de notre patiente lors de la phase initiale du traitement pour que la reconstruction prothétique finale soit « l'idéal » recherché à la fois par la patiente et les praticiens (fig. 35).

Grâce à la technique d'empreinte avec les 2 index de positionnement, la fidélité de l'empreinte peut être vérifiée au tout début de la phase de laboratoire. Si l'empreinte est précise, le prothésiste de laboratoire peut poursuivre tout le travail et fournir au praticien la prothèse pour un essai de biscuit. Cette procédure prend un peu plus de temps lors du rendez vous de prise d'empreinte, mais ce temps est largement récupéré lors des phases ultérieures entre le cabinet et le laboratoire.

L'utilisation des 2 coulées d'armature permet au prothésiste de laboratoire de mieux répartir les masses de métal entre l'infra- et la suprastructure, et de réduire ainsi les risque de déformation de l'armature pendant la procédure de coulée. Ceci réduit le risque d'inadaptation entre la prothèse et les implants [25] (fig. 36 et 37). Des solutions techniques similaires, plus complexes et donc plus onéreuses, ont été récemment suggérées par d'autres auteurs [24].

La solution prothétique décrite présente tous les avantages des restaurations vissées sans les inconvénients des puits d'accès aux vis qui interfèrent avec la précision et l'intégrité structurale de la table occlusale. Les deux vis placées latéralement sont des moyens indirects de rétention qui facilitent énormément la dépose pour le clinicien.

Conclusion

Le cas présenté ici résume notre approche actuelle des traitements multidisciplinaires des cas cliniques complexes. Il illustre l'importance d'un diagnostic et d'un pronostic corrects et sur la nécessité d'une planification précise de toutes les étapes chirurgicales, techniques et prothétiques. Les objectifs principaux des thérapeutiques dentaires aujourd'hui restent les mêmes que ceux décrits par Amsterdam [12] : les implants ne font qu'élargir le nombre d'options thérapeutiques à disposition et ne devraient être utilisés qu'en complément des autres disciplines. En d'autres termes, retenons les leçons du passé, regardons vers le futur et écoutons nos patients !

Traduit de l'anglais par Éric Robbiani

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