Délai entre la fin de la radiothérapie et le début de la réhabilitation prothétique des patients édentés : étude rétrospective des complications - Cahiers de Prothèse n° 133 du 01/03/2006
 

Les cahiers de prothèse n° 133 du 01/03/2006

 

Revue de presse

Résumé par Caroline Floris   

Le traitement des cancers de la cavité buccale nécessite souvent l'édentation des patients. Améliorer leur qualité de vie en leur permettant de s'alimenter, de communiquer et de sourire est le rôle du chirurgien-dentiste en collaboration avec l'équipe soignante. Cependant, comment réhabiliter un patient après irradiation sans risque d'ostéoradionécrose ou de complication iatrogène ?

Il n'existe actuellement aucun consensus concernant le temps à attendre entre...


Le traitement des cancers de la cavité buccale nécessite souvent l'édentation des patients. Améliorer leur qualité de vie en leur permettant de s'alimenter, de communiquer et de sourire est le rôle du chirurgien-dentiste en collaboration avec l'équipe soignante. Cependant, comment réhabiliter un patient après irradiation sans risque d'ostéoradionécrose ou de complication iatrogène ?

Il n'existe actuellement aucun consensus concernant le temps à attendre entre l'irradiation d'un patient traité pour un cancer de la cavité orale et la réhabilitation prothétique. Il n'y a qu'une évidence : toute prothèse, même correctement réalisée, peut entraîner des lésions des tissus muqueux et osseux fragilisés.

Objectifs

Le but de cette étude est de :

- mettre en évidence les complications survenues au niveau de l'étude la sphère oro-faciale après radiothérapie, avant et après réhabilitation prothétique ;

- savoir si le temps entre la radiothérapie et la mise en place d'une prothèse a une influence sur l'apparition de complications.

Méthodologie

Les patients sont sélectionnés parmi deux CHU américains dont les protocoles de traitement (exérèse chirurgicale de la tumeur suivie d'une radiothérapie) et les praticiens sont communs. Ils sont inclus dans l'étude lorsque les données suivantes sont connues :

- sexe ;

- date de naissance ;

- historique des soins ;

- classification TNM de la tumeur ;

- localisation de la tumeur ;

- date de début d'irradiation, dose utilisée, volume de tissus irradiés ;

- procédures chirurgicales d'exérèse de la tumeur ;

- chimiothérapie éventuelle ;

- historique des soins dentaires : bilan radiographique, complications pré- et postinsertion, date de la première et de la dernière empreinte, date de mise en bouche de la prothèse.

Entre 1991 et 1999, 349 patients ont été traités pour des tumeurs de la sphère oro-faciale et réhabilités par des prothèses complètes. Aucun détail n'est donné quant à la méthode de réalisation des prothèses.

Sur les 236 dossiers qui répondaient aux critères d'inclusion dans l'étude, 46 ont été exclus (PAC réalisées avant radiothérapie, décès avant insertion des PAC, perdus de vue...)

Cette étude inclut donc 190 patients, dont 82,1 % d'hommes, totalement édentés et/ou qui le sont devenus afin d'être traités. Seuls 6,5 % n'ont aucun antécédent de tabagisme ou d'alcoolisme. Les délais observés avant mise en place des prothèses complètes s'étalent de 90 à plus de 365 jours.

Les auteurs cherchent à mettre en évidence les différents types de complications observées dans la cavité buccale et le lien entre plusieurs variables. Les corrélations sont cherchées entre :

- temps d'attente de pose de la PAC/complications pré- et postprothétiques ;

- complications avant et après insertion ;

- dose d'irradiation/complications après insertion ;

- volume de tissu irradié/complications après insertion ;

- temps entre la chirurgie et la radiothérapie/complications avant insertion ;

- temps entre la chirurgie et la radiothérapie/complications après insertion.

Ils recensent deux types de complications :

- les complications « aiguës » : stomatites infectieuses, altération du goût et de l'odorat, douleurs, inflammations, dysphagie ;

- les complications chroniques : ostéoradionécrose, caries rampantes, développement de fibroses, trismus, photosensibilité, douleurs chroniques.

Résultats

Le nombre de complications décrites dans cette étude est considérablement inférieur à celui escompté par les auteurs (50 %). La plupart des patients n'ont présenté aucune complication. Les patients ayant présenté des complications après irradiation ont été réhabilités plus tardivement.

Les auteurs ne relèvent pas de corrélation entre les complications avant et après insertion de la prothèse. La majorité des patients qui ont présenté des complications avant et après la mise en place de la prothèse ont été irradiés bilatéralement et ont été majoritairement soumis à plus de 5 000 cGy. Les patients irradiés sont 1,7 fois plus sensibles aux complications après insertion des PAC que les autres.

Le temps d'attente entre les traitements chirurgicaux et par radiothérapie n'a pas d'influence sur les complications orales avant ou après insertion des PAC.

Au total, 92 % des patients ont été appareillés après 91 jours et 60 % après 181 jours.

Il n'y a pas de différence significative du nombre de complications observées en fonction du délai de mise en place des prothèses.

Les auteurs ne mettent donc pas en évidence de corrélation entre la survenue de complications et le délai d'attente avant la pose de la prothèse.

Discussion

Bien que les différences ne soient jamais significatives (certainement en raison de la taille de l'échantillon), on peut retenir comme facteurs influençant l'augmentation du délai nécessaire avant le début du traitement prothétique : une irradiation bilatérale (atteinte d'au moins 4 des glandes salivaires), une irradiation de plus de 5 000 cGy et la présence de complications avant traitement prothétique.

On retient aussi de cette étude qu'une étroite collaboration avec l'équipe médicale est essentielle afin de déterminer au mieux le délai d'attente afin de réhabiliter les fonctions orales de nos patients sans leur faire prendre le risque de lourdes complications.