Prescrire en odontologie - Cahiers de Prothèse n° 133 du 01/03/2006
 

Les cahiers de prothèse n° 133 du 01/03/2006

 

Bibliographie

Charles-Daniel Arreto  

Aborder le thème de la prescription reste toujours une gageure qui nécessite de doser savamment le cliniquement utile, l'oeuvre de César, et le scientifiquement correct, l'oeuvre de Dieu : Michel Sixou dans son ouvrage « Prescrire en odontologie » se propose de relever ce défi.

Épistémologiquement, il est délicat d'accorder à la prescription une filiation unique tant la thérapeutique que la pharmacologie clinique peuvent en revendiquer la paternité....


Aborder le thème de la prescription reste toujours une gageure qui nécessite de doser savamment le cliniquement utile, l'oeuvre de César, et le scientifiquement correct, l'oeuvre de Dieu : Michel Sixou dans son ouvrage « Prescrire en odontologie » se propose de relever ce défi.

Épistémologiquement, il est délicat d'accorder à la prescription une filiation unique tant la thérapeutique que la pharmacologie clinique peuvent en revendiquer la paternité. Aussi, pour éviter de ranimer la querelle des deux glaives, il convient de rendre à César ce qui lui appartient sans pour autant dépouiller Dieu.

Relevant de l'oeuvre de Dieu, celui de la pharmacologie clinique, elle est le parent pauvre de cet exercice difficile, car à aucun moment le terme de pharmacologie n'est prononcé ! Humilité raisonnable ou volonté délibérée d'éluder la « quasi-pauci-présence » de la pharmacologie en odontologie ? Il est vrai que les auteurs ne peuvent se revendiquer du domaine, mais se sont prémunis d'éventuels effets collatéraux en faisant appel à des thérapeutes de la trempe de Carlos Madrid et de Nabil Lakhassassi..., mais la pharmacologie clinique n'y retrouve pas nécessairement ses petits ! À titre d'exemple, dans le chapitre sur les antibiotiques, dans lequel les noms cités précédemment ne sont certes pas impliqués, les critères pharmacocinétiques évoqués (absorption, demi-vie, élimination cf. page 4) ne sont pas ceux reconnus par les hommes de l'art (absorption, distribution, biotransformations, élimination). Il existe une récidive persistante à confondre la pharmacodynamique (mode d'action des médicaments) avec la pharmacocinétique (devenir du médicament dans l'organisme) (cf. pages 7-8).

Par ailleurs, un chapitre concernant la pharmaco-économie aurait trouvé sa place dans cet ouvrage. En partant des définitions de la dénomination commerciale (DC) et de la dénomination commune internationale (DCI), le lecteur, en qualité de prescripteur, aurait bénéficié d'un éclairage sur l'intérêt de la prescription des génériques.

Relevant de l'oeuvre de César, celui de la thérapeutique, l'objectif pédagogique est atteint. Les notions de thérapeutique abordées sont denses et bien mises en valeur en abordant les différentes classes pharmaco-thérapeutiques de médicaments utilisés en odontologie. Pour chacune de ces classes, les critères et/ou les règles de prescription sont développés de façon ouverte et concise ne laissant que peu d'indécision au lecteur/prescripteur. De plus, les nombreux tableaux récapitulatifs situés en fin d'ouvrage devraient permettre au prescripteur une rédaction aisée des ordonnances. Les exemples d'ordonnances viennent renforcer l'idée que la prescription n'est pas un défi relevant du marketing, mais bien une coordination de critères rationnels fondés sur la preuve provenant soit de la thérapeutique, soit de la pharmacologie clinique.

Enfin, la qualité appréciable de l'ouvrage repose sur la richesse de l'iconographie. Les auteurs ont su ainsi rendre une discipline aride et souvent peu attrayante en une discipline dynamique et rythmée digne du gai savoir nietzschéen.

« Sans la possibilité de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur » et si certains ont rêvé d'écrire cet ouvrage : Michel Sixou l'a fait... et bien fait ! Aussi, en guise d'encouragement, et puisque les auteurs du livre et de la préface invoquent de concert les notions relatives à l'éthique, il serait fort indélicat de ne pas évoquer l'impossible perfection à travers la dernière phrase figurant dans l'Éthique de Spinoza, le prince des philosophes selon Deleuze : « Ce qui est beau est rare et difficile »...

Mesdames et messieurs, mettez-vous à vos tablettes, vous n'êtes pas loin d'avoir relevé le défi : la médicalisation de l'odontologie progresse !

Articles de la même rubrique d'un même numéro