Nous avons un métier formidable... ... à préserver ! - Cahiers de Prothèse n° 134 du 01/06/2006
 

Les cahiers de prothèse n° 134 du 01/06/2006

 

éditorial

éric robbiani  

rédacteur en chef adjoint

Un an après la victoire du « non » au référendum, après les émeutes des banlieues fin 2005, puis le rejet du CPE en 2006, la France est morose et siffle son équipe de foot. Selon François de Closets (1), « Le chômage, la précarité, les dettes à rembourser, les retraites à payer, les soins à assurer, c'est l'héritage que les papy-boomers transmettent à leurs enfants. »

Les chirurgiens-dentistes n'échappent pas à cet état d'esprit général.

Les...


Un an après la victoire du « non » au référendum, après les émeutes des banlieues fin 2005, puis le rejet du CPE en 2006, la France est morose et siffle son équipe de foot. Selon François de Closets (1), « Le chômage, la précarité, les dettes à rembourser, les retraites à payer, les soins à assurer, c'est l'héritage que les papy-boomers transmettent à leurs enfants. »

Les chirurgiens-dentistes n'échappent pas à cet état d'esprit général.

Les praticiens libéraux (nombreux) qui partent à la retraite sans pouvoir céder leur cabinet, à cause d'un déséquilibre démographique qui n'a pas été anticipé, le savent.

Il en est de même pour ceux qui vont partir dans quelque temps, sans avoir la certitude que le régime ASV sera encore vivant.

Les jeunes confrères qui vont devoir assumer la retraite de leurs aînés dans des ratios jamais vus auparavant vont vite s'en apercevoir.

Tous les libéraux en activité pour lesquels les bases de calcul de leurs cotisations URSSAF ont changé avec l'instauration de cotisations assises sur les actes HN et ED en prennent conscience. Tous les praticiens qui pratiquent des honoraires supérieurs aux tarifs conventionnels verront leurs cotisations augmenter. Bien sûr, certains soins ont été revalorisés. Mais ne doit-on proposer à nos patients que des traitements dans le cadre d'une nomenclature qui n'a pas suivi l'évolution des techniques ?

Ceux qui changent ou modifient leur installation radiologique et se trouvent confrontés à la nouvelle réglementation en vigueur le savent aussi. Les contrôles annuels des installations électriques et radiologiques par un organisme agréé, la nécessité de formation individuelle du praticien à la radioprotection des patients, la désignation d'une « personne compétente en radioprotection » (PCR) par établissement sont des contraintes supplémentaires.

L'augmentation permanente des contraintes techniques (stérilisation, traçabilité...) et administratives (CMU, carte Vitale...) complique notre exercice et donne l'impression aux libéraux que nous sommes que notre aire de liberté se réduit.

La formation continue est une obligation morale pour suivre l'évolution des techniques, des matériaux et des réglementations (!) ; elle pourrait, prochainement, devenir une obligation tout court.

Cette liste n'est pas exhaustive et chaque confrère a sûrement un grief supplémentaire à formuler.

Récemment, une demi-journée d'information destinée aux étudiants de 6e année a été organisée à la faculté de chirurgie dentaire de Paris 5-Montrouge. Les étudiants ont pu écouter différents intervenants qui leur ont relaté leur expérience professionnelle.

Les domaines traités, aussi variés que la santé publique, l'accès aux soins buccodentaires des patients aux besoins spécifiques, la formation continue, les alternatives à l'exercice individuel, les critères de choix du lieu d'installation et de l'aménagement du cabinet leur ont donné des éléments d'ouverture sur un monde qu'ils vont découvrir dans quelques mois.

J'ai écouté les intervenants impliqués dans les soins aux patients aux besoins spécifiques. J'ai entendu des confrères motivés par leur activité de soignant, qui adorent leur métier et qui font partager leur passion. Et pourtant les problèmes sont légion et les moyens consacrés à la prise en charge de ces patients (handicapés, personnes âgées dépendantes...) sont encore trop faibles. On envisage facilement de dépister précocement une maladie d'Alzheimer chez tous les patients de plus de 70 ans, alors que l'on ne dispose d'aucun traitement curatif, mais l'on ne met pas de réels moyens sur la prévention buccodentaire.

D'autres praticiens, tous aussi motivés, sont venus parler de leurs engagements humanitaires, que ce soit dans l'Aide odontologique internationale, la mission buccodentaire de Créteil ou le Bucco-Bus et l'UFSBD.

Sur le thème des alternatives à l'exercice libéral individuel, un praticien salarié des Mutuelles de France, un praticien hospitalier et un praticien exerçant en groupe ont détaillé avec passion ce qui rendait leur propre exercice agréable. Les points de vue étaient, bien entendu, différents, mais chacun trouvait dans son mode d'exercice de nombreuses satisfactions.

À la fin de cette après-midi, je me disais que nous avons tous un métier formidable, qui nous laisse la possibilité théorique de choisir notre mode d'exercice, notre lieu d'installation, la façon d'aménager notre local, de choisir nos collaborateurs au sens large.

Je pense que l'attrait de notre métier, l'envie que l'on a de retrouver nos patients chaque matin dépendent aussi beaucoup de nous. Nous devons rendre notre cabinet attrayant, agréable et rassurant pour nos patients. Nous devons nous donner les moyens de nous former, d'évoluer avec les améliorations techniques que connaît notre profession. Ces remises en question, même si elles sont difficiles, consommatrices de temps et d'énergie, sont toujours gratifiantes. Il s'agit là d'une démarche individuelle.

Mais, je ne suis pas pour autant un optimiste béat. Nous ne devons pas tout accepter sous prétexte que nous avons un métier agréable, générateur de revenus confortables. Il faut veiller, et il s'agit là nécessairement d'une démarche collective, syndicale, ordinale ou associative, à ce que les contraintes imposées ne l'emportent jamais sur les satisfactions quotidiennes que nous avons à soigner nos patients.

Les Éditions CdP ont le plaisir de vous présenter, avec ce numéro, son hors-série annuel qui porte, cette année, sur l'orthodontie. Vous trouverez également joint à ce numéro le CD-Rom d'archivages 1998-2005 des Cahiers de prothèse. Nous espérons que ces deux produits compléteront utilement vos besoins en informations et restons à l'écoute de vos remarques.