Réhabilitation prothétique globale - Cahiers de Prothèse n° 134 du 01/06/2006
 

Les cahiers de prothèse n° 134 du 01/06/2006

 

Prothèse fixée

Maxime Helfer -*   Jean-Paul Louis -**  


*Assistant hospitalo-universitaire
**Professeur des Universités-Praticien hospitalier

Résumé

C'est le recueil exhaustif des souhaits du patient, de l'observation clinique et des examens complémentaires qui guide le choix thérapeutique. La solution technique la mieux adaptée au cas est alors choisie pour aboutir au plan de traitement ; celui-ci définit pas à pas toutes les étapes cliniques et de laboratoire pour la réalisation de la restauration prothétique.

Summary

Global prosthetic restoration: therapeutical choices and steps

What guides our therapeutic choice is the complete collection of the patient's wishes, the clinical observation, and further examination. We then choose the most appropriate technical solution for the clinical case, which leads to the treatment plan. This plan lays out all the clinical and laboratory steps which lead to the final denture of the patient.

Key words

therapeutic protocol, tooth-implant-supported-fixed partial, treatment plan.

Il est primordial de bien comprendre les attentes et les motivations des patients pour répondre avec efficacité à leurs souhaits et gagner le « défi thérapeutique ». Pour réussir, il est indispensable d'établir, à partir de l'entretien et des examens sur le patient, un diagnostic aussi juste que précis, d'analyser les différentes options thérapeutiques et, selon toute logique, de proposer la solution la mieux adaptée à la situation clinique présente.

De ces étapes d'investigation et de réflexion découle un plan de traitement et de maintenance, sans oublier d'autres paramètres essentiels que le patient doit connaître : le pronostic, les éventuels risques d'échecs et les difficultés de la réalisation prothétique. L'implication personnelle de l'intéressé est indispensable, car il doit participer avec l'équipe soignante (praticien et prothésiste) au défi engagé. C'est là, tout le rôle de l'information éclairée et de la motivation.

Cet article permet de suivre cette démarche appliquée à un cas clinique nécessitant une réhabilitation pratiquement complète, intégrant la fonction et l'esthétique. Les différentes solutions sont décrites pour aboutir à une décision thérapeutique. Dans le cadre du plan de traitement retenu, les séquences de réalisation sont ensuite présentées temps par temps.

Présentation du cas

Un patient de 55 ans consulte pour réaliser un bilan dentaire complet et entreprendre une réhabilitation globale. Il souhaite abandonner la prothèse partielle amovible qu'il porte (motivation fonctionnelle) et recouvrer un sourire plus harmonieux, plus en accord avec l'image qu'il espère donner. Cette motivation d'ordre esthétique, implicitement formulée, apparaît très rapidement au cours des entretiens. Le patient est très motivé et prêt à accepter le temps et les contraintes d'un traitement de longue durée.

Anamnèse

L'interrogatoire du patient indique un bon état de santé générale en dépit de l'existence d'une hypertension artérielle traitée (Avlocardyl®, ICI Pharma). L'historique dentaire remonte à l'enfance, avec de nombreuses séances de soins généralement motivées par la douleur et réalisées souvent dans l'urgence. Jusqu'à présent, le patient n'a pas pris conscience de l'obligation d'une approche globale pour bâtir un vrai bilan de la situation. Les restaurations originelles sont le reflet de cette dentisterie « patchwork ».

Examens cliniques

Examen exobuccal

L'examen général de la face montre 3 étages de hauteur sensiblement identique. Le nez, légèrement dévié vers la droite, produit une discrète asymétrie (fig. 1). Le profil montre un léger affaissement des commissures des lèvres (fig. 2). L'examen local révèle une perlèche récidivante et un sourire qui découvre peu les incisives maxillaires et légèrement plus les incisives mandibulaires (fig. 3).

Les articulations temporo-mandibulaires ne présentent aucune pathologie musculaire ou articulaire (absence de craquements, de douleurs, ou de déviation à l'ouverture ou la fermeture). Les trajets mandibulaires d'ouverture/fermeture, de propulsion ou de diduction sont amples.

Examen endobuccal

L'hygiène buccodentaire est insuffisante. Les tissus gingivaux présentent tous les signes caractéristiques d'une gingivite inflammatoire chronique : couleur rouge vif, aspect vernissé et disparition du piqueté gingival. Un sondage parodontal ne révèle pas de poches et les dépôts de tartre sont modérés. La mobilité des dents est jugée physiologique. La gencive attachée est présente en quantité satisfaisante au maxillaire comme à la mandibule.

L'arcade maxillaire présente une muqueuse palatine très inflammatoire qui suit l'exact dessin de la prothèse partielle à infrastructure métallique, signe d'une stomatite prothétique (fig. 4). On note la présence d'édentement de classe III subdivision 2 de Kennedy avec, en particulier, l'absence des 4 incisives.

Autres constats :

- les dents 14, 25 et 27 sont obturées par des amalgames ;

- 24 et 17 supportent des couronnes coulées anciennes ;

- 13 et 23 sont obturées par des résines composites de volume modéré et présentent une abrasion sévère de leur pointe cuspidienne ;

- les dents de sagesse sont absentes ;

- toutes les dents sont correctement situées sur l'arcade, pas de rotation ou de version à noter.

À l'arcade mandibulaire (fig. 5) :

- toutes les dents sont présentes à l'exception des dents de sagesse ;

- les 4 molaires portent des obturations à l'amalgame de volume important ;

- 45 supporte une couronne coulée ;

- 44 présente une obturation distale en matériau composite ;

- 41 est dépulpée (colorée en brun) et comporte un composite disto-lingual ;

- les incisives et les canines ainsi que 34 et 35 sont saines.

On note un encombrement des 6 dents antérieures avec version vestibulaire de 41 et version linguale de 32.

La gencive attachée au niveau de 32 est en quantité importante, à la fois en épaisseur et en hauteur ; le collet clinique de cette dent se trouve ainsi plus coronaire que celui des dents adjacentes.

L'examen des arcades en occlusion d'intercuspidie maximale (OIM) effectué avec et sans la prothèse partielle montre de face (fig. 6) un alignement des milieux interincisifs, un surplomb et un recouvrement corrects. En vues latérales (fig. 7 et 8), les rapports dentaires sont de classe I d'Angle à droite et à gauche. Les hauteurs coronaires des prémolaires et molaires sont limitées par l'abrasion des surfaces occlusales.

La prothèse amovible examinée (fig. 9), à l'exception du non-remplacement de la 26, est jugée correcte et répond aux principaux critères de qualité d'une PAPM.

Examens complémentaires

Examens radiographiques

La radiographie panoramique (fig. 10) met en évidence un volume osseux globalement satisfaisant, des rapports couronne/racine cliniques favorables, l'absence d'image infectieuse péri-apicale, la présence de caries sur les dents 44, 45, 46 et 47 ; 17, dépulpée, est restaurée par une couronne ancrée sur un inlay-core ; 25 est également dépulpée.

Le bilan rétro-alvéolaire RVG® (Kodak) affine les renseignements donnés par la radiographie panoramique.

La 24 dépulpée est à retraiter et 47, atteinte d'une pulpite, a dû être dépulpée en urgence.

Analyse occlusale

Les moulages d'étude sont coulés en plâtre extra-dur, puis transférés sur articulateur semi-adaptable de seconde génération SAM 2 (fig. 11 et 12) à l'aide d'un arc facial de localisation arbitraire et d'une cire de relation centrée (technique de Dawson) (fig. 13a). L'articulateur est programmé par technique simplifiée en utilisant deux cires de diduction (fig. 13b) (check-bite).

L'analyse occlusale sur articulateur apporte ou confirme les informations suivantes :

- rapport interarcades de classe I d'Angle ;

- répartition correcte de l'ensemble des points sur l'arcade en OIM ainsi qu'en RC ;

- faible décalage entre l'OIM du patient et la relation centrée (uniquement sagittal et très limité) ;

- fonctions canines droite et gauche malgré l'usure importante des pointes ;

- pas d'interférences du côté non travaillant en diduction.

Diagnostic

Le recueil des données de l'interrogatoire, des différents examens cliniques et complémentaires met en évidence des édentements encastrés au maxillaire, liés à la négligence (absence de prévention) et une hygiène nettement insuffisante. L'arcade mandibulaire ne présente aucun édentement, mais de nombreuses restaurations dans les secteurs postérieurs.

Objectifs du traitement

Le rétablissement des fonctions masticatoires, phonétiques et esthétiques est primordial. L'examen clinique, conforté par l'analyse des moulages sur articulateur, incite à augmenter la dimension verticale d'occlusion (DVO) du patient. Cette décision est dictée par plusieurs raisons :

- le critère esthétique requiert une légère augmentation (sans incidence sur l'équilibre général des différents étages de la face) ;

- la présence de perlèche est souvent une conséquence de DVO insuffisante ;

- enfin, la hauteur coronaire des dents postérieures pose un problème technique pour la prothèse fixée (hauteur insuffisante des piliers pour la rétention).

Une augmentation de la DVO est simulée à l'aide de cales en résine (Pattern Resin®, GC) introduites entre les arcades pour un test esthétique immédiat. Un test plus probant sera réalisé à l'aide des restaurations transitoires inscrites dans le schéma occlusal retenu.

Une simulation du futur projet prothétique est réalisée par un wax-up et un montage de dents du commerce évidées (coquilles) (fig. 14).

Solutions thérapeutiques

Ce problème clinique peut être résolu, tant au maxillaire qu'à la mandibule, par différentes solutions thérapeutiques, qu'il convient d'expliciter avant de prendre une décision circonstanciée.

À l'arcade maxillaire

Le choix du type de restaurations à l'arcade maxillaire est large :

Une prothèse amovible partielle associée à des couronnes constitue une solution offrant un bon pronostic. Elle peut se concevoir « simplement » avec des couronnes présentant une morphologie adaptée à la réception des taquets occlusaux, des crochets (situation de la ligne guide, des plans de guidage et d'une surface de calage).

Une prothèse plus élaborée techniquement peut également être envisagée : couronnes fraisées selon l'axe d'insertion avec attachements de précision.

• Des restaurations unitaires fixées sur toutes les dents restantes, puisqu'on augmente la DVO, associées à des restaurations implantaires indépendantes. Ce choix paraît séduisant sur le plan intellectuel grâce à la possibilité de ré-intervention dans le futur, mais il est dépendant des situations anatomiques (volume osseux) et des contraintes imposées au patient (durée du traitement, coût). La gestion de l'esthétique au niveau des incisives peut s'avérer délicate.

• Des prothèses fixées plurales : un bridge de 4 éléments de 14 à 17 (incertain sur le plan biomécanique, avec 2 intermédiaires), un bridge de 13 à 23 (également risqué compte tenu du « porte-à-faux antérieur » constitué par les 4 incisives prothétiques) et un troisième pont de 24 à 27 avec 3 piliers (réalisation nettement plus sécurisante quant à la pérennité)

• Une prothèse fixée plurale de grande étendue monobloc (14 éléments) pour répartir les forces occlusales sur l'ensemble des piliers présents. La répartition des dents restantes est favorable à ce type de restauration, sauf peut-être au niveau du premier quadrant : la 14 est une dent fragile, avec 2 racines frêles, qui doit supporter avec la 17 le remplacement de 15 et 16. Il s'agit donc d'une situation limite compte tenu des édentements et des piliers présents.

• Une prothèse fixée plurale de grande étendue monobloc (14 éléments) avec un implant au niveau de 15 permettant de limiter les charges occlusales sur 17 et surtout sur 14. Sur le plan biomécanique, cette solution est particulièrement attrayante : les piliers, donc les rétentions et les charges occlusales, sont répartis, de manière symétrique. Le pronostic devient alors plus favorable qu'en l'absence de l'implant [1,2] (fig. 15).

À l'arcade mandibulaire

Les molaires droites et gauches sont fortement délabrées avec des obturations proches de la pulpe pour certaines : 47 a dû être dépulpée ; 44 et 45 devront l'être également.

Pour le secteur antérieur, le traitement du chevauchement des incisives peut être résolu de plusieurs manières :

traitement d'orthodontie avec conservation des 4 incisives : c'est le traitement le moins invasif, mais il nécessite une certaine durée et exige la réalisation impérative d'une contention collée sur la face linguale des incisives et canines mandibulaires. De plus, cette thérapie ne règle pas le problème de la couleur grisâtre de 41 dépulpée et du manque d'alignement des bords libres. Enfin, si on élargit l'arcade mandibulaire au niveau canin il faut, sans aucun doute, faire de même au maxillaire ;

traitement d'orthodontie après extraction de 41 : l'avulsion de cette dernière permet de résoudre le problème de l'encombrement, de s'affranchir de la couleur disharmonieuse de cette dent et ne porte pas atteinte à l'harmonie du sourire (la présence de seulement trois incisives mandibulaires ne compromet pas le résultat esthétique). On doit également réaliser une contention collée en fin de traitement pour éviter toute récidive. Cette solution ne reconstitue pas la morphologie des canines mandibulaires (abrasion de la pointe), ni celle des incisives (bords libres abrasés, non alignés) ;

• le collage de facettes en céramique sur les 6 dents antérieures apparaît comme une solution séduisante car la vitalité des dents (à l'exception de 41) peut être conservée tout en corrigeant leur forme et leur couleur. Il s'agit d'un traitement relativement conservateur. Mais en réalité, le chevauchement important des dents complique la réalisation technique de ces éléments collés (préparations, empreinte et collage). De plus, la largeur des dents reconstituées risque d'être nettement inférieure avec un résultat esthétique discutable. La 32, linguoversée, serait très épaisse après le collage d'une facette vestibulaire. Enfin, la version vestibulaire de 41 impose la mise en place d'une couronne sur cette dent ;

réalisation de préparations périphériques globales et couronnes céramo-métalliques sur les dents antérieures : c'est la solution la plus délabrante (nécessité de dépulper les 6 dents et de concevoir des préparations périphériques importantes). Cependant, elle permet d'atteindre tous les objectifs de traitement pour le bloc antérieur : restauration de la forme des dents, de la couleur, de l'occlusion grâce à un guidage antérieur et canin efficace. En revanche, le chevauchement complique la réalisation des préparations et de l'empreinte (proximités radiculaires).

Les dents 34 et 35, « examinées » indépendamment, ne nécessitent pas de restauration particulière puisqu'elles sont saines. Cependant, à cause de l'augmentation de DVO, il faut entreprendre une reconstitution de ces dents pour les intégrer au nouveau plan occlusal.

Décision

À l'arcade maxillaire

Le souhait du patient d'abandonner sa prothèse amovible oriente vers la prothèse exclusivement fixée. Les solutions de prothèse composite simple ou plus sophistiquée sont donc écartées.

La répartition des piliers au maxillaire globalement régulière et leur nombre sont favorables à la réalisation d'un bridge scellé, avec toutefois une réserve au niveau de 14. On décide alors, le volume osseux le permettant, de poser un implant en position de 15. Cela permet de mieux répartir les piliers du futur bridge et de limiter sa portée entre 14 et 17.

L'analyse de la littérature et la pratique clinique ne permettent pas de mettre en évidence de façon significative une contre-indication à la construction de prothèses associant un scellement sur dents naturelles et sur piliers implantaires dans un contexte occlusal équilibré [2, 3, 4, 5, 6et 7].

La pose d'autres implants, en particulier au niveau antérieur, a été évoquée pour permettre de limiter le porte-à-faux antérieur du bridge [7,8]. Le souhait du patient de restreindre les interventions chirurgicales et la gestion esthétique compliquée par la présence d'implants au niveau des incisives sur un secteur édenté depuis longtemps conduisent à rejeter cette solution.

Un bridge en 3 parties présente des faiblesses sur le plan biomécanique, c'est pourquoi il a été jugé préférable de réaliser un bridge complet, monobloc, de 14 éléments avec appuis mixtes dentaires et implantaire (au niveau de 15).

À l'arcade mandibulaire

Pour répartir l'augmentation de dimension verticale entre les deux arcades, l'ensemble des dents mandibulaires doit être intéressé par la restauration.

L'encombrement antérieur conduit à des difficultés techniques et esthétiques évoquées précédemment. Le recours à une solution orthodontique, pour corriger cet encombrement (et éventuellement extraire la 41), a été envisagé. La durée du traitement ainsi que sa mise en oeuvre rebutent le patient qui refuse cette solution et accepte le compromis esthétique proposé par la maquette en cire (alignement corrigé des dents et des bords libres).

Le collage de restaurations adhésives partielles en céramique est compliqué compte tenu de l'encombrement et des axes divergents des dents.

Il a été décidé de réaliser des couronnes de 33 à 43 après un traitement endodontique imposé par les corrections importantes d'axe (particulièrement pour 41 et 32) ; la volonté d'éviter toute récidive de chevauchement incite à solidariser les éléments : la solution retenue est de réaliser 6 couronnes céramo-métalliques solidarisées.

Le secteur 4, présentant des restaurations importantes, sera traité par des couronnes également scellées sur dents dépulpées : couronnes céramo-métalliques solidarisées sur 44 et 45, et couronnes coulées solidarisées sur 46 et 47 en alliage précieux. Le choix de cet alliage (or palladié) est justifié par une meilleure intégration biologique des métaux nobles (relargage ionique moindre) et la grande souplesse d'utilisation pour le laboratoire.

Les couronnes sont solidarisées deux à deux pour éviter les problèmes de point de contact.

Pour le secteur 3, les choix s'orientent en faveur d'onlays scellés sur 36 et 37 pour conserver les dents pulpées et de composites occlusaux sur 34 et 35 (dents saines) en technique directe pour les intégrer dans le schéma occlusal défini.

Schéma occlusal

La solution prothétique retenue faisant appel à une technique fixée, le guidage antérieur sera pris en charge par le groupe incisivo-canin. En diduction droite et gauche, des fonctions canines seront établies en veillant à ne pas créer d'interférences occlusales du côté non travaillant [9].

Plan de traitement final : étapes de réalisation

Le patient a été dûment informé de ces propositions thérapeutiques et avisé des risques et du coût. Il accepte, en connaissance de cause, le traitement proposé.

Traitements d'urgence

Certains traitements, de par leur caractère d'urgence, sont réalisés avant même la fin de l'étape d'analyse du cas :

- traitement endodontique de 47 ;

- couronne provisoire sur 24 (ancienne couronne descellée et inadaptée).

Étapes préprothétiques

Étape 1

- Motivation à l'hygiène, apprentissage des techniques de contrôle de plaque.

- Détartrage supra- et sous-gingival.

Étape 2

- Traitements endodontiques des : 47, 46, 45, 44, 43, 42, 31, 32, 33, 14, 13, 23, 27.

- Retraitements canalaires sur 24, 25, 41.

Étape 3

- Dépose des restaurations existantes (couronnes et obturations).

Étapes prothétiques

Étape 1

Elle consiste en la réalisation de bridges transitoires au laboratoire pour permettre de tester, durant la phase préprothétique, la nouvelle DVO, le schéma occlusal, l'esthétique (forme, couleur) et la fonction (en particulier la phonation). Ces derniers sont en résine renforcée par fibres de kevlar (Pyra®) et reproduisent les maquettes réalisées sur articulateur (fig. 16a et b). Pour respecter le souhait du patient, la couleur choisie est volontairement peu saturée (A1 Vita®, Vita Zahnfabrik).

Toutes les préparations sont réalisées et les prothèses transitoires mises en place au cours d'une même séance :

- bridge complet au maxillaire ;

- bridge antérieur mandibulaire de 6 éléments ;

- couronnes provisoires sur 44, 45, 46, 47 ;

- restauration à l'aide de résine composite en technique directe de 34 et 35 d'après le montage directeur en utilisant une gouttière thermoformée (réalisée sur une réplique en plâtre de ce montage) ;

- 36 et 37 reçoivent des restaurations provisoires réalisées en résine composite (Synergie®, Coltène Whaledent) également selon le nouveau schéma choisi à l'aide de la gouttière transparente.

Étape 2

Pour les dents postérieures (14, 24, 25, 27, 44, 45, 46 et 47), les inlay-cores sont réalisés en méthode indirecte. La prise d'empreintes des logements canalaires est effectuée à l'aide de polyéthers (Impregum®, 3M Espe) en technique monophase. Le laboratoire réalise les inlay-cores anatomiques coulés en alliage précieux.

Les dents antérieures reçoivent des restaurations corono-radiculaires foulées (composites et tenons en titane). Cette technique est permise par la perte de substance réduite, le nombre de parois résiduelles et la situation supragingivale du joint. Il en est de même pour les canines maxillaires, la perte de substance étant limitée aux cavités d'accès.

Les restaurations transitoires sont rebasées (résine Unifast®, GC) et rescellées avec un ciment temporaire (Freegénol Temporary Pack®, GC).

Étape 3

Pose d'un implant Brånemark MK 3 Ti Unite® (Nobel Biocare) : l'implant de 11,5 mm de longueur et de diamètre RP (3,75 mm) est mis en place avec recours à l'utilisation d'ostéotomes. Le lambeau est suturé de manière hermétique pour une technique en deux temps chirurgicaux.

36 et 37 sont préparées pour recevoir des restaurations partielles coulées à recouvrement cuspidien (onlays). Ce type de préparation impose le respect de certaines règles : la ligne de finition ne doit pas se situer à l'aplomb d'un point d'occlusion : l'angle cavo-superficiel est chanfreiné et les limites de la restauration sont choisies supra-gingivales et accessibles au brossage dans la mesure du possible. Une empreinte en technique monophase (Impregum®, 3M Espe) est réalisée.

Étape 4

- Scellement des onlays coulés en alliage précieux au CVImar (Fuji Plus®, GC) sur 36 et 37.

- Empreinte des préparations de 33 à 47 en technique double mélange aux polyéthers (Permadyne® bleue, 3M Espe et Impregum®, 3M Espe).

- Empreinte de l'arcade maxillaire à l'alginate (bridge transitoire en place) et enregistrement des rapports maxillo-mandibulaires. Le maître moulage est préparé et les MPU sont réalisés (fig. 17).

Les armatures sont préparées en cire à modeler et coulées en alliage précieux (fig. 18).

Étape 5

- Essayage de l'armature des couronnes céramo-métalliques 33 à 43, 44 et 45 et des couronnes coulées sur 46 et 47 avec recours à un silicone light (Fit Checker®, GC) afin de contrôler l'adaptation des intrados, l'ajustage cervical et l'absence de bascule.

- Choix de la couleur et de la forme en accord avec les souhaits du patient. On utilise les techniques traditionnelles (prise de teinte en lumière naturelle avec teintier du commerce et carte de forme), confrontées aux indications apportées par les restaurations transitoires. Le patient est invité à s'exprimer sur la forme, l'agencement des dents, la couleur et les caractérisations éventuelles des bridges transitoires. L'empreinte de ces bridges en bouche permet de transmettre au prothésiste le maximum d'informations.

Les armatures sont adressées au laboratoire pour la réalisation de la céramique.

Étape 6

- Essayage du biscuit, validation de la couleur, de la forme et de la phonation. L'occlusion est réglée par rapport à la restauration transitoire maxillaire et lors des mouvements fonctionnels.

L'ensemble est adressé au laboratoire pour la finition : polissage mécanique et glaçage de la céramique.

Étape 7

• Scellement des couronnes permanentes mandibulaires au CVImar (Fuji Plus®, GC) :

- 46 et 47 couronnes coulées métalliques ;

- couronnes céramo-métalliques sur 44 et 45 ;

- couronnes céramo-métalliques de 33 à 43 (6 éléments solidarisés pour éviter toute récidive de chevauchement).

• Réfection des composites sur 34 et 35 en technique directe.

Étape 8

- Empreinte à l'alginate du maxillaire pour faire réaliser un PEI ajouré au niveau de 15.

- Mise en fonction de l'implant en position 15 en effectuant un lambeau déplacé apicalement pour recréer de la gencive attachée (6 semaines après la pose de l'implant). Ce délai est rendu possible par l'utilisation d'un implant à l'état de surface rugueux et sa situation dans un ensemble rigide.

Étape 9

15 jours plus tard, empreinte des préparations au maxillaire :

- les prothèses transitoires sont déposées, puis nettoyées ;

- un transfert d'empreinte est vissé sur l'implant (technique pick-up) ;

- la déflexion gingivale est assurée à l'aide d'un cordonnet (Ultrapack® 00, Ultradent/Bisico) et d'Expasyl® (Laboratoire Pierre-Rolland-Satelec) ;

- l'empreinte est prise en double mélange aux polyéthers (Permadyne® bleue et Impregum®, 3M Espe) ;

- le transfert est dévissé, l'empreinte désinsérée.

Après contrôle de l'empreinte, la réplique d'implant est vissée dans le transfert en prenant soin de tenir celui-ci avec une pince.

Des clés occlusales en résine chémopolymérisable (Duralay®, Reliance) sont ensuite fabriquées.

Un arc facial (de localisation arbitraire) est utilisé.

L'empreinte est décontaminée et adressée au laboratoire pour la réalisation du pilier implantaire. On choisit d'utiliser un pilier en titane qui assure le prolongement de l'implant avec un même alliage. Ce pilier est personnalisé pour définir précisément la ligne de finition prothétique et suivre le contour du parodonte marginal.

Après coulée du maître moulage, les MPU sont aménagés (fig. 19) et la maquette en cire du pilier est confectionnée. Elle est ensuite scannée par le scanner Procera® (Nobel Biocare) et les données sont adressées par modem en Suède où le pilier est usiné par fraiseuse numérique (fig. 20).

Étape 10

- Essayage du pilier implantaire en titane.

- Contrôle des rapports maxillo-mandibulaires enregistrés à l'étape précédente.

Le maître moulage est adressé à nouveau au laboratoire pour la réalisation de l'armature.

Étape 11

L'armature est modelée par céraplastie en 3 parties : 17 à 14, 13 à 23 et 24 à 27. Elle est coulée en alliage précieux.

Étape 12

L'armature est essayée, contrôlée à l'aide de Fit Checker® de GC (fig. 21) ; l'occlusion est une nouvelle fois validée grâce à des clés de contrôle (fig. 22). On vérifie l'insertion passive de l'armature [10]. Elle est adressée au laboratoire pour la partie cosmétique du travail.

Le céramiste peut alors monter la céramique (Création, Willi Geller) après application d'une couche d'opaque. Il utilise des clés de référence établies d'après la restauration transitoire. La table incisive de l'articulateur est personnalisée grâce à de la résine modelée par la tige incisive lors des trajets de propulsion et de diduction (cette manipulation est effectuée avec le modèle maxillaire du bridge transitoire face à l'arcade mandibulaire restaurée).

Étape 13

Le pont céramo-métallique est essayé au stade de biscuit : cela permet de contrôler l'esthétique (forme, couleur, longueur des incisives), la fonction phonétique et de régler l'occlusion (fig. 23) : un guidage en propulsion est établi sur les incisives centrales essentiellement, tandis que deux guidages en diduction sont assurés par les canines.

Des clés de brasure sont confectionnées en résine Duralay®, bridge en place, puis une empreinte de situation aux polyéthers (Impregum soft®, 3M Espe) est prise immédiatement pour optimiser le profil d'émergence de certains piliers et la compression des intermédiaires sur la crête.

Ce nouveau moulage qui comporte l'environnement gingival intact permet d'affiner le travail au niveau des embrasures et du profil d'émergence. Le prothésiste réalise à ce stade des brasures secondaires pour solidariser les 14 éléments.

Le choix de brasures secondaires plutôt que primaires (au stade des armatures) est laissé à son appréciation. La finition peut intervenir (fig. 24a à c).

Étape 14

Le bridge complet est scellé après un ultime contrôle de l'occlusion et de l'absence de bascule, à l'aide d'un CVImar (fig. 25a et b). Ce dernier est utilisé en capsules prédosées (Fuji Plus®, GC) préalablement stockées au réfrigérateur pour allonger le temps de travail. Deux vibreurs mécaniques sont utilisés ainsi que deux pistolets applicateurs.

Étapes de maintenance

Une gouttière occlusale de protection est réalisée et il est fortement recommandé au patient de la porter toutes les nuits. Le patient est averti de l'importance de faire évaluer son contrôle de plaque (impérativement deux fois par an dans cette conjoncture) et, de faire réaliser un détartrage. Il est incité à poursuivre une bonne hygiène buccodentaire.

La maintenance occlusale est fondamentale : réglage des contacts en OIM et des trajets en occlusion dynamique. Le contrôle de la gouttière doit également faire partie de ces étapes de maintenance.

Conclusion

Le résultat final (fig. 26a à c) satisfait autant le patient que l'équipe soignante tant sur le plan esthétique que sur le plan fonctionnel (nouveau confort) [11]. Il faut noter la disparition de la stomatite palatine et de la perlèche.

Le pronostic [4,12-15] est directement lié à l'observation par le patient des conseils d'hygiène et du respect des phases de maintenance [16]. Si le suivi est correct, il est possible d'envisager avec optimisme la pérennité de la restauration.

Remerciements au Dr Jean-Luc Helfer pour la chirurgie implantaire et à M. Jean-Marc Étienne pour les phases de laboratoire.

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