Édentement maxillaire de classe II de Kennedy - Cahiers de Prothèse n° 135 du 01/09/2006
 

Les cahiers de prothèse n° 135 du 01/09/2006

 

Prothèse amovible partielle

PLAN DE TRAITEMENT

Jean Schittly -  

Professeur 1er G, Faculté d'odontologie de Reims

Résumé

Dans une conjoncture d'échec prothétique, il serait dommageable de se cantonner à une succession de réparations sectorielles sans remettre en cause l'ensemble de la conception et sans rechercher les causes réelles des déséquilibres tissulaires et prothétiques. L'application de cette ligne de conduite à un cas clinique présentant d'importants déséquilibres tant tissulaires que biomécaniques constitue l'objectif de cet article. Après mise en évidence des problèmes posés, un examen clinique est effectué, aboutissant à une synthèse, puis à l'étude des différentes solutions pouvant être proposées.Le consentement éclairé de la patiente s'est porté sur un traitement par prothèses composites (prothèse amovible partielle et prothèse fixée) dont les différentes étapes de réalisation sont décrites temps par temps.

Summary

Kennedy's class II classification: approach to the management of a prosthetic failure

In the event of prosthetic failure, it would be prejudicial to limit oneself to a series of sectorial repairs without questionning the whole conception and without identifying the real causes of tissue and prosthetic imbalances. This article is the application of this conduct to a clinical case showing significant tissue and biomechanical imbalances. The problems are first highlighted, then a clinical examination is carried out. A synthesis and the study of different solutions which can be suggested are also proposed. The patient has agreed to a treatment with removable partial denture associated with a fixed denture whose different realisation stages are described step by step.

Key words

removable partial denture, therapeutic protocol, treatment planning.

Dans une conjoncture d'échec prothétique, il serait dommageable de se cantonner à une succession de réparations sectorielles sans remettre en cause l'ensemble de la conception et sans rechercher les causes réelles des déséquilibres tissulaires et prothétiques. Face à une situation apparaissant complexe, les critères de réussite d'un traitement prothétique, quelle qu'en soit l'expression clinique, sont à respecter pour replacer la réalisation dans un contexte favorable aboutissant à une succession de séquences simples.

Ces critères, au nombre de 5, sont les suivants :

1. procéder à un assainissement des tissus : dentaires, parodontaux, muco-osseux, articulaires... ;

2. exploiter les différents rôles des prothèses transitoires, fixées et amovibles ;

3. maîtriser les techniques d'empreinte ;

4. maîtriser l'occlusion au stade de l'étude du cas et lors des réalisations prothétiques ;

5. concevoir des prothèses s'inscrivant dans un contexte équilibré de l'appareil manducateur et répondant aux attentes du patient [1].

L'application de cette ligne de conduite à un cas clinique présentant d'importants déséquilibres tant tissulaires que biomécaniques constitue l'objectif de cet article.

Après mise en évidence des problèmes posés, un examen clinique est effectué, aboutissant à une synthèse, puis à l'étude des différentes solutions pouvant être proposées.

Le consentement éclairé de la patiente s'est porté sur un traitement par prothèses composites dont les différentes étapes de réalisation sont décrites temps par temps [2].

Présentation du cas : examen clinique

Personnalité de la patiente

La patiente, âgée de 55 ans, infirmière, cadre chargée de formations, est venue consulter pour tenter de résoudre un problème qui perturbe sa vie professionnelle depuis de nombreuses années : les prothèses amovibles qu'elle a fait réaliser sur une période de plus de 15 ans ont abouti à l'extraction de dents supports ou à des fractures répétées de la selle antérieure. Ces désagréments invalidants obligent la patiente, lors de ses déplacements, à prévoir une prothèse de remplacement pour pallier les défaillances fréquentes de sa prothèse existante (fig. 1). Elle se plaint également de douleurs diffuses au niveau de la dent de sagesse maxillaire gauche.

Motivée pour trouver une solution plus sécurisante, esthétique et fonctionnelle, la patiente a pu obtenir un financement qui influencera les choix prothétiques.

Elle ne présente aucun problème de santé.

Examen clinique

Après dépose de la PAP existante, on est surpris par l'importance de l'occlusion inversée côté gauche pour des couronnes céramo-métalliques réalisées 2 ans plus tôt (fig. 2). Lors de la fermeture buccale, la mandibule est déviée vers la gauche. Pour compléter l'examen clinique, une radiographie panoramique a été prescrite à l'issue de la première consultation (fig. 3).

ATM

Aucun trouble ou pathologie des articulations temporo-mandibulaires n'ont été décelés. La musculature, très développée, n'est l'objet d'aucune perturbation en dépit d'une déviation du trajet de fermeture.

Bases maxillaire et mandibulaire

La radiographie panoramique révèle :

• au maxillaire :

- résorption verticale marquée des crêtes ;

- base des sinus très proche de la crête osseuse, surtout à droite ;

- 23 incluse : un complément d'imagerie Scanora® permet de la situer en position palatine par rapport à la 12 (fig. 4) ;

Les tissus mous sous-prothétiques sont hyperémiés ; leur coloration rouge dessine la surface d'appui ;

• à la mandibule : le niveau osseux est satisfaisant

Examen dento-parodontal

Dents restantes

À l'arcade maxillaire :

- 12 pulpée est restaurée par un composite MOD ;

- 13 est incluse ;

- 14 est reconstituée par une couronne céramo-métallique. Des tenons radiculaires sont présents ;

- les autres dents pluricuspidées de ce secteur sont absentes ;

- 22 et 23 portent des couronnes céramo-métalliques solidarisées (longs tenons radiculaires) ;

- 27 est reconstituée par une couronne métallique (reconstitution corono-radiculaire avec 3 vis) ;

- 28 est atteinte d'une lésion parodontale terminale.

À l'arcade mandibulaire :

- 38 et 37 sont absentes ;

- 36 est dépulpée et atteinte d'une lésion apicale. Son traitement endodontique est imparfait. Elle porte une couronne métallique ;

- 35 est traitée par CCM (long tenon radiculaire) ;

- les dents de 34 à 43 sont indemnes ;

- 44 porte un amalgame occlusal ;

- un bridge de 45 à 47 compense la perte de 46 ;

- 48 est absente.

Parodonte

Excepté au niveau de 28, l'état parodontal est exempt de pathologie. Il faut noter la présence d'un peu de tartre sur les dents mandibulaires et un contrôle de plaque bactérienne à améliorer.

Examen de l'occlusion

L'examen de l'occlusion comprend 5 investigations successives décrites et justifiées à de nombreuses reprises : dimension verticale d'occlusion (DVO), décalage entre occlusion d'intercuspidie maximale (OIM) et occlusion en relation centrée (ORC), propulsion et guidage antérieur, diductions et courbes fonctionnelles [1,3].

Dimension verticale d'occlusion

En l'absence de prothèse amovible, la DVO est prise en charge, en OIM, par les seuls contacts 12/42 et 14/44. L'affaissement de la lèvre supérieure et des commissures « tombantes » peuvent signifier une perte de DVO.

Analyse ORC-OIM

Pour mieux mettre en évidence les interférences occlusales et les causes de fracture de la PAP, pour favoriser la communication avec la patiente et concrétiser les différents projets prothétiques, des jeux de moulages ont été réalisés :

- moulage mandibulaire ;

- moulage maxillaire avec PAP en place ;

- moulage maxillaire sans prothèse amovible.

Ils sont transférés sur articulateur : moulages maxillaires avec arc facial, moulage mandibulaire après enregistrement de la relation centrée (RC) à l'aide d'une cire dure aménagée [4].

L'examen clinique et l'analyse sur articulateur mettent en évidence d'importantes interférences entre ORC et OIM : tout d'abord 27/36, puis 22-23/32-33. Le passage de l'ORC à l'OIM s'effectue selon une translation sagittale. Les interférences sur les céramiques de 22 et 23 déplacent la mandibule dans le plan frontal, vers la gauche.

En présence de PAP, on constate un verrouillage au niveau de l'occlusion inversée antérieure qui explique les contraintes sur les incisives prothétiques et leur fracture répétée (fig. 5a à 5e. Entre ORC et OIM, la tige incisive marque une différence de 7 mm.

Propulsion-guidage antérieur

Sans PAP, le guidage antérieur est pris en charge par la seule incisive latérale (12). En présence de PAP, ce sont les incisives prothétiques qui sont sollicitées.

Diductions

En diduction droite, le guidage par 12 et 14 est très vite abandonné au profit d'un guidage sur la face vestibulaire de 23.

En diduction gauche, il n'existe pas de guidage par les dents naturelles. La sollicitation des dents prothétiques explique l'instabilité de la PAP et ses fractures répétées (fig. 6a à 6c.

Courbes fonctionnelles

Dans le plan frontal, la courbe de Wilson est très perturbée. L'occlusion inversée des 22-23 a favorisé leur égression et celle des 32 et 33.

Dans le plan sagittal, l'inocclusion de 27 a contribué à son égression très marquée. Le bridge mandibulaire droit a limité le processus. Les dents cuspidées gauches se sont égressées, dans une moindre mesure, pour compenser l'érosion des dents prothétiques antagonistes (fig. 4a et 4b).

Problèmes posés

L'examen clinique complété par l'examen de l'occlusion a permis de dégager un certain nombre d'éléments à prendre en compte.

L'état parodontal est sain avec un niveau de l'os alvéolaire normal à la mandibule et au maxillaire excepté pour 27-28 : l'extraction de 28 a d'ailleurs été effectuée avant les prises d'empreinte.

La présence de 13 incluse pose le problème de l'indication de son extraction. Le risque de perdre la 12 lors de l'intervention entre en ligne de compte. Si la pose d'implants est envisagée, il apparaît impossible de laisser cette dent en place. En revanche, un traitement par prothèse amovible pourrait autoriser son maintien compte tenu du silence clinique observé durant la longue période de port des précédentes prothèses.

C'est surtout la situation occlusale qui va susciter la plus importante réflexion. En effet, après analyse, il apparaît que l'ensemble des 5 points analysés présente d'importants désordres qui vont engager des interventions préprothétiques quel que soit le type de construction sur :

- la DVO ;

- les interférences entre ORC et OIM ;

- les guidages de la mandibule en propulsion et diduction avec notamment une décision à prendre pour supprimer l'occlusion inversée des 22 et 23 par orthodontie ou prothèse fixée ;

- les courbes fonctionnelles.

Solutions thérapeutiques

Les réponses aux 5 investigations de l'examen de l'occlusion imposent des interventions préprothétiques incontournables quels que soient les modes de restauration envisagés :

- choix d'une nouvelle DVO validée par des prothèses transitoires fixées et/ou amovibles ;

- suppression des décalages sagittal et frontal entre ORC et OIM ;

- établissement d'un guidage antérieur efficace, avec la résolution du problème posé par l'occlusion inversée au niveau 12-13 ;

- choix d'un schéma occlusal en diduction en accord avec les sollicitations biomécaniques des prothèses à réaliser ;

- restauration des courbes fonctionnelles pour favoriser l'établissement et la pérennité de l'équilibre occlusal.

Restauration par prothèses fixées

En présence de cette succession d'échecs des prothèses amovibles, il est logique de rechercher des solutions thérapeutiques par prothèse fixée. À la mandibule, il est possible d'atteindre cet objectif en procédant à des coronoplasties mineures et en renouvelant la couronne de 36 après retraitement endodontique.

Au maxillaire, les hypothèses thérapeutiques sont nombreuses pour répondre aux exigences occlusales :

• concernant l'occlusion inversée des 12 et 13 :

- c'est l'orthodontie qui apparaît comme le moyen le plus naturel, mais les difficultés sont nombreuses, liées à la DVO qu'il faut augmenter, à la présence des CCM solidarisées qu'il faut déposer et surtout à la durée du traitement avec la gestion de l'évolution des prothèses transitoires ;

- l'analyse sur articulateur met en évidence la possibilité de résoudre le problème par prothèse fixée à condition d'augmenter la DVO (hauteur coronaire augmentée de 2 mm au niveau prémolaire), procéder à une coronoplastie soustractive des antagonistes et résoudre, secondairement le problème de la hauteur coronaire des 12 et 13 et de l'alignement harmonieux de la ligne des collets (l'égression des dents a créé un important décalage vertical). Sans toutefois recréer un recouvrement important, il serait possible ainsi de fournir un guidage suffisant de la mandibule en propulsion et diduction gauche pour protéger les secteurs postérieurs par une fonction groupe ;

• concernant l'égression de 27 :

- le renouvellement de la couronne, précédé d'une élongation coronaire par chirurgie, serait une solution satisfaisante ;

• est-il possible de proposer une restauration totalement fixée ?

- pour le secteur antérieur, un bridge de 14 à 23 avec piliers intermédiaires 12 et 22 serait envisageable.

Pour pallier la résorption de la crête antérieure, compensée actuellement par une fausse gencive sur la PAP, un apport de tissu conjonctif peut trouver son indication [4,5] :

- pour le secteur gauche, compte tenu de la hauteur de crête osseuse niveau prémolaire, la pose de 2, voire 3 implants semble possible. Un complément d'imagerie serait indispensable pour confirmer cette hypothèse. Une prothèse fixée indépendante sur ces implants permettrait de traiter l'édentement dans de bonnes conditions esthétiques et fonctionnelles.

- pour le secteur droit, l'indication d'une prothèse sur implants est beaucoup plus problématique ;

L'obstacle anatomique constitué par le sinus procident et la faible quantité d'os crestal imposeraient une intervention d'apport osseux et de comblement du sinus (fig. 7a et 7b). Si cette solution ne peut être rejetée d'emblée, elle nécessite toutefois une information de la patiente quant à la nature des interventions chirurgicales et la durée des périodes de cicatrisation et de temporisation que l'on peut évaluer à 18 mois environ.

Restauration par prothèse composite

Une alternative au traitement par prothèse fixée avec recours à l'implantologie pourrait consister en une association de prothèses fixées et d'une prothèse amovible.

En ce sens, plusieurs expressions cliniques pourraient être envisagées (précédées par les mêmes séquences préprothétiques) :

1. La première :

- bridge antérieur de 14 à 23 ;

- couronne sur 27 ;

- prothèse amovible partielle métallique (PAPM), reliée au bridge antérieur par des attachements (fig. 8).

2. La seconde pour présenter une solution plus économique :

- bridge de 12 (pulpée) à 14 ;

- 2 CCM solidarisées sur 22 et 23 ;

- couronne sur 27 ;

- prothèse amovible partielle métallique (PAPM) compensant l'édentement antérieur, reliée au bridge de 12 à 14 et aux CCM sur 22 et 23 par des attachements (fig. 9).

Cette solution dispenserait de l'apport chirurgical de tissu conjonctif sur la crête antérieure. Elle constituerait toutefois un compromis quant à l'efficacité du guidage antérieur par rapport à celui assuré par un seul bridge de 14 à 23.

Plan de traitement retenu

Les moulages transférés sur articulateur, la radiographie panoramique, les schémas, les réponses aux questions et les conseils contribuent à l'information de la patiente pour qu'elle puisse choisir l'une des différentes options prothétiques proposées.

La patiente ne souhaite pas engager un traitement orthodontique, en raison de sa durée, de sa complexité et des perturbations que cela peut entraîner dans sa vie professionnelle. Le recours à l'implantologie, avec les nombreuses interventions projetées et leurs suites opératoires est exclue d'emblée avec un argument supplémentaire concernant un coût global trop élevé.

Le traitement par des prothèses fixées associées à une PAPM correspond aux critères définis par la patiente.

Le bridge antérieur avec plastie de la crête antérieure apparaît comme la meilleure solution, mais le coût de l'intervention et des intermédiaires céramo-métalliques sort du cadre de l'investissement prévu pour la réhabilitation globale.

C'est donc la solution décrite dans la figure 9 qui fait l'objet du consentement éclairé de la patiente.

Chronologie du traitement

De longues séances de traitement sont programmées pour mener à bien ce traitement pluridisciplinaire. Les séquences successives s'enchaînent de la façon suivante pour répondre aux 5 critères de réussite définis ci-dessus :

Assainissement et préparation des structures d'appui

L'extraction de 28 a été faite avant l'étude du cas, complétée par un assainissement parodontal en distal de 27. La dépose de la couronne sur 36, remplacée par une couronne provisoire permet l'accès au retraitement endodontique et favorise l'assainissement du parodonte marginal.

Dès ce stade, après détartrage, la patiente est sensibilisée à la maîtrise de la plaque bactérienne.

Prothèses transitoires

Après transfert des moulages sur articulateur, une PAP transitoire est préparée dans un contexte d'augmentation de DV d'environ 4 mm, repérable sur la tige incisive. À l'issue de l'insertion de cette prothèse amovible, l'ensemble des dents naturelles doit être en occlusion selon la nouvelle référence de DVO. Compte tenu de la difficulté potentielle représentée par la dépose des CCM sur 22 et 23, il n'a pas été prévu d'intervenir sur 12 et 14 dans la même séance. C'est pourquoi une extension occlusale de la PAPT sur ces dents a été aménagée pour caler la DV comme le ferait une gouttière occlusale.

Cette initiative s'est révélée bénéfique, car les CCM étaient massives, de type « Richmond », ce qui a conduit à faire les deux préparations au sein de l'alliage non précieux. La dépose des longs tenons existants aurait fait prendre un risque trop important de fracture radiculaire.

Les couronnes provisoires ont pu préfigurer une approche de guidage antérieur grâce à un très léger surplomb horizontal, rendu possible par l'augmentation de DV et la coronoplastie des incisive et canine antagonistes. Toutefois, la hauteur coronaire est faible, ce qui confirme l'indication d'une élongation coronaire chirurgicale (fig. 10a et 10b).

À la séance suivante, le même type de préparation a été réalisé sur 14 pour constituer un pilier du bridge de 12 à 14. La 23 et l'extension occlusale ont été supprimées et la PAPT réadaptée à la nouvelle morphologie.

Une démarche identique a conduit à la réalisation d'une couronne provisoire sur 27.

Il faut noter que durant cette période, la patiente n'a ressenti aucun trouble lié à l'augmentation de DV. Au contraire, elle a retrouvé un certain confort fonctionnel. De la résine à prise retardée (Soft Liner®, GC) et des conseils de brossage des surfaces palatines ont contribué à la suppression de l'inflammation des tissus d'appui.

Par soustraction à la mandibule et adjonction de résine au maxillaire, les courbes fonctionnelles ont été aménagées.

Ainsi, les prothèses transitoires fixées et amovibles ont joué pleinement les différents rôles qui leur étaient assignés : validation de la DV, préfiguration du schéma occlusal et mise en condition tissulaire. Elles vont encore devoir subir des modifications pour s'adapter à la nouvelle morphologie dento-parodontale liée aux interventions d'élongation coronaire au niveau des 22-23 et 27 (fig. 11 et 12).

Après validation des nouvelles conditions d'équilibre occlusal et de cicatrisation parodontale, les séquences prothétiques conventionnelles ont pu être entreprises (fig. 13a et 13b).

Maîtrise des empreintes et de l'occlusion

À ce stade de réalisation prothétique, ces deux notions sont indissociables, les moulages de travail devant permettre au laboratoire l'élaboration des prothèses dans le contexte occlusal le plus rigoureux possible. Deux types d'empreinte sont à envisager : une empreinte destinée à la réalisation des prothèses fixées et une empreinte anatomofonctionnelle fournissant le moulage de travail pour réaliser la PAP.

Pour simplifier les étapes cliniques et de laboratoire, la restauration de l'arcade mandibulaire est d'abord terminée : coronoplasties soustractives et couronne sur 36 après retraitement endodontique et reconstitution corono-radiculaire (fig. 14). Les références occlusales et de courbes fonctionnelles sont fournies par les prothèses transitoires antagonistes.

Des empreintes à l'alginate de cette arcade mandibulaire et de l'arcade maxillaire comportant les prothèses fixées transitoires fournissent deux moulages qu'il est aisé de transférer sur articulateur : arc facial pour le maxillaire, maquette d'occlusion pour enregistrer la RC et monter le moulage mandibulaire [6] (fig. 15).

Le choix des dents maxillaires est effectué à ce stade pour la réalisation d'un montage directeur sur cire [7].

Le schéma occlusal retenu est une fonction groupe étendue en diduction avec une protection des dents prothétiques par des guidages fonctionnels sur les prothèses fixées [1].

•  Empreinte destinée à la prothèse fixée

L'objectif est de fournir au laboratoire un moulage permettant la construction des prothèses fixées dans un contexte précis de conception de la future PAP métallique et d'environnement occlusal. Il faut souligner que toutes les références sont perdues à la dépose des éléments provisoires puisqu'il ne subsiste aucune dent non préparée.

La technique, largement diffusée, d'exploiter la maquette d'occlusion permet de gagner du temps et de limiter les allers retours entre cabinet et laboratoire [1,3,8,9].

Elle consiste à utiliser la maquette maxillaire ayant servi aux précédents enregistrements : maquette rigide (plaque base ou résine), bourrelets solidement ancrés à la base et taillés de dépouille à l'issue de l'enregistrement. Celui-ci, effectué éléments provisoires en place, doit fixer la DVO correcte, repérée par des contacts occlusaux effectifs en fin de manipulation (situation de la figure 13a et 13b).

Les éléments fixés sont déposés. Si nécessaire, la base de la maquette est aménagée pour laisser la place au matériau à empreinte. Un porte-empreinte du commerce de préférence mandibulaire est choisi pour englober maquette et préparations.

L'empreinte peut s'effectuer en un ou deux temps avec tout mode d'accès aux limites cervicales. La seule précaution à prendre est d'insérer le porte-empreinte pour plaquer la maquette sur sa surface d'appui sans déplacement latéral ou basculement (fig. 16). Seule l'empreinte aux hydrocolloïdes réversibles est contre-indiquée en raison du risque de déformation des enregistrements par la chaleur. Ainsi, le traitement de l'empreinte aboutit à un moulage présentant les préparations et la maquette d'occlusion. Avant désinsertion de celle-ci, le moulage, muni d'une double base, peut être directement transféré sur l'articulateur (relation centrée et DV correspondant à la situation donnée par les prothèses fixées transitoires correspondant à la figure 15) (fig. 17a et 17b).

Le moulage de travail peut alors être préparé (séparation des PPU) et recevoir le montage directeur préalablement effectué (fig. 18). Les prothèses fixées sont élaborées en tenant compte des exigences des éléments de rétention et de stabilisation de la PAP (fig. 19a à 19e.

•  Empreinte anatomo-fonctionnelle destinée à la PAP

L'objectif de cette empreinte est d'enregistrer avec précision les différents appuis prothétiques et de tenir compte du comportement des tissus mous et des structures périphériques. Un porte-empreinte individuel (PEI) est réalisé en résine, espacé en regard des dents, ajusté sur les appuis muco-osseux. L'ajustage des bords est effectué, tenant compte de la sollicitation musculaire au niveau de la ligne muco-gingivale.

Un premier temps consiste à faire une empreinte de stabilisation. Le second temps est une empreinte globale, mettant en oeuvre simultanément un matériau élastique en regard des dents et un matériau hydrophile en regard des tissus mous.

Pour intégrer les matrices des attachements de précision (VKS sg®, Brédent), l'empreinte emporte les prothèses fixées (fig. 20a et 20b). Après emboxage et traitement de l'empreinte, la maquette d'occlusion est réadaptée, stabilisée sur le moulage pour un enregistrement de la RC.

Le transfert sur articulateur s'effectue comme précédemment à la DV correcte.

•  Conception prothétique

L'élaboration du châssis, le report des dents du montage directeur, les essais cliniques s'effectuent classiquement.

Le châssis intégrant crochet sur 27 et attachements sur 14 et 23 comporte des taquets mésiaux (fig. 21). Il est de conception rigide pour répondre aux exigences de la proprioception desmodontale et de l'extéroception fibro-muqueuse [1,10].

Le montage des dents et l'essai clinique permettent de valider la situation établie par les prothèses transitoires (fig. 22). Dès le scellement des PF et l'insertion de la PAP (fig. 23), les contrôles et ajustements de l'occlusion sont effectués pour réunir d'emblée toutes les conditions favorables à une occlusion équilibrée [11] (fig. 24a à 24d.

Pronostic

Il faut noter que durant la période d'environ 6 mois consacrée aux séquences préprothétiques (endodontie, chirurgie parodontale, mise en condition tissulaire...), la patiente n'a jamais ressenti de gêne ou d'inconfort occlusal et a noté avec satisfaction l'absence de fracture de sa prothèse amovible transitoire.

Le respect des 5 critères de réussite du traitement initié à ce stade préprothétique, puis poursuivi par les étapes de conception et de réalisation des prothèses aboutit à l'objectif fixé : obtention et pérennité d'un équilibre tissulaire et prothétique (fig. 25a et 25b).

Conclusion

La gestion d'une situation d'échec comme celle présentée à partir de ce cas clinique ne peut être abordée sans une approche globale, pluridisciplinaire permettant d'en déterminer les causes. C'est en général, et cet exemple clinique en est la parfaite illustration, l'équilibre occlusal qui est à rechercher en priorité. Les compromis qui peuvent ensuite être consentis, le plus souvent pour des raisons économiques, ne doivent concerner que les domaines de l'esthétique et du confort.

bibliographie

  • 1 Schittly J, Schittly E.Prothèse amovible partielle. Clinique et laboratoire. Collection JPIO. Rueil-Malmaison : Éditions CdP, 2006.
  • 2 Nossintchouk R.Prévenir le risque conflictuel au cabinet dentaire. Guide clinique. Paris ; Éditions CdP, 1998.
  • 3 Schittly J, Borel JC, Exbrayat J.L'occlusion en prothèse partielle amovible. Réalités Cliniques 1995;6:447-465.
  • 4 Borghetti A, Monnet-Corti V.Chirurgie plastique parodontale. Paris : Éditions CDP, 2000.
  • 5 Kosinski S.Processus décisionnel en chirurgie parodontale préprothétique. Réal Clin 2000;11(2):159-168.
  • 6 Schittly E, Cariou F.Édentements sectoriels. Enregistrements des rapports maxillo-mandibulaires. Cah Prothèse 2000;112:25-36.
  • 7 Margerit J, Joullie K, Nublat C, Vieville F.Le montage directeur : matérialisation des différents paramètres occlusaux en PAP. Stratégie Prothet 2002;2(1):41-51.
  • 8 Schittly J.Étapes de réalisation de restaurations conjointes associées à une prothèse partielle amovible. Cah Prothèse 1976;(14):85-107.
  • 9 Schittly J.Pratique de l'articulateur en prothèse amovible partielle. In : Orthlieb JD, Brocard D, Schittly J, Manière-Ezvan A, eds. Occlusodontie pratique. Collection JPIO. Paris : Éditions CdP, 2000.
  • 10 Begin M.La prothèse partielle amovible. Conception et tracé des châssis. Collection « Réussir ». Paris : Quintessence international, 2004.
  • 11 Le Gall MG, Lauret JF.Occlusion fonctionnelle. Une approche clinique fonctionnelle. Collection JPIO. Paris : Éditions CdP, 2002.