Anatomie des dents humaines permanentes - Cahiers de Prothèse n° 136 du 01/12/2006
 

Les cahiers de prothèse n° 136 du 01/12/2006

 

les cahiers d'anatomie

Georges Papathanassiou  

Docteur en chirurgie dentaire - Lauréat de l'Académie nationale de chirurgie dentaire
Ancien assistant HU, responsable de l'enseignement de l'anatomie dentaire à la Faculté d'odontologie de Reims

Résumé

Cet article consacré à l'anatomie de la deuxième molaire mandibulaire comporte deux aspects : l'un destiné à l'étude des formes et des dimensions de dents « types » avec un guide de dessin, l'autre consacré à la présentation de variantes anatomiques de ces mêmes dents et des difficultés potentielles que chacune d'elles peut entraîner dans la pratique clinique.

Summary

Anatomy of permanent human teeth: second mandibular molar

This paper deals with the anatomy of the second mandibular molar under two aspects: the first one studies shapes and dimensions of typical teeth with a drawing guide, the second one sets out the different anatomical variations encountered and their clinical relevance.

La deuxième molaire mandibulaire est assez comparable, du point de vue de la forme générale, à sa voisine, la première molaire. Cependant, elle diffère de celle-ci par sa taille et son volume qui sont moins importants et caractérisés par quelques éléments anatomiques.

Formation et évolution

Elle est située sur l'arcade distalement par rapport à la première molaire mandibulaire. Elle est trétracuspidée, biradiculée et monophysaire (1) et rarement pentacuspidée et triradiculée. Son relief occlusal est moins chargé, donc moins complexe et assez symétrique si on le compare à celui de la première molaire.

Sa calcification débute entre 2 ans 1/2 et 3 ans 1/2. La formation de la couronne intervient entre 7 et 8 ans et son apparition sur l'arcade entre 11 ans 1/2 et 12 ans 1/2. La calcification est complète entre 14 et 15 ans.

La couronne présente une dimension mésio-distale légèrement supérieure à la dimension vestibulo-linguale.

• En vue vestibulaire, le contour général a une forme trapézoïdale.

La face vestibulaire est très convexe, particulièrement à la portion cervicale en regard de la cuspide mésio-vestibulaire ; cette forte convexité, en regard de la cuspide mésio-vestibulaire, correspond à la bosse cervicale et rappelle la morphologie de la première molaire temporaire mandibulaire.

Vues proximales

- en vue mésiale, le contour vestibulaire de la région cervicale est beaucoup plus complexe que celui de la première molaire mandibulaire. Le contour lingual de la région occlusale, qui correspond à la cuspide mésio-linguale, s'incline fortement à direction occluso-vestibulaire laissant apparaître au deuxième plan, dans la plupart des cas, une partie de la cuspide disto-linguale ;

- en vue distale, la face distale, légèrement plus petite et plus convexe que la face mésiale, laisse apparaître en deuxième plan, très fréquemment, le contour et une petite partie de la face vestibulaire de la cuspide mésio-vestibulaire, ainsi que les sommets cuspidiens mésio-vestibulaire et mésio-lingual.

• La hauteur de la face linguale est beaucoup plus courte que celle de la première molaire mandibulaire.

La face linguale, très légèrement convexe, est divisée près de son bord occlusal par le sillon occluso-lingual en deux parties plus ou moins égales, l'une mésiale, l'autre distale, correspondant aux cuspides linguales.

• La vue occlusale de la deuxième molaire mandibulaire a une forme pentagonale avec une dimension mésio-distale légèrement supérieure à la dimension vestibulo-linguale.

La surface de la table occlusale (délimitée par l'arête marginale) adopte, dans son ensemble, une forme rectangulaire. Le modelé de cette face occlusale est constitué par :

- les versants occlusaux de 4 cuspides ;

- 3 sillons ;

- 3 fossettes ;

- les versants occlusaux des crêtes marginales.

• Le sillon principal intercuspidien mésio-distal sépare très régulièrement les 2 cuspides vestibulaires des 2 cuspides linguales, et se trouve situé de façon légèrement lingualée.

• Le sillon intercuspidien occluso-vestibulaire (qui sépare les 2 cuspides vestibulaires) et le sillon intercuspidien occluso-lingual (qui sépare les 2 cuspides linguales), lorsqu'ils se trouvent en parfaite continuité, forment alors avec le sillon principal mésio-distal une croix assez régulière : c'est une « caractéristique » de cette dent.

Dans d'autres cas, ces sillons se présentent en forme de H, Y ou X.

Comme pour la première molaire mandibulaire, la table occlusale peut être divisée en 2 triangles scalènes ayant la même disposition que pour cette dent, le côté commun passant sur la fossette centrale. En position d'intercuspidie maximale, cette fossette centrale reçoit les 2 versants de la cuspide mésio-palatine de la deuxième molaire maxillaire.

Les éléments anatomiques contenus dans les 2 triangles sont, eux aussi, disposés de façon comparable ; seul l'orifice du canal disto-vestibulaire a une situation plus proche de l'angle disto-vestibulaire.

Le tronc cervical, de forme pyramidale, présente la même configuration que celui de la première molaire mandibulaire, avec deux exceptions :

- sa hauteur est plus importante ;

- sa face distale convexe ne présente aucune dépression.

Les racines

La deuxième molaire mandibulaire possède 2 racines, l'une mésiale et l'autre distale. Elle en possède très rarement 3, 2 mésiales et 1 distale. Par rapport à la première molaire mandibulaire, les racines sont plus rectilignes, plus ou moins parallèles, très aplaties mésio-distalement, très inclinées en direction distale, et rarement divergentes. Très souvent, elles se trouvent rapprochées et même unies à l'apex formant ainsi un espace alvéolaire étroit et allongé dans lequel loge une partie du septum. Dans ce cas, la dent est qualifiée de dent « barrée ». Dans d'autres cas, elles ont tendance à fusionner pour ne former qu'une seule racine de forme conique : ce cas étant assez fréquent (8 % pour R. Le Huche). La racine possède 2 canaux, rarement 3 et plus, et rarement 1 seul canal.

De plus, on constate l'inflexion des apex dans toutes les directions possibles :

- la racine mésiale présente constamment une dépression mésiale et distale très profondes, comme c'est le cas pour la première molaire mandibulaire (en section transversale, elle adopte une forme en 8) ;

- la racine distale présente seulement une dépression sur la face mésiale, alors que sa face distale est très convexe ;

- très souvent, les faces proximales des racines sont occupées par des crêtes triangulaires cémento-dentinaires longitudinales ou des sillons longitudinaux.

• La cavité pulpaire

Le contour général de la cavité pulpaire de la deuxième molaire mandibulaire est identique à celui de la première molaire mandibulaire, sauf dans les très rares cas de canal unique.

La racine mésiale possède 2 canaux, l'un vestibulaire et l'autre lingual. Ces 2 canaux se réunissent en un seul à l'apex dans 80 % des cas. Dans les 20 % restants, ces deux canaux se terminent séparément avec leur propre foramen (R. Le Huche). Il arrive que la racine mésiale ne possède qu'un seul canal.

La racine distale, en général, possède 1 seul canal, mais peut présenter 2 canaux convergeant vers l'apex. La présence d'une cloison dentinaire et de canaux secondaires est toujours possible.

Lorsqu'il s'agit d'une triradiculée, chaque racine a son propre canal.

Lors de la fusion des racines, il existe habituellement 2 canaux, l'un mésial et l'autre distal, qui se réunissent près de l'apex en un seul canal très large atypique.

Rapports anatomiques

Les racines sont sensiblement plus proches de la table interne que de la table externe.

Les apex sont aussi plus proches du canal dentaire que ceux de la première molaire mandibulaire.

Comme pour chacun des types de dents décrits, pour aborder l'étude de l'anatomie de cette dent, un guide de dessin est proposé. Il correspond à la description des deuxièmes molaires mandibulaires en position buccale d'un individu de 20 ans environ, indemnes de toute abrasion ou atteinte carieuse. Il s'agit de dents « types » à vocation pédagogique dont les caractéristiques sont issues de l'observation de plusieurs milliers de dents extraites, de moulages et de références à de nombreux auteurs.

Cinq variantes sont ensuite proposées pour situer ces dents dans le contexte des diversités morphologiques propres à tous les êtres humains.

Anatomie de la deuxième molaire mandibulaire droite

Guide de dessin

La planche constituant un guide pour le dessin à l'échelle 2 comprend 5 cadres équilibrés correspondant aux 5 vues de la dent. Chaque cadre est divisé en carrés de 5 mm de côté pour constituer des points de repère pour le tracé (fig. 1a). La même disposition est adoptée pour le dessin de la dent présentée en coupes longitudinales et horizontales, mettant en évidence la morphologie de la cavité pulpaire, de l'émail et du cément (fig. 1b).

Les dimensions de la dent sont les suivantes :

- hauteur totale de la dent : 20,2 mm ;

- hauteur minimale de la racine M : 12,2 mm ;

- hauteur minimale de la racine D : 13 mm ;

- hauteur de la couronne, face vestibulaire : 8 mm ;

- hauteur de la couronne, face linguale : 7 mm ;

- diamètre M-D maximal des cuspides M-V et D-V : 11,2 mm ;

- diamètre M-D maximal des cuspides M-L et D-L : 10,5 mm ;

- diamètre vestibulo-lingual de la couronne : 10,2 mm ;

- diamètre maximal mésio-distal au collet : 9,2 mm ;

- diamètre maximal vestibulo-lingual au collet : 8,5 mm ;

- hauteur maximale du collet, face vestibulaire : 1 mm ;

- hauteur maximale du collet, face linguale : 0,5 mm ;

- hauteur maximale du collet, face mésiale : 1 mm ;

- hauteur maximale du collet, face distale : 0,3 mm ;

- distance entre les sommets des cuspides M-V et D-V : 5 mm ;

- distance entre les sommets des cuspides M-L et D-L : 6 mm ;

- distance entre les sommets des cuspides M-V et M-L : 5 mm ;

- distance entre les sommets des cuspides D-V et D-L : 6 mm ;

- hauteur minimale du tronc cervical des racines :

a. en vue vestibulaire : 3 mm ;

b. en vue linguale : 2,7 mm.

L'angulation théorique de la dent « type » en position buccale est de 15° en vue vestibulaire (fig. 2).

Le plan qui réunit les sommets des cuspides (M-L et M-V) forme un angle de 8° avec l'horizontale.

Les principaux points anatomiques sont répertoriés (fig. 3a).

Variantes morphologiques

Parmi le très grand nombre de dents observées et répertoriées, 5 deuxièmes molaires mandibulaires ont été sélectionnées pour la fréquence de certains de leurs détails anatomiques (fig. 4).

Leur dessin en position verticale selon les différentes vues vestibulaire, proximale, linguale et occlusale et en coupes longitudinale et horizontale est à comparer avec la dent « type ».

Les cotes principales, à l'échelle 1, mettent en évidence les variantes dimensionnelles (longueur, largeur de la dent, rapport couronne/racine...), la forme et la situation de la cavité pulpaire(fig. 3a à 3c.

Pour chaque dent, les difficultés cliniques potentielles liées à ses particularités anatomiques sont mentionnées (fig. 5 à 9).

Conclusion

Si le dessin « type » de la deuxième molaire mandibulaire paraît plus facile à réaliser que celui de sa voisine la première molaire, cette dent présente néanmoins des éléments anatomiques très variés, différents et caractéristiques.

La couronne : sa face vestibulaire est plus haute que la face linguale. Elle contribue ainsi à diminuer la hauteur de la face vestibulaire du tronc cervical où la furcation favorise la pathologie parodontale.

La face linguale a une inclinaison très marquée.

Sa vue occlusale, de forme pentagonale, met en évidence la bosse cervicale vestibulaire très développée de la couronne.

Le rétrécissement de la table occlusale existe tantôt du côté mésial, tantôt du côté distal.

Le tronc cervical et la zone de furcation : la hauteur de la face vestibulaire du tronc cervical est plus faible que celle de la face linguale et sa furcation se trouve, dans certains cas, très proche de la ligne cervicale ; elle peut être le siège d'une perle d'émail.

La zone de furcation présente très fréquemment une crête transversale cémento-dentinaire.

Les racines : la configuration radiculaire de la deuxième molaire mandibulaire montre des variations bien plus nombreuses et plus importantes que pour la première molaire mandibulaire. Très aplaties dans le sens mésio-distal, les racines sont plus parallèles entre elles, plus rectilignes et rarement divergentes.

Les autres caractéristiques sont :

- la présence constante des dépressions profondes mésiale et distale de la racine mésiale ;

- la convexité distale constante de la racine distale ;

- la fusion possible des racines formant une seule racine conique ;

- la présence des crêtes cémento-dentinaires et de sillons longitudinaux ;

- des inflexions variables des apex.

Enfin, il convient de signaler que la hauteur plus ou moins réduite du plancher peut entraîner le risque d'une perforation lors de la réalisation d'insertion radiculaire.

La cavité pulpaire : comme pour la première molaire mandibulaire, la convexité du plafond de la chambre pulpaire et la convexité de son plancher forment un étranglement cervico-occlusal plus ou moins important.

À noter la présence possible d'une cloison dentinaire et des canaux secondaires. Dans le cas d'une racine unique et conique il y a plusieurs possibilités : 1 seul canal, 2 canaux ou 3 canaux.

bibliographie

  • (Voir p. 35 du n° 133).