Comparaison de deux techniques de mise en charge d'implants mandibulaires par prothèses complètes transvissées Comparison between two implant loading techniques in a totally edentulous mandible using a screwed prosthesis: preliminary study and treatment proposal - Cahiers de Prothèse n° 137 du 01/03/2007
 

Les cahiers de prothèse n° 137 du 01/03/2007

 

IMPLANTOLOGIE

Marwan Daas -*   Karim Dada -**   Bruno Zamansky -***   Franck Castelnaud -****   Arjeta Agalliu -*****   Frédéric Vicaud -******   Michel Postaire -*******  


*MCH-PH - Paris V
**Ancien interne
***Docteur en chirurgie dentaire
****Ancien interne
*****Ancienne interne
******Docteur en chirurgie dentaire
*******MCU-PH Paris V

Résumé

La mise en charge immédiate et/ou précoce d'implants dans une mandibule édentée par une prothèse transvissée présente des résultats prévisibles proches de ceux retrouvés dans les protocoles traditionnels. Le but de cette étude est d'évaluer si le respect des techniques de prothèse complète immédiate lors de protocoles d'extraction/implantation accompagnés d'une mise en charge immédiate permet de faciliter la réalisation de ces traitements prothétiques réputés complexes et aléatoires et d'offrir un environnement plus favorable à ces implants. À son issue, il ressort que ces techniques d'élaboration prothétique qui sont à l'origine du guide d'imagerie, du guide chirurgical et du porte-empreinte occluso-adapté permettent bien une mise en place précise et adéquate des implants et favorisent une empreinte correcte assurant ainsi la passivité de la future prothèse. De plus, elles préparent les crêtes de la meilleure manière qui soit puisqu'elles les modèlent en fonction des exigences prothétiques, réalisant ainsi le meilleur environnement pour la mise en place et en charge d'implants après extraction des dents.

Summary

Immediate and/or early implant loading in a totally edentulous mandible, using a screwed prosthesis, offers predictable results similar to those reported with conventional protocols.

The aim of this study was to assess if the strict application of these immediate extraction protocols for implant-supported full dentures, associated with immediate loading, can facilitate these treatement protocols (which are known to be complex and hazardous), and offer a more favourable implant environment.

The outcome is that these prosthetic fabrication protocols which will generate the radiographic guide, the surgical guide and the occlusally-adapted impression tray, will thus ensure the passive fit of the future prosthesis.

Moreover, they are the best known options for maxillary ridge preparation, given that they confer ridge remodeling in relation to the prosthetic requirement, thus giving the optimal implant positioning and loading after tooth extraction.

Key words

extraction, implant, immediate loading, implantation, Procera Implant Bridge®.

La mise en charge immédiate et/ou précoce d'implants dans une mandibule édentée présente des résultats prévisibles proches de ceux retrouvés dans les protocoles traditionnels. La réduction des temps de traitement liée à de tels protocoles chez le sujet totalement édenté représente un réel avantage pour le patient comme pour l'équipe soignante [1, 2et 3]. Pourtant, une grande proportion de patients appelés à recevoir une réhabilitation complète sur implants ne sont pas encore édentés au moment où cette réhabilitation est envisagée. Chez ces patients, l'extraction préalable des dents restantes et la pose d'une prothèse amovible transitoire sont généralement mal vécues psychologiquement et source de frustration pour quelqu'un ayant opté pour une solution implantaire fixée. De plus, le délai de cicatrisation osseuse recommandé (4 à 6 mois selon les auteurs) allonge considérablement la durée du traitement et le gain apporté ensuite par les protocoles de mise en charge immédiate peut alors apparaître dérisoire.

Ainsi, de nombreux auteurs ont proposé la mise en place d'implants dans les sites extractionnels pour pallier cette situation [4, 5et 6]. Les traitements par extraction/implantation font l'objet d'un vif débat dans la littérature. Toutefois, quand ils sont associés à une mise en charge différée, ils présentent de bons résultats [7]. Plusieurs études ont évalué ces protocoles en association avec des protocoles de mise en charge immédiate ou précoce pour permettre une réduction significative des temps de traitement.

Les résultats cliniques relevés par les auteurs sont très variables. De Bruyn et Collaert [8] rapportent un taux de succès de 61 % pour les implants mis en charge de façon précoce dans des sites postextractionnels contre 99,3 % pour un même protocole appliqué sur des implants placés au niveau de sites cicatrisés. Balshi et Wolfinger [9], puis Chaushu et al. [10] ont eux constaté des taux de succès respectifs de 80 et de 82,4 % pour des implants mis en charge immédiatement dans des sites postextractionnels. Des résultats plus encourageants ont été rapportés par Cooper et al. [5] ainsi que par Grunder [11] qui obtiennent des taux de succès respectifs de 100 et de 97,3 % pour des protocoles similaires à la mandibule.

Plus récemment, Villa et Rangert [6] ont retrouvé un taux de succès de 100 % pour le traitement de 20 patients chez qui 97 implants ont été mis en place dans des sites postextractionnels et mis en charge de façon précoce. En plus des résultats encourageants qu'ils apportent, ces deux auteurs soulignent l'importance d'un protocole pré-, per- et postopératoire rigoureux.

En effet, à partir de résultats provenant d'expérimentation chez l'animal, certains auteurs ont démontré que la mise en place d'implants au niveau de sites extractionnels infectés pouvait être couronnée de succès à condition qu'un protocole préopératoire bien précis soit respecté [12,13]. Le processus cicatriciel intervenant après une extraction associée au débridement et au curetage correct de la lésion suffit le plus souvent à résorber le foyer infectieux. Villa et Rangert [6] ont testé avec succès l'hypothèse suivante : associée à une prescription d'antibiotique débutant 48 h avant l'intervention, la mise en place d'un implant au niveau d'un tel site extractionnel ne modifie en rien ce processus. De plus, l'application à ces implants d'un protocole de mise en charge précoce (ici à 3 jours postopératoires) est couronnée de succès tant que les implants considérés présentent une stabilité primaire suffisante.

Pourtant, si l'on considère l'ensemble des études évoquées ci-dessus, il est intéressant de voir que la totalité des auteurs se concentrent sur le problème chirurgical et éludent le problème du protocole prothétique à appliquer pour réaliser la prothèse permettant la mise en charge correcte de ces implants. Dans la majorité des cas, cette prothèse n'est que le reflet de la denture défaillante du patient et fixe ainsi l'ensemble des composants pathogènes de son occlusion. Ainsi, les implants mis en charge précocement ne se retrouvent pas dans la meilleure situation biomécanique, ce qui représente un facteur de risque supplémentaire pour le traitement.

Le but de cette étude est d'évaluer si le respect des techniques de prothèse complète immédiate [14,15] lors de protocoles d'extraction/implantation, accompagnés d'une mise en charge précoce, permet de faciliter la réalisation de ces traitements prothétiques réputés complexes et aléatoires et d'offrir un environnement plus favorable à ces implants déjà placés dans une situation à risque.

Généralités

Définition

La prothèse complète immédiate consiste en la mise en place d'une prothèse complète conventionnelle extemporanément à l'extraction des dernières dents du patient. Dans le cadre de cette étude, l'extension de cette technique à la prothèse sur implants permet la mise en place différée (de quelques heures dans un protocole de mise en charge immédiate ou de plus dans un protocole de mise en charge précoce) d'une prothèse fixée dont l'ensemble des caractéristiques a été anticipé et défini au moment de la phase préopératoire. De même, la position des implants supportant cette structure est définie en préopératoire de façon à créer un environnement biomécanique favorable à la future prothèse. L'utilisation de guides chirurgicaux issus des techniques de prothèse complète immédiate va permettre de créer un lien entre la phase préparatoire et la phase chirurgicale [16] pour assurer le maintien du concept occluso-prothétique appliqué à la prothèse complète, c'est-à-dire d'une occlusion intégralement équilibrée, tout au long du traitement.

Objectif

L'objectif de ce traitement est le même qu'en prothèse complète immédiate : le maintien des dernières dents pendant toute la phase préparatoire pour ne jamais laisser le patient édenté tout en permettant une réduction des temps de traitement.

Moyens

• Concevoir et fabriquer un moulage de travail secondaire rassemblant toutes les données cliniques (anatomiques, fonctionnelles et esthétiques) nécessaires à la prévision de la prothèse implanto-portée.

• Aménager ce moulage par anticipation sur les cicatrisations osseuse et muqueuse (après extraction, mais également après aménagement d'un plateau osseux de largeur suffisante pour la mise en place des implants) et sur le résultat esthétique.

• Élaborer un guide chirurgical destiné à conduire l'édentation, l'aménagement du site d'extraction et la mise en place des implants dans le respect d'un projet prothétique.

• Transformer ce guide chirurgical en porte-empreinte occluso-adapté pour faciliter l'empreinte implantaire, permettre le maintien du concept occluso-prothétique défini dès la phase préparatoire et optimiser la future réhabilitation.

Matériels et méthodes

Au total, 8 patients chez qui l'indication d'une édentation complète mandibulaire a été posée ont été traités et répartis en 2 groupes :

• groupe A : 4 patients présentant 3 édentements complets et 1 édentement de classe 1 Kennedy au maxillaire. Protocole d'extraction/implantation, un seul temps chirurgical, début de la phase prothétique à 2 mois postopératoires et mise en charge de la prothèse à 3 mois postopératoires. Pose de 20 implants (Mk III Ti-Unite® 4 × 13 mm, Nobel Biocare) ;

• groupe B : 4 patients présentant 2 édentements complets et 2 édentements de classe 1 de Kennedy au maxillaire. Protocole d'extraction/ implantation, début de la phase prothétique dès la fin de la phase chirurgicale et mise en place d'une prothèse (provisoire pour 3 patients et définitive dans le cas de Brånemark Novum®) le jour même de l'intervention. Pose de 17 implants (14 Mk III Ti-Unite® 4 × 13 mm, 3 Brånemark Novum® 5 × 13 mm, Nobel Biocare). L'ensemble des patients a fait l'objet d'une double évaluation chirurgicale et prothétique avant de poser l'indication du traitement.

Pour les 2 groupes, les étapes du traitement ont été identiques. Les seules différences concernent les délais et la nature de la prothèse mise en place.

L'intervalle de l'étude a été choisi pour permettre un suivi minimal de 6 mois.

Étapes préparatoires

Empreintes primaires

Une empreinte primaire à l'alginate [14,15] est réalisée après avoir protégé les dents extrêmement mobiles avec du silicone pour mouler l'anatomie des zones dentées et édentées (fig. 1). Même si l'objectif final reste la mise en place d'une prothèse fixée sur implants, le praticien ne doit pas se contenter d'une empreinte approximative. En effet, c'est sur cette empreinte que sera fabriqué le porte-empreinte individuel (PEI) servant à la réalisation de l'empreinte secondaire.

Empreintes secondaires

Le réglage du PEI et l'enregistrement d'un joint périphérique complet sont obtenus comme en prothèse complète immédiate [14,15]. Le surfaçage est réalisé avec un matériau élastique, type polysulfure basse viscosité, permettant la désinsertion de l'empreinte sans avulsion des dents restantes. L'objectif de cette empreinte est principalement la recherche de la sustentation du guide chirurgical/montage directeur polymérisé.

La qualité de cette empreinte (fig. 2 et 3) favorise la stabilité du guide chirurgical puis du montage directeur grâce aux surfaces d'appui qu'elle autorise à distance de la zone d'intervention.

Rapports maxillo-mandibulaires

Il s'agit d'enregistrer la position de la mandibule par rapport au maxillaire avec une dimension verticale d'occlusion (DVO) correcte en position de relation centrée et permettre la construction de l'intercuspidie maximale. Cet enregistrement doit se faire sans contact dentaire ce qui peut nécessiter un enregistrement augmentant la dimension verticale (DV) dans les cas où la dimension verticale thérapeutique finale est inférieure à celle du patient au moment de l'enregistrement (la correction se fera par la suite sur articulateur).

Il est validé par l'essai d'un prémontage fonctionnel réalisé à la dimension verticale à laquelle le rapport a été enregistré.

Guide d'imagerie

C'est le montage directeur qui sert à l'élaboration du guide d'imagerie. Celui-ci est réalisé avec une résine rendue radio-opaque par l'adjonction de sulfate de baryum (fig. 4). Une fenêtre antérieure est aménagée autour des dents restantes pour permettre de comparer le couloir prothétique et le volume osseux du patient (fig. 5).

Dans certains cas, le guide d'imagerie peut être directement transformé en guide chirurgical (DVO et DV d'enregistrement identiques, antagoniste compatible avec le concept occluso-prothétique retenu et pas de modification du montage). Sinon, un nouveau montage doit être réalisé sur le moulage aménagé et placé à la DVO correcte. C'est ce montage qui est utilisé pour le guide chirurgical transformé ultérieurement en porte-empreinte pour enregistrer la position des implants.

Planification opératoire

Cette planification se fait sur un moulage secondaire préparé en fonction des données cliniques et de l'examen tomodensitométrique. Ce moulage secondaire est d'abord aménagé en fonction de différents paramètres :

- données de l'observation clinique : profondeur au sondage, bilan radiographique initial ;

- exigences prothétiques (espace occluso-prothétique...) ;

- exigences implantaires : création sur la crête d'un plateau d'épaisseur compatible avec le diamètre des implants (6 mm au minimum).

Cet aménagement une fois réalisé, la position des implants est déterminée sur ce moulage à l'intérieur de la fenêtre du guide d'imagerie et en fonction des données du scanner (orientation des tables osseuses, position des foramens mentonniers repérés de façon précise grâce au guide d'imagerie, sites osseux les plus favorables...) (fig. 6 à 8).

Les forets de 2 mm de diamètre (fig. 9) sont placés de manière à positionner les canons de forage sur le maître moulage. En fonction des paramètres évoqués précédemment, ces canons sont inclus directement dans le guide d'imagerie (fig. 10 et 11).

Phase chirurgicale

Une antibioprophylaxie est instaurée 48 heures avant l'intervention et poursuivie les 4 jours suivants.

Après extraction des dents et élévation du lambeau (fig. 12), la crête est progressivement modelée en utilisant le guide chirurgical [14,15]. Ce guide est ensuite placé en occlusion pour vérifier la qualité de la régularisation (fig. 13). L'ensemble des alvéoles est alors débridé et un curetage minutieux est réalisé. Les alvéoles sont ensuite rincés à la Bétadine verte® (Viatris Pharmaceuticals).

Après que l'on s'est assuré de la mise en place correcte du guide chirurgical, le forage est initié avec le foret de 2 mm de diamètre (fig. 14) au travers des canons de forage et se poursuit jusqu'à la mise en place des implants (fig. 15 et 16) :

- groupe A : dans tous les cas, 5 implants ont été placés, les 3 implants centraux ont été placés perpendiculairement au plan d'occlusion ; les 2 implants situés en position distale ont été placés en avant des foramens mentonniers et angulés de manière à augmenter la portée prothétique et réduire les extensions distales. Tous les implants de ce groupe ont présenté un couple d'insertion supérieur à 25 Ncm ;

- groupe B : 2 patients ont été traités avec le protocole chirurgical appliqué au groupe A ; un patient a été traité avec le système Brånemark Novum® et un patient a été traité selon le protocole All-on-Four® défini par Malo et al. [17]. L'ensemble des implants de ce groupe a présenté un couple d'insertion supérieur à 35 Ncm.

Phase prothétique

Pour les patients du groupe A, cette phase débute 2 mois après la mise en place des implants (fig. 17). Pour ceux du groupe B, elle débute dès la fin de l'intervention.

Intérêt du montage directeur polymérisé

Le guide chirurgical est aisément transformé en porte-empreinte occluso-adapté : les canons de forage sont déposés et une fenêtre est aménagée au niveau du site opératoire. Cette fenêtre doit permettre la prise d'une empreinte à ciel ouvert.

Le protocole d'empreinte est standardisé :

- le porte-empreinte occluso-adapté est tout d'abord stabilisé à l'aide d'un polyéther de moyenne viscosité (Impregum®, Espe) (fig. 18) ;

- une indexation de l'occlusion est réalisée au niveau des secteurs postérieurs à l'aide de pâte de Kerr verte® ( fig. 19) ;

- les transferts transvissés sont positionnés sur les implants et leur mise en place correcte est vérifiée radiographiquement (fig. 20). L'absence d'interférence avec le montage directeur est contrôlée (fig. 21) ;

- du plâtre (Buccofix®, Placoplâtre) est injecté à l'aide d'une seringue au niveau de la fenêtre antérieure pour solidariser les transferts entre eux et au montage directeur (fig. 22 et 23).

Le moulage est coulé, puis transféré sur articulateur grâce aux données enregistrées sur les secteurs cuspidés du montage directeur polymérisé. Pour les cas où la mise en charge est différée, une clé en plâtre (Snow White®, Kerr) est réalisée sur le moulage secondaire (fig. 24) et essayée en bouche (fig. 25) pour valider la passivité de l'empreinte.

Restauration définitive

Pour les patients du groupe A, l'empreinte est prise 2 mois après l'intervention chirurgicale. Pendant la phase de transition, ces patients ont porté une prothèse amovible complète issue du montage ayant servi à concevoir le guide chirurgical. Délivré une semaine après la mise en place des implants, l'intrados de cette prothèse a été évidé, puis réaménagé grâce à un matériau de basse viscosité pour ne pas interférer avec les implants.

Tous les patients du groupe A ont été appareillés grâce à des armatures en titane de type Procera Implant Bridge® (Nobel Biocare), réalisées classiquement selon le protocole décrit par Jemt et al. [18] à partir des données de l'empreinte réalisée avec le montage directeur polymérisé. Un nouveau montage sur l'armature en titane est essayé pour valider le rapport maxillo-mandibulaire. Les prothèses sont ensuite posées, leur adaptation passive vérifiée et l'occlusion équilibrée (fig. 26 à 29).

Mise en charge immédiate

Pour les patients du groupe B, l'empreinte est prise après l'intervention selon le même protocole (fig. 30 et 31) et transmise directement au laboratoire de prothèse pour la réalisation de la prothèse provisoire (fig. 32). Un nouveau montage sur cire est réalisé autour des piliers provisoires polymérisés et renforcé par un bandeau métallique. La finition des extrados prothétiques est effectuée (fig. 33a et 33b) et la prothèse est mise en place (fig. 34).

La passivité d'adaptation est vérifiée grâce aux tests de Sheffield décrits par White [19], puis la prothèse est serrée à 15 Ncm et les puits d'accès aux vis sont obturés par un matériau provisoire.

Les consignes postopératoires sont données au patient qui revient au bout de 7 jours pour la dépose des sutures.

Un contrôle est effectué à 1 et 3 mois. La phase prothétique définitive est initiée 6 mois après la mise en place des implants.

Un des patients du groupe B a été traité par le protocole Brånemark Novum®. Pour ce patient, le guide chirurgical a joué plutôt le rôle de montage directeur polymérisé et a été solidarisé en bouche à la barre prothétique supérieure du système Novum®, fournissant ainsi au laboratoire l'ensemble des données permettant le montage des dents et donc la finition de la prothèse (fig. 35 et 36).

Résultats

La mise en place des 37 implants chez ces 8 patients a été suivie d'un taux de succès prothétique et implantaire de 100 % à 1 an.

Pour les patients du groupe A, l'ensemble des moulages vérifiés à l'aide d'une clé en plâtre se sont avérés corrects. De même, l'essai des montages sur cire a démontré que dans tous les cas, l'indexation de l'occlusion sur le montage directeur polymérisé avait permis l'obtention d'un rapport intermaxillaire exact.

Pour les patients du groupe B, l'ensemble des bridges provisoires a satisfait aux tests de passivité et à nouveau, tous les rapports maxillo-mandibullaires étaient corrects.

Pour les patients des 2 groupes, une stabilité osseuse péri-implantaire a été observée.

Un implant chez un patient du groupe A a présenté une perte osseuse de 2,3 mm après mise en charge. Pour tous les autres, cette perte osseuse n'a jamais excédé 0,8 mm.

Discussion

• Sept sites implantaires (2 patients du groupe A et 1 patient du groupe B) ont présenté des inflammations gingivales récurrentes ; ces phénomènes inflammatoires ont été reliés à un déficit en tissus kératinisés. De simples conseils d'hygiène ont suffi à améliorer la situation pour 2 patients, mais un des patients plus âgés a fait l'objet d'un aménagement parodontal au niveau de deux sites inflammatoires (greffe épithélio-conjonctive). D'une manière générale, le volume et le niveau des tissus kératinisés se sont avérés délicats à gérer.

• Chez 2 patients du groupe A où la régularisation osseuse avait été importante, un phénomène de résorption s'est poursuivi jusqu'à 6 mois postopératoires n'affectant pas le volume osseux péri-implantaire, mais altérant l'esthétique de la prothèse et gênant la fonction (espace augmenté entre l'intrados prothétique et la crête entre les implants). Chez ces 2 patients, un aménagement a été réalisé au niveau de la fausse gencive pour la réadapter au contexte du patient. Ce phénomène met en évidence l'intérêt de la mise en place d'une prothèse transvissée transitoire, car les prothèses d'usage des patients du groupe B ont toutes été mises en place dans un environnement tissulaire stabilisé.

• Le taux de satisfaction dans le cas de la mise en charge immédiate reste plus important.

En effet, les patients du groupe B ont apprécié la réalisation prothétique fixée le jour de l'intervention et l'équipe soignante le gain de temps évitant les rebasages successifs durant la période de cicatrisation.

Cette étude préliminaire à 1 an conforte les résultats encourageants de nombreuses études cliniques [4, 5, 6, 7, 8, 9et 10] sur la mise en place d'implants dans des sites extractionnels avec une mise en charge immédiate ou précoce pour diminuer la durée du traitement d'un édentement complet mandibulaire.

En outre, cette étude met l'accent sur la nécessité de réaliser au préalable un projet prothétique et de placer les implants en fonction de l'espace prothétique prédéterminé rendant ainsi le résultat prévisible. Cependant, cette technique exige un enregistrement précis de la position des implants et une passivité d'adaptation de la prothèse permettant une répartition équilibrée des contraintes sur l'ensemble des implants et des conditions favorables à l'ostéointégration. L'utilisation d'un montage directeur polymérisé ainsi que du plâtre comme matériau d'enregistrement des positions des implants permet de répondre à ces exigences.

Il convient donc d'être prudent dans l'indication de cette technique, qui est fonction de plusieurs paramètres :

- possibilité de reproduire une occlusion stable ;

- rapport maxillo-mandibulaire répétitif ;

- rapports interarcades favorables ;

- volume osseux suffisant ;

- stabilité primaire des implants incontournable ;

- patient motivé et coopérant.

Conclusion

Cette étude, réalisée toutefois sur un nombre de cas limité, a montré des résultats encourageants. Le suivi d'un protocole pré-, per- et postopératoire rigoureux a permis une démarche thérapeutique bien codifiée tout en mettant la prothèse complète au service de la prothèse sur implants.

La maquette du projet prothétique réalisée au préalable et sa transformation en guide d'imagerie, puis en guide chirurgical et enfin en porte-empreinte occluso-adapté permet :

- d'obtenir en une seule séance une empreinte fiable dans un rapport maxillo-mandibulaire correct permettant d'emblée la réalisation de la prothèse d'usage. Ceci amène un gain de temps appréciable et indispensable pour les cas de mise en charge immédiate ;

- de conserver le concept occluso-prothétique de la prothèse complète, c'est-à-dire une occlusion intégralement équilibrée, pendant toute la réhabilitation ;

- d'objectiver l'espace disponible pour les différents éléments chirurgicaux et prothétiques ;

- de garantir la continuité du traitement chirurgical et prothétique.

Le protocole d'extraction/implantation avec mise en charge immédiate d'une prothèse complète transvissée mandibulaire semble pouvoir être réalisé avec des résultats prévisibles à la condition de suivre le protocole proposé dans cette étude préliminaire.

Tous nos remerciements au Dr Hadi Antoun pour le traitement chirurgical du patient appareillé par Brånemark Novum® et aux laboratoires Didier Raux, Vincent Brutus et Serge Tissier pour la qualité de leurs restaurations prothétiques.

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