L'utilisation des implants courts comme une alternative aux techniques d'augmentation osseuse : à prouver ! - Cahiers de Prothèse n° 138 du 01/06/2007
 

Les cahiers de prothèse n° 138 du 01/06/2007

 

SYNTHÈSES

Éric Robbiani  

Pourquoi ?

Les situations de forte résorption osseuse dans les secteurs postérieurs sont assez fréquemment rencontrées. Dans ces situations, une prothèse amovible est parfois difficile à réaliser et à stabiliser. Le recours à des chirurgies d'apposition osseuse permet la pose d'implants pour compenser l'édentement, mais augmente la durée, la morbidité et le coût du traitement. L'utilisation d'implants courts limite le nombre de chirurgies, mais a été associée à des...


Pourquoi ?

Les situations de forte résorption osseuse dans les secteurs postérieurs sont assez fréquemment rencontrées. Dans ces situations, une prothèse amovible est parfois difficile à réaliser et à stabiliser. Le recours à des chirurgies d'apposition osseuse permet la pose d'implants pour compenser l'édentement, mais augmente la durée, la morbidité et le coût du traitement. L'utilisation d'implants courts limite le nombre de chirurgies, mais a été associée à des taux de succès plus bas.

L'objectif de cette étude est de déterminer à l'aide d'une analyse de la littérature quels sont les taux de succès des implants courts, à quel moment la perte de l'implant survient-elle et quels sont les facteurs de risques liés à leur utilisation.

Comment ?

Une recherche bibliographique dans la base de données MEDLINE a été réalisée avec les mots clés suivants : « dental implants AND length AND clinical OR longitudinal OR retrospective OR follow-up » pour des articles publiés entre 1980 et 2004 en langue anglaise. Cette recherche a permis d'extraire 101 études. Le système implantaire utilisé dans l'étude devait être compatible avec le système Brånemarck et suivi sur plus d'un an. Les techniques chirurgicales particulières ou la mise en charge immédiate étaient des critères d'exclusion. La recherche a été complétée par les articles cités dans les articles retenus. Un total de 31 articles a été sélectionné pour cette revue de synthèse.

Les sources sont précisées, mais malheureusement les critères d'analyse des articles retenus ne sont pas décrits.

Et alors ?

Les résultats sont présentés essentiellement sous forme de tableaux. Les auteurs dénombrent 16 344 implants posés dans les 31 études retenues et 786 implants (4,8 %) en situation d'échec qui ont été retirés. Or les tableaux ne présentent que 26 études. Parmi ces 26 études, 10 ne donnent pas d'informations sur les implants de 7 à 10 mm. Il n'y a donc que 10 903 implants concernés par le sujet dont 4 288 implants de moins de 10 mm. Sur ces 10 903 implants, 457 ont été déposés (4,2 %). Dans les 16 études utiles, il y a 4 288 implants courts ( 10 mm) dont 362 ont été retirés (8,4 %), soit le double du taux observé toutes longueurs confondues. Si l'on considère les 6 615 implants de plus de 10 mm, il n'y a donc que 95 pertes (soit 1,4 % ou 6 fois moins qu'avec des implants courts !). A noter que les études plus récentes (Tawill, Bahat) montrent des taux d'échecs moins importants avec les implants courts (seulement 2 fois plus : 4,9 %/ 2,3 % pour Tawill et 7,4 %/ 3,7 % pour Bahat). Pour les 2 groupes d'implants avec des tailles suffisantes, on observe respectivement 9,5 % d'échecs pour les implants de 7 mm et 5,8 % pour les implants de 10 mm (en diamètre 3,75). L'analyse du moment auquel survient l'échec est faite sans discriminer la longueur de l'implant. Comment en tirer des conclusions pour les implants courts ? De plus 2 études apparaissent dans ce tableau (Johns et Quirynen) sans que l'on sache le nombre d'implants de départ.

Les mêmes remarques peuvent être faites pour l'analyse des facteurs de risque potentiels (tabac, âge, sexe, surcharge occlusale, arcade, qualité osseuse...).

La conclusion de l'étude est fantaisiste. Rien ne permet dans cet article d'affirmer que les implants courts sont une alternative aux techniques de greffe osseuse.

Plus de rigueur est nécessaire dans la sélection des articles pour donner de la puissance aux conclusions. Plus de rigueur est nécessaire dans l'analyse des résultats des articles.

À retenir :

Le but de cette étude, annoncé dans le résumé, est de déterminer si l'utilisation des implants courts peut être une alternative fiable à l'utilisation de chirurgies d'apposition osseuse. Les autres questions sont de déterminer les taux de succès avec des implants courts, le moment de la perte de l'implant et les facteurs de risque de l'utilisation de ces implants. Sur les 31 articles que les auteurs disent avoir retenus, seuls 26 sont cités dans leurs résultats. Parmi ceux-ci, 10 ne donnent pas d'information sur les implants courts. Le seul résultat utilisable de cette analyse imparfaite de la littérature est que les implants courts ( 10 mm) présentent des taux d'échecs 6 fois supérieurs (362/4 288 = 8,4 %) à ceux d'implants de plus de 10 mm (95/6 615 = 1,4 %). Le taux d'échecs toutes longueurs confondues est de 4,2 % pour les 10 903 implants cités dans ces 16 études. Les études récentes (Tawill, Bahat) semblent avoir des taux d'échecs moins défavorables aux implants courts (x2). La conclusion de cette étude n'est que l'avis des auteurs et ne s'appuie sur aucun fait scientifique prouvé. Rien ne permet dans cet article d'affirmer que les implants courts sont une alternative aux techniques de greffe osseuse. Une étude orientée sur cette question serait utile.