Pulpe et prothèse fixée à ancrage périphérique - Cahiers de Prothèse n° 138 du 01/06/2007
 

Les cahiers de prothèse n° 138 du 01/06/2007

 

Prothèse fixée

Adrien Naveau -*   Patrick Renault -**   Laurent Pierrisnard -***  


* AHU-PH
** MCU-PH
*** MCU-PH

Résumé

La prothèse fixée à ancrage périphérique obéit à de lourds impératifs fonctionnels et esthétiques au détriment des tissus minéralisés. La pulpe dentaire n'est alors séparée de l'hostile milieu buccal que par une mince couche de dentine. La conservation de la vitalité pulpaire se voit souvent sanctionnée par une sensibilité résiduelle ou par une nécrose. Cette fréquence de complication pulpaire est estimée à 1 % par an selon certaines études cliniques. Cependant, l'indication de la dépulpation préventive doit être réservée aux dents à risque. Avant tout traitement, le potentiel de défense pulpaire doit faire l'objet d'une évaluation soigneuse pour majorer ses chances de survie. Ensuite, il faut éviter au cours des étapes prothétiques les agressions thermiques (préparation, résines...), chimiques (bactériennes, eugénol...) et physiques (déshydratation...).

Summary

Pulp and fixed prosthesis with peripheric preparation

Fixed prothodontics with peripheral anchoring obeys to highly requirements, both functional and esthetical, to the detriment of the mineralised tissues. The dental pulp is then only separated from the oral hostile environement by a fine dentin's layer. Conservation of the pulp's vitality is often penalized by a residual sensibility or even a necrosis. Pulp complication frequence is estimated at a rate of 1 % per year according to various clinical studies. However, the indication of preventive depulpation concerns essentially high-risk teeth. Before any other treatment, the pulp-defense potential has to be seriously evaluated to increase its survival chance. Afterall, during prosthetic steps, aggressions should be avoid such as those particular ones: thermical (preparation, wax...), chemical (bacteria, eugenol...) and physical (deshydratation...).

Key words

pulp, peripheric preparation, fixed prosthesis.

Pour assurer la rétention d'une restauration prothétique fixée à ancrage périphérique, et pour autoriser une épaisseur suffisante de matériau, le praticien doit obligatoirement effectuer un délabrement de la dent support. Or, face à l'agression liée à la préparation, les tissus découverts ont un potentiel de défense limité. À l'issue de l'élimination de l'émail, seule la dentine assure la défense de la pulpe. Trop souvent, malgré le désir de respecter la vitalité pulpaire, une sensibilité résiduelle, voire une nécrose à moyen ou long terme peuvent intervenir. En dépit de leurs limites, les études cliniques permettent d'apprécier la fréquence de survenue des complications pulpaires. On pourrait penser que dépulper une dent serait un moyen d'échapper à ces incertitudes, mais le rapport bénéfice/coût est loin d'être favorable. Les étapes à risque en prothèse fixée sont nombreuses mais il existe autant de précautions simples pour préserver la pulpe.

Le but de cet article est de mettre en évidence les potentiels de défense des différents tissus dentaires concernés et de décrire les précautions à prendre lors des différentes séquences de réalisation des prothèses fixées à ancrage périphérique face aux risques d'agressions.

Les tissus dentaires face aux préparations

L'émail

L'émail est le tissu le plus minéralisé de l'organisme, avec 96 % de matière minérale (cristaux d'hydroxyapatite de calcium principalement). Il constitue une protection thermique, chimique et physique pour les structures sous-jacentes. Ses propriétés de protection sont proportionnelles à son épaisseur : il est plus épais en occlusal au niveau des cuspides et s'amenuise jusqu'à la jonction amélocémentaire. Or, pour assurer une résistance mécanique et/ou esthétique, la préparation périphérique doit autoriser une épaisseur suffisante de matériaux de restauration. Malheureusement, si une préparation respecte les cotes de réductions classiques , cette barrière amélaire est éliminée au moins partiellement . En effet, ces cotes sont à appliquer dès la portion cervicale (épaisseur d'émail faible) (fig. 1) et la réduction axiale n'est pas homothétique (sauf dans le cas de facettes) (fig. 2) mais de dépouille... La défense de la pulpe repose alors sur la dentine.

La dentine

La dentine est composée de matières minérales (environ 70 %) et organiques (20 %). Ce tissu est parcouru de canalicules dont la densité augmente en s'approchant de la pulpe (d'environ 20 000 canalicules/mm2 dans la portion externe jusqu'à 55 000 dans la portion interne) [2]. Les odontoblastes qui y sont logés trouvent des nutriments en provenance du réseau vasculaire pulpaire, via les fluides dentinaires intratubulaires et pulpaires.

Le diamètre des canalicules décroît avec l'âge et en s'éloignant de la pulpe [3], ce qui a une incidence sur la préparation chez le sujet jeune en particulier. L'élimination de la dentine provoque la formation d'une boue (smear layer, 2 mm [4]) qui limite l'échappement des fluides dentinaires [5]. L'ouverture des tubuli au milieu extérieur s'accompagne de la nécrose des odontoblastes sectionnés.

La pulpe

La pulpe est un tissu conjonctif intimement lié à la dentine pour former ensemble ce que l'on a coutume d'appeler le complexe dentino-pulpaire. La libération de médiateurs consécutive à la nécrose d'odontoblastes entraîne une inflammation pulpaire d'autant plus conséquente que la surface découverte est importante et que l'épaisseur de dentine est réduite. La vasodilatation s'accompagne alors d'une exsudation plasmatique prononcée, pouvant aller jusqu'à l'hémorragie, et d'une baisse du retour veineux, ce qui augmente la pression pulpaire localement [6]. Dans le meilleur des cas, la pulpe guérit en 15 jours. Se forme alors une dentine réactionnelle par les odontoblastes survivants ou une dentine réparatrice par les néo-odontoblastes [7]. Le potentiel réparateur de la pulpe est entamé à chaque agression (fig. 3). L'historique dentaire (âge, carie, usure, restaurations successives) reflète la capacité de réponse que l'on peut attendre de la pulpe [8]. Lorsque les agressions lors des étapes de réalisation des prothèses fixées dépassent sa capacité, une pathologie pulpaire peut survenir : inflammation pulpaire aiguë, nécrose ou pulpite chronique (qui se traduit par une sensibilité persistante et provoque un vieillissement prématuré de la pulpe qui peut être associé à une ostéite condensante péri-apicale).

Épidémiologie des complications pulpaires

L'inflammation déclenchée par la préparation est donc inévitable ; cependant, elle ne tourne pas systématiquement à la complication d'origine pulpaire. De nombreuses études cliniques ont porté sur la fréquence des « échecs » après pose de couronne sur dent pulpée. La plupart de ces relevés se limitent aux restaurations périphériques scellées. Ces résultats vont de 1 à 30 %. Il convient donc de revenir sur cette disparité qui reflète la diversité des conditions d'étude.

Certaines études bien menées rassurent quant au risque de complication pulpaire :

• en 1984, Bergenholtz [10] a mené une étude rétrospective sur 52 patients suivis pour des parodontites sévères dans un centre d'enseignement. Il a procédé à un examen clinique et radiographique sur chaque dent pulpée portant une couronne. Après une moyenne de 8,7 ans (4-13 ans), il a observé 15 % de dents supports de bridge nécrosées (sur 255) contre 3 % (sur 417 dents) pour les couronnes unitaires ;

• Valderhaug [11] (1997) a pu suivre 32 patients tous les 5 ans et observer l'évolution radiographique de 101 dents pendant 25 ans. L'examen a montré un taux de survie prothétique identique entre dents pulpées et non pulpées, et 10 % des échecs étaient consécutifs à une nécrose (surtout des molaires). Ils ont estimé à 98 % le taux de survie pulpaire à 5 ans, 95 % à 10 ans, 87 % à 20 ans et 83 % à 25 ans.

D'autres études sont plus pessimistes en termes de fréquence. Par exemple, Cheung [12] a rapporté, en 2005 dans une étude effectuée dans un hôpital d'enseignement, 15,9 % de nécroses à 15 ans (sur 122 couronnes céramo-métalliques) et 32,5 % sur 77 dents piliers de bridge. Il a estimé le taux de survie pulpaire à 84,4 % pour les CCM et 70,8 % pour les piliers de bridges à 10 ans, et à 81,2 % pour les CCM et 66,2 % pour les piliers de bridges à 15 ans. Il a trouvé une augmentation significative des nécroses au niveau des dents antérieures maxillaires.

Il existe de nombreuses autres études sur le sujet, dont les biais sont plus ou moins importants :

• Karlsson [13] en 1986 a examiné 164 patients chez qui un bridge a été posé 10 ans auparavant par divers praticiens (944 dents supports) et a noté, après examen clinique et radiographique, 10 % de dents présumées initialement vivantes avec des lésions apicales ;

• en 1991, Cheung [14] a réévalué 73 dents pulpées supports de couronne unitaire et a rapporté 3 dents traitées ou nécessitant un traitement endodontique au bout d'une moyenne de 2,8 ans, soit 4,1 % ;

• Jackson [15] (centre d'enseignement, 1992) a examiné 10 % de ses patients porteurs de couronnes au cours des 6 années précédentes et a noté 5,7 % (sur 437) de dents traitées ou nécessitant un traitement endodontique ;

• Saunders et Saunders [16] (1998) ont analysé les radios de 202 patients adressés pour réaliser un bilan long-cône (sans aucune connaissance de l'historique). Ils ont relevé 19 % de dents pulpées présentant des signes radiographiques de parodontite apicale ;

• Walton [17] en 1999 a revu 239 patients à qui il avait posé une couronne les 10 dernières années et a décelé « cliniquement » 2,7 % de complications périapicales ;

• Hammerle [18] en 2000 a effectué une étude rétrospective de 5-16 ans en examinant 120 moyens d'ancrage de bridge et a dénombré 10 % de perte de vitalité pulpaire ;

• Lockard [19] en 2002 a mené une étude rétrospective sur 1 847 dents pulpées préparées par lui-même avec une turbine refroidie par air. Il a relevé 2,19 % de nécroses entre 20 et 30 ans et 0,66 % en deçà, et aucune image radiographique de pathologie sur ces dents.

En définitive, au-delà des biais relatifs aux études cliniques (type d'étude, nombre et expérience des praticiens, patients inclus et suivis, durée...), il est difficile de statuer sur le pourcentage exact de survie pulpaire. L'historique de la dent au moment de la préparation est incertain, et les différentes étapes de prothèse fixée varient même au sein de l'exercice d'un même praticien. Ensuite, les critères et les méthodes d'analyses de survie pulpaire diffèrent d'une étude à l'autre. Il est toutefois important de noter que la fréquence des complications augmente avec le temps et selon certains de ces auteurs, d'environ 1 % par an.

Bénéfice d'une dent pulpée

Le risque de voir survenir une pathologie existe. Dans ces conditions, il est logique de se demander si le fait d'anticiper cette complication en dépulpant les dents ne serait pas un bon moyen de diminuer le taux d'« échecs », mais il faut rappeler que le traitement endodontique n'est pas anodin car il induit des modifications biologiques et physicochimiques, et qu'il expose la dent à d'autres risques.

La dépulpation de la dent entraîne des modifications biologiques. Curieusement, les propriétés biomécaniques de la dentine ne sont que peu affectées par la disparition de communication liquidienne avec la pulpe nourricière [20,21]. Le fait que la dentine soit déshydratée après dépulpation ne fait pas l'objet de consensus [22,23]. En revanche, la plupart des auteurs s'accordent à dire qu'une dentine déshydratée voit sa résistance à la fracture baisser, et que sa réhydratation l'améliore [24,25]. La dégradation temporelle du collagène [26] tend sans doute à diminuer ces propriétés biomécaniques. D'après Loewenstein [27] et Randow [28], une baisse de proprioception (et de protection par évitement) accompagne la dépulpation, exposant la dent à des contraintes supérieures à celles subies par des dents pulpées. D'un point de vue d'édification radiculaire, il est préférable de garder la pulpe tant que l'apex des racines ne facilite pas une restauration canalaire étanche.

De plus, d'un point de vue plus physicochimique, la cavité d'accès endodontique (fig. 4), les solutions utilisées en endodontie [29,30], la qualité de l'obturation [31], l'âge du patient et l'ancienneté de la dépulpation sont des facteurs de fragilisation [32]. Le facteur le plus nocif mécaniquement est la perte d'une crête marginale ajoutée à l'étendue de la cavité d'accès [33].

Si l'on considère une dent pulpée destinée à recevoir une couronne, le traitement endodontique représente un investissement supplémentaire en temps et en coût ainsi qu'une prise de risques mécaniques, infectieux et pathogènes.

Dans ce contexte, l'étude de Valderhaug précédemment citée [11] est d'autant plus intéressante qu'elle montre un taux de survie identique entre dents pulpées et non pulpées. Si l'on s'en tient à ces résultats, il paraît hasardeux de prendre plus de risques pour un pourcentage de succès à long terme identique. Par ailleurs, dans le cas de bridge en extension, il est admis qu'un pilier dépulpé bordant l'édentement présente un risque majoré de fracture [28].

D'un point de vue esthétique, d'une part, la dentine de la dent dépulpée exposée au milieu buccal peut prendre une teinte brune avec le temps (fig. 5). D'autre part, le recours encore fréquent à la reconstitution coronoradiculaire coulée dans les secteurs antérieurs impose de jouer sur des infrastructures céramiques opaques pour restituer une esthétique convenable.

Enfin, l'argument éthique peut être avancé, en cela que nous ne ferons pas mieux que la nature.

Il paraît donc préférable d'exploiter la vitalité pulpaire tant qu'elle le permet, quitte à devoir déposer la prothèse ou réintervenir au travers de la prothèse posée (procédure toutefois non dénuée de risque). Il existe cependant des contre-indications qui découlent des éléments décrits précédemment. Tout d'abord, une pulpe usée par les batailles contre les agressions, dont le potentiel réparateur succombera sous les assauts des étapes prothétiques. Ensuite, l'épaisseur de dentine subsistante peut être insuffisante pour freiner les atteintes pulpaires, ce qui est le cas chez les sujets jeunes (gros volume pulpaire) ou sur certaines incisives (réductions trop importantes). Une autre contre-indication fréquemment citée est celle du pilier de bridge dont l'axe est incompatible avec celui des autres piliers. À ce propos, il peut être intéressant, dans le cas d'une molaire versée, de réaliser un onlay de Klaffenbach pour préserver la vitalité pulpaire...

Étapes prothétiques et précautions à prendre

En pratique, lorsque le plan de traitement prévoit la réalisation d'une couronne, la première étape consiste à évaluer la vitalité pulpaire et ses capacités de défense. Il faut donc procéder à un examen clinique minutieux assorti de tests (thermiques, électriques, de percussion) et de radiogrammes lisibles. Il faut également interroger le patient sur d'éventuelles sensibilités chroniques ou traumatismes passés. Enfin, si la dent présente une carie ou une obturation, il appartient au sens clinique du praticien d'évaluer le potentiel réparateur pulpaire. Si le doute plane, il vaut mieux procéder au traitement endodontique.

La préparation

Le type de prothèse défini avant de commencer la préparation est le fruit d'un compromis entre esthétique, propriétés mécaniques de la dent et de la prothèse, proximité pulpaire. Parfois, la pulpe est le facteur sacrifié, par exemple si l'axe de la dent est défavorable au projet prothétique ou dans le cas de dents antérieures.

La préparation est conduite par des instruments rotatifs à plus de 150 000 tours/min (turbine, contre-angle bague rouge), (fig. 6c) dont l'efficacité s'accompagne d'un risque élevé d'agression à potentiel pathogène. Avec le temps, ces instruments rotatifs peuvent prendre du jeu et être sujets à un mouvement de rotation excentrique. De plus, ils perdent de leur capacité de coupe avec les fraises en carbure de tungstène et leur potentiel abrasif avec les instruments diamantés qui s'usent. Pour maintenir une même efficacité, le praticien a tendance à exercer des pressions supérieures, ce qui a pour effet d'augmenter les vibrations et l'échauffement des tissus.

Il est très important de disposer d'un système de refroidissement de l'instrument rotatif efficace pour majorer l'efficacité de fraisage en éliminant les copeaux dentaires, pour refroidir les tissus échauffés et pour éviter d'induire des mouvements hydrodynamiques [34]. En effet, la chaleur peut causer des dommages irréversibles aux odontoblastes, affecter les vaisseaux pulpaires et conduire à des lésions vasculaires accompagnées de nécroses tissulaires [35]. L'épaisseur de dentine résiduelle est la meilleure protection [36]. Une élévation de température camérale de plus de 5,6 °C [37] pourrait conduire à une atteinte de la vitalité pulpaire.

Les cotes de réduction nécessaires au matériau doivent alors être respectées (fig. 6d), sauf si le volume dentaire permet déjà une épaisseur suffisante de matériau pour le nouveau projet prothétique (dent légèrement versée et prothèse en orthoposition par exemple).

En résumé, pour diminuer les risques de complication pulpaire, il convient de contrôler l'épaisseur de réduction avec minutie, de vérifier le bon état des instruments, notamment en termes de coupe, de nettoyage et de refroidissement.

En attendant la prothèse transitoire

La dentine est une structure humide, paramètre bien connu des protocoles de collage. Si la dentine se déshydrate au cours du traitement, cela peut entraîner des lésions pulpaires. Il faut maintenir l'hydratation pulpaire pendant la préparation ainsi que pendant la réalisation de la prothèse transitoire. Un bref séchage est cependant toléré lors de la réalisation de l'empreinte et pour étudier un détail de la préparation.

L'un des facteurs de risque les plus importants est la flore bactérienne de la cavité orale [38,39]. Avant de coiffer la dent, il faut la nettoyer avec de la chlorhexidine à 0,12 % ou de l'hypochlorite de sodium à 2,5 %. Même si peu d'études montrent leur effet protecteur, deux types de traitement de surface peuvent être appliqués sur la dent pendant les étapes prothétiques afin de réduire les sensibilités et d'empêcher les irritants bactériens d'infiltrer les tubuli [40] :

• des agents de scellement des tubuli dentinaires à base de glutaraldéhyde/métacrylate d'hydroxyéthyle pour précipiter les protéines, ou à base de fluor ou d'acide oxalique pour précipiter les minéraux [41] ;

• des adhésifs résineux qui, après une modification ou une disparition partielle/totale de la smear layer, optimisent leur liaison à la dentine [42].

Ces désensibilisateurs peuvent toutefois présenter des interactions avec les ciments de scellement et les colles.

La prothèse de transition

La réalisation de prothèses transitoires par méthode directe génère une réaction de polymérisation exothermique qui peut nuire à la santé pulpaire. L'élévation de température des résines acryliques et des composites bis-acryl chémopolymérisants est proportionnelle au volume de matériau utilisé et à la durée d'exposition à la lumière pour les photopolymérisants. Le refroidissement par spray d'eau ou d'air lors de l'initiation de la prise de la résine doit être accompagné de désinsertions répétées. L'utilisation de silicone A en tant que matrice permet d'absorber une partie de la température [43] mais empêche de surveiller digitalement l'élévation de température. Il est quand même recommandé de procéder à la réalisation des éléments transitoires de manière indirecte [44] (fig. 6a à 6h ), d'autant que le monomère des résines acryliques peut s'avérer toxique pour la pulpe [45,46]. Enfin, tout défaut de conception de la prothèse transitoire (surocclusion, défaut d'étanchéité...) peut être la cause d'inflammation pulpaire.

Prise d'empreinte

La prise d'empreinte peut être génératrice d'agressions pulpaires :

• agression thermique avec l'utilisation des hydrocolloïdes réversibles lorsque les températures sont mal contrôlées ;

• agression physique par la mise en oeuvre de pressions excessives sur le complexe dentinopulpaire par le matériau d'empreinte lors de l'utilisation de « wash-technique », par exemple.

Ciments provisoires

Le matériau d'assemblage joue un rôle important dans la pérennité de l'herméticité du joint qui empêche l'infiltration de bactéries. Les propriétés de ces matériaux déclinent avec la durée de port de la prothèse transitoire. Il faut veiller à une répartition du matériau d'assemblage sur l'intégralité de la préparation et éviter de le laisser plus de 2 semaines en bouche selon Christensen [47]. Selon certains auteurs, la pression pulpaire augmentant proportionnellement à la force exercée lors du scellement [48], il faudrait ménager un orifice d'échappement du ciment au travers de la couronne transitoire pour éviter la propulsion dans les tubuli de substances toxiques.

L'eugénol libéré par l'hydrolyse des ciments eugénolates de zinc est toxique pour la pulpe (inhibe la polymérisation de la résine et empêche le collage). En revanche, ces ciments sont étanches et antimicrobiens [49]. Il est possible d'utiliser des ciments à base d'hydroxyde de calcium alcalin en bénéficiant de leurs propriétés dentinogénétiques.

Matériaux d'assemblage définitifs

Avant la mise en place du matériau d'assemblage définitif, il faut particulièrement soigner le nettoyage de la dent, pour éviter que des résidus chimiques (désensibilisateurs, ciment provisoire...) perturbent leur prise.

L'oxyphosphate de zinc est bien connu pour son pH acide qui menace la vitalité pulpaire. Malgré des propriétés mécaniques moins performantes, les ciments polycarboxylates ont, par le passé, pallié cet inconvénient. Les CVI-mar (RelyX luting cement, GC Fujicem et Fuji Plus) sont les moins traumatisants. Lors des reconstitutions de moignon ou scellements de couronnes, les adhésifs auto-mordançants peuvent être utilisés avantageusement avant l'application de ciments à base résine [50].

Conclusion

Pour éviter au patient le désagrément d'une réintervention après la pose d'une prothèse fixée, il convient d'être vigilant lors de l'analyse diagnostique de la dent et durant toutes les étapes prothétiques. Pour l'information du patient, il faut tenir compte des statistiques d'échecs qui sont équivalentes sur dents pulpées et sur dents dépulpées.

Remerciements à Patrick Renault pour l'apport iconographique.

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