Attachement axial en prothèse amovible partielle - Cahiers de Prothèse n° 139 du 01/09/2007
 

Les cahiers de prothèse n° 139 du 01/09/2007

 

PROTHÈSE AMOVIBLE PARTIELLE

Leila Fajri -*   Faiza Benfdil -**   Bouabid El Mohtarim -***   Ahmed Abdedine -****  


* Chirurgien-dentiste spécialisée en prothèse adjointe
** Professeur assistante en prothèse adjointe
*** Professeur de l'enseignement supérieur en prothèse adjointe, chef du service d'odontologie
**** Professeur de l'enseignement supérieur en prothèse adjointe, chef du service de prothèse adjointe

Résumé

La prothèse amovible partielle métallique (PAPM) est souvent associée aux « crochets ». L'aspect disgracieux de ces derniers la rend inesthétique. Dans certains cas, des racines résiduelles répondant à des critères spécifiques peuvent être utilisées comme supports d'attachements axiaux. Ces moyens complémentaires de rétention suppriment l'apparence des bras vestibulaires des crochets et, par conséquent, améliorent considérablement l'esthétique des PAPM. Les auteurs montrent, au travers d'un cas clinique, les différentes étapes de réalisation d'une PAPM avec attachement axial et soulignent l'intérêt de ce dispositif dans l'intégration de la reconstruction prothétique tant sur le plan esthétique que fonctionnel.

Summary

Axial attachment in removable partial denture: step-by-step realization

Removable partial dentures (RPD) are often associated to «clasps» whose unsightly aspect make them unaesthetic. In certain cases, the use of residual roots as supports of axial attachments can improve considerably their aesthetic and masticatory effectiveness. Indeed, these complementary means of retention increase the retention without the vestibular arms of the clasps being visible in the aesthetic sector. The authors show, through a clinical case, the various stages of realization of a RPD with axial attachment and underline the interest of this device for the prosthetic integration both in aesthetic and functional terms.

Key words

aesthetics, axial attachments, removable partial denture (RPD), retention.

La dentisterie esthétique tient actuellement une place considérable et déterminante pour le succès thérapeutique. Elle répond ainsi à la demande de plus en plus accrue de patients qui sont aussi de plus en plus exigeants vis-à-vis du beau. Pour le traitement de l'édentement partiel, la prothèse amovible partielle métallique (PAPM) conventionnelle a su dans un premier temps donner une satisfaction relative. Cependant, l'aspect disgracieux de ses « crochets », moyens de rétention classiques, est de moins en moins accepté.

Le présent travail consiste à présenter, pour un cas clinique abordé temps par temps, l'intérêt de l'attachement axial qui semble constituer une alternative intéressante.

Observation clinique

Un patient, âgé de 35 ans et présentant un édentement partiel maxillaire, consulte pour une réhabilitation par PAPM. Très hostile aux crochets, il préfère une prothèse qui s'intègre à l'esthétique du sourire.

Anamnèse

L'interrogatoire du patient indique un bon état de santé général et l'existence d'un réflexe nauséeux.

Examen clinique

Examen exobuccal

L'examen exobuccal montre un sourire qui découvre beaucoup les dents maxillaires.

Examen endobuccal

Le patient présente une hygiène buccale satisfaisante. Au niveau de l'arcade maxillaire, on note la présence d'un édentement de classe II subdivision 2 avec absence des 18, 17, 16, 14, 24, 25, 26 et 28 (fig. 1a à 1c.

La 27 comporte un composite mésial et occlusal. La 15, isolée, est à l'état de racine légèrement sous-gingivale du côté mésial (fig. 2a). Les crêtes sont hautes et recouvertes d'une fibromuqueuse ferme et adhérente.

Au niveau de l'arcade mandibulaire, on note la présence d'un bridge de 45 à 47. L'examen occlusal montre une fonction canine droite et gauche et un guidage antérieur efficace.

L'examen radiologique de la 15 révèle une racine de taille satisfaisante avec un traitement endodontique défectueux (fig. 2b).

Objectifs de traitement

Ils sont de 3 ordres : restaurer l'occlusion et l'esthétique ainsi qu'assurer la rétention prothétique.

Solutions thérapeutiques

Différentes thérapeutiques peuvent être envisagées :

• une prothèse composite : bridge de la 15 à la 13 pour remplacer la 14 et couronne sur 23 pour permettre la réalisation d'attachements extracoronaires, associés à une prothèse amovible pour résoudre le problème esthétique tout en permettant une rétention correcte ;

• restaurations implantaires unitaires indépendantes ;

• PAPM associée à un attachement axial sur la 15. En effet, la 15 étant une dent isolée, son exploitation par un crochet aurait plusieurs conséquences, à savoir :

- aspect inesthétique du moyen de rétention ;

- interruption de la fausse gencive ;

- contraintes desmodontales engendrées par un bras de levier important [1, 2et 3].

Décision thérapeutique

Le patient ne peut opter pour une solution implantaire pour des raisons pécuniaires. En outre, il ne souhaite pas voir un bridge porter atteinte à ses dents saines. Il accepte donc la réalisation d'une PAPM intégrant un attachement axial sur la 15.

Plan de traitement

Conception prothétique

À l'issue de l'analyse au paralléliseur et tenant compte de la situation et de l'importance de l'édentement ainsi que de la hauteur prothétique disponible, la conception suivante est envisagée :

- bras de crochet simple dont l'extrémité exploite les zones de rétention proximales au niveau des canines ;

- crochet Ackers sur 27 ;

- appuis indirects sur les incisives latérales ;

- plaque large majorant l'appui ostéo-muqueux ;

- attachement axial sur 15.

Le système de rétention est composé de 2 pièces qui s'emboîtent :

- une pièce mâle (patrice) en résine calcinable solidaire d'une coiffe à tenon radiculaire dès l'étape de la maquette de fonderie pour permettre une coulée monolithique évitant le bimétallisme. (Si cette pièce est métallique, elle doit être assemblée à la chape coulée par brasure) ;

- une pièce femelle (matrice) solidaire de la prothèse amovible.

Critères de choix de l'attachement axial

• Mode de rétention

La rétention obtenue par l'emboîtement des pièces peut être réalisée par friction (lamelles activables), verrouillage (anneau élastique entourant la partie mâle sphérique : par exemple, O'Ring®, Afinor) ou par serrage de type crochet grâce à une pièce femelle fendue autour de l'élément mâle (Eccentric Rothermann®, Cendres & Métaux).

• Nature de la liaison entre les éléments mâle et femelle

Elle est déterminée en fonction des mouvements qu'elle autorise.

Pour cette situation clinique, compte tenu de l'étendue de l'édentement à extension postérieure unilatérale, un attachement non rigide ou dynamique, micro-Clip (Sodimed) a été préféré. Sa forme (attachement boule) et la création d'un espacement à la base de l'élément mâle autorisent de légers mouvements aux selles dans les plans verticaux et horizontaux, absorbant ainsi les contraintes sur les racines résiduelles et assurant une meilleure répartition des charges fonctionnelles entre appui muqueux et appui dentaire [4, 5, 6et 7].

• Volume

Le volume doit être compatible avec l'espace prothétique disponible. L'encombrement le plus réduit possible doit permettre l'intégration à la prothèse sans affecter la résistance mécanique [8].

• Force de rétention

La force de rétention doit être compatible avec la possibilité de désinsertion (entre 10 et 20 N au maximum).

Autres critères à respecter

La racine, support de l'attachement, doit impérativement répondre à certaines conditions, à savoir :

- absence de poche parodontale ;

- rapport hauteur alvéolaire radiculaire/hauteur coronaire favorable ;

- traitement endodontique correct.

Traitements préprothétiques

Ils concernent :

- la motivation à l'hygiène orale ;

- la réalisation d'une élongation coronaire à son niveau (fig. 3a) et la reprise du traitement endodontique de la 15 (fig. 3b) ;

- les améloplasties inhérentes à toute PAPM [9,10].

Séquences de réalisation

Après temporisation pour la cicatrisation parodontale, le protocole suivant est observé.

Préparation de la racine et réalisation de l'empreinte

Le support de l'attachement, constitué par les racines restantes, doit être suffisamment long et large pour assurer l'ancrage des tenons (sans risque de descellement). La préparation de la dent support en vue de recevoir la chape à tenons radiculaires respecte les exigences parodontales et de résistance mécanique (fig. 4) :

- préparation radiculaire pour des tenons cylindro-coniques occupant les 2/3 de la racine et laissant apicalement 3 à 4 mm d'obturation radiculaire ;

- préparation périphérique complète à congé large (016) juxtagingival ;

- cône de raccordement, réalisé à l'entrée de la préparation canalaire pour renforcer la résistance de la pièce prothétique coulée.

L'empreinte concerne la préparation périphérique et les logements des tenons. Elle est prise selon la technique classique des empreintes en double mélange avec tenons normalisés : un silicone de basse viscosité est injecté dans la préparation et autour de la tête du tenon mis en place dans le logement radiculaire au niveau des préparations périphériques tandis qu'un silicone de moyenne viscosité garnit l'intrados du porte-empreinte individuel [11] (fig. 5).

Confection de la chape solidaire à la partie mâle

L'empreinte une fois réalisée, le moulage est transféré sur articulateur pour qu'au laboratoire, la partie mâle de l'attachement puisse être mise en place sur la chape en respectant l'espace prothétique utilisable (fig. 6a et 6b).

La partie mâle de l'attachement est fixée à la chape à tenon (au stade de la maquette de cire) selon l'axe d'insertion prothétique (préalablement reporté sur le moulage) et en fonction de la position et du volume de la dent prothétique concernée (fig. 7a et 7b). À cet effet, un montage directeur préalable et une clé en silicone s'imposent.

La pièce métallique est essayée en bouche. Son adaptation au niveau cervical et la situation par rapport au plan d'occlusion sont vérifiées (fig. 8) [5,12].

Empreinte secondaire pour le châssis métallique

Elle est prise avec un porte-empreinte individuel (PEI) après vérification de l'adaptation précise de la chape à tenon radiculaire sur la racine support. Un modelage fonctionnel du bord du PEI est réalisé du côté de l'édentation avec un silicone de moyenne viscosité (Xanthopren® vert regular, Bayer). L'empreinte globale emportant l'élément fixé (fig. 9) est effectuée avec un polysulfure en double viscosité (Permlastic® light et regular, Kerr), le « regular » au niveau du porte-empreinte et le « light » au niveau des dents. L'enduction des tenons avec un Xanthopren® bleu (light) permet de stabiliser la chape pendant la prise d'empreinte et facilite sa désinsertion après coulée du moulage en plâtre [5].

Réalisation du châssis métallique et essayage

Le châssis est réalisé selon le tracé prévu, dans le contexte occlusal défini (fig. 10, 11a et b). Il est ensuite essayé en bouche pour juger de l'adaptation des éléments de rétention, de sustentation et de stabilisation et de l'absence d'interférence des éléments de stabilisation [12].

Contrôle ou nouvel enregistrement du rapport mandibulo-maxillaire, choix de la teinte et montage des dents prothétiques (fig. 12a)

De par la conservation de la dimension verticale d'occlusion, l'efficacité du guidage antérieur ainsi que la stabilité de l'occlusion, la reconstruction prothétique a été intégrée à l'occlusion d'intercuspidation maximale existante. La maîtrise du facteur occlusal est en effet un facteur important dans la pérennité de la PAPM [13].

Polymérisation de la prothèse

La prothèse est essayée sans attachement pour apprécier son adaptation aussi bien au niveau de la surface d'appui qu'au niveau occlusal (fig. 12b).

Mise en place de la pièce femelle de l'attachement axial : technique directe

• La matrice de l'attachement est entourée de sa gaine en caoutchouc (fig. 13a et 13b), elle est placée sur la patrice après interposition d'une feuille d'étain pour assurer l'espacement et éviter la pénétration de la résine au niveau du sulcus (fig. 14a).

• L'intrados de la prothèse est évidé pour éviter toute interférence, puis garni de résine chémopolymérisable rose (fig. 14b). La solidarisation de la partie femelle à l'intrados prothétique se fait sous pression occlusale (fig. 15a et 15b fig. 16) [14et 15].

L'occlusion aussi bien statique que dynamique est vérifiée : absence d'interférences en occlusion de relation centrée, fonction canine des 2 côtés en diduction (fig. 17a et 17c) et guidage antérieur en propulsion (fig. 17b).

La conception de la prothèse évite de surcharger l'attachement.

La rétention s'effectue par les éléments dentaires qui exploitent les parois proximales des canines et le système bouton-pression au niveau de la 15. La sustentation est assurée par la répartition des appuis sur les dents et la surface ostéo-muqueuse. L'attachement axial n'y participe qu'au cours de la mastication (solidarisation sous pression occlusale).

Le patient est prévenu de la nécessité des contrôles réguliers pour l'activation ou le remplacement de la pièce femelle ainsi que pour la pérennité des rapports occlusaux [16]. L'esthétique ainsi que la stabilité et la rétention de la prothèse ont été appréciées par le patient.

Conclusion

Lorsque l'indication est bien posée et que les conditions de réalisation sont réunies, l'attachement axial constitue un excellent recours dans plusieurs situations d'édentement partiel. Il offre des avantages aussi bien esthétiques - absence de crochets - que fonctionnels par la suppression du bras de levier dans le cas de dents à parodonte affaibli et la participation effective à la rétention de la prothèse.

Les principaux inconvénients de la PAPM (esthétiques et fonctionnels) peuvent être ainsi minimisés dans le cadre du respect d'une conception raisonnée, d'une rigueur dans la réalisation et d'un suivi prothétique.

Remerciements à M. Boualam Youssef pour son étroite collaboration dans les différentes étapes de laboratoire.

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