Couronnes tout céramique - Cahiers de Prothèse n° 139 du 01/09/2007
 

Les cahiers de prothèse n° 139 du 01/09/2007

 

PROTHÈSE FIXÉE

Idriss Berrada Fathi *   Bouabid El-Mohtarim**   Jamal El Bernoussi -***  


* CES en prothèse fixée de la faculté de chirurgie dentaire de Bordeaux, spécialiste en prothèse conjointe de la Faculté de médecine dentaire de Rabat, spécialiste des armées à l'Hôpital militaire d'instruction Mohammed V
** Professeur d'enseignement supérieur en prothèse adjointe, chef de service
*** Professeur d'enseignement supérieur en prothèse conjointe, chef du service de prothèse conjointe

Résumé

Dans la pratique quotidienne, les couronnes tout céramique deviennent une réalité incontournable face à l'exigence croissante en termes d'esthétique et de biocompatibilité. Avec la diversification des procédés céramo-céramiques, le clinicien doit se poser certaines questions : quel procédé pour quelle situation clinique ? Quelles sont les règles pour assurer une préparation clinique adéquate ? Quel mode d'assemblage peut-il convenablement utiliser face aux panoplies de colles et de ciments de scellement existants ? Plusieurs paramètres entrent en jeu pour assurer une préparation réfléchie. Le bon choix du procédé céramique, du mode d'assemblage et une préparation bien conçue permettront d'atteindre les objectifs biologiques, biomécaniques et esthétiques de la restauration ainsi que le succès clinique recherché.

Summary

Ceramic crowns: rules of preparation and choice of looting mode

In our daily practice, ceramic crowns have become an unavoidable reality due to a new class of patients asking increasingly for more esthetic and biocompatibility. While facing diverse ceramic processes, the clinical practitioner has to answer a few questions: which process for which clinical situation? What rules to follow to ensure an appropriate clinical preparation? Which assembly mode would he use within the different existing sets of adhesives and sealing cements? In order to have a thoughtful preparation, many parameters should be involved. The right choice of the ceramic process, the looting mode and the good preparation will definitely allow to meet the biological, biomechanical and esthetical aims of our restoration as well as the required clinical success.

Key words

ceramic crowns, cement, glues, preparation, looting mode.

Au cours de l'histoire de la dentisterie, la recherche de restaurations prothétiques esthétiques a toujours été le but suprême des praticiens, des prothésistes et des fabricants. À chaque période, les chercheurs ont mis à profit les avancées technologiques pour développer des restaurations prothétiques qui se rapprochent le plus du « naturel » et répondent à la fois aux exigences esthétiques et biologiques.

Si les exigences mécaniques et fonctionnelles peuvent être satisfaites par la couronne céramo-métallique, le problème de la réussite esthétique n'est pas toujours résolu. En effet, la présence de l'infrastructure métallique constitue un défaut majeur du point de vue esthétique et biologique. Les points faibles de ce type de prothèse sont liés à :

- une corrosion, fonction de l'alliage, due à la présence d'oxydes ;

- un bord métallique parfois visible lors d'une récession gingivale (excepté pour le joint céramique/dent) ;

- une perte de luminosité et une faible dispersion de la lumière ;

- un assombrissement tissulaire au niveau cervical.

La jaquette réalisée à partir de céramique feldspathique fut la première couronne entièrement en céramique qui pouvait prétendre assurer la réussite esthétique. Toutefois, les propriétés mécaniques médiocres affectaient sérieusement son pronostic et la nécessité d'en améliorer sa résistance a toujours constitué la préoccupation constante des prothésistes.

L'intérêt de matériaux plus biocompatibles et le souhait des patients pour avoir de meilleurs résultats esthétiques ont eu pour conséquence d'orienter les recherches vers des systèmes tout céramique sans armature métallique et de plus en plus résistants.

Les différents systèmes tout céramique peuvent présenter des avantages et des indications variables en fonction des matériaux ou des procédés de mise en oeuvre qu'ils utilisent. De nombreux systèmes sont actuellement proposés. Parmi ceux qui ont fait leur preuve, on peut citer :

- le système In-Ceram® (Vita Zahnfabrik) ;

- le système IPS-Empress® et son évolution plus récente : e.max® (Ivoclar Vivadent) ;

- le système Procera® (Nobel Biocare).

Ces procédés apportent une plus grande réussite des travaux et un plus grand confort pour le céramiste. Ils sont, en revanche, plus exigeants pour le choix et la forme des préparations.

La réussite des traitements prothétiques ne dépend pas uniquement de la qualité des préparations mais c'est sans aucun doute un paramètre essentiel et déterminant. La décision entre telle ou telle forme de préparation doit prendre en compte différents paramètres, à savoir : la forme clinique et la situation de la ou des dents concernées, le choix du matériau prothétique et le mode d'assemblage. De plus, le choix de ces paramètres est influencé par leur interdépendance et implique ainsi une réflexion raisonnée lors de la première séance de l'examen clinique.

Face à une situation clinique : quel procédé tout céramique choisir ? Quel mode d'assemblage utiliser ? Quelles règles de préparation adopter ? Avant de répondre à ces différentes questions, il convient de rappeler quels sont les principaux systèmes tout céramique existants ainsi que leurs propriétés.

Rappel des principaux systèmes tout céramique [1,4]

Système In-Ceram®

Le système In-Ceram® consiste en la réalisation d'une armature en alumine infiltrée secondairement par un verre, sur une réplique en matériau réfractaire. Sur l'infrastructure alumineuse est cuite la céramique cosmétique.

Le procédé In-Ceram® existe sous 3 formes selon la composition :

- In-Ceram® Alumina (grains d'alumine Al2O3) ;

- In-Ceram® Zirconia (alumine dopée à 30 % de zircone ZrO2) ;

- In-Ceram® Spinell (particules de MgAl2O4).

L'In-Ceram® Zirconia améliore le comportement mécanique et l'In-Ceram® Spinell améliore la translucidité. L'In-Ceram® Alumina présente un compromis entre les deux.

Système IPS Empress®

Le système IPS Empress® fait appel à la technique de la cire perdue. Dans un premier temps, la restauration est sculptée en cire, puis mise en revêtement dans un cylindre spécial. Le cylindre est placé dans un four de préchauffage avec les lingotins de céramique. L'ensemble est mis en place dans un four spécifique destiné à la pressée. Après refroidissement, les pièces prothétiques sont démoulées.

Deux techniques peuvent être utilisées pour la réalisation de couronne céramique :

- technique de maquillage ;

- technique de stratification par une céramique cosmétique spéciale.

Ce système a été amélioré par la mise au point d'une vitrocéramique encore plus résistante, l'IPS Empress® II, dont la phase principale est à base de disilicate de lithium, ces cristaux lui conférant une translucidité élevée. Plus récemment, une nouvelle évolution a été proposée : l'IPS e.max Ceram® avec différentes applications.

Système Procera®

Le système Procera® fait appel à la conception et la fabrication assistées par ordinateur d'une chape en oxyde d'alumine ou en zircone :

- le « die » est scanné en 3 dimensions par un palpeur ;

- le dossier électronique est transmis par modem en Suède au centre d'usinage ;

- la chape est usinée et renvoyée par courrier au laboratoire ;

- une stratification de la céramique cosmétique est réalisée sur la chape par les méthodes habituelles.

Propriétés mécaniques et esthétiques des différents systèmes [5, 6et 7]

L'amélioration des qualités mécaniques des systèmes tout céramique est une barrière à la progression des dislocations. Cependant la translucidité se trouve affectée par la présence des charges. Les céramiques offrant les meilleures propriétés mécaniques sont moins aptes à diffuser la lumière (tabl. I et fig. 1).

Pour la restauration des dents antérieures qui nécessitent le plus de translucidité, les systèmes classiquement les plus indiqués étaient les procédés :

- In-Ceram® Spinell ;

- IPS Empress® II ;

- In-Ceram® Alumina ;

- Procera®.

Pour la restauration des dents postérieures qui nécessitent le plus de solidité, l'indication majeure était portée vers les procédés :

- In-Ceram® Zirconia ;

- Procera®.

Cependant, plus récemment, de nombreux fabricants ont très largement étendu leur gamme de céramiques pour répondre aux exigences de ces différentes indications tout en simplifiant la mise en oeuvre au laboratoire pour des techniques de stratification ou de pressée multi-supports. À titre d'exemples :

• la firme GC propose désormais, dans la gamme de céramiques Initial®, la céramique GC Initial® AL au coefficient thermique adapté pour être compatible avec les bases en oxyde d'alumine.

De plus, le nouveau concept GC Initial® IQ Press-over Metal et Press-over-Zircon, céramiques à teneur élevée en feldspath, est exploitable à partir de lingotins préfabriqués. Associés aux pâtes 3-dimensions Luster® ou One body®, ils permettent d'exploiter les avantages de la technologie CAD/CAM ainsi que la pressée sur tous supports ;

• la firme Ivoclar Vivadent, comme évoqué ci-dessus, a fait évoluer la technologie avec l'IPS e.max®, système qui combine les avantages de la technique de pressée et de la technique CAD/CAM. La technologie de pressée comprend pour les armatures :

- IPS e.max® Press : lingotins en vitrocéramique à base de disilicate de lithium : vitrocéramique hautement esthétique indiquée pour des bridges antérieurs et prémolaires de 3 éléments ;

- IPS e.max® Zir Press : lingotins en vitrocéramique à base de fluoro-apatite. Grâce à l'oxyde de zirconium, l'indication peut s'étendre jusqu'aux bridges postérieurs de 4 éléments.

La technologie de CAD/CAM comprend :

- IPS e.max® CAD : bloc en vitrocéramique à base de disilicate de lithium. Matériau translucide indiqué pour des couronnes antérieures et prémolaires ;

- IPS e.max® Zir CAD : bloc en oxyde de zirconium stabilisé à l'yttrium. La résistance assurée permet son utilisation pour des bridges postérieurs.

Les matériaux de stratification sont :

- IPS e.max® Ceram : céramique nano-fluoro-apatite de stratification qui permet l'association de matériaux tout céramique résistants et d'un haut degré esthétique ;

- IPS e.max® Ceram : grâce à des températures de cuisson et au coefficient de dilatation thermique ajustés, elle peut être aussi bien stratifiée sur des armatures en oxyde de zirconium qu'en vitrocéramique.

Principes de préparation

La préparation pour une couronne tout céramique revêt une importance capitale et détermine la réussite de la restauration du point de vue esthétique, mais aussi mécanique.

Principes généraux à suivre pour n'importe quel système

• Mise de dépouille plus marquée de 10 à 14° pour faciliter la mise en forme au laboratoire.

• Réduction aux formes de contours anatomiques.

• Suppression des angles vifs qui doivent être arrondis pour éviter des concentrations nuisibles à la reproduction des formes et à la tenue mécanique de la céramique [8,9].

Limite de préparation

La forme de limite cervicale diffère selon la situation clinique, le choix du système tout céramique, la dent support et le choix du mode d'assemblage. Les 3 éléments déterminant cette limite à prendre en compte sont : le type de la limite, sa profondeur et sa situation vis-à-vis du parodonte marginal.

Type de limites (fig. 2)

• Limite de préparation en forme d'épaulement avec angle interne arrondi : la céramique résiste mieux à la compression et mal à la traction ou au cisaillement. L'épaulement permet de soutenir le matériau et d'augmenter la résistance à la fracture. L'angle interne arrondi permet une meilleure reproduction du profil par la céramique et génère moins de stress mécanique que des formes de limites présentant des angles vifs.

• Une préparation sous forme de congé « quart de rond » est également possible dans la mesure où il existe un appui mécanique ; le congé épargne la substance dentaire pour plus d'économie tissulaire ; mais la résistance à la fracture est meilleure pour les couronnes avec épaulement que pour celles avec congé.

• Les congés plats, les préparations en biseau et les chanfreins sont contre-indiqués [10,11].

Profondeur des limites

La profondeur de la limite doit répondre à deux critères essentiels opposés [8,10] :

- ménager une épaisseur suffisante de céramique pour des raisons esthétique et mécanique ;

- se soucier de l'économie tissulaire pour la préservation de la vitalité pulpaire.

Sa détermination doit être « réfléchie » et dépend donc d'un compromis entre les contraintes biologiques, les contraintes mécaniques et les contraintes esthétiques selon la situation clinique. Les paramètres intervenant sont :

- la vitalité pulpaire ;

- le choix du système céramique ;

- le choix du mode d'assemblage.

Notons que le choix du mode d'assemblage dépend aussi de plusieurs paramètres qui seront détaillés par la suite.

Discussion [5 - 7,10]

Différentes situations cliniques peuvent être confrontées.

Cas des dents antérieures

Dents adjacentes translucides

• Si la dent est pulpée et non dyschromiée : la vitalité pulpaire impose une économie tissulaire (fig. 3). La recherche de plus de translucidité nécessite des systèmes avec des chapes qui permettent la réflexion de la lumière. Le choix peut se porter vers les systèmes IPS et In-Ceram® Spinell. (fig. 4).

Ce type de couronnes doit être impérativement collé de par sa faible résistance mécanique.

La profondeur de la préparation vestibulaire est de l'ordre de 6/10 mm, 3/10 mm pour la chape et 3/10 mm pour la céramique à vocation esthétique (suffisant pour un rendu esthétique et une translucidité optimaux). Au niveau palatin, la réduction peut varier de 6/10 à 10/10 mm pour plus de résistance au niveau des points d'impacts occlusaux (fig. 5).

La situation de la limite conseillée est supragingivale puisque le mode d'assemblage est le collage.

• Si la dent est dépulpée et non dyschromiée ou avec une reconstitution sous-jacente de teinte claire (composite avec un tenon en fibres de carbone ou de quartz ou céramique pressée avec un tenon en zirconium) : dans ce cas, il n'y a pas de coloration inesthétique à masquer. Des chapes translucides, à savoir l'IPS® ou l'In-Ceram® Spinell peuvent être utilisées. Le collage est impératif pour pallier la fragilité de la céramique et dans ce cas le niveau de la limite est supragingival (fig. 6a à 6c.

Puisque la dent est dépulpée, la réduction peut être augmentée pour ménager plus d'épaisseur à la céramique cosmétique. La profondeur peut être de 10/10 à 12/10 mm au niveau vestibulaire et de 6/10 à 10/10 mm au niveau palatin (fig. 7).

• Si la dent est dépulpée et peu dyschromiée au niveau cervical (fig. 8) : on peut avantageusement diminuer cette discoloration par un traitement de l'éclaicissement complété par une reconstitution corono-radiculaire (RCR) de couleur ivoire (fig. 9) et atteindre ainsi la situation précédente pour profiter de la translucidité que confèrent, par exemple, l'IPS® et l'In-Ceram® Spinell (fig. 10).

• Si la dent présente déjà un inlay-core métallique et que les dents adjacentes sont translucides : l'In-Ceram® Alumina ou la chape Procera® peuvent convenir ainsi que, désormais, l'IPS e.max® HO (haute opacité). Leurs chapes opaques permettent de cacher les discolorations et le métal. La translucidité recherchée peut être assurée en ménageant le maximum d'épaisseur à la céramique cosmétique. La dent étant dépulpée, la profondeur peut être de 12/10 à 15/10 mm au niveau vestibulaire et de 10/10 à 12/10 mm au niveau palatin (fig. 11).

Dents adjacentes saturées

Que ce soit une dent pulpée ou dépulpée, le système choisi est celui utilisant des chapes opaques pour s'approcher de la saturation des dents adjacentes. L'indication peut concerner des couronnes In-Ceram® Alumina, l'IPS e.max® HO ou Procera®. La profondeur de préparation peut varier de 10/10 à 15/10 mm en fonction de l'état pulpé ou dépulpé de la dent.

Par exemple, pour une dent dépulpée et dyschromiée (fig. 12), une couronne tout céramique présentant une chape opaque peut être utilisée pour masquer la surface sous-jacente disgracieuse. Le choix du système peut se porter vers l'In-Ceram® Alumina. La chape opaque permet de cacher la discoloration et de s'approcher davantage avec la céramique cosmétique de la teinte des dents adjacentes.

La translucidité recherchée peut être assurée en ménageant le maximum d'épaisseur à la céramique cosmétique. La dent étant dépulpée, la profondeur peut être de 12/10 à 15/10 mm au niveau vestibulaire et de 10/10 à 12/10 mm au niveau palatin (fig. 13).

La fixation peut être effectuée soit par scellement soit par collage, le niveau de la limite dépendant du mode d'assemblage. Dans ce cas, on peut utiliser un scellement suffisant pour cette céramique résistante avec une limite intrasulculaire qui pourrait masquer une discoloration légère (fig. 14).

Si celle-ci est trop importante et perçue à travers une gencive fine, il faut avoir recours à un traitement d'éclaircissement interne avant de procéder à la préparation.

Cas des dents postérieures

La préoccupation essentielle pour les dents cuspidées est d'assurer la résistance mécanique à la couronne tout céramique. Deux paramètres sont à prendre en compte :

- utiliser un système assurant par sa composition une grande résistance à la flexion et à la compression. Par exemple, le système In-Ceram® Zirconia et le système Procera® ;

- majorer l'épaisseur de la chape dans les zones de fortes contraintes occlusales : cuspides d'appui, fosses centrales, crêtes marginales, cuspides guides le long des trajets de diduction.

La préparation doit donc ménager une épaisseur suffisante à la chape et à la céramique cosmétique.

Dans le cas d'une dent pulpée la profondeur de la limite peut être de 8/10 à 12/10 mm en fonction du volume pulpaire. Cette profondeur peut être bien évidemment majorée jusqu'à 15/10 mm si la dent est dépulpée pour le gain d'une plus grande résistance mécanique [18, 19et 20] (fig. 15a et 15b).

Situation de la limite [7,9]

La limite peut être soit supragingivale soit intrasulculaire. La limite juxtagingivale n'est plus préconisée : elle entretient l'inflammation gingivale.

La limite supragingivale assure :

- le respect de l'intégrité parodontale ;

- l'accès à un nettoyage facile du joint dento-prothétique.

Mais elle nécessite un matériau d'assemblage translucide pour une bonne intégration esthétique.

La limite intrasulculaire est indiquée s'il y a besoin :

- de masquer une dyschromie ;

- d'augmenter la rétention.

Mais elle nécessite un parodonte favorable et résistant face aux différentes agressions qu'elle pourrait causer avec l'utilisation d'un matériau d'assemblage moins agressif maintenant une bonne santé parodontale.

Si le mode d'assemblage influence le choix du niveau de la limite cervicale, son choix est lui-même influencé par plusieurs paramètres décrits ci-dessous.

Choix du mode d'assemblage [5,6]

Il existe différents types de ciments de scellement et de colles pour la fixation des couronnes tout céramique :

- les ciments de scellement conventionnels : ciments au phosphate de zinc (CPZ) ;

- les ciments conventionnels adhésifs : ciments au verre ionomère conventionnels (CVI) ;

- les ciments résines : colles et ciments verre ionomère hybrides (CVIH).

Leurs indications tiennent compte de leurs propriétés.

Le mode d'assemblage a deux objectifs principaux :

• assurer l'herméticité du joint dento-prothétique ;

- les ciments résines : les colles et les CVIH résistent mieux à la dégradation ;

- les CPZ et CVI résistent moins à la dégradation ;

• participer à la rétention :

- liaison micromécanique par clavetage assurée par les CPZ ;

- pouvoir adhésif propre assuré par les CVI et les ciments résines.

Les paramètres conduisant au choix du mode d'assemblage pour les couronnes tout céramique sont liés à la situation de la limite dento-prothétique, au mode de rétention, à la vitalité de la dent, à l'influence des matériaux prothétiques et au caractère optique et esthétique souhaité.

Situation de la limite dento-prothétique

Limite intrasulculaire

Le mode d'assemblage doit tolérer l'humidité sulculaire toujours présente :

• les CVI sont déconseillés. La réaction de prise incomplète en présence d'humidité diminue leur qualité mécanique ;

• les CPZ et CVImar supportent bien l'humidité lors de leur réaction de prise ;

• les résines adhésives sont contre-indiquées :

- le collage nécessite une siccité difficile à obtenir au niveau intrasulculaire ;

- l'élimination des excès et le polissage sont difficiles. Une persistance de débris de colle pourrait provoquer une inflammation gingivale.

Limite supragingivale

Les 3 modes d'assemblage peuvent être utilisés, mais ce type de limite nécessite des ciments à caractère optique translucide et non opaque quand la limite cervicale est apparente lors du sourire.

En cas de faible rétention par encastrement

On pourrait agir sur le mode d'assemblage pour majorer la rétention. Cela influe notre choix :

- le CPZ ne possède aucune propriété adhésive. La rétention est assurée par un simple microclavetage nécessitant une architecture de la préparation respectant une rétention suffisante de l'élément prothétique ;

- pour le CVI, la surface dentinaire peut être traitée par l'acide polyacrylique. L'adhésion reste toutefois moins forte que celle des colles ;

- pour le CVImar, on traite la surface par l'acide citrique à 10 % : l'adhésion est améliorée ;

- pour l'usage de colle, le traitement de surface à l'acide orthophosphorique et la polymérisation de l'adhésif formant une couche hybride avec la dentine assurent la meilleure adhésion et augmentent fortement la rétention. Cependant, la mise en oeuvre des colles est plus délicate que celle des ciments.

En cas de vitalité pulpaire

• Le CPZ bien que contenant de l'acide phosphorique et présentant une réaction de prise légèrement exothermique est utilisé depuis de nombreuses décennies sans dommages pour les dents pulpées. Les CPZ ne sont donc pas à rejeter systématiquement pour cette indication.

• Les CVI peuvent être indiqués pour leur biocompatibilité et leur libération du fluor.

• Les colles peuvent être utilisées à condition d'assurer la décontamination de la surface dentinaire avec le respect du protocole de collage.

Influence des matériaux prothétiques

Il a été démontré que les couronnes tout céramique, malgré l'amélioration des qualités mécaniques des nouveaux systèmes, sont plus résistantes après collage.

• Il apparaît ainsi que si les scellements au CPZ ou les CVI ne sont pas contre-indiqués, ils ne paraissent pas être un choix judicieux.

• L'utilisation des CVImar a montré un taux de succès considérable (CVImar Vitremer® et Fuji plus® par exemple). Des fractures avec le CVImar Advance® ont été remarquées. Elles pourraient être dues à une expansion du ciment en absorbant l'humidité, ce qui provoquerait des tensions internes au niveau des céramiques.

• Les colles présentent la sécurité et le comportement les meilleurs vis-à-vis des couronnes tout céramique. Ce sont les plus indiquées par leur qualité adhésive remarquable, leur amélioration des propriétés mécaniques et, pour certaines, un amortissement des chocs.

• Il faut noter que les céramiques à base d'alumine ou de zircone ont une structure cristalline et peu ou pas de silice, ce qui rend une attaque acide inefficace. Seul le sablage présente un intérêt pour donner un état de surface plus rugueux.

Pour ces céramiques, les matériaux préconisés actuellement sont les CVImar et les polymères autoadhésifs ne nécessitant pas de préparation des surfaces.

Caractère optique et esthétique

Ce paramètre concerne principalement le secteur antérieur. Dans la mesure où la dentine présente des taches sombres ou si l'on a posé un inlay-core métallique, les CPZ sont indiqués pour les couronnes In-Ceram® Alumina et Zirconia en raison de leur opacité. Il ne faut pas craindre une perte de transparence comme cela est le cas sur les couronnes en céramique de verre pur. L'esthétique est toutefois moins bonne.

Les CVI sont plus translucides que les CPZ. Leur emploi est indiqué pour des surfaces n'ayant pas changé de teinte et par principe pour les couronnes In-Ceram® Spinell.

L'avantage de ce scellement conventionnel est sa rapidité de mise en oeuvre surtout pour la fixation de plusieurs éléments. Mais il nécessite la présence d'une architecture de préparation assurant une rétention suffisante. La préparation doit prendre en compte ce paramètre avant sa mise en oeuvre.

L'influence de la teinte du ciment sur la couleur de la céramique est perçue sur des épaisseurs de l'ordre de 0,8 à 1 mm de céramique (couronne en In-Ceram® Spinell ; IPS). La teinte finale perçue est l'addition des différentes teintes, du moignon, du matériau d'assemblage et de la coiffe céramique. Au-delà de 1 mm d'épaisseur, la teinte finale n'est pas influencée par celle du ciment ou du moignon sous-jacent (couronne en In-Ceram® Alumina, In-Ceram® Zirconia et Procera).

La teinte du matériau d'assemblage est importante pour la visibilité du joint dento-prothétique dans les situations supragingivales de la limite prothétique. Pour ce type de limite, il est conseillé d'utiliser des résines translucides (par exemple Panavia® 21TC de Kuraray ; Variolink® II de Ivoclar Vivadent).

Le collage à la différence du scellement nécessite une mise en oeuvre délicate, mais s'impose quand il y a une rétention mécanique insuffisante.

Le récapitule les différents paramètres influençant le choix pour le mode d'assemblage le plus adéquat selon la situation clinique.

Conclusion

Pour les systèmes, IPS et In-Ceram® Spinell, les résines adhésives sont impératives pour renforcer leur faible résistance mécanique. La limite est donc supragingivale.

Pour les autres systèmes, In-Ceram® Alumina, In-Ceram® Zirconia et Procera®, l'utilisation des autres types de ciments est possible selon les priorités de la situation clinique présente. Ainsi, le niveau de la limite cervicale est déterminé selon le mode d'assemblage :

- supragingival (CVI ou résines adhésives) ;

- supra- ou sous-gingival (CVImar) ;

- sous-gingival (CPZ).

Il s'agit de paramètres interdépendants à prendre en compte avant toute préparation. La réflexion est donc de règle pour arriver à un résultat conciliant esthétique et résistance mécanique.

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