Prothèse composite maxillaire et prothèse fixée mandibulaire - Cahiers de Prothèse n° 143 du 01/09/2008
 

Les cahiers de prothèse n° 143 du 01/09/2008

 

PLAN DE TRAITEMENT

Emmanuel d’Incau*   Vincent Séguéla**  


*Ancien assistant hospitalo-universitaire
**Attaché universitaire
Université Victor-Ségalen
16-20, cours de la Marne
33082 Bordeaux Cedex

Résumé

Dans le cadre d’une restauration prothétique globale, les objectifs thérapeutiques ne peuvent être atteints qu’à partir d’un plan de traitement. Celui-ci comprend une anamnèse et différents examens cliniques qui permettent d’établir un diagnostic à partir duquel différentes solutions thérapeutiques doivent être proposées au patient. Ce n’est qu’alors qu’une décision concertée doit instituer et planifier un traitement qui devra par la suite être contrôlé pendant la phase de maintenance. Par le biais d’un cas clinique associant une restauration maxillaire par prothèse composite et une restauration mandibulaire avec de la prothèse fixée, les auteurs proposent de rappeler étape par étape la démarche thérapeutique à suivre.

Summary

Global rehabilitation with a composite maxillary prosthesis and a fixed mandibular prosthesis : therapeutic approach

In the context of a global prosthetic rehabilitation, the therapeutic objectives can only be achieved with a treatment programme. This one always includes an anamnesis and different clinical examinations which help to establish a diagnosis from which various therapeutics must be proposed to the patient. A concerted decision must then institute and plan a treatment which will have to be controlled thereafter during maintenance. Trough a clinical case of fixed maxillary removable prothesis and a fixed mandibular prosthesis, the authors remind step by step all the different treatment stages.

Key words

fixed removable prosthesis, global prosthetic rehabilitation, treatment planning

Pour tout patient, quel que soit le motif de la consultation, une même démarche thérapeutique doit être suivie : anamnèse, observation clinique et examens complémentaires. La synthèse de ces données permet de poser le diagnostic. Ce dernier conduit généralement vers différentes options thérapeutiques avec, pour chacune, des avantages et des inconvénients. Ces solutions doivent être explicitées clairement au patient pour aboutir à une décision concertée. Le traitement retenu sera ensuite conduit dans le respect d’un programme de travail parfaitement codifié [1].

L’objectif de cet article est d’appliquer ce principe à un cas clinique d’édentement partiel maxillaire et mandibulaire chez une patiente quelque peu désemparée par les traitements contradictoires des différents praticiens consultés ces dernières années.

Présentation du cas

Une patiente âgée de 58 ans est venue consulter pour la réfection d’un composite sur la 12. Lors de ce premier rendez-vous, la médiocrité de son état bucco-dentaire a été mise en évidence en insistant sur les déséquilibres occlusaux et sur le pronostic des dents restantes. Un plan de traitement global conseillé à cette époque a été refusé par la patiente par manque de motivation. Elle a néanmoins repris contact, 3 ans plus tard, influencée par sa famille et une réelle prise de conscience de la dégradation rapide de sa santé bucco-dentaire. Elle a semblé davantage motivée pour aborder une prise en charge globale.

État initial

Anamnèse

Les renseignements recueillis auprès de la patiente et de son entourage révèlent un état dépressif chronique traité par une médication associée à une psychothérapie.

Les fréquentes fractures des composites du secteur antérieur maxillaire, la sensibilité à la pression sur la 16, l’inconfort masticatoire et le déficit esthétique constituent les principaux motifs de cette nouvelle consultation. De plus, la patiente avoue être angoissée par la rapide dégradation de sa situation dentaire en dépit des soins prodigués durant ces trois années par deux praticiens différents. Elle semble maintenant plus motivée pour s’investir dans un plan de traitement global que les thérapeutes précédents, d’après ses déclarations, ne lui ont jamais proposé. Parmi ses doléances, elle refuse l’utilisation de métal non précieux pour une éventuelle restauration prothétique et manifeste peu d’enthousiasme pour les solutions implantaires.

Examens cliniques

• Examen exobuccal

L’examen exobuccal révèle une symétrie faciale. L’examen musculaire, asymptomatique, montre une tonicité marquée, notamment des muscles masséters. La cinématique mandibulaire est normale tant sur le plan des trajectoires que des amplitudes. La patiente évite de découvrir sa denture et masque volontairement son sourire.

• Examen endobuccal

L’hygiène bucco-dentaire est moyenne, le tartre est toutefois peu abondant. Les muqueuses exemptes de lésions ulcéreuses ou carcinomateuses ne sont pas inflammatoires, excepté au niveau de la 25 (fig. 1, 1 et 1). Toutes les dents naturelles présentent une abrasion occlusale avec apparition d’îlots dentinaires. Ces lésions d’usure sont provoquées par une parafonction propulsive. Le recouvrement incisivo-canin et le surplomb sont faibles. Lors de la fermeture buccale, l’occlusion d’intercuspidie maximale (OIM) n’est assurée que par les dents antérieures. Malgré l’absence de calage postérieur, le rapport maxillo-mandibulaire est reproductible. En diduction droite et gauche, le guidage est pris en charge par les incisives et les canines homolatérales. La propulsion est symétrique, sans interférences. Malgré la version de certaines dents, les espaces édentés semblent pouvoir être compensés par des implants, à condition que les examens tomodensitométriques confirment cette possibilité.

Il existe une légère récession gingivale généralisée. Il n’y a pas de mobilité dentaire. Le sondage est positif en mésial des 34, 36 et 45 et en distal de la 38. Les dents naturelles présentent une couleur jaune orangé saturée. Plusieurs édentements ne sont pas compensés.

À l’arcade maxillaire (fig. 2) :

– la 18 et la 17 sont absentes. Il convient de remarquer que la 17 était asymptomatique 3 ans auparavant ;

– la 16, initialement pulpée et asymptomatique, a subi depuis un traitement endodontique et présente une restauration coronaire en composite. Elle répond au test de percussion. Sans antagoniste, elle est égressée et mésio-versée ;

– la 15 est absente et la crête osseuse concomitante est résorbée ;

– la 14, anciennement douloureuse et atteinte d’une résorption radiculaire externe, a été extraite ;

– la 13, abrasée, présente au collet, sous un composite, une reprise carieuse asymptomatique ;

– la 12 est restaurée par une couronne provisoire réalisée en urgence ;

– la 11 et la 21, abrasées, sont reconstituées par de volumineux composites infiltrés au collet et sur la face vestibulaire ;

– la 22 est restaurée par une couronne à incrustation vestibulaire inesthétique et en surcontour. Elle était déjà présente initialement ;

– la 23, usée, présente un composite au collet et une carie mésiale asymptomatique sous un composite ;

– les 24, 26 et 28 sont absentes ;

– de la 25, à l’origine pulpée et asymptomatique, il ne reste qu’un débris radiculaire profondément enfoui. La muqueuse non cicatrisée est douloureuse, la crête osseuse est résorbée ;

– la 27, mésialée et asymptomatique, est obturée avec un ciment temporaire de type IRM®.

À l’arcade mandibulaire (fig. 3) :

– la 38, symptomatique, est mésio-versée et cariée. Elle est restaurée par un composite occluso-mésial qui a remplacé un ancien amalgame ;

– les 37, 46 et 48 sont absentes, les crêtes sont peu résorbées ;

– la 36, cariée, présente une couronne transitoire inadaptée, perforée, sans relief occlusal ;

– la 35, égressée, supporte une couronne céramo-métallique (CCM) sans relief cuspidien, inesthétique, en surcontour, avec une limite cervicale située partiellement sur un composite de reconstitution ;

– la 34, abrasée, est atteinte d’une lésion carieuse vestibulo-distale ;

– la 33 et la 43, abrasées, présentent des caries du collet asymptomatique sous des composites ;

– les 32, 31, 41 et 42, abrasées et asymptomatiques, montrent une légère dysharmonie occlusale ;

– la 44, usée, est asymptomatique ;

– la 45 est restaurée par une CCM inadaptée en cervical ;

– la 47, mésio-versée et cariée, a été restaurée par un volumineux composite occluso-mésial pour remplacer un ancien amalgame.

Examens radiographiques

Les radiographies panoramiques réalisées en 2003 (fig. 4) puis 3 ans plus tard (fig. 5) permettent d’apprécier la dégradation de l’état bucco-dentaire de la patiente. Elles mettent en évidence :

– une asymétrie de forme des condyles pouvant laisser suspecter une lésion d’usure du côté gauche ;

– un apex de la 25 en baguette de tambour proche du plancher sinusien qui présente, à ce niveau, un septum de compartimentation ;

– une procidence sinusienne en regard de la 26 qui n’est pas retrouvée au niveau de la 14 et de la 15 ;

– à la mandibule, des résidus de matériau d’obturation endodontique en regard de la 37 absente ;

– des canaux dentaires mandibulaires situés à distance des sommets des crêtes osseuses ;

– une image radio-opaque sans symptômes décelables entre les apex de la 34 et de la 35.

La lésion apicale qui siégeait sur la 35 paraît résorbée 3 ans plus tard. L’alvéolyse horizontale généralisée constatée ne comporte pas de véritables lésions osseuses angulaires.

Les clichés rétroalvéolaires confirment les atteintes parodontales horizontales et les lésions carieuses. Les traitements endodontiques sur les 16, 22, 27, 36, 35, 45 et 47 sont radiologiquement insuffisants, excepté pour la 16 et la 27 récemment retraitées selon la patiente. Des ancrages corono-radiculaires de faible diamètre sont visibles sous les couronnes des 22, 35 et 45 alors que la 36 présente un tenon de type Screw-Post® sous une couronne provisoire. Les canines maxillaires présentent un important volume pulpaire malgré l’usure.

Diagnostic

La collecte des données livrées par l’anamnèse et les différents examens cliniques et complémentaires révèle :

– la présence d’édentements non compensés au maxillaire et à la mandibule ;

– une maladie carieuse sur un certain nombre de dents ;

– une parodontite chronique généralisée.

Cette situation clinique s’inscrit dans un contexte de bruxisme associé à une fragilité psychologique. La patiente, malgré son anxiété, semble avoir compris l’intérêt d’une thérapeutique globale.

Objectifs du traitement

Les priorités du traitement concernent le maintien de la santé musculo-articulaire, la compensation de l’édentation, la restauration des dents cariées et des fonctions occlusales ainsi que l’amélioration de l’état parodontal et de l’esthétique.

Ces objectifs doivent être en adéquation avec les aspects techniques, médicaux mais également psycho-sociaux particulièrement exacerbés chez cette patiente qui ne fait plus confiance aux chirurgiens-dentistes.

Solutions thérapeutiques

Pour résoudre ce cas clinique, différentes solutions thérapeutiques sont envisageables. Elles seront expliquées à la patiente de manière simple mais complète pour que l’éventuel consentement soit éclairé, en précisant leurs avantages et inconvénients respectifs. On insistera principalement sur les facteurs de risques relatifs à chaque solution, sur la durée des différents traitements et leur coût sera indiqué.

Des photographies endobuccales de face, latérales et occlusales ainsi que des moulages d’étude transférés sur articulateur amélioreront la communication avec la patiente.

À l’arcade maxillaire

La patiente doit comprendre que les solutions thérapeutiques envisagées 3 ans auparavant ne sont plus d’actualité compte tenu des extractions de la 17, de la 14 et de la 25. Après un traitement parodontal initial, les solutions suivantes sont proposées.

Première solution

Il s’agit :

– de soins conservateurs sur les 13, 11, 21 et 23 pulpées, suivis d’un traitement d’éclaircissement ;

– d’un traitement endodontique sur la 12 ;

– de la dépose de la couronne sur la 22 ;

– de la reprise des traitements endodontiques sur les 16, 22 et 27 ;

– de prothèses fixées unitaires sur les 16, 12, 22 et 27 ;

– de prothèses fixées sur 2 implants en place des 14 et 15 ;

– de prothèses fixées sur 3 implants en place des 24, 25 et 26, en fonction du volume osseux disponible après l’avulsion de l’apex de la 25 et sa cicatrisation. La procidence sinusienne, notamment au niveau de la 26, doit également être évaluée (fig. 6).

Si le comblement sinusien était accepté, il serait alors judicieux de se limiter à la pose de 2 implants au niveau de la 24 et de la 26 avec la 25 en intermédiaire.

En revanche, il serait déraisonnable d’envisager de poser 2 implants en place des 24 et 25 avec la 26 en cantilever, bien que la 27 soit mésialée.

• Avantages

– esthétique ;

– confort ;

– préservation de la majorité des déterminants antérieurs de l’occlusion ;

– pronostic favorable.

• Défauts

– séquences de chirurgie implantaire (redoutées par la patiente) ;

– coût financier.

Deuxième solution

Elle ne se distingue de la première solution que par le mode de reconstruction des secteurs édentés. Ceux-ci seraient compensés par une prothèse amovible partielle (PAP) à châssis métallique remplaçant les 14, 15, 24, 25 et 26 réduite dans le sens mésio-distal du fait de la mésio-version de la 27. Des fraisages occluso-palatins s’imposeraient sur les couronnes des 16 et 27 (fig. 7).

• Avantages

– moindre coût par rapport à la première solution ;

– caractère non irréversible avec la possibilité de remplacer à tout moment la PAP par des prothèses fixées sur implants.

• Défauts

Inhérents à l’amovibilité de la prothèse partielle.

Troisième solution

Elle est identique à la deuxième avec pour seule différence la mise en place d’une prothèse fixée de 13 à 23 pourvue d’attachements extracoronaires pour limiter l’aspect inesthétique des crochets placés sur les canines. Cette solution nécessiterait la dépulpation des 13, 11, 21 et 23 compte tenu du volume et de la proximité pulpaires après préparation (fig. 8).

• Avantages

– plus esthétique que la deuxième solution ;

– évolutive.

• Défauts

– plus mutilante ;

– perte des déterminants antérieurs de l’occlusion ;

– plus onéreuse que la deuxième solution.

Un prolongement logique de cette conception prothétique englobant les 6 dents antérieures aurait pu aboutir à une quatrième solution : extension de la prothèse fixée aux 2 molaires pour constituer un bridge complet maxillaire.

Cette solution thérapeutique – se révélant encore plus onéreuse que la précédente et présentant une plus grande difficulté technique et un risque biomécanique (reconstruction de l’ensemble des déterminants de l’occlusion, longue portée du bridge entre 23 et 27) – n’a pas été proposée à la patiente, déjà réticente devant l’obligation de préparer 4 dents antérieures vivantes.

Elle aurait toutefois constitué la solution de remplacement à la prothèse sur implants pour éviter une prothèse amovible maxillaire.

À l’arcade mandibulaire

En dépit des modifications de l’état bucco-dentaire, les solutions envisagées 3 ans auparavant demeurent valables.

Après la réalisation d’un débridement parodontal, les solutions prothétiques suivantes sont proposées.

Première solution

Il s’agit de :

– soins conservateurs de 34 à 44 afin d’obturer les lésions d’usure occlusales ;

– soins conservateurs ou d’extraction de la 38 symptomatique ;

– dépose des couronnes sur 36, 35 et 45 ;

– reprise des traitements endodontiques sur 36, 35, 45 et 47 ;

– prothèses fixées unitaires sur 36, 35, 45 et 47 ;

– prothèse fixée sur implants en place de 37 et 46 avec un espace prothétique important à gérer entre 45 et 47 (fig. 9).

• Avantages

– esthétique ;

– confort ;

– pronostic favorable.

• Défauts

Coût financier.

Deuxième solution

Il s’agit de :

– soins conservateurs de 34 à 44 ;

– traitement endodontique sur 38 ;

– reprise de traitements endodontiques sur 36, 35, 45, et 47 ;

– dépose des couronnes sur 36, 35 et 45 ;

– bridge de 38 à 35 avec 37 en intermédiaire ;

– bridge de 45 à 47 avec 46 en intermédiaire.

Notons qu’il serait possible d’envisager des solutions intermédiaires en combinant les deux premières propositions, par exemple associer d’un côté une prothèse implanto-portée et, de l’autre, une prothèse dento-portée (fig. 10).

Cette solution est esthétique, confortable et moins onéreuse que la précédente. Le principal inconvénient est l’éventuelle perte d’une dent support de bridge.

Troisième solution

Elle est identique à la première solution avec des édentements compensés par une prothèse amovible partielle à châssis métallique au niveau de 37 et de 46, les couronnes bordant les édentements devant comporter des fraisages pour faciliter la rétention, la stabilisation et la sustentation de la prothèse.

Cette solution est proposée avec réticence car l’intérêt thérapeutique (rapport coût/bénéfice) paraît inintéressant (fig. 11).

Décision thérapeutique

La décision thérapeutique, en adéquation avec les désirs exprimés ou non de la patiente, doit toujours être associée à un pronostic. Pour traiter ce cas clinique, la patiente doit admettre qu’il est impossible d’instaurer une thérapeutique sectorielle au cas par cas et que seul un plan de traitement global est envisageable.

Cette notion, mal reçue ou incomprise en première intention, a été assimilée 3 ans plus tard.

L’exposé des différentes solutions thérapeutiques avec leurs inconvénients et avantages respectifs, en accord avec la patiente, a guidé le choix prothétique :

– au maxillaire, couronnes céramo-métalliques sur 12, 22 et 16, 27 fraisées, associées à une prothèse amovible partielle à châssis métallique remplaçant les 14, 15, 24, 25 et 26 ;

– à la mandibule, bridges céramo-métalliques de 35 à 38 et de 45 à 47.

Séquences de traitement

Phases préprothétiques

Première étape

Des conseils psycho-comportementaux sont donnés à la patiente pour limiter son anxiété et son bruxisme. Ils seront réitérés au cours des séances de stabilisation et de maintenance. Un traitement parodontal initial de détartrage-surfaçage est ensuite associé à une motivation à l’hygiène bucco-dentaire.

Après l’extraction de l’apex de la 25, des soins d’odontologie restauratrice simples sont effectués au niveau des collets des 13, 11, 21, 23, 33 et 43. Les soins plus complexes destinés à combler les lésions d’usure occlusale ne seront réalisés qu’une fois la fonction de calage retrouvée par le biais des prothèses temporaires de seconde génération.

Différentes séances sont ensuite consacrées aux traitements endodontiques sur la 12 et la 38 ainsi qu’aux retraitements canalaires sur les 16, 27, 34, 36, 45 et 47.

Les reconstitutions pré-endodontiques permettent la mise en place d’un champ opératoire et constituent un réservoir pour l’hypochlorite servant à la désinfection des canaux (fig. 12 et 12).

Pour limiter la recontamination des canaux lors de la pose et de la dépose des éléments provisoires de première génération réalisés par isomoulage, des séances de longue durée sont privilégiées pour opérer par secteur (par exemple : 34, 35 et 38 puis 45 et 47).

Deuxième étape

Deux empreintes à l’alginate des deux arcades livrent un double jeu de moulages, le premier est destiné à l’archivage et, le second, après transfert sur articulateur, à l’analyse occlusale. Cette dernière exige :

– d’enregistrer la position du maxillaire par rapport à une assimilation du plan axio-orbitaire à l’aide d’un arc facial conventionnel à embout auriculaire (fig. 13) ;

– d’effectuer dans une première séquence le transfert et le montage puis, dans un second temps, de monter le moulage mandibulaire à l’aide d’une cire de relation centrée [2] (fig. 14).

Après vérification de la reproductibilité de différents enregistrements de relation centrée à l’aide d’une double base engrenée, l’analyse occlusale peut commencer [3] (fig. 15, 15 et 15). Elle permet d’apprécier et de modifier :

– la position mandibulaire de référence. L’OIM de la patiente est une occlusion de convenance, adaptative et à fort potentiel pathogène. Elle établit une position mandibulaire certes reproductible mais rendue non stabilisatrice par pertes de substance dentaire (abrasion, carie, édentations) et des égressions dentaires. Dans ce cas, une relation articulaire de référence est donc préférée : la relation centrée. Il faut recréer une nouvelle OIM dans le contexte d’une position de la mandibule en relation centrée ;

– la dimension verticale d’occlusion (DVO). La DVO initiale ne paraît pas diminuée malgré les lésions d’usure. Elle est conservée ;

– la position du groupe incisivo-canin mandibulaire. Elle n’est pas modifiée. De simples composites doivent restaurer les bords libres des dents abrasées ;

– la position du groupe incisivo-canin maxillaire. Elle n’est pas modifiée. Des résines composites destinées à combler les lésions d’usure et carieuses doivent recréer une fonction de guidage physiologique (guidage incisif en propulsion avec désocclusion immédiate des dents postérieures, diductions droite et gauche prises en charge par les canines) ;

– la courbe de Spee et le plan d’occlusion : la 16, égressée, doit être corrigée pour rétablir un plan d’occlusion physiologique. De même, la 35 et la 36 ne doivent pas être reconstruites dans cette position pour retrouver une courbe de Spee physiologique ;

– la pente incisive. Elle est conservée en l’absence de troubles articulaires ;

– la hauteur cuspidienne et les courbes de Wilson. Elles seront modifiées en particulier au niveau de la 16 palato-versée et de la 27.

Phases prothétiques

Première étape : réalisation d’un montage directeur

La reconstruction sectorielle constitue une simplification clinique mais, malheureusement, elle n’autorise pas une correction intégrale de l’occlusion. Pour cette raison, en dépit de sa complexité clinique, nous avons opté pour une reconstruction globale des arcades qui favorise la restauration esthétique et fonctionnelle. Cette solution idéale est obtenue en plaçant, à partir d’un montage directeur complet, des prothèses provisoires globales de seconde génération qui permettent une véritable évaluation fonctionnelle du projet thérapeutique [4]. Celui-ci est dans un premier temps validé sur articulateur (fig. 16 et 16).

Deuxième étape : mise en place des prothèses transitoires

Après la dépose des couronnes sur 22, 35, 36 et 45 et la préparation a minima de 16, 27, 38 et 47, les prothèses transitoires fixées de seconde génération sont scellées (fig. 17, 17 et 17). Les soins restaurateurs sont entrepris sur 13 et 23 afin de recréer une fonction canine en diduction. Le montage directeur de la future prothèse amovible maxillaire est validé. Il est réutilisé pour guider l’élaboration de la reconstitution corono-radiculaire directe sur la 16 peu délabrée (fig. 18). Il est enfin polymérisé après adjonction de crochets pour constituer une prothèse amovible partielle transitoire.

Troisième étape : réalisation des restaurations corono-radiculaires

Les empreintes destinées aux reconstitutions corono-radiculaires coulées, de type inlay-core, sur les 27, 35, 36, 38, 45 et 47 sont réalisées en un temps avec des silicones de viscosités différentes. La morphologie des restaurations indirectes est dictée par la forme et la position des dents provisoires enregistrées par une empreinte à l’alginate. La gestion de l’occlusion commence dès ce stade et l’espace nécessaire aux futurs fraisages est ménagé sur la 16 et la 27. Après collage des inlay-cores au Panavia® (Kuraray) (fig. 19), les prothèses transitoires sont évidées, rebasées et équilibrées de façon à rétablir une OIM physiologique alors que la mandibule est en position de relation centrée (fig. 20).

Quatrième étape

Elle consiste en :

– la prise des empreintes maxillaire et mandibulaire des préparations ;

– l’insertion de cordonnets déflecteurs imprégnés de chlorure d’aluminium (fig. 21) ;

– la prise des empreintes en un temps et en double viscosité des préparations (fig. 21 et 21).

Cinquième étape : enregistrement du rapport maxillo-mandibulaire

Après traitement de l’empreinte, les moulages de travail unitaires sont scindés et détourés au niveau des préparations (fig. 22 et 22). Pour confectionner les futures prothèses d’usage, il faut :

– faire un relevé de la position du maxillaire à l’aide d’un arc facial pour le transfert sur articulateur (fig. 23) ;

– réaliser des tables d’enregistrement occlusales en cire extradure de type Moyco® pour enregistrer la position de la mandibule par rapport au maxillaire (fig. 24 et 24).

La technique des enregistrements alternés permet de maintenir et d’enregistrer le rapport maxillo-mandibulaire déterminé par les prothèses transitoires.

Une première table occlusale est enregistrée du côté droit alors que les éléments provisoires sont toujours en place du côté gauche. Une seconde table est ensuite enregistrée du côté gauche alors que la première table reste en place du côté droit.

Sixième étape : transfert sur articulateur des moulages de travail

Alors que le moulage maxillaire est monté à l’aide de l’arc facial, les tables d’enregistrement occlusales assurent le montage du moulage mandibulaire avec les incisives et les canines qui garantissent un calage efficace (fig. 24 et 24). Le montage terminé est adressé au laboratoire pour la confection des armatures métalliques (fig. 25 et 25). Celles-ci, comme les inlay-cores, sont à base de métal précieux. L’approche globale de l’occlusion dès le stade des préparations autorise la gestion de l’orientation et des épaisseurs métalliques des armatures.

Septième étape : essayage des armatures et réenregistrement occlusal

L’essayage clinique des armatures permet de contrôler :

– la précision de leur adaptation cervicale (fig. 26) ;

– les épaisseurs métalliques et l’ouverture des embrasures (fig. 27).

L’injection dans l’intrados d’un silicone de précision (Fit Checker®, GC) permet d’affiner l’ajustage des armatures sur les préparations et de révéler les éventuels défauts au niveau des bords métalliques (surextension, sous-contour, surcontour, joint ouvert) [5]. Un nouvel enregistrement occlusal est ensuite réalisé à l’aide de résine chémopolymérisante (Pattern Resin®, GC) placée sur les armatures assimilées à des tables d’enregistrement très stables (fig. 28). La technique alternée est là encore utilisée.

Huitième étape : essayage des biscuits

Les biscuits en céramique des futures restaurations sont élaborés au laboratoire puis essayés cliniquement. Les réglages occlusaux sont déterminants pour valider les fonctions de calage, de centrage et de guidage.

Neuvième étape : scellement des prothèses fixées et empreinte de la PAP maxillaire

Le glaçage réalisé, les prothèses fixées sont réessayées et éventuellement réajustées avec plus de précision (fig. 29 et 29) avant d’être lustrées puis scellées avec un ciment à l’oxyphosphate de zinc (fig. 30).

À ce stade, la restauration de l’arcade mandibulaire est achevée (fig. 31). Les couronnes 16, 12, 22 et 27 sont scellées. Une empreinte en un temps et en deux viscosités à base d’alginate (fig. 32) permet ensuite d’élaborer le châssis de la prothèse amovible partielle (fig. 33).

Dixième étape : essayage du châssis de la PAP maxillaire

Le châssis de la prothèse amovible est réalisé en alliage précieux selon les souhaits de la patiente. Si cet alliage favorise la rétention des bras élastiques des crochets, il implique en revanche l’utilisation de préformes spécifiques surdimensionnées lors de sa confection [6]. L’essayage permet de vérifier l’insertion, l’adaptation et l’équilibre du châssis sur les dents ainsi que la rétention et l’occlusion (fig. 34 et 34). Aucune compression de la muqueuse ne doit apparaître. L’efficacité des crochets ainsi que leur situation à distance de la gencive sont également contrôlées. L’occlusion n’est pas réenregistrée à ce stade car le calage assuré par les dents antérieures d’une part et les 16 et les 27 d’autre part est suffisamment fiable.

Onzième étape : essayage du montage sur cire des dents au maxillaire

Des dents en porcelaine sont montées sur les selles de la PAP maxillaire. Elles garantissent à long terme la pérennité de l’occlusion. La couleur des dents est validée. Le schéma occlusal est vérifié, il doit préserver des fonctions canines à droite et à gauche sans interférences, une désocclusion postérieure en propulsion ainsi qu’une simultanéité et une répartition des contacts occlusaux en fermeture. La cire des selles est également inspectée.

Douzième étape : insertion de la PAP maxillaire

La PAP maxillaire est insérée après polymérisation et finition (fig. 35 et 35). L’occlusion est vérifiée, d’éventuelles rugosités sont recherchées au niveau de la résine. Des conseils d’hygiène sont prodigués à la patiente. Des séances de maintenance sont planifiées.

Conclusion

« D’abord ne pas nuire » : des soins restaurateurs ou prothétiques prodigués en urgence ou au coup par coup, sans véritable vision d’ensemble, vont à l’encontre de ce principe médical de base. Face à une restauration prothétique simple ou complexe, il est de notre devoir d’informer, puis de conseiller le patient pour aboutir, avec son assentiment, à la solution la mieux adaptée à sa situation clinique et personnelle. Le traitement qui résulte de cette démarche doit ensuite être conduit à son terme dans le respect d’un plan de travail parfaitement codifié en amont.

bibliographie

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