Gestion implanto-prothétique d’une perte osseuse dans le sens vertical - Cahiers de Prothèse n° 145 du 01/03/2009
 

Les cahiers de prothèse n° 145 du 01/03/2009

 

PLAN DE TRAITEMENT

Thierry Denis*   Serge Armand**   Philippe Boghanim***   Philippe Campan****   Louis-Philippe Gayrard*****   Laurent Gineste******   Olivier Le Gac*******  


*Attestation d’étude en implantologie, diplôme universitaire d’implantologie
**PU-PH
***PH
****MCU-PH
*****PH
******PH
*******PH
********Faculté d’odontologie de Toulouse
Service d’implantologie
3, chemin des Maraîchers
31062 Toulouse Cedex 9

Résumé

Le but de cet article est de montrer les différentes solutions prothétiques que l’on peut proposer lors de pertes osseuses importantes dans le sens vertical. Pour le cas présenté, la solution retenue a été la réalisation d’une prothèse totale transvissée sur 10 implants au maxillaire, et la pose de 6 implants à la mandibule en remplacement des zones postérieures édentées en secteur 3 et 4. Pour le maxillaire, notre choix s’est porté sur l’utilisation d’une fausse gencive en céramique, afin d’éviter la sensation de dents longues, conséquence inhérente à un espace prothétique important. Toutes les séquences préimplantaires, implantaires et prothétiques sont décrites et illustrées, étape par étape.

Summary

Implant-supported prosthetic treatment for bone loss in the vertical side : use of a ceramic gum

This article aims at showing the different prosthetic solutions, that can be proposed in the presence of an important bone loss in the vertical side. For the reported case, the retained solution was a complete prosthesis screwed on 10 implants in the maxilla, and the placement of 6 implants in the mandible to replace the previous edentulous areas in sectors 3 and 4. For the maxilla, we decided to use a ceramic gum, to avoid the sensation of long and big teeth, consequence of an important prosthetic space. All the pre-implant, implant and prosthetic sequences are described and illustrated step by step.

Key words

ceramic gum, dental implants, immediate loading, maxillary, mandible, pre-implant study, treatment planning

Au fil des décennies, l’implantologie s’est imposée en pratique quotidienne. Elle a totalement bouleversé les approches et modifié les raisonnements intellectuels et les comportements cliniques.

Les techniques et les matériaux ont acquis une fiabilité démontrée par de nombreuses études internationales, des expérimentations cliniques et scientifiques, sources de multiples publications. L’analyse des succès et des échecs, avec un recul clinique significatif, a permis de codifier une méthodologie rigoureuse.

L’objet de cet article est de démontrer l’étendue des possibilités thérapeutiques de l’implantologie.

Présentation du cas

État clinique initial

Anamnèse générale et locale

Un patient de 56 ans se présente à la consultation d’implantologie du service d’odontologie de Toulouse pour entreprendre une réhabilitation prothétique globale.

Au cours de ces dernières années, il a subi de nombreux soins en prothèse fixée et amovible qui aujourd’hui, ne lui donnent plus satisfaction. Il souhaiterait une solution qui permettrait d’éviter le port de prothèses amovibles.

L’absence de nombreuses dents et de supports naturels fiables oriente le plan de traitement vers une solution qui pourrait être implantaire, bien que d’autres hypothèses existent.

Le patient est averti de l’implication personnelle qu’il devra démontrer, du coût et de la durée importante de ces traitements. Le patient très motivé accepte tout protocole indispensable à la mise en œuvre des éventuelles thérapies.

Le résultat du questionnaire médical révèle un bon état de santé générale.

Examens cliniques

Examen exobuccal

L’examen général montre un visage de type ovalaire avec une égalité des étages supérieurs et inférieurs, ainsi qu’une symétrie faciale. De face comme de profil, le visage est régulier et harmonieux (fig. 1).

Il n’existe aucune pathologie articulaire et/ou neuromusculaire et aucune gêne n’entrave les trajets d’ouverture/fermeture, de latéralités et de propulsion.

Examen endobuccal

L’hygiène buccodentaire n’est pas satisfaisante. On note la présence de dépôts tartriques importants, notamment au niveau du secteur antérieur mandibulaire. Des séances de motivation et d’enseignement à l’hygiène bucco-dentaire seront programmées.

• Arcade maxillaire

– classe I de Kennedy-Applegate ;

– absence des dents 17, 14, 24, 25, 26 et 27 (non remplacées par une prothèse) ;

– la 16, porteuse d’une couronne métallique défectueuse, est affectée par une lésion parodontale importante (fig. 2) ;

– la 15, dépulpée et restaurée par un volumineux amalgame, montre un support parodontal affaibli ;

– les 13 et 22 sont saines, mais présentent une perte d’attache importante ;

– les 12 et 21 sont les piliers d’un bridge céramo-métallique avec la 11 pour inter de bridge ;

– enfin, la 23 supporte une coiffe céramique de type monobloc.

• Arcade mandibulaire

– classe II, subdivision 2 de Kennedy-Applegate ;

– 34, 35, 44, 45, 46 et 47 sont absentes et remplacées par une prothèse amovible ;

– sur le groupe incisivo-canin, les dépôts tartriques sont importants. Toutes ces dents présentent une parodontite avec une mobilité modérée (fig. 3) ;

– les 36 et 37 sont porteuses de couronnes métalliques et révèlent une forte mobilité.

La totalité des dents des arcades maxillaire et mandibulaire montrent des récessions gingivales. La gencive à leur niveau n’est cependant pas inflammatoire et la hauteur et l’épaisseur de gencive attachée sont satisfaisantes (fig. 4).

Examen radiographique

Le cliché panoramique permet d’apprécier l’état dentaire, mais aussi d’objectiver les pertes osseuses au maxillaire et à la mandibule (fig. 5).

À la mandibule

– sur la 36, couronnée, atteinte radiculaire au niveau de sa furcation, associée à une perforation de son plancher, provoquée par un tenon radiculaire ;

– la 37, également couronnée par une reconstitution de type coulée, avec 2 tenons radiculaires est atteinte d’une reprise de carie au niveau de sa racine. Ces 2 dents possèdent des racines courtes.

Le cliché panoramique confirme le problème parodontal du secteur antérieur mandibulaire.

L’os mandibulaire semble toutefois de qualité, et en quantité satisfaisante. La perte osseuse dans le sens vertical semble moins prononcée à la mandibule qu’au maxillaire.

Au maxillaire

Les dents 16, 15, 12, 21 et 23 sont dépulpées et présentent toutes des pertes d’attache importantes. Les dents 13 et 22 sont pulpées, mais présentent aussi une parodontolyse importante.

On peut d’ores et déjà noter une hauteur sous-sinusienne faible, aussi bien dans le secteur 1 (avec la présence de 15 et 16) que dans le secteur 2, qui obligerait, si l’hypothèse implantaire était retenue, de réaliser des aménagements osseux dans les secteurs postérieurs maxillaires. Dans cette éventualité, 3 solutions pour la reconstruction osseuse pourraient être envisagées :

– soit des greffes sous-sinusiennes (droite et gauche) ;

– soit des greffes en onlay (droite et gauche) ;

– soit une combinaison des deux techniques, adaptée selon les sites antérieurs et postérieurs.

Le choix de la reconstruction osseuse dépendra de l’importance de l’espace prothétique et du type de reconstruction prothétique choisi [1].

Analyse occlusale (analyse préimplantaire 1re partie)

Des empreintes des 2 arcades sont réalisées et coulées en plâtre dur. Des maquettes en résine Ivolen® avec bourrelets en cire Moyco® (Moyco) sont élaborées au laboratoire de prothèse.

Un enregistrement des rapports mandibulo-maxillaires en relation centrée est programmé, associé à une prise d’arc facial, pour transférer les modèles d’étude sur un articulateur de type semi-adaptable (SAM 2) (fig. 6).

L’analyse occlusale révèle :

– une classe I squelettique ;

– un espace prothétique très volumineux entre les arcades mandibulaire et maxillaire, qui préfigure la réalisation de dents prothétiques longues ayant pour conséquence un rapport couronne/racine et, par assimilation, un rapport couronne/implant moyennement favorables.

Solutions thérapeutiques

Les paramètres collectés lors des différents examens du patient permettent de proposer et d’expliquer à ce dernier, un certain nombre de solutions thérapeutiques avec leurs avantages et inconvénients respectifs. Ainsi, dûment averti, il pourra prendre une décision parfaitement adaptée à ses souhaits et ressources financières.

Les modèles d’étude transférés sur articulateur en relation centrée, avec une dimension verticale d’occlusion (DVO) correctement déterminée, livrent les éléments nécessaires aux choix thérapeutiques [2, 3]. Les solutions thérapeutiques envisageables devront impérativement restaurer les fonctions masticatoires, phonétiques et esthétiques conformément aux demandes de ce patient. La prévision de ce résultat esthétique et fonctionnel est une des clés du succès thérapeutique [4].

Les examens clinique et radiographique permettent, si une solution avec implants est envisagée, d’élaborer le diagnostic préimplantaire.

Les pertes osseuses maxillaires et mandibulaires importantes militent en faveur d’une solution prothétique qui prendra en compte ce problème essentiel. En effet, le choix de la décision prothétique dépendra du degré de résorption du maxillaire [5]. Lors d’une résorption modérée, le concept de bridge sur implants est envisageable. Devant une résorption plus importante, la mise en place d’une fausse gencive est souvent nécessaire afin d’éviter l’aspect de dents longues [6].

À l’arcade mandibulaire

Compte tenu des examens endo-buccal et radiographique, les dents 36 et 37 seront extraites. En revanche, après traitement parodontal, le bloc incisivo-canin mandibulaire pourra être conservé en première intention.

Après les alvulsions de 36 et 37, la classe II-2 de Kennedy-Applegate se transforme alors en classe I et peut être traitée de deux manières :

Solution 1

Réalisation d’une prothèse amovible à châssis métallique de 8 dents en remplacement des dents 34 à 37 et des dents 44 à 47 [7].

• Avantages

Ils résident dans la rapidité et la facilité d’exécution de ce type de prothèse. Le prix de revient peut aussi être considéré comme un avantage à ce niveau.

• Inconvénients

Ce sont ceux, bien sûr, inhérents à l’amovibilité de la prothèse.

Solution 2

Mise en place d’implants dans les secteurs postérieurs mandibulaires droit et gauche (sous réserve d’examens complémentaires validant la possibilité de pose d’implants à ce niveau).

• Avantages

Le patient n’aura plus à supporter les inconvénients d’une prothèse amovible. En effet, il retrouvera l’intégralité de ses organes dentaires, par l’intermédiaire de couronnes céramiques supportées par des piliers implantaires.

• Inconvénients

La durée globale du traitement pourra être considérée comme un inconvénient, même si le souci majeur reste encore, pour certains patients, la charge financière, liée aux traitements avec implants.

À l’arcade maxillaire

Solution 1 : prothèse mixte fixée et amovible

Conservation des organes dentaires restants en reprenant les traitements endodontiques sur 16, 15, 12, 21 et 23, puis réalisation d’un bridge de 16 à 23 avec attachements et fraisages, associé à une prothèse amovible à châssis métallique de 5 dents (17, 24, 25, 26 et 27) s’adaptant parfaitement aux fraisages et aux attachements du bridge fixe scellé.

• Avantages

Cette solution mixte (fixée et amovible) permet, tout en conservant le maximum de dents naturelles, de restaurer complètement l’arcade maxillaire, et ceci dans un laps de temps tout à fait respectable.

• Inconvénients

Cette solution ne pourra être envisagée que pour une durée de vie limitée en raison de la fragilité des dents résiduelles, piliers du bridge.

Une solution plus définitive devra alors être envisagée au bout de quelques années.

Solution 2 : prothèse amovible complète supra-implantaire

– extractions stratégiques de toutes les dents maxillaires ;

– après cicatrisation, pose de 6 implants puis réalisation d’une barre implanto-portée avec prothèse totale de recouvrement, clipée sur la barre par l’intermédiaire d’attachements de type Ceka® (tableau I – 1re colonne).

• Avantages

Cette solution anticipe sur le devenir incertain des dents restantes et propose un projet prothétique qui permettra de restaurer de façon stable l’arcade maxillaire complètement édentée.

• Inconvénients

Le patient sera porteur d’une prothèse amovible complète avec les inconvénients qui lui sont liés.

De plus, outre le fait que ce choix thérapeutique reste une solution amovible, on réservera, de préférence, ce type de traitement lors de décalage important des bases osseuses (classes II et III) [2].

Solution 3 : bridge complet vissé ou scellé sur implants (tableau I – 2e et 3e colonnes)

Dans un premier temps, on réalise les extractions stratégiques des dents résiduelles pour conserver le maximum du volume osseux maxillaire. Après cicatrisation et en fonction de l’analyse radiographique, un réaménagement des volumes osseux sous-sinusiens sera obligatoire.

On pourra alors envisager la pose de 10 implants pour reconstruire l’arcade maxillaire édentée par un bridge complet fixé.

• Avantages

La prothèse réalisée sera très proche d’une arcade dentaire naturelle.

• Inconvénients

Il s’agira évidemment d’un traitement long (greffe osseuse préimplantaire, pose puis durée d’ostéointégration des implants et enfin réalisation de la prothèse définitive). De plus, il faut ajouter la participation financière importante et l’indispensable implication du patient, tant pendant les phases de réalisation du projet chirurgico-implanto-prothétique que pendant les phases obligatoires de maintenance.

Décision thérapeutique

Le souhait du patient étant de ne plus porter d’appareils amovibles, ce sont des prothèses fixées sur implants qui répondent à ses exigences.

L’analyse de tous les paramètres fonctionnels et occlusaux incite à choisir une occlusion s’arrêtant aux 1res molaires pour limiter le nombre d’implants et, de ce fait, le coût global du traitement implanto-prothétique.

À la mandibule

Une occlusion 6/6 étant retenue, la pose de 6 implants et la confection de couronnes sur ces derniers remplaceront les dents 34, 35, 36 et 44, 45, 46.

Le fait de remplacer les secteurs cuspidés en position d’édentement terminal justifie la pose d’un implant par dent, choix d’autant plus judicieux que le rapport couronne/implant est moyennement favorable. Le fait de réaliser la pose d’un implant par dent, associé à la confection de couronnes solidarisées, permettra d’équilibrer les forces et les contraintes sur chacun des 3 implants (par hémi-arcade).

Au maxillaire

Le choix du concept prothétique et du nombre d’implants chez le patient totalement édenté au maxillaire, dépend, comme déjà cité, de sa demande prothétique et esthétique, du volume osseux résiduel, de la qualité osseuse, du rapport interarcades et de l’analyse esthétique et fonctionnelle [1].

En considérant tous ces facteurs, il a été décidé de mettre en place 10 implants pour élaborer un bridge complet implanto-porté. Le protocole thérapeutique décrit est utilisé régulièrement depuis trois ans au sein du service d’implantologie de Toulouse.

Le jour de la phase chirurgicale, un bridge complet provisoire armé sera transvissé en mise en charge immédiate, selon les concepts de la technique « pick-up » [8-10].

À 4 mois postopératoires, la prothèse définitive sera élaborée.

La répartition des implants respectera les règles de recommandation du positionnement des implants au maxillaire (selon la littérature) :

– 2 implants en position 11 et 21 ;

– 2 implants en position 13 et 23 ;

– 2 implants en position 14 et 24 et 2 autres en position 15 et 25 ;

– les 2 derniers implants en position 16 et 26.

Plan de traitement et étapes de réalisation

Phases préimplantaires

Étape 1 : thérapeutique initiale

Motivation à l’hygiène bucco-dentaire, enseignement des techniques de brossage et des techniques d’utilisation des brossettes interdentaires pour parvenir à un contrôle de plaque satisfaisant.

Étape 2 : extractions et prothèses provisoires immédiates

– extractions stratégiques des dents 16, 15, 12, 21, 22 au maxillaire et pose d’une prothèse provisoire amovible immédiate. 13 et 23 sont maintenues en première intention, pour faciliter le port de la prothèse provisoire amovible (fig. 7) ;

– extractions de 36 et 37 et réalisation d’une prothèse amovible provisoire mandibulaire (fig. 8).

Étape 3 : chirurgie préimplantaire

La chirurgie préimplantaire (Dr Éric Solyom, chirurgien maxillo-facial), réalisée sous anesthésie générale, a permis un prélèvement d’os pariétal pour combler les sinus maxillaires (droit et gauche). Une greffe en onlay avec fixation par des vis d’ostéosynthèse a été aussi réalisée au niveau du prémaxillaire. Les résultats de cette chirurgie sont visibles et quantifiables sur les images scanner réalisées 4 mois après les greffes (fig. 9).

Étape 4 : analyse préimplantaire (2e partie)

Une phase de cicatrisation osseuse de 4 mois après la greffe a été respectée avant d’effectuer de nouvelles empreintes d’études destinées à l’analyse préimplantaire consécutive aux modifications du maxillaire liées aux greffes osseuses.

Le réglage du plan d’occlusion définitif est fixé à ce stade (fig. 10 et 11).

Un projet en cire complet maxillaire et mandibulaire est élaboré (fig. 12).

Une maquette en dents résine et fausse gencive transparente est confectionnée à partir d’une réplique de ce wax-up. Elle est essayée en bouche pour valider le projet prothétique, la DVO et le plan d’occlusion. L’utilisation de la résine transparente permet d’appréhender la perte osseuse maxillaire entre les collets des dents en résine et la crête alvéolaire résiduelle. À ce stade, on peut objectiver le déficit osseux et prendre la décision finale d’opter pour une fausse gencive, afin d’éviter l’aspect de dents trop longues [6] (fig. 13 et 14).

Une réplique du modèle en résine est confectionnée, avec des dents en résine barytée pour constituer un guide radiologique (fig. 15 et 16). Après réalisation du scanner, le positionnement des sites implantaires est validé grâce aux dents en résine radio-opaque (fig. 9) ; les longueurs et diamètres des implants sont choisis.

Phases chirurgicales

Au maxillaire

Les implants utilisés sont des implants Xive S® (Friadent®)

Les sites implantaires sont :

– 16/26 : 2 implants de 5,5 mm/9,5 mm ;

– 14-15/24-25 : 4 implants de 3,8 mm/ 11 mm ;

– 13/23 : 2 implants en post-extractionnel de 4,5 mm/15 mm ;

– 11/21 : 2 implants de 3,8 mm/13 mm.

Les dents 13 et 23 sont extraites et un lambeau de pleine épaisseur est décollé (fig. 17).

Les implants sont placés et le lambeau suturé (fig. 18 et 19).

À partir du montage prothétique, une armature en résine préfigure la prothèse provisoire. En fin de chirurgie, les porte-implants sont retirés et sont remplacés par des suprastructures provisoires (suprastructures Protec®, Friadent®) (fig. 20).

L’armature résine est alors connectée, directement en bouche, aux suprastructures provisoires Protec®, avec de la résine chémopolymérisante (technique Pick-up de Gallucci) [8-10] (fig. 21 et 22).

Après dévissage, l’ensemble est retiré et adressé au laboratoire de prothèse afin de réaliser les finitions du bridge provisoire complet armé (fig. 23).

Le soir même, ce dernier est transvissé sur les implants. L’occlusion est vérifiée et ajustée (fig. 24).

À la mandibule

Les 6 implants sont mis en place selon une technique classique en 1 temps chirurgical. Les vis de cicatrisation sont vissées et les sutures des 2 lambeaux droit et gauche finalisées (fig. 25).

Une radiographie panoramique de contrôle permet de visualiser le bon positionnement des implants et d’objectiver les vis du bridge provisoire résine placé selon la technique Pick-up [8-10] (fig. 26). Ce bridge joue le rôle de fixateur externe pendant la période d’ostéointégration [11, 12].

Pour obtenir l’ostéointégration des implants, une période de cicatrisation d’environ 4 mois est observée avant d’envisager, au niveau des 2 arcades, la phase de réalisation de la prothèse d’usage.

Phases prothétiques

Étape 1 : empreinte mandibulaire (6 implants) et maxillaire (10 implants)

Dans les deux cas, une technique à ciel ouvert est jugée plus indiquée avec confection de porte-empreintes individuels (PEI), ajourés en regard des sites implantaires.

Les transferts d’empreintes sont connectés et vissés sur les implants.

Après essayage des PEI, on fixe une feuille de cire pour recouvrir les zones ajourées (fig. 31, 32 et 33). Cette technique favorise une compression plus forte de l’élastomère et une empreinte de meilleure qualité. L’empreinte est réalisée en technique monophase (Impregum®, 3M Espe) (fig. 27, 28, 29, 30, 31, 32 et 33).

Étape 2 : confection des modèles de travail et prise d’occlusion

Les modèles de travail, élaborés au laboratoire de prothèse, sont confectionnés avec de la fausse gencive rose (fig. 34).

Des bourrelets d’occlusion en cire Moyco® sur base Ivolen® (Ivoclar-Vivadent) sont préparés (fig. 35). On intègre à ces maquettes d’occlusion des transferts d’empreinte pour les transvisser en bouche lors de la prise d’occlusion. Cette façon de procéder permet d’avoir une parfaite stabilité des maquettes, lors de cette séquence. Au maxillaire, le laboratoire confectionne deux hémi-maquettes, dans le but de pouvoir conserver le plan d’occlusion validé au stade du bridge provisoire. Les rapports intermaxillaires sont enregistrés en 2 étapes, en séparant le bridge provisoire en 2 hémi-bridges.

L’occlusion est enregistrée d’abord au niveau de l’hémi-maxillaire droit, puis au niveau de l’hémi-maxillaire gauche (fig. 36 et 37).

Étape 3 : réalisation des armatures mandibulaire et maxillaire

Mandibule

Les suprastructures sont choisies en fonction du diamètre des implants. Du fait de l’important volume dans le sens vertical, on choisit ici des suprastructures de grandes hauteurs, qui sont parallélisées par usinage (fig. 38 et 39).

Les armatures des deux bridges (droit et gauche) sont confectionnées et essayées in situ. On s’attache à vérifier particulièrement leur passivité, grâce à un silicone light, placé dans l’intrados de l’armature qui permet de visualiser et de modifier les zones non passives (fig. 40 et 41). Cette étape longue et souvent fastidieuse est primordiale pour éviter les contraintes biomécaniques, sources fréquentes de perte d’implants.

Maxillaire

Dans un premier temps, on réalise un montage directeur (avec des dents résine sur base Ivolen®) pour simuler le futur emplacement de la fausse gencive et des dents l’une par rapport aux autres (fig. 42). Le laboratoire de prothèse peut alors exécuter l’armature du bridge complet avec fausse gencive. En effet, ce montage directeur aide le prothésiste à situer l’émergence des dents en relation avec le positionnement des implants, mais il permet également de délimiter la hauteur et la topographie de la future fausse gencive céramique (fig. 43, 44, 45 et 46).

Soucieux de toujours vérifier la passivité de l’armature nous préférons sectionner celle-ci en trois parties. Ces trois structures sont solidarisées en bouche avec une colle cyano-acrylate (Zapit®, Dental Ventures of America) (fig. 47 et 48), puis reliées par brasure au laboratoire.

En fin de séance, la teinte des dents, mais aussi de la gencive est choisie avec soin.

Étape 4 : montage et essayage des biscuits céramiques

Le prothésiste de laboratoire peut maintenant monter les biscuits céramiques. Les céramiques utilisées sont : la GC Gum Shade® (GC) (disponible en 5 teintes différentes de gencive céramique) et la GC MC® (GC) (pour les dents prothétiques).

Le prothésiste de laboratoire commence par élaborer la première stratification de la gencive céramique (fig. 49). Dès ce stade, l’emplacement des racines est matérialisé par l’utilisation de différentes poudres qui donnent des effets de volumes et d’ombres.

À ce stade, il élabore la stratification des bases dentinaires qui serviront à la céramique cosmétique des parties dentaires. Les différentes couches successives de dentine, émail et transparents sont ensuite placées. À chaque étape de l’élaboration, des touches ponctuelles de gencive céramique sont apportées [13, 14] (fig. 50).

Le biscuit céramique peut alors être essayé. Cet essayage consiste à vérifier en situation : la phonation, la teinte, la forme des dents et de la gencive céramique. On s’attache à vérifier tout particulièrement l’intrados de la surface céramique de la fausse gencive. Celle-ci ne doit présenter que des surfaces convexes pour faciliter l’hygiène bucco-dentaire et le passage des brossettes interdentaires.

Les rapports d’occlusion sont aussi contrôlés à ce stade, en position d’intercuspidie, mais aussi lors de tous les mouvements dynamiques. Le schéma occlusal choisi s’appuie sur une fonction de groupe [15].

Les bridges sont alors transmis au laboratoire pour finitions, caractérisations et polissage de la céramique.

Étape 5 : vissage et pose finale de l’ensemble

Les finitions et les caractérisations des céramiques nécessitent un important travail et une grande technicité du prothésiste de laboratoire. Ce dernier doit attacher une importance toute particulière aux états de surface des dents et de la gencive [13, 14] pour obtenir un résultat esthétique au plus proche du naturel (fig. 51 et 52).

Ce travail doit s’appuyer sur une communication constante entre les intervenants, aidés notamment par l’utilisation de documents photos numériques.

Avant toute pose définitive (ainsi que pendant les différentes étapes d’essayage), il faut toujours procéder au nettoyage et à la décontamination des fûts et des suprastructures implantaires (fig. 53).

Mandibule

Les suprastructures sont vissées au couple recommandé par le fabricant (24 N/cm) à l’aide d’une clé dynamométrique (fig. 54).

Les prothèses définitives sont alors scellées, à l’aide d’un ciment verre-ionomère (Ketac-fil®, 3M Espe) (fig. 55 et 56).

Maxillaire

Les suprastructures spécifiques pour prothèse transvissée sont mises en place et serrées avec un couple de serrage donné (24 N/cm) (fig. 57), puis le bridge complet céramique est à son tour transvissé à l’aide du tournevis et de la clé dynamométrique (fig. 58). Les émergences des puits et vis (fig. 59) sont fermées à l’aide de composite.

L’occlusion (fig. 60 et 61) et les différents mouvements dynamiques sont encore vérifiés. On peut alors apprécier l’intégration esthétique du travail prothétique (fig. 62).

Il est impératif de toujours réaliser une radiographie panoramique de contrôle final (fig. 63).

Conclusion

La réussite d’un tel plan de traitement ne peut se concevoir qu’à partir d’une étude préimplantaire rigoureuse. La participation et l’engagement du patient contribuent bien évidemment au résultat final, tant pendant la durée du traitement implanto-prothétique, qu’après la pose.

En effet, le patient doit se soumettre à des séances de contrôle post-thérapeutique, qui permettront de vérifier l’occlusion et l’hygiène (fig. 64). La prise de conscience par le patient de la nécessité d’une maintenance rigoureuse [16] est le gage du succès thérapeutique dans le temps et participe à la pérennité de l’ensemble implanto-prothétique.

Remerciements à M. Pascal Augé et à toute son équipe de l’Atelier Dentaire pour les étapes de laboratoire.

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