Les clés de la réussite en prothèse implantaire - Cahiers de Prothèse n° 145 du 01/03/2009
 

Les cahiers de prothèse n° 145 du 01/03/2009

 

Compte rendu

Sarah Amr  

Au cours de ces deux journées, sept spécialistes français, suisses et américains ont présenté leurs techniques, leurs analyses ainsi que leurs protocoles pour des reconstitutions esthétiques implanto-portées.

Les clés de succès en esthétique

Urs Belser (Genève)

Se référant à sa propre expérience professionnelle, Urs Belser a développé, dans cette première partie, quelques principes prévalant en termes d’esthétique dans le cadre de restaurations implantaires :

• les reconstitutions dans le secteur antérieur maxillaire concernent une denture compromise. Aussi, elles nécessitent une étude approfondie du cas, une planification du traitement à l’aide de modèles d’étude et de cires de diagnostic ;

• l’esthétique est plus facilement gérable sur 1 implant unitaire qu’entre 2 implants adjacents ;

• une restauration antérieure doit être fonctionnelle, mais aussi esthétique ;

• la stabilité des tissus péri-implantaires dépend essentiellement de l’hygiène et du contrôle de plaque à ce niveau ; la limite intrasulculaire de la prothèse ne semble pas avoir d’effets néfastes ;

• dans les cas d’extraction et d’implantation immédiate, on observe une récession de la muqueuse vestibulaire. Elle peut atteindre plus de 1,5 mm dans 34,8 % des cas (Kan et al., 2007). Cette récession est directement liée à la perte de la lame osseuse vestibulaire post-extractionnelle. Pour pallier ce problème, il existe deux techniques : la régénération osseuse (GBR) pour l’augmentation du contour et le comblement (Bone filler) pour compenser la perte osseuse ;

• le taux de succès peut être déterminé à partir de 2 indices : le PES (Pink Esthetic Score) pour la gencive et le WES (White Esthetic Score) pour la couronne (tableau I).

La réponse osseuse aux contraintes mécaniques : aspects biologiques

Dr Anselm Wiskott (Genève)

En s’appuyant sur les théories de Timoshenko, le père de la mécanique, le Dr Wiskott a montré comment l’os s’adapte aux contraintes mécaniques. C’est un matériau capable d’auto-optimisation. En effet, en cas de détériorations du type fissure ou fracture osseuse, il existe, au sein de l’os cortical, des unités fonctionnelles d’ostéoclastes et d’ostéoblastes (Basic Multicellular Unit), capables de s’apposer et de se résorber de façon à réparer le site atteint.

D’autre part, les sollicitations mécaniques sont indispensables à l’homéostasie de l’os. Sa présence dépend directement d’une contrainte mécanique continue, à intervalles réguliers qui correspond à la présence des dents sur l’arcade. C’est cette même propriété qui explique, d’une part, la disparition de l’os alvéolaire dans les zones édentées et, d’autre part, sa résorption dans le cas d’une compression excessive (surcharge occlusale). Par conséquent, il existe une relation entre la contrainte et la quantité du contenu minéral de l’os. Cette relation est dose-dépendante.

Qu’en est-il de la possibilité de désintégration osseuse d’un implant suite à une surcharge ? La théorie du méchanostat de Frost peut répondre parfaitement à cette question. Elle stipule la présence d’une mécano-transduction qui consiste en un système de flux liquidiens, échangés entre le milieu externe et la cellule osseuse, apparaissant en réponse à une contrainte, mais aussi à une communication interostéocytes. Ainsi, l’os fait partie d’un système biologique qui réagit aux contraintes mécaniques et répond à de nombreuses molécules bioactives qui lui permettent de s’adapter à la situation dans laquelle il se trouve.

Concernant la nature du couplage entre l’os et l’implant dentaire, plusieurs points ont été détaillés :

– l’ostéointégration n’est pas un phénomène de « tout ou rien » ; il ne s’agit pas d’un système linéaire ;

– la rugosité est un élément essentiel pour l’ostéointégration ;

– un implant ostéointégré est un implant très proche de l’os, mais il n’est jamais collé à cet os ;

– toutefois, la résistance en tension est très faible.

Mécaniques des structures implanto-portées : analyses numériques et données expérimentales

Dr Wiskott (Genève)

Il existe sur le marché deux prototypes de connecteurs implantaires : plan à plan (flat to flat) de Brånemark ou cône dans cône de Straumann. À chacun de ces prototypes correspondent des sous-types. Par exemple, le premier système se compose d’un hexagone externe et d’un hexagone interne (Spline®) ; le deuxième, d’un cône plein ou octa interne…

Un connecteur comporte deux parties distinctes, le transfert de charge et l’indexage. Le transfert de charge est la zone perpendiculaire à l’axe de la vis ; l’indexage est la zone parallèle à l’axe de la vis, au serrage. L’utilité de cette dernière partie réside essentiellement dans la possibilité de repositionnement entre la clinique et le laboratoire.

Pour une transmission de charge optimale, les parties doivent être fortement pressées l’une sur l’autre.

En termes de mécanique de connecteurs, deux notions distinctes sont à retenir : la prétension et la précharge. La prétension est la charge appliquée lors du serrage ; les surfaces de serrage doivent être lisses, nettes et exemptes de débris.

Dans le domaine industriel, la précharge optimale d’un joint est de 65 à 85 % pour protéger la vis de la charge de fracture. Par ailleurs, 35 Ncm est un couple mécaniquement acceptable et biologiquement tolérable.

Dans la cavité buccale, chaque implant est soumis à un champ de vecteurs de 180°. Plus on serre la vis, plus la résistance du pilier augmente. Or, dans un connecteur, c’est la partie transfert de charge qui dicte la résistance mécanique d’un pilier. Donc pour un transfert de charge adéquat, on doit avoir une forte précharge des surfaces en contact.

Enfin, le Dr Wiskott a insisté sur un dernier point : la résistance mécanique d’un implant est largement supérieure à celle d’une dent reconstituée par une couronne et un inlay-core. L’utilisation d’un implant est donc indiquée dans le cas de parafonctions par rapport à une dent dépulpée et couronnée.

Planification, réalisation, temporisation et restauration prothético-implantaire définitive au maxillaire en fonction des facteurs de risque prothétique

Francesca Vailati (Genève)

Avant toute pose d’implant, un plan de travail rigoureux doit être établi, ceci afin de minimiser les risques lors des étapes finales de la restauration, en particulier dans le secteur antérieur maxillaire.

Ce plan consiste à prendre des photos, à évaluer approximativement la résorption du maxillaire et à déterminer le nombre d’extractions et d’implants.

En règle générale, les praticiens nord-américains remplacent chaque dent perdue par un implant ; les Suisses, quant à eux, ont tendance à poser 2 implants pour les 4 incisives perdues. Reste à choisir la position de ces 2 implants : soit en position des 2 centrales et les latérales seront en extension, soit en position d’une centrale et d’une latérale controlatérale, soit enfin en position des 2 latérales. C’est cette dernière position qui est privilégiée par les Belges.

En outre, reste à définir le diamètre de ces 2 implants, Narrow Neck (NN) ou Regular Neck (RN). Chacun présente des qualités et des inconvénients. Le NN, à l’inverse du RN, est plus esthétique, mais moins résistant mécaniquement. La solution à ce dilemme : poser un implant RN avec une gencive rose autour des couronnes. Autrement dit, la « Pink Attitude ». Cette fausse gencive n’est pas utilisée pour pallier un échec. Au contraire, sa pose est préméditée au stade préchirurgical. C’est là toute la subtilité de cette nouvelle thérapeutique : l’implant peut être dorénavant éloigné de la dent naturelle, ce qui préserve ainsi au maximum le septum interdentaire. Il n’est plus nécessaire de préserver le profil d’émergence de la dent à remplacer, la gencive restauratrice suffisant à créer l’esthétique.

Autre nouveauté dans cette technique : le choix de la teinte ne se limite plus uniquement à la couronne dentaire, mais concerne aussi la gencive. Une palette de plus en plus large est proposée aux prothésistes à cette fin.

Les contraintes occlusales en prothèse implanto-portée

Patrick Simonet (Paris)

Les forces occlusales jouent un rôle majeur puisqu’elles transmettent d’importantes contraintes vers l’interface os/implant, leur donnant ainsi une signification tant biologique que mécanique.

L’objectif de cette présentation est de confronter certaines idées acquises et préconçues aux données scientifiques les plus actuelles, en apportant des réponses simples à des interrogations cliniques qui se posent aux praticiens lors de la réalisation d’une prothèse implanto-portée.

1. Comment faire pour éviter, réduire, voire éliminer les surcharges fonctionnelles ?

• ce n’est jamais en mettant les éléments prothétiques en sous-occlusion, car ceci entraîne un déséquilibre sous-occlusal ;

• ce n’est pas non plus en réalisant un tripodisme, cet ancien dogme n’est plus valable de nos jours. Patrick Simonet, quant à lui, aligne les implants ;

• réduire les surfaces occlusales n’est pas la solution, car d’après cette équation : P = F/S, si on veut diminuer la pression, on doit augmenter la surface.

2. Qu’en est-il du mode d’assemblage ?

On avait tendance à penser que sceller les prothèses peut réduire les contraintes annexes. Or, pour ce qui est des forces parafonctionnelles horizontales, il n’y a pas de différence entre une prothèse scellée ou transvissée. Si l’on souhaite pouvoir démonter facilement, on demande au prothésiste de maquiller le point d’émergence de la vis de façon à le démarquer, puis on scelle la prothèse. Si la prothèse se descelle, on pourra la démonter à partir de ce point précis, sans pour autant sacrifier la totalité de la restauration.

3. CFAO ou prothèse coulée ?

La prothèse issue de la CFAO est de meilleure qualité en raison de la passivité du titane qui la compose, mais cette technique présente plusieurs limites : il existe un risque de fracture de l’infrastructure et également des problèmes de cohésion entre l’armature et le cosmétique. En effet, cette prothèse étant lisse, elle ne possède pas suffisamment de rétention. Des rétentions secondaires peuvent être ajoutées, car les soudures sont impossibles, le titane n’étant pas un métal noble.

4. La question des parafonctions a été traitée : elle ne doit pas être considérée comme une contre-indication absolue. Le bruxisme est un phénomène qui se produit lors du sommeil ; l’occlusion n’est pas un facteur déclenchant, mais un facteur aggravant. À ce jour, il n’existe pas de traitement efficace fondé sur une expérimentation de haut niveau médical.

5. Les études de Pierrisnard ont montré que solidariser les implants ne permet pas une répartition de la surcharge fonctionnelle. Mais cette question continue à susciter de longues discussions malgré les preuves apportées.

En implantologie, la fonction occlusale idéale n’existe pas. On peut passer d’une fonction de groupe, et puis au fur et à mesure, affiner ces contacts pour obtenir une fonction canine.

6. Quel est le meilleur matériau en implantologie ? L’or, comme en dentisterie traditionnelle. Cependant, il n’a aucun intérêt sur le plan esthétique. La céramique demeure désormais le matériau de choix bien qu’elle continue à avoir des limites.

Placement et mise en charge immédiate de l’implant : comment obtenir un succès clinique et esthétique prévisible Prévisibilité et gestion de l’esthétique des papilles en implantologie : art, science et limites

Joseph Kan (États-Unis)

En implantologie, l’obtention d’une esthétique parfaite au niveau du maxillaire antérieur constitue un challenge qui nécessite de respecter des pro-cédures strictes. En effet, le problème, souvent rencontré dans le cadre de mise en place d’une couronne immédiatement après la pose d’implants, est la perte des papilles marginales.

Une check-list permet de guider le traitement implantaire :

– quel est le niveau de la gencive ?

– s’agit-il d’un biotype gingival épais ou fin ?

– à quel niveau se trouve l’os sous la dent extraite ou à extraire ?

– quelle est la position de l’implant ?

– quelle est l’émergence de la couronne implantaire ?

Pour déterminer jusqu’où enfouir l’implant, Joseph Kan recommande de vérifier le niveau osseux sous-jacent :

– à 3 mm ou en deçà de la gencive marginale, ce niveau est considéré comme adéquat pour la stabilité de l’implant ; la perte osseuse postextractionnelle sera minime ;

– au-delà de 3 mm de la gencive marginale, la résorption sera plus importante et le résultat compromis. Dans ce dernier cas, des spires de l’implant seront mises à nu ; la gencive répond alors à ce processus par une récession.

C’est pourquoi il est essentiel de réaliser un sondage préextractionnel et de noter le niveau osseux sous-jacent afin de pouvoir prédire la récession qui pourra se produire. Ainsi, le niveau de l’enfouissement de l’implant pourra être défini.

Pour ce qui est du biotype gingival, une gencive épaisse présente un risque de récession moindre qu’une gencive fine.

Une mise en charge immédiate dans la zone esthétique permet de maintenir la papille. Quatre éléments permettent de révéler la présence ou non d’une papille :

– présence ou non d’un support osseux sous-jacent ;

– taille de l’embrasure : plus elle est petite, moins cette papille sera conservée ;

– biotype gingival ;

– profondeur de l’espace biologique.

Dans 82 % des cas étudiés, une récession de 3 mm de la papille a été observée dans les mois qui suivaient l’avulsion dentaire. Les 18 % restants correspondaient à un biotype gingival épais et une profondeur de l’espace biologique supérieure à 2 mm.

Apports des greffes osseuses en chirurgie, prothèse et esthétique implantaires

Jean-François Tulasne (Paris)

Comme de nombreux exemples cliniques l’ont montré, l’apport des greffes osseuses en implantologie est de 3 ordres :

• de nouvelles dents ;

• une prothèse plus fonctionnelle ;

• une prothèse plus esthétique.

CFAO : nouvelles technologies, nouveaux matériaux prothétiques et implantaires

François Unger (Tours)

Il existe 2 procédés en CFAO : par soustraction et par addition (par frittage). Cette dernière technique, à l’inverse de la première, permet la réalisation de pièces en contre-dépouilles.

Les nouveaux matériaux de la CFAO sont :

– le titane ;

– l’alumine ;

– la zircone (qui constitue un véritable progrès technologique).

Dorénavant, l’apport d’énergie par fissure transforme la phase quadratique en phase monoclinique stable et plus volumineuse. On observe alors un renforcement par ces micro-fissures grâce à la différence de volume entre la phase monoclinique et la phase quadratique.

La zircone devient 15 fois plus tenace que le titane.

Il en existe différents types dont les deux plus connus sont la Zir HIP (Hot Isostating Pressure), totalement frittée, très dense nécessitant une machine très puissante et la Zir TZP (Tetragonal Zircon Polycristallin), incomplètement frittée, un matériau moins dense, voire tendre nécessitant une machine moins puissante. Cette dernière est la plus utilisée par les prothésistes de nos jours. Le bloc travaillé est surdimensionné par rapport à la pièce. Ses caractéristiques et ses avantages sont multiples :

– son utilisation se traduit par un gain de temps ;

– elle n’est désormais plus seulement blanche, mais peut-être colorée ;

– elle nécessite un frittage secondaire ;

– elle est indiquée dans de nombreux cas ;

– elle offre une résistance supérieure à 1 000 MPa.

Dans le domaine de l’implantologie, les piliers et les armatures peuvent être façonnés et usinés par CFAO et en zircone. En revanche, il n’est toujours pas possible d’usiner des connecteurs en zircone.

En conclusion, la CFAO est une technologie désormais éprouvée. La zircone répond à tous les critères d’un biomatériau, mais présente toujours des limites. En clinique, il est préférable de retoucher la dent et non pas la pièce prothétique en zircone. Le mode d’assemblage en ciment doit être privilégié.

L’esthétique en implantologie : où en somme nous aujourd’hui ?

Urs Belser (Genève)

Les cas cliniques présentés par le Dr Belser portaient également sur le remplacement de dents extraites au niveau du secteur antérieur maxillaire. Une de ses recommandations repose sur l’utilité d’un implant festonné qui remonte au niveau de la jonction amélo-cémentaire et qui respecte le contour gingival. Dans le cadre de la pose d’implant dans le secteur antérieur, il est courant d’avoir un hiatus entre l’implant et la lame osseuse vestibulaire. Si cet espace est inférieur à 1 mm, aucune intervention supplémentaire n’est nécessaire. Dans le cas contraire, une greffe d’os doit être envisagée, car la lame osseuse étant très fine à ce niveau, elle risque de se résorber. À noter que la résorption au maxillaire se fait dans le sens de l’aplatissement.

Différentes stratégies de traitement peuvent répondre à un même cas clinique comme l’illustre l’exemple suivant : une patiente de 25 ans présentait une incisive centrale avec une résorption radiculaire et une pathologie péri-radiculaire. Il a été décidé d’extraire la dent et de poser un implant remplaçant la dent extraite. À ce stade du traitement, deux écoles peuvent s’opposer : celle qui prône une implantation immédiatement après l’avulsion et celle qui préconise au préalable une phase de cicatrisation des tissus mous de 4 à 8 semaines à cause de la présence de la pathologie radiculaire. Si on prend le parti de la 1re école, il faut utiliser un implant sous-dimensionné à l’alvéole et ne pas respecter la position de la racine, mais positionner l’implant plus en palatin. Si, au contraire, on rejoint la 2e école, il faut programmer la pose de l’implant, prévoir un matériau de comblement si besoin, puis, en provisoire, réaliser une prothèse amovible. Cette prothèse doit être placée à distance de la crête édentée, mais en contact de la gencive proximale.

Dans un secteur esthétique, le praticien peut également être amené à choisir entre 2 implants : le Bone Level implant ou le Soft Tissues Level. Quelques éléments de comparaison peuvent guider son choix. Le BL ne présente pas de joint périphérique, laisse la liberté de jouer sur le profil de la dent prothétique, est plus tolérant pour pallier un problème de placement. Enfin, il est surtout indiqué dans le secteur antérieur et, dans certains cas, en postérieur quand l’espace prothétique est diminué.

Le Soft Tissues Level permet de moins enfouir les implants et respecte ainsi davantage les tissus mous, annihilant les risques de récession parodontale. Il possède un joint périphérique plus discret et constitue un bras de levier plus favorable pour le secteur antérieur.