Prévalence des complications et influence de la restauration prothétique sur les tissus péri-implantaires - Cahiers de Prothèse n° 145 du 01/03/2009
 

Les cahiers de prothèse n° 145 du 01/03/2009

 

Implantologie

Jean-François Keller*   Claire Bellanger**   Loïc Antoine***   Emmanuel Nicolas****   Yves Douillard*****  


*Assistant hospitalo-universitaire
Faculté d’odontologie, Université Claude-Bernard Lyon 1
11, rue Guillaume-Paradin
69372 Lyon Cedex 08
**Interne en odontologie
***Assistant hospitalo-universitaire
****Praticien attaché, chargé de recherche
*****MCU-PH, responsable du département de parodontologie
Faculté de chirurgie dentaire
Université d’Auvergne Clermont 1
11, Boulevard Charles-de-Gaulle
63000 Clermont-Ferrand

Résumé

Les implants endo-osseux représentent une alternative fiable aux prothèses conventionnelles (amovibles ou fixées) dans le traitement de l’endentement. L’une des principales raisons de cette fiabilité est le taux de survie très favorable des implants et des restaurations prothétiques implanto-portées. Cependant, de nombreuses complications peuvent affecter les implants en « survie ». Le principal objectif de cette étude est de déterminer la prévalence des complications implantaires après 5 ans de mise en fonction. Les objectifs secondaires sont d’évaluer les conditions tissulaires péri-implantaires en fonction de la réhabilitation prothétique. Ont été inclus tous les patients du service d’odontologie de Clermont-Ferrand ayant bénéficié d’un traitement implantaire durant l’année 2002. Au cours du premier trimestre 2008, après réalisation d’une anamnèse médicale et d’un entretien, les structures péri-implantaires ont été examinées. L’analyse des radiographies rétro-alvéolaires a permis de déterminer la perte osseuse proximale et l’adaptation prothétique de chaque implant. Lors de l’interrogatoire, nous avons observé que 43,6 % des sujets avaient préalablement consulté pour des complications mécaniques et 18 % pour des complications biologiques. 20,5 % des patients présentaient une mauvaise qualité de vie orale (GOHAI < 50) et enfin, un sujet présentait une complication iatrogène. Lors de l’examen clinique, malgré un taux de survie de 90,7 %, nous avons constaté que 57,5 % des implants présentaient une mucosite péri-implantaire (saignement au sondage + perte osseuse < 2,5 mm) et que 27,4 % des implants présentaient une péri-implantite (saignement au sondage + perte osseuse ≥ 2,5 mm + poche péri-implantaire ≥ 4 mm). Les implants stabilisant une prothèse complète présentaient une perte osseuse marginale péri-implantaire (3,1 mm ± 2,0) significativement plus importante que les implants stabilisant une prothèse plurale partielle (1,6 mm ± 1,5). Les implants stabilisant une prothèse scellée présentaient significativement moins de perte osseuse (1,8 mm ± 1,5) et deux fois moins de péri-implantites que les implants stabilisant une prothèse vissée (3,3 mm ± 2,3). La visualisation d’un hiatus entre l’implant et la suprastructure était associée à une perte osseuse marginale péri-implantaire significativement plus importante (2,5 mm ± 2,1) que lorsque la prothèse était bien adaptée (1,9 mm ± 1,6). Bien que les 90,7 % de taux de survie soient proches de ceux rapportés dans la littérature, nous avons recensé un nombre important de complications implantaires. Les réhabilitations de grande étendue et le manque d’adaptation prothétique augmentent le risque de perte osseuse péri-implantaire et de complications infectieuses.

Summary

Prevalence of oral implant complications and influence of prosthetic reconstruction on stability of peri-implant tissues

The endo-osseous implants represent a reliable alternative to the conventional prosthesis in the treatment of partially and fully edentulous patients. One of the main reasons of this reliability is the very favorable survival rate of implants and prosthetic restoration. However, many complications can affect surviving implants. Objectives : The first objective of this study was to determine the prevalence of implant complications after 5 years of follow-up. The second objective was to assess the stability of peri-implant tissues according to the type of denture. Methods : Patients having received implant therapy 5 years ago were examined. During the first quarter of 2008, after medical history collection, peri-implant clinical examinations were made. The peri-implant bone level and the prosthetic adaptation were assessed on intra-oral radiographs. Results : In the course of the follow-up, 43.6 % of the subjects consulted for mechanical complications and 18 % for biological complications. About 20.5 % of the patients showed a bad oral quality of life and one subject presented an iatrogenic failure. At the peri-implant examination, 57.5 % of implants had a mucositis (bleeding on probing, bone loss < 2.5 mm) and 27.4 % a peri-implantitis (bleeding on probing, bone loss ≥ 2.5 mm, peri-implant pocket depth ≥ 4 mm). Implants supporting complete dentures showed more bone loss (3.1 mm ± 2.0) than those supporting partial dentures (1.6 mm ± 1.5). Fewer peri-implant bone losses were detected under sealed dentures (1.8 mm ± 1.5) than under screwed dentures (3.3 mm ± 2.3). Badly adapted prosthesis were associated with more bone loss (2.5 mm ± 2.1) than well adapted ones (1.9 mm ± 1.6). Conclusion : Despite a survival rate of 90.7 % during the 5 years of function, many complications were diagnosed. The rehabilitations of large areas and the lack of prosthetic adaptation increase the risk of peri-implant bone loss and of infectious complication.

Key words

dental implants, implant complications, peri-implantitis, peri-implant bone level, prosthetic reconstruction

Les implants endo-osseux sont devenus une alternative fiable aux prothèses conventionnelles (fixées ou amovibles) dans le traitement de l’édentement. La forte prédictibilité du succès implantaire contribue à la fiabilité de ce traitement. La définition du succès implantaire a considérablement évolué au cours des décennies. Dans les années 70, Brånemark et al. [1] définissaient le succès comme l’obtention d’une ostéointégration objectivée par l’absence de mobilité, de suppuration et de perte osseuse péri-implantaire. Plus récemment, Esposito et al. [2] ont donné une définition plus restrictive du succès implantaire. Pour ces auteurs, le succès implantaire doit répondre à des critères psychologiques, fonctionnels et physiologiques. En effet, la restauration doit apporter une satisfaction esthétique et fonctionnelle au patient. De plus, chaque implant doit maintenir son niveau d’ostéo-intégration et ne provoquer aucune douleur. Enfin, aucun processus pathologique ne doit affecter l’environnement péri-implantaire [2].

Chaque fois qu’une réhabilitation ne répond pas simultanément à l’ensemble de ces critères, elle est considérée comme une complication, voire un échec. Sous ces termes se regroupe une grande variété de situations cliniques. Les complications implantaires sont réparties en 4 groupes : les complications mécaniques, les complications biologiques (précoces ou tardives), les complications iatrogènes et enfin l’absence d’adaptation du patient à sa prothèse [2]. Les fractures, les déformations de l’implant, des composants implantaires ou de la suprastructure ainsi que les descellements/dévissages sont des complications mécaniques. Les complications biologiques sont définies comme l’inaptitude des tissus péri-implantaires à établir ou maintenir l’ostéo-intégration. Les complications biologiques précoces (primaires) correspondent à un échec de l’établissement de l’ostéointégration de l’implant entraînant sa fibro-intégration. Les complications tardives ou secondaires sont un échec du maintien de l’ostéointégration. Les mucosites péri-implantaires et les péri-implantites sont des pathologies d’origine infectieuse [3]. Elles sont caractérisées par l’inflammation des tissus péri-implantaires pouvant aboutir à la perte de l’implant. Le troisième groupe de complications, les complications iatrogènes, concerne les dommages nerveux et la pose d’implants en dehors du couloir prothétique rendant impossible leur connexion à la prothèse. Dans le dernier groupe de complications sont réunies toutes les situations dans lesquelles la satisfaction esthétique et/ou fonctionnelle du patient n’est pas obtenue.

Le principal objectif de cette étude est de déterminer la prévalence des complications implantaires après 5 ans de mise en fonction. Les objectifs secondaires sont d’évaluer les conditions tissulaires péri-implantaires en fonction de la réhabilitation prothétique.

Matériels et méthodes

La présente étude a été réalisée après obtention du consentement des patients. Ces derniers ont été informés de leur état de santé péri-implantaire, et avisés des traitements à suivre en cas de nécessité.

Critères d’inclusion

Tous les patients traités au sein du service d’odontologie de Clermont-Ferrand en 2002 répondaient aux critères d’inclusion de cette étude. Les sujets ont été traités par les membres de l’équipe d’implantologie (maîtres de conférences, assistants, internes). Après la pose du (des) implant(s), une antibioprophylaxie (amoxicilline 500 mg 3 fois par jour) et une antisepsie locale à base de chlorexidine (3 fois par jour) ont été prescrites pendant une semaine. L’ablation des sutures a été réalisée après 7 jours de cicatrisation. Une fois l’ostéointégration obtenue, les prothèses ont été réalisées dans le même service en respectant les recommandations des fabricants (Straumann®, Nobel-Biocare®, Friadent®). Aucun des patients n’a bénéficié d’une thérapeutique implantaire de soutien entre la fin du traitement initial et le début de cette étude.

Tous les patients, qu’ils soient fumeurs, diabétiques, insuffisants moteurs ou cérébraux pouvaient être inclus dans cette étude. Les implants ayant été mis en place en dehors du service d’odontologie de Clermont-Ferrand et/ou en dehors de l’année 2002 n’ont pas été inclus dans l’étude.

Recueil des données du patient

Lors du premier trimestre 2008, des entretiens cliniques et questionnaires médicaux ont permis de déterminer les pathologies, les traitements, les antécédents médicaux/chirurgicaux ainsi que la qualité de vie orale de chaque patient [4].

Les complications implantaires survenues avant le début de l’étude ont été recensées. Le nombre et la nature de ces complications, quelles soient mécaniques (fractures implantaires, fractures prothétiques : infrastructure et cosmétique, descellements et dévissages) ou biologiques (précoces : absence d’ostéointégration, et tardives : mucosites péri-implantaires, péri-implantites et pertes implantaires tardives), ont été précisés par les patients lors des entretiens cliniques (fig. 1 et 2).

Examen péri-implantaire et implantaire

Les examens cliniques ont été réalisés par un seul examinateur (J.-F. K.) non informé du choix et des modalités thérapeutiques lors du premier trimestre 2008. L’examen des structures péri-implantaires comprenait l’évaluation en 4 sites (mésio-vestibulaire, vestibulaire, disto-vestibulaire et lingual ou palatin) de la perte d’attache (distance séparant la limite prothétique du fond de la poche), de la profondeur de poche (distance séparant le bord libre muqueux du fond de la poche) et de la hauteur de récession (distance séparant la limite prothétique du bord libre muqueux). Ces mesures ont été réalisées au millimètre près à l’aide d’une sonde parodontale manuelle (Premier® PerioWise®) sans démonter la suprastructure prothétique pour les 3 systèmes implantaires. Les indices de saignement au sondage [5] et de suppuration ont été réalisés au niveau des implants.

Lors de l’examen clinique, la nature de la restauration prothétique a été prise en considération. Les prothèses complètes implanto-portées ont été différenciées des prothèses partielles ou unitaires. Les prothèses vissées ont été dissociées des prothèses scellées et les prothèses fixées ont été dissociées des prothèses amovibles.

Examen radiographique

Une radiographie rétro-alvéolaire a été effectuée pour chaque implant selon la technique des plans parallèles avec une incidence orthogonale des rayons à l’axe implantaire [6] (films : Insight Kodak®, taille n° 2, IP-21, Periapical ; générateur : Satelec® X-Mind®.AC. 70 kVp, 8 mA, 0,415 kVA). L’ensemble des radiographies a été réalisé par le même examinateur.

Les clichés ont été interprétés par un seul investigateur (C. B.) non informé de l’état de santé des tissus péri-implantaires. Après détermination du niveau osseux, la perte osseuse proximale péri-implantaire a été évaluée au demi-millimètre près (Canson® calque millimétré 70 g/m2). La perte osseuse proximale la plus importante a été retenue. Du fait de l’absence de systématisation de la technique des plans parallèles lors des examens radiographiques initiaux, nous n’avons pas pu déterminer les variations du niveau osseux entre la pose des implants et après 5 ans de mise en charge. Lors de l’examen radiographique, l’adaptation prothétique a également été analysée. La mise en évidence d’un hiatus entre prothèse et col implantaire, quelle que soit sa taille, a été définie comme une mauvaise adaptation prothétique.

La mucosite péri-implantaire a été définie comme la présence d’un saignement au sondage ou d’une suppuration associée à une perte osseuse inférieure à 2,5 mm. La péri-implantite a été définie comme une poche péri-implantaire d’au moins 4 mm associée à une perte osseuse péri-implantaire supérieure ou égale à 2,5 mm et à un saignement au sondage ou une suppuration [7].

Analyse statistique

L’ensemble des données a été collecté sur Excel®, puis analysé par le logiciel SPSS11.5® après transfert. L’analyse a tout d’abord été descriptive (moyenne et écart type pour les variables continues, pourcentage pour les variables nominales).

Secondairement, l’impact de la restauration prothétique sur l’environnement péri-implantaire (perte osseuse, profondeur de poche, récessions, perte d’attache) a été évalué. L’effet de chaque facteur (prothèses complètes-partielles-unitaires ; prothèses vissées-scellées ; prothèses adaptées-inadaptées) sur chaque paramètre a été évalué par une série de test-t de Student (α = 0,05) (*).

Résultats

Parmi les 72 patients ayant bénéficié d’un traitement implantaire sur l’année 2002, 4 (5,6 %) sont décédés, 4 (5,6 %) ne souhaitaient pas venir pour des raisons personnelles, 11 (15,3 %) avaient déménagé ou changé de chirurgien-dentiste traitant et 14 (19,3 %) ont été perdus de vue. Au total, 39 sujets (54,2 %) ont été réexaminés entre le 25/1/08 et le 4/4/08. Ce groupe, composé de 25 femmes (64,1 %) et de 14 hommes (35,9 %), avait une moyenne d’âge de 58,7 ans (± 13,9 ans) (25 à 87 ans).

Complications implantaires

Au moyen d’un entretien clinique, le nombre et la nature des complications implantaires survenues au cours des 5 dernières années ont été recensés. Parmi les 39 sujets réexaminés, 7 (18 %) avaient préalablement consulté pour des complications biologiques et 17 (43,6 %) pour des complications mécaniques. Parmi les sujets ayant consulté pour des complications biologiques, 3 ont subi des pertes implantaires précoces, 3 des pertes implantaires tardives et 1 patient a été traité pour une péri-implantite. Un patient (2,6 %) présentait une complication iatrogène suite à la pose d’un implant en dehors du couloir prothétique rendant impossible sa connexion à la suprastructure. Le test du GOHAI a révélé une mauvaise qualité de vie orale pour 8 patients (20,5 %). Au total, 26 des 39 patients réexaminés (66,7 %) avaient déjà présenté une ou plusieurs complication(s) implantaire(s) (tableau I). Un total de 45 complications a été répertorié. Une moyenne de 1,2 complication par patient a été observée sur une période de 5 ans. Plus de la moitié de ces complications (53,3 %) était d’ordre mécanique. Parmi celles-ci, la majorité était des descellements. Les complications biologiques représentaient 26,7 % des complications. Des 118 implants posés chez les 39 patients réexaminés, 4 (3,4 %) ont été perdus avant obtention de l’ostéointégration et 7 ont été perdus (5,9 %) après obtention de l’ostéointégration. Dans le groupe étudié, le taux de survie implantaire était de 90,7 %. Une seule complication (2,2 %) était d’origine iatrogène alors que 8 (17,8 %) étaient liées à une mauvaise qualité de vie orale (tableau I).

Lors de l’examen péri-implantaire, 36 sujets étaient encore porteurs d’implants (106) répondant aux critères d’inclusion (11 pertes implantaires, 1 implant non connecté à la prothèse). Une mucosite péri-implantaire (saignement au sondage + perte osseuse marginale péri-implantaire < 2,5 mm [7]) était diagnostiquée pour 61 implants (57,5 %) chez 28 sujets (77,8 %). Pour ces implants, la perte osseuse moyenne était de 0,93 mm (± 0,8), la profondeur de poche de 3,8 mm (± 1,0), la récession de 0,2 mm (± 0,6) et la perte d’attache de 4,0 mm (± 1,1) (tableau II). Une péri-implantite (saignement au sondage + perte osseuse marginale péri-implantaire ≥ 2,5 mm + profondeur de poche péri-implantaire ≥ 4 mm) était diagnostiquée pour 29 implants (27,4 %) chez 15 sujets (41,7 %). La perte osseuse moyenne était de 4,1 mm (± 1,6), la profondeur de poche de 5,5 mm (± 1,5), la récession de 0,9 mm (± 1,2) et la perte d’attache de 6,4 mm (± 1,7) (tableau II). La qualité de vie orale des patients atteints de péri-implantite était similaire à celle des patients sains (GOHAI de 53,9/54,3).

Influence de l’étendue de la restauration prothétique sur l’environnement péri-implantaire

L’environnement péri-implantaire le plus sain a été observé pour les implants stabilisant une prothèse plurale partielle (fixée). Les valeurs de perte osseuse et de profondeur de poche autour de ces implants étaient les plus faibles (1,6 mm ± 1,5 ; 4,1 mm ± 1,5). De plus, ces implants étaient les moins exposés aux complications biologiques tardives avec une prévalence des péri-implantites de 20,3 % (tableau III).

Des pertes osseuses et des profondeurs de poches plus importantes ont été observées pour les implants supportant une prothèse unitaire (fixe) (2,1 mm ± 1,6 ; 4,2 mm ± 1,3). Cependant, du fait de l’absence de récession, la perte d’attache était la plus faible (4,2 mm ± 1,3) (fig. 3). 28,6 % des implants supportant une prothèse unitaire présentaient une péri-implantite (tableau III).

Les implants stabilisant une prothèse complète (fixée ou amovible) présentaient les plus fortes valeurs de pertes osseuses (3,1 mm ± 2,0), de profondeurs de poches (4,2 mm ± 1,3), de récessions (0,6 mm ± 0,9) et de pertes d’attaches (4,8 mm ± 1,7) (fig. 3). Le t-test de Student a mis en évidence une perte osseuse péri-implantaire significativement plus importante pour les implants stabilisant une prothèse complète que pour ceux stabilisant une prothèse plurale partielle (p < 0,001)*. Le taux de complications biologiques le plus élevé a été observé pour les implants stabilisant une prothèse complète. 42,9 % de ces implants présentaient une péri-implantite après 5 ans de suivi (tableau III).

Influence du mode d’assemblage sur l’environnement péri-implantaire

Le mode d’assemblage influait sur la stabilité des tissus péri-implantaires. En effet, la résorption osseuse au niveau des implants stabilisant une prothèse scellée sur un pilier du fabricant (1,8 mm ± 1,5) était significativement plus faible que celle des implants stabilisant une prothèse vissée sur pilier du fabricant (3,3 mm ± 2,3) (p < 0,001)*. La profondeur de poche, la récession et la perte d’attache étaient légèrement plus faibles pour les prothèses scellées que pour les prothèses vissées (fig. 4).

La prévalence des péri-implantites était deux fois plus élevée sous les prothèses vissées que sous les prothèses scellées. 45,4 % des implants stabilisant une prothèse vissée présentaient une péri-implantite. Cette valeur diminuait à 22,6 % pour les prothèses scellées (tableau IV).

Influence de l’adaptation prothétique sur l’environnement péri-implantaire

L’adaptation prothétique a été évaluée lors de l’examen radiographique. L’absence de hiatus entre l’implant et le pilier a été considérée comme une bonne adaptation. Dans ce cas de figure, la perte osseuse était de 1,9 mm ± 1,6, la profondeur de poche était de 4,1 mm ± 1,3, la récession était de 0,4 mm ± 0,9 et la perte d’attache était de 4,5 mm ± 1,6. La mauvaise adaptation prothétique était associée à une dégradation des conditions péri-implantaires. Nous avons observé une augmentation des valeurs de perte osseuse (2,5 mm ± 2,1), de profondeur de poche (4,3 mm ± 1,6), de récession (0,6 mm ± 1,0) et de perte d’attache (4,9 mm ± 1,8) (fig. 5). La perte osseuse marginale péri-implantaire était significativement plus importante lorsque la prothèse était mal adaptée (p < 0,05)* (tableau V).

L’inadaptation prothétique pouvait augmenter le risque de complication infectieuse. En effet, les implants ayant une mauvaise adaptation présentaient un taux de péri-implantites deux fois supérieur à celui des implants bien adaptés. Les prothèses mal adaptées étaient associées dans 41,7 % des cas à une péri-implantite. Seuls 20 % des implants présentaient cette complication lorsque la prothèse était bien adaptée (tableau V).

Discussion

Complications implantaires

Parmi les 39 sujets interrogés, 17 (43,6 %) avaient consulté pour des complications mécaniques au cours des 5 ans de mise en charge. Ces résultats sont en accord avec ceux de Duncan et al. [8] qui observaient une majorité de complications mécaniques dans la littérature. Dans notre étude, la complication la plus fréquente était le descellement (44,4 %). La forte prédominance des prothèses scellées (79,2 %) pourrait expliquer l’importance de ces descellements. Dans ce groupe, le taux de survie de 90,7 % était légèrement inférieur à celui rencontré dans la littérature [2, 9]. L’inclusion de patients atteints de maladies parodontales dans notre étude pourrait expliquer la diminution du taux de survie [10]. Karoussis et al. [11] ont en effet observé des variations du taux de survie en fonction du passé parodontal. Le taux de survie qui était de 96,5 % pour les patients sans antécédent parodontal diminuait à 90,5 % pour les patients ayant été traités pour une parodontite chronique. L’évaluation de la qualité de vie orale des patients a permis d’identifier les sujets qui ne s’étaient pas adaptés à leur réhabilitation implantaire. Au total, 8 patients (20,5 %) ont présenté des valeurs de test GOHAI inférieures à 50 traduisant une mauvaise qualité de vie orale [4]. 66,7 % des sujets interrogés avaient présenté au moins une complication implantaire. En moyenne, chaque patient a présenté 1,2 complication sur une période de 5 ans.

La réalisation d’examens péri-implantaires cliniques et radiologiques a permis de diagnostiquer les mucosites et les péri-implantites passées inaperçues jusque-là. 57,5 % des implants et 77,8 % des sujets présentaient une mucosite péri-implantaire lors de l’examen. Une péri-implantite a été diagnostiquée pour 27,4 % des implants et 41,7 % des sujets. Aucune altération de la qualité de vie orale n’a été observée pour les patients atteints de péri-implantite. Les patients étaient incapables de diagnostiquer les péri-implantites mêmes terminales. Seul le suivi des patients a permis de diagnostiquer les complications biologiques implantaires tardives.

Influence de l’étendue de la restauration prothétique sur l’environnement péri-implantaire

Les implants stabilisant une prothèse plurale partielle présentaient les plus faibles valeurs de perte osseuse et de profondeur de poche (1,6 mm ± 1,5 ; 4,1 mm ± 1,5). Seulement 20,3 % de ces implants présentaient une péri-implantite. Des pertes osseuses et des profondeurs de poches plus importantes ont été observées pour les implants stabilisant une prothèse unitaire (2,1 mm ± 1,6 ; 4,2 mm ± 1,3). Ces implants étaient également plus exposés aux péri-implantites (28,6 %). Une perte osseuse (3,1 mm ± 2,0) significativement plus importante a été observée pour les implants stabilisant une prothèse complète. 42,9 % de ces implants présentaient une péri-implantite après 5 ans de suivi. Dans une revue de littérature, Berglundh et al. [12] ont également observé des variations de prévalence des complications implantaires en fonction de la réhabilitation prothétique. Les péri-implantites étaient des complications rares pour les prothèses amovibles, les restaurations totales fixes et les restaurations unitaires (0,66 % ; 0,71 % ; 0,31 %). Cependant, les péri-implantites étaient beaucoup plus fréquentes pour les restaurations fixes plurales partielles (6,47 %). 1,01 % des implants stabilisant une restauration plurale partielle présentaient une perte osseuse supérieure à 2,5 mm. Cette perte osseuse était plus fréquente pour les implants supportant une prothèse unitaire (1,28 %) et pour les implants stabilisant une prothèse complète (3,78 %). Esposito et al. [13] ont également observé une forte augmentation des complications biologiques pour les sujets ayant bénéficié d’une prothèse complète implanto-portée. Dans cette étude, la majorité des patients ayant bénéficié d’une réhabilitation complète avait des antécédents de parodontites terminales. Par voie de conséquence, l’augmentation des complications biologiques était attendue pour le groupe des patients porteurs de prothèses complètes implanto-portées [11].

Influence du mode d’assemblage sur l’environnement péri-implantaire

Quel que soit le mode d’assemblage de la prothèse (vissée ou scellée), Assenza et al. [14] ont constaté la présence d’un infiltrat inflammatoire péri-implantaire. Dans cette étude, les implants supportant une prothèse scellée présentaient significativement moins de perte osseuse et deux fois moins de péri-implantites que les implants supportant une prothèse vissée. Piattelli et al. [15] ont observé la pénétration de fluides et de bactéries dans la partie interne des implants uniquement lorsque les prothèses étaient vissées. Cette contamination par les bactéries parodonto-pathogènes pourrait expliquer l’augmentation du nombre de péri-implantites et la plus forte perte osseuse des implants stabilisant les prothèses vissées. Cependant, la persistance d’excès de ciment de scellement peut entraîner une destruction rapide des tissus péri-implantaires. Malgré l’élimination du corps étranger sous-muqueux, la persistance d’un défaut osseux et/ou d’une poche péri-implantaire après la cicatrisation favorise la colonisation du site par des bactéries parodonto-pathogènes [16].

Influence de l’adaptation prothétique sur l’environnement péri-implantaire

La visualisation d’un hiatus entre implant et suprastructure était associée à une dégradation des conditions péri-implantaires (profondeur de poche, récession, perte d’attache) et une augmentation significative de la perte osseuse marginale (2,5 mm ± 2,1 ; 1,9 mm ± 1,6)*. Les complications infectieuses étaient deux fois plus fréquentes pour les implants stabilisant une prothèse mal adaptée. La présence de limites prothétiques sous-gingivales en surcontour est responsable de l’apparition d’une inflammation et de destructions tissulaires [17]. La flore microbienne prélevée au niveau de ces restaurations présente de fortes similitudes avec celle des poches parodontales [17]. Le défaut d’adaptation prothétique s’accompagne de la contamination de l’intérieur de l’implant responsable d’une résorption de l’os péri-implantaire [16]. La mauvaise adaptation prothétique est également responsable d’un manque de passivité augmentant la transmission de contraintes à l’os sous-jacent. Ceci peut également expliquer la perte osseuse et favoriser la colonisation du site par une flore incompatible avec la santé péri-implantaire [15, 18].

Bien que des outils statistiques aient été utilisés dans cette étude, les résultats doivent être considérés avec précaution. Le faible nombre de patients et l’importance des sujets perdus de vue diminuent la qualité de cette étude. De plus, le caractère rétrospectif ainsi que la multiplication des paramètres analysés diminuent la pertinence de cette analyse. En effet, les patients ayant des antécédents de maladies parodontales ont été pour la plupart traités par une réhabilitation complète et vissée. Ainsi, toutes les informations apportées par cette étude ne sont valables que pour le groupe considéré et sont difficilement superposables aux autres situations.

Conclusion

Ces dernières décennies, les implants endo-osseux se sont imposés dans notre arsenal thérapeutique. L’une des principales raisons de cet engouement est le taux de survie très favorable des implants et des restaurations prothétiques implanto-portées. Il est actuellement admis que la survie des implants est comprise entre 90 et 95 % sur des périodes allant de 5 à 10 ans [2]. Cependant, survie et succès implantaires sont des notions très différentes. Le succès implantaire répond à des critères psychologiques, fonctionnels et physiologiques.

Malgré un taux de survie supérieur à 90 %, nous avons observé dans cette étude que de nombreuses complications pouvaient affecter les traitements implantaires. En moyenne, chaque patient a présenté plus d’une complication sur une période de 5 ans. Les complications d’origine mécanique étaient les plus fréquentes et le plus souvent sans gravité. En effet, le descellement a concerné 44,4 % des complications totales. Les complications biologiques bien que moins fréquentes ont des conséquences plus dramatiques. Au cours des 5 ans de mise en charge, la quasi-totalité des complications biologiques diagnostiquées (11 sur 12) concernait la perte d’un implant mettant en péril l’ensemble de la réhabilitation occluso-prothétique. Lors d’un examen clinique et radiologique réalisé de manière systématique après 5 ans de mise en charge, nous avons observé une forte prévalence des péri-implantites. Cependant, ces complications n’avaient aucune influence sur la qualité de vie orale des patients. Les patients atteints de péri-implantite étaient incapables de diagnostiquer leurs complications. Seul le suivi assuré par le chirurgien-dentiste était en mesure de garantir un diagnostic précoce et fiable des péri-implantites.

De nombreux facteurs étaient capables de modifier l’état de santé des tissus péri-implantaires. Il semble en effet que certaines situations comme la présence de réhabilitations complètes, vissées ou mal adaptées, étaient en mesure d’augmenter le risque de complications infectieuses et le risque de perte osseuse péri-implantaire. La compréhension de l’épidémiologie et des facteurs de risques des complications implantaires s’avère indispensable pour améliorer la pratique de l’implantologie.

bibliographie

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