La révolution Internet : un casse-tête économique ? - Cahiers de Prothèse n° 146 du 01/06/2009
 

Les cahiers de prothèse n° 146 du 01/06/2009

 

éditorial

éric robbianni  

rédacteur en chef adjoint

L’Assemblée nationale a adopté le 13 mai 2009, en nouvelle lecture, par 296 voix contre 233 le projet de loi Création et Internet. Cette loi a pour objet de mettre en œuvre la « riposte graduée » contre le partage (le piratage ?) d’œuvres sur Internet. Dans ce dispositif, une autorité administrative (Hadopi) peut ordonner une coupure de l’accès des internautes suspectés de partage. L’internaute sera reconnu à partir de son adresse IP attribuée par son...


L’Assemblée nationale a adopté le 13 mai 2009, en nouvelle lecture, par 296 voix contre 233 le projet de loi Création et Internet. Cette loi a pour objet de mettre en œuvre la « riposte graduée » contre le partage (le piratage ?) d’œuvres sur Internet. Dans ce dispositif, une autorité administrative (Hadopi) peut ordonner une coupure de l’accès des internautes suspectés de partage. L’internaute sera reconnu à partir de son adresse IP attribuée par son fournisseur d’accès. Cependant, cette adresse peut être usurpée ou masquée et le projet Hadopi ne prend aucunement en compte ce problème. La sanction consistera en un avertissement par mail, suivi d’un courrier recommandé et enfin d’une coupure de l’accès Internet.

Ce dispositif pose de nombreuses questions d’ordre économique, technique et juridique, mais également des questions relatives au respect des droits et libertés fondamentales des citoyens.

Le 19 mai 2009, le Conseil constitutionnel a été saisi sur 11 griefs d’inconstitutionnalité. Son avis sera important pour éviter de futures contradictions avec la législation européenne. En effet, le Parlement européen a adopté le 10 avril 2008, en seconde lecture et à une très large majorité, un amendement stipulant qu’aucune restriction aux droits fondamentaux des utilisateurs d’Internet ne peut intervenir sans une décision préalable de l’autorité judiciaire.

Le développement des communications et des possibilités d’échanges qu’a permis Internet modifie les modèles économiques qui existaient jusqu’à présent. Les producteurs de disques et certains interprètes s’en émeuvent. Ils avaient déjà obtenu des taxes sur les cassettes et les CD vierges il y a plusieurs années. Aujourd’hui, la dématérialisation du support rend le contrôle plus difficile. Mais la solution est-elle le contrôle des ordinateurs des particuliers ? Une offre différente qui concilie les nécessaires intérêts des auteurs et producteurs et les souhaits des clients est-elle illusoire ? Les tentatives de dissuasion et de répression vont-elles réellement faire baisser le nombre de contenus piratés et surtout augmenter le nombre de CD et DVD vendus ? L’offre d’Apple de téléchargement d’applications bon marché pour ses iPhone et iPod est peut-être une solution de modèle économique différent.

Les radios musicales classiques (NRJ…) sont en chute d’audience, concurrencées par la constitution de playlists sur Internet (Deezer) et l’émergence de radios numériques (Goom radio, Last FM…). Le mode de consommation est différent, et la personnalisation permise par la technique.

Dans la presse écrite, les modifications sont tout aussi importantes. En complément du support papier traditionnel, les offres d’accès aux sites Internet se sont multipliées (www.editionscdp.fr, www.lemonde.fr, www.lequipe.fr…) et proposent aux lecteurs un choix différent. Dans les revues professionnelles, la numérisation des fichiers rend possible la consultation d’un sommaire ou d’un résumé et aussi l’achat d’un seul article au format pdf ou html. Cette possibilité est une révolution pour tous ceux qui réalisaient, dans un passé pas si lointain, des recherches bibliographiques en épluchant les sommaires papiers des bibliothèques. La connaissance est désormais accessible à tous depuis un ordinateur et c’est une excellente nouvelle. Mais, le « partage » de ce fichier numérique est aussi plus simple que le prêt de la revue à laquelle vous êtes abonnés. Les quotidiens et magazines avaient déjà des chiffres de ventes et de lecteurs très différents (chaque page étant lue par plusieurs personnes). La diffusion de ces fichiers numériques modifie les ratios ventes/lecteurs et peut perturber l’équilibre financier des éditeurs. Il est donc indispensable de trouver un modèle technique et un modèle économique de diffusion qui intègrent ces nouvelles possibilités offertes par Internet et le numérique et respecte tous les acteurs (lecteurs, auteurs, éditeurs).

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