RADIOGRAPHIE
Éric BONNET* Faouzia BOUSSETTA**
*DCD
Docteur de l’université Claude-Bernard
Ancien assistant des universités
Chargé d’enseignement à la faculté d’odontologie de Lyon
**DCD
Ancienne assistante des universités
Chargée d’enseignement à la faculté d’odontologie de Lyon
Attachée à la faculté d’odontologie de Lyon
Dans le domaine de l’odontologie, l’examen clinique est la première étape d’une longue chaîne de traitements. La première consultation avec un patient, à savoir un entretien, accompagné d’une inspection et d’une palpation, nécessite souvent des examens complémentaires. Parmi tous ceux qui nous sont proposés, la radiologie prend une place majeure puisqu’elle représente 90 % de l’ensemble des examens complémentaires que nous sommes à même de demander ou de réaliser....
Dans le domaine de l’odontologie, l’examen clinique est la première étape d’une longue chaîne de traitements. La première consultation avec un patient, à savoir un entretien, accompagné d’une inspection et d’une palpation, nécessite souvent des examens complémentaires. Parmi tous ceux qui nous sont proposés, la radiologie prend une place majeure puisqu’elle représente 90 % de l’ensemble des examens complémentaires que nous sommes à même de demander ou de réaliser. Sans cet outil merveilleux qui nous permet d’examiner le sujet vivant de manière atraumatique, la dentisterie serait encore à l’âge de pierre ! Encore faudra-t-il choisir parmi une multitude de solutions radiographiques pour pouvoir répondre à nos attentes : cliché rétroalvéolaire, panoramique ou plus récemment examen « 3D ». Alors comment faire un choix, si tant est qu’il y en ait un à faire ? Cet article présente les spécificités du cone beam, ce « nouvel » appareil qui suscite tant d’intérêt dans la presse spécialisée et les congrès et qui s’introduit progressivement dans les cabinets dentaires.
D’emblée, il semble important de rappeler, dans l’ordre chronologique de leur utilisation, l’intérêt de chacun des clichés à la disposition des praticiens[1].
Une fois le patient installé, écouté puis examiné, la radiographie panoramique représente alors un excellent cliché de « dégrossissement » permettant de visualiser son état bucco-dentaire. La qualité de ces clichés dépend principalement du positionnement du patient dans la machine[2].
Pour compléter cet orthopantomogramme ou en cas de doutes, il est vivement recommandé de réaliser un cliché rétroalvéolaire (rétrocoronaire ou péri-apical selon la pathologie estimée). Ce dernier permet, dans la majorité des cas, d’éliminer les doutes, d’avoir une meilleure définition ou de confirmer les informations recueillies dans la tomographie initiale. La radiologie utilise un phénomène de projection et le praticien en attend donc des informations mesurables et quantifiables, et ce, de manière reproductible : pour que ces clichés 2D offrent une pertinence clinique, il est indispensable d’utiliser des angulateurs afin de respecter la technique des plans parallèles[3].
Enfin, lorsque l’examen clinique du praticien atteint ses limites et que les outils « 2D » ne fournissent plus les informations nécessaires, il convient d’avoir recours à la « 3D » ou plus précisément à l’imagerie sectionnelle[4]. Là encore, deux solutions peuvent être envisagées : soit le scanner X, soit la tomographie volumique par faisceau conique (communément appelée cone beam)[5] (tabl. I).
La « 3D » a longtemps été réservée aux spécialistes, notamment les implantologistes. Le scanner X, initialisé par Hounsfield en 1972, a été un outil magique. La troisième dimension qui nous manquait tant devenait ainsi accessible : la biométrie indispensable dans les zones à risques trouvait ainsi une solution concrète. Les premières images nécessitaient tout de même 7 minutes par coupe !
Malgré les améliorations notables du scanner X, s’il est un outil utile au sein d’un cabinet dentaire, la tomographie volumique numérisée par faisceau conique (couramment appelée CBCT pour Cone Beam Computed Tomography) en est le parfait représentant. En effet, cette technologie permet d’accéder directement à l’ensemble des coupes (axiales, sagittales et obliques) pour découvrir enfin tous les arcanes du massif maxillo-facial[6].
Par définition, il s’agit d’un faisceau de rayons X ouvert, de géométrie conique, qui tourne autour des maxillaires. Ceci permet l’exploration complète ou limitée des maxillaires, en offrant une variété de reconstructions planes ou courbes, en orientation coronale, sagittale, oblique, panoramique ainsi que des reconstructions tridimensionnelles.
Les appareils actuellement disponibles en France (fig. 1 à 3) se répartissent en 2 catégories :
– les appareils à champs réduit qui, par définition, ont un champ d’application limité, mais qui permettent une résolution optimale (indispensable en endodontie, par exemple) ;
– les appareils à champ large, qui ont une possibilité d’exploration totale des maxillaires, des ATM et du massif facial. Ils ont, en outre, la possibilité de modifier la taille de leur champ, pour réduire si nécessaire la zone d’examen (et donc d’irradiation).
L’ensemble de ces machines ressemble étrangement aux appareils panoramiques et c’est très souvent en position debout que se fait l’examen. On demande donc au patient de mordre sur un support fixe, puis on effectue un simple repérage par des faisceaux laser. Le positionnement du patient est très aisé avec une seule condition : ne pas bouger pendant le temps d’acquisition (comme pour tout système d’acquisition numérique). Le système de blocage de la tête pendant la durée d’irradiation est le critère qui assurera la qualité du résultat obtenu (fig. 4 et 5). Le cone beam effectue sa rotation en 1 minute environ. Le patient sort ensuite de la machine et l’examen à proprement parler peut être visualisé. Sur l’écran, nous pouvons observer les images selon les différents plans de coupe ainsi qu’une reconstruction 3D (fig. 6). Des coupes panoramiques peuvent être également réalisées. Ce sont ces coupes qui donneront la plus grande précision en termes de biométrie (fig. 7).
Ces appareils, en particulier ceux à champs réduits, se caractérisent par une limitation du faisceau de rayons X. Ils respectent donc davantage les organes radiosensibles tels que la cornée, les glandes salivaires ou la thyroïde (fig. 8).
L’élément de base est un voxel isotropique, autant dire un cube. Ceci permet d’obtenir une image identique dans tous les plans de l’espace. Dans le cas du scanner X, le voxel est qualifié d’anisotropique, car il est représenté par un rectangle en volume. Dans ce cas, lors des différentes rotations dans les 3 plans de l’espace, nous pouvons avoir des imprécisions sur la localisation d’un élément anatomique. La taille du voxel est aussi plus faible que celle d’un scanner (variant de 0,08 à 0,15 mm)[7]. Il existe une grande disparité de la qualité de l’image et le traitement d’images joue un rôle décisif dans la visualisation de ces clichés, pour diminuer le « bruit » caractéristique, généré par l’électronique embarquée. Ce « bruit » entraîne un grain au niveau de l’image, pouvant diminuer considérablement sa netteté.
La scannerisation est très rapide puisque qu’elle dure 1 min environ (voire moins pour certains appareils). Pour l’ensemble de ces machines, le temps d’irradiation n’est pas continu : c’est un faisceau de rayons X pulsés ; il est donc très nettement inférieur au temps de rotation. La dose est donc infime. Il s’agit bien là de la technique la moins irradiante des techniques sectionnelles[8].
Le logiciel fonctionne à partir d’un programme qui nécessite une période minime en termes de courbe d’apprentissage. La manipulation de ces outils est à la portée de tout un chacun, avec une utilisation très simple de la souris. En termes de lecture, si le scanner montre des artefacts importants au niveau des éléments métalliques, pour le cone beam, en revanche, ces artefacts de l’image peuvent être diminués, notamment par le biais du traitement d’images intégré dans certaines machines (ProMax®, Plan Méca).
Quelques machines disposent d’une double fonction puisqu’elles intègrent le mode panoramique avec la « 3D ». Une simple rotation du capteur permet de changer de mode d’utilisation. Sur un plan ergonomique, ce « 2 en 1 » est très appréciable au cabinet dentaire (fig. 9).
À part le coût de la machine, qui reste un élément de taille, cet outil présente très peu d’inconvénients. Cependant, au niveau diagnostique, il lui manque encore de la précision puisqu’il ne repère pas toutes les fêlures.
Il est primordial de vérifier le degré de précision de ces images[9] : le virtuel colle-t-il bien au réel ? Peut-on directement effectuer des mesures sur ces documents et retrouver la même biométrie en bouche ? En se référant à l’implantologie, il est clair que les mesures effectuées sur l’image sont similaires à celles que l’on observe dans nos chirurgies (fig. 10).
Un travail très récent[10] tendant à modéliser le complexe canalaire par le biais d’un cone beam (Kodak 9000 3D®, Care Stream Health) a montré une variation de précision de l’ordre de 2,8 % sur tout le trajet canalaire. Il ne subsiste qu’une imperfection à ce jour : la zone apicale n’est pas encore accessible à cette technologie.
Le CBCT rentre parfaitement dans le cadre actuel des directives européennes Euratom 97/43 et 96/29, qui sont des normes de base relatives à la protection sanitaire des personnes et des travailleurs contre les dangers des rayonnements ionisants lors d’exposition à des fins médicales.
Au travers des différentes publications, on est amené à constater des divergences de résultats, divergences essentiellement dues à la méthodologie employée. Mais l’ensemble de ces résultats tend à montrer l’importante diminution des doses lors des examens radiographiques[11]… Plus concrètement, l’unité de dose en radiologie est le millisievert (mSv). D’après Foucart[12], un Parisien reçoit, en moyenne par an, 3,5 mSv, qui correspondent pour les 2/3 (soit 2,4 mSv) à une irradiation naturelle et pour un 1/3 à une irradiation artificielle (soit 1,1 mSv en radiodiagnostic). Si on considère cette dernière valeur, on peut en déduire que l’irradiation annuelle équivaut à 1 mSv. En moyenne, un examen avec ces appareils donne des valeurs d’irradiation de l’ordre de la dizaine de microsieverts (mSv), soit 10–3 fois moins (tabl. II et III).
Comme en témoigne la multiplication des articles sur ce sujet, les domaines d’application du CBCT sont nombreux. Cet outil peut être utilisé dans toutes les disciplines odontologiques[13] : l’endodontie[14] (fig. 11 à 15), la parodontologie[13] (fig. 16 et 17), la chirurgie[15, 16] (fig. 18 à 20), l’ODF, les implants et surtout en matière de diagnostic[17]. Il permet d’éliminer de nombreux doutes… et ce, de manière atraumatique.
En outre, il facilite la compréhension par le patient de l’acte thérapeutique qui va lui être proposé : le patient devient ainsi un acteur actif de sa santé grâce au pouvoir de communication de l’image. Le support visuel lui permet d’apprécier sa situation exacte et peut souvent accélérer sa prise de décision.
L’examen radiologique tient une place prépondérante dans l’arsenal des examens complémentaires, nécessaires et/ou incontournables à l’établissement d’un diagnostic précis.
Lorsque le cliché rétroalvéolaire classique s’avère insuffisant (anatomie canalaire complexe, type dens in dente ou résorptions, implantologie, traumatologie, parodontologie, etc.), l’imagerie cone beam vient en complément afin de confirmer ou d’infirmer une hypothèse diagnostique.
L’accès à cette imagerie sectionnelle à faisceau conique par un examen simple et peu irradiant met en exergue deux notions fondamentales qui sont intimement liées : d’une part, la notion de radioréflexion (par la reconstruction et la compréhension mentales à partir des différentes coupes) et d’autre part, le concept de radiodiagnostic, qui nécessite une connaissance préalable de la séméiologie radiologique.
Le cone beam est donc l’outil « 3D » qui manquait véritablement à l’odontologie, outil dédié spécifiquement à la sphère maxillo-faciale. Cette technologie connaît des débuts prometteurs, mais des évolutions sont fort probables. Elles se traduiront par des améliorations du logiciel pour corriger les faiblesses de qualité de certaines images et la baisse du prix… pour la satisfaction du plus grand nombre !