Modélisation des contraintes en translation verticale sur un crochet Nally-Martinet par la méthode des éléments finis - Cahiers de Prothèse n° 146 du 01/06/2009
 

Les cahiers de prothèse n° 146 du 01/06/2009

 

Prothèse amovible partielle

Yanick Rozec*   Vincent Jardel**   Gérard Derrien***  


*DCD
**MCU-PH
***PU-PH
****UFR d’odontologie de Brest
22, avenue Camille-Desmoulins
29285 Brest cedex

Résumé

Dans un châssis métallique, les crochets assurent la rétention. Ils participent aussi à la sustentation et à la stabilisation. Ils agissent sur les dents supports en leur transmettant des contraintes. Le but de ce travail est d’étudier, à l’aide de la méthode des éléments finis (MEF), la distribution des contraintes au sein d’un crochet Nally-Martinet lors de l’enfoncement vertical de la prothèse. Ainsi, il sera possible de prévoir un renforcement ou une modification du tracé de ce crochet de façon à limiter les fractures par fatigue mécanique.

Summary

Pattern of the stresses in vertical translation on a Nally-Martinet’s clasp further to a finite-element analysis

In a cast metal framework, the clasps ensure the retention. They act on the abutment teeth as they put stresses upon them. They act on the abutment teeth as they transmit them stresses. This article analyses, using the finite-element method, the distribution of those within the Nally-Martinet’s clasp while thrusting vertically the prosthesis. It is then possible to foresee a consolidation or a modification of the design of this clasp in order to limit fractures further to mechanical fatigue.

Key words

finite-element analysis, Nally-Martinet’s clasp, stress

L’objet du calcul scientifique et de la méthode des éléments finis est de simuler sur ordinateur des procédés de conception, de fabrication, de comportement liés à des problèmes concrets d’ingénierie d’origine physique, mécanique, chimique, médicale… et même aujourd’hui financiers (!). Cette modélisation a recours à des relations mathématiques particulières connues sous le nom d’équations aux dérivées partielles [1, 2].

Ces équations ont de nombreuses applications pratiques. Par exemple, l’équation de Schrödinger de la mécanique quantique (fig. 1) ou des équations qui en dérivent sont utilisées pour la conception assistée par ordinateur de médicaments et d’explosifs. Malheureusement, en général, on ne sait pas résoudre ces équations de façon exacte. Cela signifie qu’il n’existe pas de formule donnant, par exemple, la valeur de Vψ au point de coordonnées x, y, z à l’instant t. Il faut donc faire appel à des méthodes de résolution approchée de ces équations : la méthode des éléments finis (MEF) est l’une d’entre elles [2]. Ainsi :

• on découpe la région de l’espace où le problème est posé en domaines élémentaires (les éléments finis) ;

• sur chacun de ces éléments finis, on approche le modèle mathématique initial par un modèle simplifié, tout en veillant à :

– assurer la « continuité » de la solution approchée lorsque l’on passe d’un élément fini à un élément adjacent ;

– s’assurer de la convergence du procédé. C’est-à-dire que la solution du problème approché est aussi voisine qu’on le veut de la solution exacte si on prend un maillage suffisamment fin ;

– s’assurer que le problème approché est résoluble en un « temps raisonnable » avec les moyens de calcul informatique dont on dispose.

Ainsi, la mise en œuvre de la MEF comporte 8 étapes présentées dans un arbre décisionnel (fig. 2).

L’avantage majeur de cette technique d’investigation, qui repose sur le calcul numérique et l’utilisation de programmes informatiques spécifiques, est de prévoir le comportement de structures diverses : avions, plateformes pétrolières, valves cardiaques, raquettes de tennis, astrophysique (trous noirs), pneus, constructions navales, micro-électronique, reconstructions dentaires et faciales, etc. [1-3].

Bien que de nombreuses solutions prothétiques puissent être proposées, le traitement des édentements partiels à l’aide d’une prothèse amovible partielle à châssis métallique (PAPCM) reste d’actualité [4]. Cependant, cette PAPCM transmet les efforts qu’elle subit aux dents résiduelles et à l’os sous-jacent par l’intermédiaire de la fibro-muqueuse. L’influence de la dualité tissulaire peut entraîner des lésions parodontales au niveau des dents supports de crochets créant une instabilité de la prothèse et des surcharges dentaires. En effet, la mobilité physiologique des dents est selon les auteurs de 100 à 200 µm et la dépressibilité de la fibro-muqueuse se situe entre 400 et 2 000 µm lors de l’application d’une pression [5]. Pour Tabet en 1961 [6], 6 mouvements fondamentaux sont susceptibles d’animer une selle prothétique : la translation verticale, la translation horizontale vestibulaire et linguale, la translation horizontale mésiale ou distale, la rotation distale verticale, la rotation autour de l’axe de crête, la rotation dans le plan horizontal [7]. Cependant, dès 1976, Roucoules [8] considère que ces mouvements sont très souvent plus complexes et prennent des formes hélicoïdales de torsion aussi traumatisantes pour les tissus que dangereuses pour la résistance des crochets ou de leurs dents supports. Ces mouvements de rotation et de translation des selles prothétiques engendrent sur les dents piliers des forces non négligeables [9]. Aussi, depuis plusieurs décennies, la majorité des auteurs s’accordent pour concevoir des PAPCM rigides avec calage occlusal de façon à préserver les structures résiduelles [10-13]. Les analyses mécaniques de ces PAPCM rigides avec calage occlusal démontrent qu’elles fonctionnent suivant un axe de rotation qui est déterminé par les appuis dentaires. Les charges occlusales exercées sur une PAPCM sont transmises aux dents supports par les appuis occlusaux, les crochets, les connexions et la plaque base [14, 15]. Mais les crochets ne sont pas complètement rigides et sont sujets à des mouvements en réponse aux charges fonctionnelles. Ces charges vont induire stress, fatigue et déplacements au niveau du châssis métallique [16]. Quand une charge occlusale fonctionnelle est appliquée au niveau de l’extension distale de la prothèse, un mouvement de rotation des crochets se fait autour des dents supports. Ce phénomène, lié à la différence de résilience entre le parodonte des dents supports et la muqueuse des crêtes, traumatise les tissus de support de la prothèse [15]. Ces efforts s’appliquent notamment lors de la mastication qui représente environ 4 500 cycles par 24 h. Les efforts appliqués sur un crochet sont variables et dépendent de nombreux facteurs en relation avec la physiologie des tissus et celle de la mastication, des édentements et de la présence de parafonctions. Ceci explique que d’un auteur à l’autre, l’intensité et la direction des forces varient avec une charge par cycle entre 0 et 35 N [16]. Pour Kratochvil en 1988 [17], ce sont les appuis occlusaux qui reçoivent les forces les plus élevées. Ils doivent donc être rigides pour supporter les charges occlusales. Un appui trop mince se déformera et une proportion importante des charges sera transférée sur les crêtes provoquant, par fatigue mécanique, sa fracture. Cliniquement, la fracture de l’appui occlusal arrive toujours à l’angle formé par la connexion et l’appui au niveau de la crête marginale de la dent support. Seul un dessin correct du crochet, dans le cas d’une extension distale, peut prévenir le mouvement de rotation dans le but de protéger les tissus de soutien [18]. Après de nombreux travaux Nally et ses collaborateurs ont proposé un crochet circonférentiel (crochet dit Nally-Martinet) qui entraîne le moins de sollicitations pour la dent pilier dans les cas d’édentements distaux [14].

Dans une étude récente, Sandu et al. ont étudié, en 2007, le comportement en fatigue d’un crochet n° 1 de Ney par la méthode des éléments finis (MEF) durant une simulation de cycles masticatoires (les charges sont appliquées de façon à simuler 4 500 cycles masticatoires sur 24 heures) [16]. Ainsi, ils ont maillé l’appui occlusal, le bras de calage et le bras rétentif d’un crochet n° 1 de Ney en 1 017 éléments finis reliés par 607 nœuds. Comme l’épaisseur du crochet n’est pas la même sur toute sa longueur, le maillage est constitué d’éléments tétraédriques à 4 nœuds. Des charges statiques comprises entre 20 et 35 N ont été appliquées verticalement au niveau des composants du crochet pour simuler la distribution des stress durant les mouvements de translation et de rotation de la prothèse. L’évaluation de la déformation du crochet doit se faire au niveau du nœud où la charge et le pourcentage de stress sont maximaux. C’est dans cette zone que le crochet se fracturera. L’analyse de la distribution du stress révèle que le stress se concentre dans les bras à la jonction avec le corps du crochet. C’est donc au niveau de l’épaule du crochet que le risque de fracture semble le plus élevé. Dans toutes les situations, le stress est plus élevé dans le bras de calage que dans le bras de rétention. Ceci est dû à la rigidité liée à la morphologie du crochet. Le maximum de stress est localisé sur le bord supérieur du bras de réciprocité. Le bras de rétention, étant plus élastique, ne peut présenter un stress aussi élevé même si le bras est placé en partie dans une zone rétentive. Lors de la simulation de translation verticale (retrait/mise en place), le stress maximal (310,27 MPa) est localisé près du bord inférieur du bras rétentif ; pour la simulation de rotation, le maximum de stress (310.31 MPa) est situé plus près du bord supérieur du même bras.

L’objectif de ce travail est d’étudier à l’aide de la méthode des éléments finis (MEF) le comportement lors de la simulation du mouvement de translation verticale (retrait/mise en place) d’un crochet de Nally-Martinet utilisé dans les édentements de classes I et II (fig. 3).

Matériel et méthode

Sur un modèle d’édentement distal, un crochet type Nally-Martinet classique a été confectionné en respectant le principe du décolletage (fig. 4 et 5).

Après étude du modèle au paralléliseur, la maquette en cire a été réalisée à l’aide de préformes calibrées unies entre elles avec la cire à sculpter Protek (Bredent®) pour châssis. Les différentes parties en cire du crochet ont été positionnées de telle sorte que le bras de calage soit situé sur la ligne guide et que l’appui occlusal n’interfère pas dans les rapports antagonistes. Le bras de rétention vestibulaire en prolongement du bras de calage s’affine au fur et à mesure qu’il plonge sous la ligne guide [19, 20] (fig. 4). Ce crochet a ensuite été coulé en alliage cobalt-chrome Character Superior® (fig. 5) dont la composition et les caractéristiques mécaniques sont présentées dans les tableaux I et II.

Acquisition du profil géométrique du crochet

L’analyse par éléments finis de ce crochet nécessite l’obtention initiale d’un profil géométrique. Les crochets ont des dessins et des structures complexes qui ne peuvent être assimilés à des représentations géométriques simplifiées. Afin d’obtenir l’acquisition de son profil géométrique, le crochet Nally-Martinet a été passé au micro-tomographe à haute résolution. La tomographie est une technique d’imagerie qui consiste à reconstruire le volume d’un objet à partir d’une série de mesures déportées à l’extérieur de l’objet. Ces mesures peuvent être effectuées à la surface même ou à une certaine distance. Cette technologie permet, grâce au pouvoir de pénétration des rayons X, la reconstruction en 3 dimensions (image 3D) d’une copie numérique de l’objet examiné. Un puissant calcul mathématique permet d’obtenir, à partir d’un grand nombre de radioscopies de l’objet en rotation, le modèle tridimensionnel portant les informations de densité des structures internes. L’acquisition des projections se fait par rotation (sur 360°) à pas constant (pas < 1°) et permet la reconstruction des données en volume. Les projections contiennent des informations sur la position et la densité de l’objet [23]. Le système de micro-tomographie haute résolution utilisé est le système V/Tome/X 240D du centre de ressources techniques (CRT) de métrologie de Morlaix. Sa vitesse d’acquisition est de 15 images par seconde (fig. 6 et 7).

La reconstruction en 3 dimensions du crochet passé au micro-tomographe a été effectuée par le logiciel Focus Inspection Viewer 8.3®. Ce logiciel permet de visualiser un contrôle de pièces numérisées par tomographie sous un format stéréolithographique dit fichier STL (fig. 8).

La stéréolithographie (STL) est un procédé qui facilite et accélère l’acquisition géométrique. Le format STL permet l’acquisition géométrique déjà maillée des crochets. Bien qu’automatiquement maillée, l’acquisition géométrique au format STL n’est pas directement exploitable par la MEF, car l’aspect des proportions et des connexions des triangles a ses limites. Une optimisation du maillage est nécessaire pour l’analyse par éléments finis. Grâce à un logiciel spécifique, une manipulation informatique permet de réduire automatiquement le nombre de triangles et simultanément améliorer leur qualité, tout en maintenant intacte la géométrie du crochet. On dispose alors d’un format compréhensible par le logiciel d’éléments finis [23] (fig. 9 et 10).

Traitement des fichiers STL par un logiciel de calcul exploitant la MEF

Le logiciel utilisé pour le traitement des fichiers STL de reconstruction 3D est le logiciel Castem 2000® qui permet de récupérer un maillage exploitable par un logiciel d’éléments finis. C’est un logiciel de résolution d’équations aux dérivées partielles par la méthode des éléments finis. Développé au département de mécanique et technologie (DMT) du Commissariat à l’énergie atomique (CEA), il permet : la conception, le dimensionnement et l’analyse de structures et de composants, dans le domaine du nucléaire comme dans le secteur industriel classique. Ainsi, Castem 2000® intègre non seulement les processus de calculs proprement dits, mais également les fonctions de construction du modèle (prétraitement) et les fonctions de traitement des résultats (post-traitement). Castem 2000® est un programme que l’utilisateur peut adapter à ses besoins pour résoudre ses propres problèmes.

Une analyse générale effectuée à l’aide de Castem 2000® se décompose en 4 étapes, chacune pouvant également être décomposée en une série de processus élémentaires.

Choix de la géométrie et du maillage

• Définition des points, lignes, surfaces et volumes.

• Discrétisation.

Définition du modèle mathématique

• Définition des données caractérisant le modèle :

– type d’analyse : déformation ou contraintes planes, etc. ;

– formulation : mécanique, thermique, fluide, etc. ;

– comportement du matériau : élastique (isotrope…), plastique, etc. ;

– type d’éléments.

• Définition des propriétés matérielles (constantes d’élasticité, masse volumique…).

• Définition des propriétés géométriques.

• Définition des conditions aux limites.

• Conditions initiales.

Résolution du problème discrétisé

• Calcul des matrices de rigidité et de masse de chaque élément fini.

• Assemblage des matrices de rigidité de la structure complète.

• Application des conditions aux limites.

• Application des chargements.

• Résolution du système d’équations.

Analyse et post-traitement des résultats

Déplacements, contraintes, déformations, etc.

Choix de la géométrie et du maillage

Après passage au micro-tomographe, le maillage du crochet a été récupéré sous un format STL pour permettre son exploitation par le logiciel Castem 2000®, dans le centre de recherches de l’École nationale supérieure des ingénieurs des études et techniques d’armement (ENSIETA) de Brest (fig. 11 et 12). Le maillage du crochet Nally-Martinet est composé de 13 991 tétraèdres à 10 nœuds, reliés par 24 386 nœuds. L’appui occlusal, le bras unique et une partie de la potence du crochet sont ainsi maillés (dans le maillage réalisé par Sandu et al. en 2007 [16], la potence du crochet n’était pas prise en compte).

Réalisation des simulations

Une fois le maillage du crochet optimisé et restitué, le comportement et les caractéristiques de l’alliage Character Superior® (comportement élastique linéaire isotrope – module de Young de 220 GPa – coefficient de Poisson de 0,33) (tabl. II) ont été rentrés dans la base de données du programme Castem 2000®.

En se référant aux valeurs des forces appliquées dans l’étude de Sandu et al. [16], des forces verticales statiques comprises entre 20 et 35 N ont été appliquées à la verticale de l’épaule du crochet. Le but était d’objectiver la répartition des contraintes au sein du crochet durant une simulation de translation verticale de la prothèse le long de la dent support. Les zones de contraintes apparaissaient alors sous la forme de surfaces de couleurs isodéformables en association avec les contraintes équivalentes Von Mises exprimées en MPa.

Résultats

Les contraintes équivalentes Von Mises résultantes ont été calculées numériquement et représentées graphiquement. Les résultats ont été livrés sous forme de plages de couleurs (rouge, jaune, vert, bleu), chacune indiquant un niveau de concentration de contraintes différent. Ainsi le rouge foncé détermine une contrainte maximale ; le bleu foncé correspond à une absence de contrainte. Les figures 13, 14, 15 et 16 présentent la répartition des contraintes équivalentes le long de la potence du crochet lors d’une simulation de translation verticale de la prothèse.

Afin de simuler une translation de la prothèse le long de la dent support, des forces verticales de 20 à 35 N ont été appliquées à la verticale de l’épaule du crochet. Les concentrations de contraintes équivalentes ainsi produites se répartissaient différemment autour de l’épaule et de la potence du crochet. Trois surfaces de concentration de contraintes ont alors été mises en évidence.

Au niveau de l’épaule, point d’application de la force, les concentrations de contraintes étaient faibles, elles variaient de 11,2 à 22,7 MPa (tabl. III).

Le long de la potence, les contraintes étaient plus importantes et c’est à proximité de la section de la potence que les contraintes équivalentes étaient les plus élevées. On distinguait, à ce niveau, deux surfaces de concentration de contraintes différentes : l’une sur la face externe de la potence et l’autre sur la face interne. C’est au niveau de la face interne de la potence que les contraintes mesurées étaient maximales : 103 MPa. Les contraintes maximales retrouvées sur la face externe de la potence ne dépassaient pas 77,9 MPa (tabl. III).

Dans cette étude, 3 zones principales de concentration de contraintes ont donc été mises en évidence quelle que soit l’intensité de la force d’enfoncement verticale : deux principales sur l’intrados et l’extrados de la potence, une troisième au niveau de l’épaule du crochet.

De plus, il semble que les contraintes se localisaient essentiellement à la surface de la potence et non en son centre. Les contraintes équivalentes maximales dans le cœur de la potence n’étaient que de 7,24 MPa. Cette valeur augmentait au fur et à mesure que l’on se rapprochait de la surface de la potence. Il n’y aurait donc que peu de concentrations de contraintes au cœur de la potence.

Discussion

Le crochet Nally-Martinet est un des crochets les plus utilisés dans le traitement des édentements distaux. L’objectif de l’étude était d’évaluer le comportement mécanique de ce crochet classique soumis à des forces de translation verticale d’intensités variables de 20 à 35 N à l’aide du logiciel Castem 2000®, qui a permis une représentation de la répartition des différentes concentrations de contraintes au sein du crochet et plus particulièrement le long de sa potence.

Deux zones de concentrations de contraintes importantes sont mises en évidence : l’une sur la face interne de la potence et l’autre sur sa face externe. Les contraintes équivalentes maximales enregistrées se situent sur la face interne de la potence, à proximité de la section. C’est donc sur la face interne de la potence, en regard de la dent support, que les contraintes sont maximales. Les contraintes relevées au niveau de l’épaule du crochet sont plus faibles. Le crochet transmettrait donc des contraintes à la dent support par l’intermédiaire de la potence.

De nombreux auteurs ont étudié le comportement mécanique de différents crochets à l’aide de diverses techniques d’investigation dont la MEF. Cependant, ces études ne sont pas superposables dans la mesure où les crochets étudiés et les protocoles d’investigation diffèrent. Ainsi, Sandu et al., en 2007, dans une étude similaire sur un crochet n° 1 de Ney, situent les contraintes maximales sur le bord supérieur du bras de calage et sur le bord inférieur du bras de rétention à leur jonction avec le corps du crochet [16]. À aucun moment, ils ne parlent de l’appui occlusal, de l’épaule ou de la potence du crochet. Ils n’ont d’ailleurs pas maillé la potence du crochet qui semble pourtant jouer un rôle majeur dans la concentration des contraintes.

Si l’utilisation du crochet Nally-Martinet est bien codifiée, l’existence de fractures, essentiellement dues à des phénomènes de fatigue mécanique, ont amené plusieurs auteurs à proposer des modifications de ce crochet au niveau de sa potence mésiale [24]. Pour Brien, la potence de ce crochet doit être renforcée [24]. Ce type de crochet plutôt court exerce en effet des torsions sur la potence qui est déjà soumise aux forces verticales par le biais de l’appui occlusal. C’est la synergie de ces deux forces combinées qui explique la fatigue du métal et la fracture potentielle de la potence. Pour Delcambre et al., c’est l’emplacement de cette potence qui doit être décalé en mésial de la dent contiguë avec l’adjonction d’une connexion en distal de la dent bordant l’édentement [20]. Ainsi, ce crochet Nally-Martinet « à potence décalée » serait davantage apte à absorber les contraintes horizontales. Cependant, comme l’a souligné Brien en 1996, la multiplication des connexions les rend souvent trop rapprochées (notamment à la mandibule) avec un décolletage trop réduit [24]. Aussi on peut en déduire qu’il est préférable de supprimer l’ouverture insuffisante pour donner localement au connecteur la forme d’un bandeau.

Cette étude a démontré que les contraintes maximales, lors d’un mouvement d’enfoncement vertical, se localisaient sur les faces externes et internes de la potence. En accord avec les travaux de Brien en 1996 [24], nous proposons de modifier le tracé de ce crochet en supprimant cette potence au profit d’un mini-bandeau lingual espacé de 4 à 8/10 de mm de la muqueuse. La présence d’un mini-bandeau à la place d’une potence s’apparente au remplacement d’une poutre par un voile avec pour conséquences, au plan mécanique, une dissipation des contraintes, ce qui diminue le risque de fracture par fatigue et les stimulations dentaires [1] (fig. 17). Ce mini-bandeau serait apte à encaisser les contraintes verticales et contrerait les mouvements horizontaux de la prothèse. Cette conception assurerait également une simplification du tracé prothétique et un confort au patient si l’extrados du mini-bandeau est lisse.

Cette nouvelle conception permet de répondre au principe actuel de rigidité des châssis métalliques sans nuire au parodonte des dents supports dans la mesure où ces mini-bandeaux en assurent la protection (fig. 18 et 19).

Dans une prochaine étape, pour se rapprocher le plus possible de la réalité prothétique, nous projetons de mailler la totalité d’un châssis métallique afin de définir les zones de contraintes au niveau des différents composants en fonction de mouvements de translation et de rotation. En effet, cette étude, déjà complexe, n’intéresse qu’un seul élément de l’infrastructure métallique, ce qui limite les résultats et les incidences cliniques. L’idéal serait de modéliser les interactions entre le châssis et les structures dento-ostéo-muqueuses. Cependant, la modélisation d’une structure dépressible telle que les muqueuses buccales ne connaît pas à l’heure actuelle de solution propre.

Conclusion

Dans cette étude, la modélisation 3D par éléments finis d’un crochet Nally-Martinet a été conduite dans le but d’étudier le comportement mécanique de ce crochet et d’évaluer la répartition des concentrations de contraintes lorsqu’on lui applique une force verticale d’amplitude variable. Cette simulation numérique tend à souligner le rôle majeur de la potence dans la localisation des contraintes.

Remerciements : Les auteurs tiennent à remercier le Pr Roland Glowinski, Université de mathématiques et de génie mécanique, Houston (Texas, États-Unis), le Pr Le Calloch, ENSIETA (Brest), M. Barat, directeur du CRT de Morlaix et le laboratoire de prothèse Grall de Brest.

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