Réalisation d’une prothèse composite maxillaire - Cahiers de Prothèse n° 147 du 01/09/2009
 

Les cahiers de prothèse n° 147 du 01/09/2009

 

Prothèse composite

Isabelle Fouilloux*   Éléonore Demozay**  


*Ancien AHU
**Ancien AHU
***Faculté de chirurgie
dentaire Université René-Descartes (Paris-V) Paris
1, rue Maurice-Arnoux
92120 Montrouge

Résumé

La réussite d’un traitement par prothèse composite nécessite l’enregistrement du rapport mandibulo-maxillaire à plusieurs reprises. La réalisation d’une prothèse composite maxillaire est décrite grâce à une simulation sur modèles pédagogiques et différentes méthodes sont présentées pour l’enregistrement du rapport mandibulo-maxillaire. Chacun de ces rapports revêt une importance particulière et chaque fois que possible les références dentaires seront privilégiées.

Summary

Making of a mixed maxillary prosthesis : simulation on pedagogical models

A successful treatment with mixed prosthodontics needs the recording of the interarch relationships at different times. The making of a mixed maxillary prosthesis is described thanks to a simulation on pedagogical models and several methods for recording the interarch relationships are set out. Each of these relationships are valuable and whenever possible the dental references are considered foremost.

Key words

mixed prosthodontics, occlusion, interarch relationships

La prothèse composite, qui allie la prothèse partielle amovible à la prothèse fixée, nécessite l’enregistrement du rapport mandibulo-maxillaire à 3 ou 4 reprises, en plus de l’enregistrement effectué au stade des moulages d’étude. Cet article s’adresse aussi bien aux étudiants abordant la prothèse composite qu’aux praticiens désireux de rationnaliser les étapes prothétiques dans ce type de traitements.

La simulation clinique est représentée par un cas pédagogique associant un édentement maxillaire postérieur à un édentement encastré (fig. 1), complétés par un délabrement coronaire sur 17 et une exigence esthétique contre-indiquant la visibilité de crochets sur les dents antérieures. Cette situation clinique est intéressante, car elle présente à la fois un édentement encastré et un édentement en extension qui fait intervenir la problématique de la dualité tissulaire. En effet, la dépressibilité muqueuse du côté de l’édentement en extension est de l’ordre de 1 mm alors que du côté de l’édentement encastré, cette dernière correspond à celle du desmondonte qui est approximativement 10 fois moindre [1-4].

Le traitement par prothèse partielle amovible (PPA) se complique par la nécessité de réaliser des couronnes fraisées qui doivent être conçues en fonction de la PPA pour participer à la sustentation, à la stabilisation et à la rétention.

L’objectif pédagogique est une restauration prothétique comprenant 4 couronnes fraisées et une PPA à châssis métallique remplaçant les dents absentes dans un contexte de parodonte affaibli :

– couronne sur 14 indiquée pour des raisons esthétiques afin d’éviter la visibilité d’un crochet ;

– couronnes céramo-métalliques (CCM) fraisées jumelées support d’un attachement extra-coronaire (Dalbo S®, Cendres & Métaux) sur 23 et 24 ;

– une PPA à châssis métallique pour remplacer 16, 15, 25, 26, 27 ;

– des prothèses transitoires fixées et amovibles.

La sustentation est assurée par les appuis occlusaux et cingulaires répartis sur 17, 14, 13 à 23 et 24. La dent bordant l’édentement en extension possède un appui en mésial ainsi qu’une potence mésiale pour éviter tout phénomène de traction distale de cette dernière. Cette potence est espacée de la muqueuse [1-5] (fig. 2 et 3).

La chronologie du traitement comprend les phases préprothétiques, les phases de réalisation des prothèses transitoires, celles concernant les prothèses fixées et enfin la phase conduisant à la réalisation de la prothèse amovible [3, 5].

Phase préprothétique

La phase préprothétique, incontournable, d’analyse au paralléliseur se poursuit avec l’étude sur articulateur des moulages d’étude en occlusion de relation centrée. Les interférences sont recherchées, et la situation des courbes occlusales dans le plan sagittal et dans le plan frontal est évaluée. La simulation clinique adopte l’hypothèse d’une occlusion d’intercuspidie maximale (OIM), confondue avec l’occlusion de relation centrée (ORC) et d’absence de perturbation des courbes occlusales. De cette étude découle un tracé du châssis métallique, qui correspond au projet prothétique final.

Pour chacune de ces étapes, il est nécessaire d’enregistrer les rapports mandibulo-maxillaires indifféremment en ORC ou en OIM compte tenu de la coïncidence des références articulaires et dentaires.

Les empreintes d’étude sont effectuées à l’aide d’un alginate de classe A, avec un porte-empreinte (PE) de type Rimlock®, plein, muni d’un jonc périphérique permettant la rétention du matériau (fig. 4). Ces empreintes sont moulées. L’arc facial permet de positionner le moulage maxillaire sur la branche supérieure de l’articulateur dans une position analogue à celle du maxillaire par rapport à la base du crâne.

Compte tenu de la répartition des contacts (trois points non alignés), une cire interocclusale est choisie comme moyen d’enregistrement du rapport mandibulo-maxillaire (RMM) (fig. 5 et 6), la cire Moyco® (Moyco) répondant aux exigences de reproduction de détail et de rigidité. La cire qui se présente sous forme de plaque dure est ramollie dans de l’eau à 52 °C, à l’aide d’une bouilloire thermostatée. Quand la cire est suffisamment réchauffée, elle est séchée, puis pliée en 2. Elle est ensuite découpée pour ne conserver que les cuspides d’appui maxillaire et un petit retour au niveau des pointes canines pour assurer une bonne stabilité dans le sens antéro-postérieur.

Quand la cire est indentée au maxillaire, elle est à nouveau réchauffée et le patient est manipulé en relation centrée (RC) jusqu’à enregistrer les contacts mandibulaires. La cire ne doit pas être perforée pour permettre la mise en évidence d’éventuelles interférences. Dans la situation de ce cas pédagogique, l’OIM correspond à l’ORC. Il n’existe donc aucune interférence nécessitant des corrections occlusales par améloplastie. L’enregistrement est contrôlé.

Pour le transfert du moulage mandibulaire sur articulateur, l’épaisseur de cire est mesurée au niveau postérieur à l’aide d’un compas d’épaisseur. Dans cette situation, l’épaisseur étant de 1,5 mm, la tige incisive est augmentée de 3 mm pour compenser, après le montage, l’augmentation de dimension verticale (DV) générée par la cire. Les moulages d’étude, le tracé du châssis ainsi qu’une fiche détaillée du travail à effectuer sont adressés au laboratoire de prothèse pour la confection du montage directeur [6, 7].

Phase des prothèses provisoires

Elle comprend des cires de diagnostic sur les dents concernées par la prothèse fixée et un prémontage remplaçant les dents absentes (fig. 7, 8 et9). Le montage directeur préfigure le montage définitif. Si des coronoplasties s’avéraient nécessaires pour rendre les courbes occlusales harmonieuses, il faudrait les effectuer à ce stade. Ce n’est pas le cas pour cette simulation clinique. Aussi, le même moulage mandibulaire initial monté en articulateur peut être conservé, tout au long du traitement prothétique.

Après validation du montage directeur, le prothésiste de laboratoire peut effectuer la confection des couronnes provisoires sur 17, 14, 23 et 24 et la PPA provisoire remplaçant 16, 15, 25, 26 et 27 (fig. 10).

Phase d’élaboration des prothèses fixées (PF)

Les préparations pour la prothèse fixée sont effectuées, et les provisoires tirées du montage directeur sont mises en bouche après rebasage (en tenant toujours compte du tracé prospectif) (fig. 11).

La place pour les fraisages est prévue dans les préparations de prothèse fixée, à savoir notamment la place pour l’appui occlusal sur 17 et 14 et une boîte distale sur 24 pour conserver l’espace nécessaire au positionnement de la partie mâle de l’attachement.

L’empreinte destinée à la prothèse fixée est réalisée avec un silicone par addition en un temps et deux viscosités. (fig. 12). Cette empreinte est traitée en deux exemplaires (fig. 13).

Le premier moulage est préparé pour isoler les MPU. Le second moulage est destiné à la confection de barrettes en résine qui serviront à l’enregistrement de l’occlusion destiné au transfert du moulage de travail de prothèse fixée sur articulateur [6, 7]. Ces barrettes d’occlusion permettent de n’utiliser que la référence dentaire et de s’affranchir ainsi de toutes les imprécisions dues à la différence de comportement tissulaire entre les dents d’une part et la muqueuse d’autre part. Elles sont réalisées en résine chémopolymérisable (type Unifast™, GC) et réglées en sous-occlusion (vérification avec du papier à articuler) [8, 9].

L’occlusion est enregistrée de manière alternée : dents provisoires en place sur 23 et 24, la barrette est positionnée du côté droit (édentement encastré) pour un premier enregistrement à l’aide d’une résine calcinable (Duralay® de Reliance Dental LMG ou GC Pattern® de GC) (fig. 14 et 15). Cette barrette avec l’enregistrement est laissée en place côté droit. Les dents provisoires sont déposées sur 23 et 24 puis la barrette est positionnée sur les préparations dentaires côté gauche. L’extension distale permet une indentation par la 36, ce qui donne une stabilité suffisante pour le transfert sur articulateur du moulage destiné à la réalisation des prothèses fixées [5-9] (fig. 16).

Les barrettes sont positionnées sur les moulages positifs unitaires (MPU) du moulage de travail de prothèse fixée. Il est à noter qu’aucune compression n’existe entre la barrette et le plâtre du moulage et/ou la muqueuse. Le moulage est positionné face au moulage mandibulaire, puis solidarisé avec du plâtre de type Snow White® (Kerr) à la branche supérieure de l’articulateur (fig. 17).

Les moulages en articulateur, le tracé prospectif ainsi qu’une description détaillée des couronnes fraisées sont transmis au laboratoire de prothèse fixée. Les couronnes fraisées sont confectionnées, contrôlées et validées cliniquement (fig. 18 et 19). Elles ne sont pas scellées à ce stade, en raison de la présence de nombreux fraisages et d’un attachement, cette situation impliquant l’intégration de ces éléments fixés au moulage destiné à la confection du châssis.

Phase de la confection de la PPA à châssis métallique

Les éléments de prothèse fixée sont mis en place et une empreinte primaire à l’alginate est prise (fig. 20 et 21) pour effectuer au laboratoire de prothèse amovible un porte-empreinte (PEI) en résine chémopolymérisable, espacé des dents, ajusté aux crêtes et à la voûte palatine, et muni de bourrelets de préhension en Stent’s® (Atlantic Codental) ou en résine. Ces bourrelets préfigurent le volume des dents absentes et permettent de soutenir convenablement les tissus périphériques. Ce PEI permet de réaliser une empreinte anatomo-fonctionnelle, en enregistrant à la fois les surfaces dentaires et le jeu de la musculature périphérique.

Le matériau (Président®, Coltène Whaledent) basse et moyenne viscosité pour l’enregistrement de l’empreinte de PPA est un silicone par addition (fig. 22 et 23). Les éléments de prothèse fixée sont emportés dans l’empreinte. Cette empreinte nécessite un traitement particulier au laboratoire de prothèse, car les couronnes fraisées doivent pouvoir se repositionner de manière fiable et reproductible dans le temps sur le moulage de travail de PPA [6, 7, 10].

Un silicone fluide de laboratoire de type Flexistone® (Dexter-Dental Emco) est coulé dans les intrados des prothèses fixées. Des rétentions sont réalisées par des « carottes » pour que ces moignons soient noyés dans le plâtre. La limite des couronnes fraisées est en plâtre pour que le positionnement de ces couronnes se fasse de façon très précise [10]. Il existe différentes méthodes pour traiter ces empreintes de prothèse composite, et la coulée de résine calcinable (Duralay®, GC Pattern) dans les intrados des PF est de plus en plus employée.

L’empreinte est ensuite coffrée, puis moulée. Le moulage obtenu comporte les éléments de prothèse fixée en situation.

Une maquette d’occlusion est confectionnée sur ce moulage, puis stabilisée avec une pâte oxyde de zinc-eugénol de type Impression Paste® (SS White) (fig. 24 et 25). Cette stabilisation permet de repositionner les tissus mous dans une situation proche de celle enregistrée lors de l’empreinte, et permet ainsi un positionnement précis sur le moulage. Cette maquette est faite en résine chémopolymérisable, munie de bourrelets d’occlusion en Stent’s et d’un crochet du côté du secteur édenté en extension qui a pour objectif d’éviter tout déplacement antéro-postérieur lors de l’enregistrement. Les bourrelets en Stent’s doivent être réglés en hauteur. D’abord en surocclusion, ils sont indentés en fermeture buccale. Les excès sont supprimés à l’aide d’un cutter ou d’un bistouri. Les bourrelets sont réchauffés à nouveau jusqu’à ce que les dents restantes soient en occlusion. Les indentations obtenues sont réduites pour ne conserver que des contacts punctiformes (fig. 26). Le rapport mandibulo-maxillaire est alors enregistré avec une pâte oxyde de zinc-eugénol (Impression Paste® ou Temp Bond® de Kerr) ou de la pâte de Kerr. Le patient est maintenu en occlusion jusqu’à la fin de la prise du matériau. L’enregistrement correct est confirmé en repérant les contacts punctiformes qui chassent la pâte oxyde de zinc-eugénol. La maquette d’occlusion permet le transfert sur articulateur du moulage destiné à la PPA. Comme l’enregistrement a été fait en occlusion, la tige incisive est réglée sur le 0 (fig. 27).

Le tracé du châssis, les moulages en articulateur ainsi qu’une description détaillée des composants prothétiques sont portés sur la fiche de laboratoire, en notant les espacements et le protège-raphé qui s’arrête 3 mm en avant de la limite postérieure de la plaque palatine afin d’éviter tout passage de fluide en arrière de la plaque [6, 7].

Le châssis est contrôlé et validé cliniquement. Il est, à ce stade, indispensable d’enregistrer à nouveau le RMM sur le châssis pour prévenir ou corriger les erreurs liées à la différence de compressibilité tissulaire imposée à la maquette d’occlusion. La conception rigide du châssis permet de s’affranchir de cette dualité tissulaire (fig. 28, 29 et 30).

Cet enregistrement s’effectue grâce à des selles en résine surmontées de bourrelets d’occlusion en Stent’s®. Les bourrelets sont réglés selon le même protocole que celui décrit précédemment (fig. 31).

Le moulage de PPA est à nouveau transféré sur articulateur. Si ce dernier rapport mandibulo-maxillaire n’est pas enregistré, la différence de compressibilité tissulaire n’est pas corrigée, conduisant à un montage des dents en surocclusion. Le montage sur cire est effectué, suivi de l’essai esthétique et fonctionnel. La résine est polymérisée, polie et finie (fig. 32, 33 et 34).

Les couronnes fraisées sont scellées le jour de la pose de la PPA à châssis métallique.

Conclusion

Pour mener à bien un traitement par prothèse composite, plusieurs enregistrements du rapport mandibulo-maxillaire doivent être réalisés avec une importance particulière pour chacun d’eux. S’il est possible d’enregistrer l’occlusion avec suffisamment de rapports dentaires antagonistes (références dentaires), ce protocole est à privilégier. L’utilisation de barrettes d’occlusion au stade des PF est une méthode intéressante, si la répartition des dents préparées sur l’arcade est favorable.

La maquette d’occlusion est incontournable au stade du transfert sur articulateur du moulage destiné à la réalisation de la PPA, pour éviter de commettre des erreurs dues à la différence de compressibilité tissulaire. C’est pourquoi le dernier enregistrement du RMM sur le châssis est indispensable pour compenser les imprécisions inévitables commises à l’étape précédente.

Cette simulation clinique effectuée temps par temps sur modèles pédagogiques a été définie pour s’approcher d’une situation fréquemment rencontrée en pratique courante mettant en œuvre un traitement par prothèses composites.

bibliographie

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  • 3 Schittly J, Schittly E. Prothèse amovible partielle : clinique et laboratoire. Paris : Éditions CdP, Collection JPIO, 2006.
  • 4 Schittly J, Borel JC, Exbrayat J. Occlusion et prothèse partielle amovible. Réalités Cliniques 1995;6(4):447-465.
  • 5 Fouilloux I, Cheylan JM, Begin M. Couronnes fraisées en prothèse partielle amovible. Indications et conceptions. Stratégie Prothet 2006;6(4):253-262.
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  • 9 Spiekerman H. Implantology. New York:Thieme, 1995.
  • 10 Begin M, Hurtado S. Les empreintes et leur traitement en prothèse amovible partielle. Synergie Prothet 2000;2(1):5-19.