Prothèse composite mandibulaire et maxillaire - Cahiers de Prothèse n° 149 du 01/03/2010
 

Les cahiers de prothèse n° 149 du 01/03/2010

 

PLAN DE TRAITEMENT

Vincent Jardel*   Gérard Derrien**  


*MCU-PH
**PU-PH
***UFR d’odontologie de Brest
22, avenue Camille-Desmoulins
29285 Brest cedex

Résumé

Cet article présente un cas clinique de restauration globale dont les objectifs ont été atteints en deux étapes distinctes, bien que les examens cliniques initiaux et complémentaires aient démontré la nécessité d’une restauration globale simultanée. Cette démarche thérapeutique a été menée à bien grâce à une anticipation prothétique adoptée tout au long des étapes cliniques.

Summary

Mandibulary and maxillary mixed prosthesis : overall treatment spread out over 2 periods

This article sets out a case study of a global restoration whose goals have been performed in two distinct stages even though the initial and additional clinical examination have shown that a simultaneous global restoration was needed. The success of this case results in a therapeutic approach which has been conducted with anticipation all along the clinical stages.

Key words

occlusion, removable partial prosthesis, treatment planning

Face à une situation clinique donnée, le praticien doit proposer un plan de traitement adapté aux possibilités professionnelles, psychiques et financières du patient, sans omettre d’envisager l’évolution prévisible des structures dento-ostéo-muqueuses.

Le plan de traitement retenu ne sera qu’un compromis tenant compte à la fois de l’anamnèse, de l’observation clinique et d’examens complémentaires. Ce plan de traitement, accepté par le patient, permet d’établir un programme de travail tout en sachant que dans certaines situations cliniques des aléas thérapeutiques risquent de modifier la chronologie initiale [1-3]. Cependant, cette éventualité problématique peut être surmontée grâce à une anticipation initiale permettant d’obtenir le résultat clinique escompté. Cette démarche constitue l’objet de cet article.

Présentation du cas

Une patiente, infirmière retraitée âgée de 74 ans, a consulté pour la réfection d’une ancienne prothèse amovible partielle à châssis métallique (PAPCM) mandibulaire, mal tolérée en raison des blessures fréquentes qu’elle provoquait. Lors de ce premier rendez-vous, la patiente a expliqué « qu’elle a toujours eu le souci d’entretenir ses dents qui représentent à ses yeux un gage de bonne santé ». Son précédent praticien, récemment décédé, a toujours fait le nécessaire pour assurer la préservation de sa denture.

Anamnèse

La patiente, d’un tempérament dynamique, ne souffrait d’aucune pathologie générale et ne suivait aucun traitement médicamenteux.

Examen cliniques

Examen exobuccal

L’examen exobuccal ne révélait aucune asymétrie faciale. À la palpation, l’examen musculaire montrait une faible tonicité musculaire avec des tissus peauciers peu toniques. L’examen articulaire n’a révélé aucun craquement ni claquement. La cinématique mandibulaire était normale avec une amplitude de 42 mm entre les points interincisifs à l’ouverture – son trajet était rectiligne. Par ailleurs, la patiente ne se plaignait d’aucune douleur musculaire ou articulaire.

Examen endobuccal

L’hygiène buccodentaire était satisfaisante, le tartre peu abondant et les muqueuses exemptes de lésions ulcéreuses ou carcinomateuses n’étaient pas inflammatoires, excepté au niveau de 34 supportant une chape recouverte par la selle prothétique en résine de l’ancienne prothèse.

Remarque : la légère récession gingivale généralisée n’engendrait aucune mobilité dentaire à l’exception de 34 qui présentait un sondage positif et une inflammation gingivale, les édentements étant compensés par des reconstructions fixées et par une prothèse amovible.

• À l’arcade maxillaire (fig. 1) :

• 18 et 28 absentes ;

• côtés droit et gauche, présence de 2 reconstructions céramo-métalliques importantes constituées par :

– de 12 à 17, un bridge céramo-métallique (CM) de 5 éléments avec pour piliers les 12, 16 et 17 ; 13 et 14 intermédiaires céramo-métalliques ; 15 non remplacée par manque de place ;

– de 21 à 27, bridge céramo-métallique de 6 éléments avec pour piliers les 21 (pulpée), 26 et 27 ;

– 22, 23 et 24, inters céramo-métalliques, espace insuffisant n’autorisant pas le remplacement de la 25 ;

– 16, 17, 26 et 27 : reprises de caries sous les couronnes céramo-métalliques (CCM) ;

– 12 : pilier antérieur du bridge, inadaptation distale de la reconstruction avec des résidus de ciment de scellement au niveau du collet, conséquence, selon la patiente, des rescellements successifs de ce bridge.

– 11 : pulpée, reconstruction céramo-métallique correctement adaptée.

• À l’arcade mandibulaire (fig. 1) :

– 35, 36, 38, 46, 47 et 48 absentes ;

– 42 absente n’entraînant pas de diastème entre 43 et 41 ;

– édentement de classe II div. 1 compensé par une PAPCM de plus de 10 ans ;

– 44 et 45 : reconstructions céramo-métalliques jumelées défectueuses avec une sévère reprise de carie au niveau de 45 (fig. 5) ;

– 31, 32, 41, 43 : indemnes. Abrasion marquée pouvant être liée à un port alterné de la prothèse mandibulaire et à des parafonctions propulsives inhérentes à une prématurité occlusale importante entre 27 et 37 ;

– 33 : reconstruction céramo-métallique dont l’inadaptation cervicale a provoqué le développement d’une carie disto-vestibulaire ;

– 34 : reconstruction corono-radiculaire de type « coping », inflammation des tissus gingivaux périphériques associée à une mobilité radiculaire ;

– 37 : couronne coulée en or correctement adaptée.

Examens radiographiques

Le bilan des radiographies rétro-alvéolaires, réalisé lors de la première séance, mettait en évidence la dégradation de l’état buccodentaire de la patiente.

À noter :

– au maxillaire, les 17, 16, 12, 26 et 27 présentaient des reconstructions corono-radiculaires et des traitements endodontiques défectueux, associés à des reprises carieuses importantes. De plus, les racines de 27 apparaissaient fracturées (fig. 2, 3 et 4) ;

– à la mandibule, 44 et 45 révélaient des traitements endodontiques insuffisants avec une importante carie disto-vestibulaire sur 45 ; 33 présentait une reconstruction céramo-métallique à tenon. Sur 34, présence d’une chape à tenon et épaississement ligamentaire important (fig. 5 et 6).

Examen occlusal

Les rapports occlusaux s’établissaient en OIM avec un décalage avec la RC lié à une interférence entre 27 et 37. En diduction, droite et gauche : fonctions canines avec désocclusion postérieure. En propulsion, les incisives mandibulaires naturelles (au nombre de 3), abrasées, glissaient sans interférence sur les 11 et 21 assurant ainsi une désocclusion postérieure.

Diagnostic

La collecte des données issues de l’observation clinique et les différents examens complémentaires ont conduit à considérer :

– une légère récession gingivale généralisée ;

– un défaut parodontal associé à une mobilité prononcée de 34 qui devra être extraite ;

– des problèmes d’adaptation cervicale des prothèses fixées existantes.

Vu cette situation, il était indispensable de prendre en compte globalement les futurs traitements tant maxillaire que mandibulaire.

Solutions thérapeutiques

Plusieurs solutions thérapeutiques étaient envisageables pour résoudre ce cas clinique. Elles ont été exposées à la patiente avec leurs avantages et leurs inconvénients respectifs pour aboutir à son consentement éclairé.

À l’arcade maxillaire

Première solution : recours aux implants (fig. 7)

– extraction des 17 et 27 suivies de la dépose des couronnes sur 16 et 26 ;

– reprise des traitements endodontiques de 16 et 26 ;

– reconstruction par inlay-cores ;

– confection de deux nouvelles couronnes ;

– réfection d’une couronne céramo-métallique sur la 12 après reprise de traitement canalaire et reconstruction à l’aide d’un inlay-core ; en cas d’échec : remplacement par un implant envisageable ;

– pose de 5 implants pour combler les édentements de 12 à 16 et de 21 à 26.

• Avantages

– esthétique ;

– confort.

• Inconvénients

– chirurgie implantaire (vivement redoutée par la patiente) ;

– durée du traitement ;

– coût financier très élevé.

Deuxième solution : prothèse composite (fig. 8)

Elle se différencie de la première par le mode de restauration des secteurs édentés. Ces derniers seraient compensés à l’aide d’une prothèse amovible partielle à châssis métallique avec attachements extracoronaires assurant rétention et esthétique. Compte tenu de la fragilité radiculaire de la 12, son extraction serait envisagée pour ne faire supporter les attachements antérieurs que par 11 et 21.

• Avantages

– esthétique ;

– traitement réversible.

• Inconvénients

– un confort réduit par rapport à la première solution ;

– durée du traitement ;

– coût financier élevé du fait de la nécessité de la réalisation des prothèses fixées plurales pour supporter les attachements.

Troisième solution : prothèse amovible sans recours à des attachements (fig. 9)

Elle ne se différencie de la deuxième que par le mode de restauration des secteurs édentés. Ces derniers seraient compensés par une prothèse amovible partielle à châssis métallique conventionnelle associée à des couronnes fraisées sur 16 et 26. Compte tenu de la fragilité radiculaire de la 12, son extraction serait envisagée pour ne faire participer que 11 et 21 à la stabilisation et à la rétention antérieure.

• Avantages

– traitement moins long ;

– traitement réversible ;

– coût financier moindre.

• Inconvénients

– moins de confort ;

– visibilité des crochets sur 16 et 26 rendant discutable la réalisation de CCM sur ces deux dents ;

– stabilisation et rétention plus problématiques sur les 11 et 21.

À l’arcade mandibulaire

Première solution : recours aux implants (fig. 10)

– extractions des 34 et 45, dépose de la couronne sur 44 ;

– reprise du traitement endodontique de 44 et reconstruction par inlay-core, puis confection d’une nouvelle couronne céramo-métallique ;

– dépose de la couronne sur 33 et réfection d’une nouvelle couronne céramo-métallique, après reprise endodontique et reconstruction à l’aide d’un inlay-core ;

– pose de 6 implants pour combler les édentements de 44 à 47 et de 33 à 37.

• Avantages

– esthétique ;

– confort.

• Inconvénients

– chirurgie implantaire (vivement redoutée par la patiente) ;

– durée du traitement ;

– coût financier très élevé.

Deuxième solution : prothèse composite (fig. 11)

Elle se différencie de la première par le mode de restauration des secteurs édentés. Ces derniers seraient compensés par une prothèse amovible partielle à châssis métallique avec attachements extracoronaires. Cette solution imposerait la construction d’un bridge céramo-métallique de 44 à 33 pour améliorer le guidage antérieur.

• Avantages

– esthétique ;

– traitement réversible.

• Inconvénients

– moins de confort par rapport à la première solution ;

– durée du traitement ;

– coût financier plus élevé.

Troisième solution : prothèse composite sans recours aux attachements (fig. 12)

Là encore, elle se différencie de la deuxième par le mode de restauration des secteurs édentés. Ces derniers seraient compensés à l’aide d’une prothèse amovible partielle à châssis métallique conventionnelle associée à des couronnes fraisées sur 44 et 33.

• Avantages

– traitement moins long ;

– traitement réversible ;

– coût financier plus faible.

• Inconvénients

– moins de confort ;

– visibilité des crochets.

Décision thérapeutique

Après avoir explicité les différentes solutions envisageables, un temps de réflexion a été proposé à la patiente pour prendre sa décision. Consciente de la nécessité de remplacer le bridge maxillaire, son choix, quelques jours plus tard, a été d’opter tant au maxillaire qu’à la mandibule, pour les traitements par prothèses conventionnelles (fig. 9 et 12). Cependant, elle a souhaité pour des raisons personnelles, dans un premier temps, limiter le traitement à la seule réfection mandibulaire et a proposé de prendre le risque de faire resceller le bridge maxillaire dans l’éventualité d’une nouvelle chute !

Dans l’impossibilité de concevoir, dans un même temps, les restaurations maxillaires et mandibulaires d’une part et d’autre part dans l’obligation de limiter la réfection à la seule mandibule, il a été proposé de diviser en deux étapes le principe initial de réfection globale pour satisfaire la patiente. Elle a ainsi trouvé une réponse à son motif de consultation : refaire, dans un premier temps, uniquement la PAPCM mandibulaire, classiquement, avec deux nouvelles couronnes céramo-métalliques sur 44 et 33. Elle a toutefois été informée que cette alternative imposerait la réfection du montage des dents artificielles mandibulaires de cette nouvelle PAPCM lors du traitement maxillaire.

Après élimination de la prématurité 27/37, aux dépens de la 27 (extraite dans la seconde séquence du traitement), le plan occlusal maxillaire a pu être conservé tel quel dans la mesure où son orientation s’est révélée globalement satisfaisante.

Séquences de traitement

1re séquence : réfection de la PAPCM mandibulaire

Phases préprothétiques

• Première étape

Elle a consisté à pratiquer un assainissement parodontal grâce à un détartrage et l’extraction de 34 dont l’extrême mobilité était associée à un foyer infectieux (fig. 6). L’examen clinique et radiographique a conduit à l’indication de l’extraction de 45 après désolidarisation de la 44. La PAPCM existante a été modifiée en conséquence.

• Deuxième étape

La dépose de l’ancienne CCM sur 44 n’a pas posé de problème, ce qui a permis la reprise de son traitement canalaire, puis la confection d’un inlay-core simple et d’une dent provisoire en résine.

• Troisième étape

Le même type de schéma thérapeutique a été appliqué à 33 : dépose de l’ancienne couronne, reprise du traitement endodontique, puis réalisation d’un inlay-core simple pour CCM et d’une dent provisoire en résine.

Phases prothétiques

• Première étape : réalisation des CCM sur 33 et 44

L’empreinte des 33 et 44 préparées a été prise (wash technique – Président Putty-soft fast + Affinis Precious® regular body de Coltène Whaledent) Elle a permis la confection de CCM fraisées avec appuis mésiaux pour taquets occlusaux. Après essais des armatures, des biscuits et des glaçages, ces restaurations ont été scellées avec un ciment à l’oxyphosphate de zinc (fig. 13).

• Deuxième étape : réalisation du châssis de la PAPCM mandibulaire

Une empreinte à l’alginate coulée en plâtre a permis l’élaboration du châssis métallique mandibulaire selon un tracé fourni en respect des conceptions actuelles [1-8]. Son élaboration était simple ; il reposait sur la réalisation d’un bandeau métallique plein dans le secteur rétro-incisif, associé à deux crochets Nally-Martinet sur 33 et 44 et un crochet d’Ackers sur la 37 (fig. 14).

Ce châssis coulé en alliage CoCr Character Superior® a été essayé nu pour contrôler son insertion, son adaptation et l’absence de perturbation occlusale au niveau des appuis occlusaux mésiaux sur 33 et 44 [9, 10].

• Troisième étape : prise en compte de la dualité tissulaire

Pour tenir compte de la dualité tissulaire de cette classe II div.1 mandibulaire, une empreinte sectorielle dissociée du côté droit a été réalisée avec une pâte à l’oxyde de zinc eugénol ZOE (fig. 15).

• Quatrième étape : finition et pose de la PAPCM mandibulaire

Le rapport mandibulo-maxillaire a ensuite été enregistré pour permettre la confection du montage qui, après validation en bouche, a été polymérisé. La prothèse mandibulaire a été délivrée à la patiente, très satisfaite par la durée limitée des séances de réglages (fig. 16 et 17).

2e séquence : réfection maxillaire

Trois mois plus tard, la patiente a sollicité en urgence un nouveau rendez-vous. Il s’agissait cette fois de « resceller » une partie du bridge maxillaire du côté droit (fig. 18).

L’examen clinique a révélé une fracture radiculaire de la 12 avec suppuration. Le diagnostic a été validé par l’examen radiographique (fig. 19) avec pour conséquence immédiate, l’impossibilité de resceller le bridge et l’obligation d’extraire la racine. Après un instant de stupeur, la patiente a dû accepter l’avulsion. Le préjudice esthétique a été compensé rapidement par la confection d’une prothèse amovible en résine qui constituera une prothèse de transition et un guide pour le futur montage [2, 3] (fig. 20).

Phases préprothétiques de la prothèse maxillaire

• Première étape

Une radiographie panoramique (fig. 21) a confirmé, pour la patiente, la nécessité d’une réfection globale de l’arcade maxillaire avec une modification, prévue 3 mois plutôt, du montage mandibulaire. Après une nouvelle concertation avec la patiente le plan de traitement retenu pour le maxillaire a été le suivant (troisième solution maxillaire – fig. 9) :

– dépose du bridge CM gauche, modification de la prothèse transitoire confectionnée après l’extraction de la 12 ;

– extractions des 17 et 27 ;

– reprise des traitements endodontiques de 16 et 26 ;

– reconstruction de ces deux molaires à l’aide d’inlay-cores à verrou pour couronnes coulées fraisées ;

– réalisation d’une prothèse partielle à châssis métallique maxillaire avec réfection du montage des dents artificielles mandibulaires.

La dépose de la couronne sur 17 a mis en évidence l’obligation d’extraire cette dent. En revanche, la 16, après retraitement endodontique, pouvait être restaurée par une reconstitution corono-radiculaire de type inlay-core sur laquelle viendrait s’agréger une couronne coulée métallique (fig. 22, 23 et 24).

Suite à la dépose du bridge latéral gauche et de la modification de la prothèse transitoire (fig. 25 et 26), 27 a été extraite et 26 après un retraitement endo-canalaire a été reconstituée à l’aide d’un inlay-core à verrou support d’une future couronne coulée métallique (fig. 27 et 28).

Phases prothétiques

• Deuxième étape : réalisation des couronnes coulées sur 16 et 26

La prise d’empreinte de 16 et 26 (wash technique – Président Putty-soft fast + Affinis Precious® regular body de Coltène Whaledent) autorise la réalisation des deux couronnes fraisées avec deux appuis pour taquets occlusaux en position mésiale et distale (fig. 29, 30 et 31). Ces deux couronnes ont été conçues selon une courbe occlusale idéale, à respecter ultérieuremnt par un nouveau montage de dents mandibulaires. Les deux couronnes essayées, contrôlées ont été scellées à l’aide d’un ciment oxyphosphate de zinc (SS White®). Un apport de résine chémopolymérisable au niveau de la 46, compte tenu de la nouvelle orientation du plan maxillaire, a permis de stabiliser le rapport avec la 16 en RC.

• Troisième étape : réalisation du châssis maxillaire

Une nouvelle empreinte à l’alginate de l’arcade maxillaire a permis la réalisation d’un moulage en plâtre et de sa réplique en matériau réfractaire. Compte tenu d’une denture limitée à quatre dents résiduelles au maxillaire et de façon à éviter dans le temps une diapneusie, le décolletage palatin a été supprimé sur ces 4 dents [11-13]. De plus, comme il a semblé important de les faire travailler en synergie sur le plan occlusal, des contre-plaques occlusales ont été réalisées sur les deux incisives. Ce modèle réfractaire maxillaire a été ensuite monté en articulateur de façon à élaborer la cire du châssis métallique au niveau rétro-incisif. L’extrados des contre-plaques devant assurer le guidage en propulsion a été contrôlé avant la coulée en alliage cobalt-chrome Character Superior® (fig. 32 à 33). Ainsi, l’obtention d’un châssis métallique symétrique et compact, les deux crochets à action postérieure sur 16 et 26 ayant pour réciprocité des ailettes distales positionnées sur 11 et 21 assurent la stabilisation et la rétention par friction [11].

Outre leur rôle de guidage en propulsion, les contre-plaques palatines favorisent la sustentation antérieure de la prothèse en réciprocité avec les appuis occlusaux postérieurs sur 16 et 26. Une augmentation de 6/10e de mm de la DVO nécessaire à l’interposition des contre-plaques n’a posé aucun problème dans la mesure où le montage mandibulaire postérieur devait être refait. La faible épaisseur des contre-plaques a été rendue possible par l’utilisation de l’alliage Character Superior® dont la composition et les caractéristiques physiques sont présentées dans les tableaux I et II.

L’essayage du châssis maxillaire nu (fig. 34) a permis de vérifier : son insertion, son adaptation aux structures résiduelles et le rôle occlusal des contre-plaques palatines sur 11 et 21 et des ailettes rétentives (fig. 35, 36 et 37).

• Quatrième étape : élaboration du montage maxillaire et réfection du montage mandibulaire

L’enregistrement buccal du rapport mandibulo-maxillaire en relation centrée, du châssis maxillaire muni de bases en résine et de bourrelets en stens et de l’arcade mandibulaire, s’est effectué à l’aide d’un silicone chargé à prise rapide selon un protocole précédemment décrit [16, 17] (Jet blue bite Super fast® de Coltène Whaledent) (fig. 38).

Toutes les extensions entre les dents ou dans les zones de contre-dépouilles ont été soigneusement et systématiquement éliminées avec une lame de bistouri ou avec une fraise à résine très coupante pour permettre une mise en place parfaite des clés sur les moulages en plâtre [16, 17]. Dans ce cas, il s’agissait du transfert sur articulateur du moulage maxillaire avec le châssis et d’un moulage mandibulaire avec la prothèse mandibulaire obtenu par une empreinte globale à l’alginate qui a emporté la prothèse (fig. 39).

Un nouveau montage maxillaire a été confectionné imposant, comme prévu, une correction du montage mandibulaire (fig. 40). En diduction, les guidages ont été établis en fonction de groupe s’établissant sur les dents artificielles postérieures ; en propulsion, les guidages sur dents naturelles assuraient une désocclusion postérieure en fin de mouvement.

Après des essais cliniques sur les plans fonctionnels et esthétiques, ces montages ont été validés (fig. 41).

• Cinquième étape : insertion des prothèses

Après polymérisation et finition, d’éventuelles imperfections de la résine ont été recherchées grâce au passage d’un rouleau de coton salivaire dans l’intrados et sur l’extrados des prothèses [5]. Celles-ci ont ensuite été insérées, les rapports occlusaux contrôlés en relation centrée, en latéralités et en propulsion (fig. 42, 43 et 44). Le résultat esthétique a été validé par la patiente qui nous avait fourni, pour le montage antéro-supérieur, une photographie prise une quarantaine d’années plus tôt (fig. 45 et 46). Les deux sourires ont pu être comparés favorablement.

Après les premiers réglages et contrôles d’usage, un feuillet concernant les conseils d’utilisation et l’hygiène des prothèses a été remis à la patiente ainsi que le planning des rendez-vous de contrôle.

Phases postprothétiques

• Contrôle à 6 mois

Fidèle aux recommandations prescrites, la patiente a sollicité un rendez-vous de contrôle. D’emblée, les prothèses sont apparues, dans l’ensemble, propres en dépit d’un léger dépôt de plaque dentaire sur les extrados. Cette situation a imposé de remotiver la patiente à brosser l’extrados et l’intrados de ses prothèses. Durant le détartrage buccal, les prothèses ont été immergées dans une solution désinfectante dans un bac à ultrasons pendant 15 minutes. Enfin, le contrôle occlusal a mis en évidence des contacts légèrement plus intenses aux niveaux de 45 et 46, nécessitant une correction. Un nouveau rendez-vous a été fixé à 6 mois.

Conclusion

Ce cas clinique met en évidence les contraintes journalières auxquelles le praticien doit faire face en tant que professionnel de santé. Même si les patients ne sont pas toujours disposés à accepter d’emblée un plan de traitement global pour des raisons diverses et respectables, il convient d’en conserver la chronologie. Ainsi, les premières étapes, même réalisées partiellement, n’obéreront pas la suite du rétablissement global, but ultime de tout traitement prothétique.

Remerciements au laboratoire de prothèse Grall de Brest pour l’élaboration des châssis métalliques.

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