L’empreinte composée partielle - Cahiers de Prothèse n° 151 du 01/09/2010
 

Les cahiers de prothèse n° 151 du 01/09/2010

 

Prothèse amovible partielle

Leila Fajri*   Faiza Benfdil**   Amal Sefrioui***   Nadia Merzouk****   Ahmed Abdedine*****  


*DrCD, Spécialiste en prothèse adjointe
Faculté de médecine dentaire

Avenue Allal El Fassi
Rue Mohammed Jazouli
Madinat Al Irfane
BP 6212
Rabat-Instituts, Maroc
**Professeur agrégée en prothèse adjointe
***Professeur assistante en prothèse adjointe
****Professeur de l’enseignement supérieur en prothèse adjointe
*****Professeur de l’enseignement supérieur en prothèse adjointe et en occlusodontie, Chef de service de prothèse adjointe
Faculté de médecine dentaire, Rabat

Résumé

Les empreintes secondaires constituent une séquence essentielle dans la réalisation d’une prothèse amovible partielle. La problématique de l’édentement partiel, et plus particulièrement des édentements terminaux mandibulaires, est surtout représentée par la difficulté de gestion de la différence de dépressibilité tissulaire. Plusieurs techniques sont décrites dans la littérature pour ces situations cliniques. Cet article aborde les différentes étapes de la technique d’empreinte composée partielle. La dissociation de l’enregistrement des crêtes par rapport à celui de l’appui dento-parodontal permet de mieux appréhender la dualité tissulaire et contribue à une meilleure intégration de la prothèse.

Summary

Altered cast impression technique : step-by-step clinical process

The impression is a keypoint of the process in the realization of a partial removable prosthesis. The problem with mandibular distal edentulism lies in the management of the various physiological behaviours of the support’s structures and of the difference of the tissue depressibility. Several techniques regarding that type of clinical situation are set out in the literature. This article describes step by step the altered cast impression technique which enables to understand the tissue duality and contributes to a better integration of the prosthesis.

Key words

altered cast impression, impression, mandibular distal edentulism, tissue duality

En prothèse partielle amovible, la différence de dépressibilité tissulaire entre les surfaces d’appui dento-parodontales (0,1 mm) et ostéo-muqueuses (1 à 4 mm) influe considérablement sur l’équilibre prothétique. Le problème est accru pour les édentements terminaux et notamment mandibulaires, la surface d’appui ostéo-muqueuse étant réduite par rapport au maxillaire. Cette notion de dualité tissulaire, qui est à prendre en considération, intervient durant les différentes phases cliniques de traitement. Elle est évaluée dès l’examen clinique par l’appréciation de l’étendue de l’édentement, la qualité des structures ostéo-muqueuses, le degré de résorption, la présence d’éléments périphériques déstabilisants (freins, ligaments, brides) et sa gestion se fait essentiellement au stade des empreintes par la maîtrise des techniques employées et du facteur occlusal [1-4].

L’empreinte composée partielle est une technique qui, par la dissociation de l’enregistrement des crêtes et de l’appui dento-parodontal, permet de mieux appréhender la différence de dépressibilité tissulaire et d’assurer un enregistrement physiologique de la surface d’appui avec une répartition optimale des charges.

Ainsi, le respect de l’intégrité tissulaire conduit à un enregistrement du rapport mandibulo-maxillaire fiable et à une stabilité occlusale [5].

Cette technique est essentiellement indiquée à la mandibule dans les cas d’édentements de classe I et II de Kennedy-Applegate de petite, moyenne étendue, sous condition de repositionner avec précision le châssis sur son moulage [6-8].

Cet article décrit les étapes de l’empreinte composée partielle dans deux cas d’édentement mandibulaire de classe I et de classe II de Kennedy-Appelgate. Dans les deux cas proposés, l’anamnèse révèle des doléances relatives à l’instabilité des anciennes prothèses.

Description de la technique d’empreinte

Il s’agit d’une technique qui dissocie l’empreinte des dents de celle des crêtes en exploitant le châssis métallique en tant que porte-empreinte individuel. En fonction du type d’édentement, une ou deux selles en résine lui sont adjointes dans le secteur postérieur. Elle peut s’effectuer sous pression digitale ou sous pression occlusale.

Le fractionnement permet de mettre en place le nouveau moulage anatomo-fonctionnel des crêtes.

Avantages

Cette technique présente l’avantage par rapport à l’empreinte globale :

– de respecter le jeu fonctionnel des structures paraprothétiques en raison du moindre encombrement des selles du châssis et, par conséquent, de permettre un enregistrement physiologique ;

– de ne pas engendrer de déformations à la désinsertion de l’empreinte ;

– d’enregistrer les tissus dans des conditions fonctionnelles proches de celles qu’ils rencontreront sous les selles prothétiques grâce aux selles porte-empreintes solidaires du châssis ;

– de mieux appréhender la dualité tissulaire grâce à la dissociation de l’enregistrement des structures d’appui ;

– de réaliser l’enregistrement de l’occlusion lorsque la situation clinique le permet [9].

Inconvénients

Cette technique reste délicate et peut engendrer :

– une compression exagérée sur les structures fibromuqueuses si la pression occlusale ou digitale est excessive ;

– une imprécision inhérente au mauvais repositionnement du châssis sur le modèle fractionné.

Enfin, elle nécessite une séance clinique supplémentaire et requiert une bonne coordination avec le prothésiste qui doit maîtriser les étapes de laboratoire.

Séquences de réalisation

Cas n° 1 : empreinte composée partielle sous pression digitale

Ce cas portait sur un édentement bilatéral distal avec persistance des dents de 33 à 44.

Empreinte globale à l’alginate à l’aide d’un porte-empreinte de série

L’empreinte devait enregistrer de manière précise les structures dentaires incluant les préparations destinées à recevoir les taquets ainsi que les crêtes et le fond du vestibule (fig. 1).

Réalisation du châssis métallique et des selles porte-empreintes

Le châssis a été réalisé sur le moulage issu de cette empreinte à l’alginate. L’absence de la 34 compromettant la stabilité du châssis métallique en bouche et sur le moulage, ce dernier a donc été conçu avec des griffes de positionnement ou ergots provisoires s’appuyant sur les bords incisifs (fig. 2) pour optimiser la stabilité du châssis aussi bien sur le support dentaire (lors de l’empreinte des secteurs édentés) que sur le moulage fractionné [10, 11].

Dans un premier temps, une épaisseur de cire a été déposée sous les selles du châssis, ce dernier étant en contact intime avec ses appuis. La partie externe des selles grillagées du châssis a également été recouverte de cire et isolée (vaseline), puis des selles porte-empreintes en résine ont été confectionnées au-dessus. Celles-ci étaient démontables ; leur contour tenait compte des insertions musculaires ainsi que des freins et les bourrelets qui les surmontaient préfiguraient les remparts alvéolo-dentaires (fig. 3).

Ces selles porte-empreintes n’ont été solidarisées aux selles grillagées du châssis qu’une fois l’essayage de ce dernier effectué à nu.

Vérification de l’adaptation du châssis métallique en bouche (fig. 4)

Le châssis devait être parfaitement adapté au niveau des appuis et des crochets tout en respectant les principes classiques de décolletage et de décharge au niveau des selles. La présence des griffes de stabilisation ne permettant pas de contrôler, à ce stade, l’occlusion avec le châssis ni d’enregistrer l’occlusion en même temps que l’empreinte, celle-ci a été effectuée sous contrôle digital. Le réglage de l’occlusion et l’enregistrement des rapports mandibulo-maxillaires ont été effectués lors d’une séance ultérieure, une fois le modèle définitif obtenu.

Solidarisation des selles porte-empreintes au châssis

La cire, préalablement disposée sur et sous les selles grillagées du châssis, a été supprimée, puis remplacée par de la résine pour permettre la solidarisation des selles porte-empreintes au châssis. À ce stade, il a fallu s’assurer que le châssis était bien à fond sur ses appuis et parfaitement adapté sur le moulage (fig. 5 et 6). Une zone de décharge de 2 à 3/10 mm au sommet de la crête aurait pu se justifier si la fibromuqueuse, non adhérente au support osseux, présentait des risques de déplacement pendant l’empreinte préliminaire.

Enregistrement du joint périphérique : le remarginage

Les éventuelles zones de compression et surextension ont d’abord été corrigées après réalisation par le patient des mouvements fonctionnels. Ensuite, le remarginage dynamique des selles porte-empreintes a été effectué côté par côté à l’aide d’une pâte thermoplastique type pâte de Kerr® verte (fig. 7 et 8).

D’autres matériaux pouvaient également être employés tels les polyéthers (Impregum®, 3M Espe), diméthypolysiloxane de moyenne viscosité (type Xanthopren® vert de Bayer ou Permadyne® orange de 3M Espe) [12, 13].

Empreinte de stabilisation (fig. 9)

Elle pouvait être réalisée à l’aide d’un polysulfure (type Permlastic® regular, Kerr) ou d’une pâte oxyde de zinc type Impression Paste® (SS White). Le châssis était maintenu au niveau des taquets et des griffes pendant que le patient exécutait les mouvements fonctionnels. Le praticien n’exerçait alors de pression que sur les seuls éléments de stabilisation du châssis qui devaient établir un contact intime avec les surfaces dentaires.

Préparation du moulage corrigé

Avant de couler l’empreinte, les secteurs édentés du moulage, ayant servi à l’élaboration du châssis, ont été supprimés ; le trait de scie devait être placé en regard de la limite antérieure de la crête (fig. 10). Ainsi, le moulage a été découpé autorisant une remise en place du châssis sans interférences et des rétentions sous forme d’alvéoles ont été réalisées, à l’aide d’une fraise, au niveau des zones de section pour optimiser le lien entre ce dernier et le plâtre coulé pour reconstituer les secteurs édentés. Le repositionnement du châssis sur le moulage étant une étape cruciale, aucun jeu n’a été toléré et une stabilité maximale a été requise, d’où l’intérêt des griffes de stabilisation (fig. 11). L’intimité de contact du châssis avec le moulage a été vérifiée. Il a ensuite été fixé à la cire collante pour éviter tout déplacement lors de la coulée, puis le coffrage de l’empreinte a été effectué de manière conventionnelle [14] (fig. 12).

Après la coulée du moulage, les griffes ont été supprimées. Le châssis a été inséré en bouche pour contrôler l’occlusion et enregistrer le rapport mandibulo-maxillaire.

Cas n° 2 : empreinte composée partielle sous pression occlusale

Ce deuxième cas concernait un édentement unilatéral distal de faible étendue. Les étapes d’empreinte primaire, d’élaboration du châssis et de réalisation des selles porte-empreintes étaient identiques à celles décrites pour le premier cas, avec comme variante l’enregistrement de l’occlusion en même temps que l’empreinte, ce qui a permis de transférer les moulages sur articulateur à l’issue de cette seule séquence clinique.

Après essayage du châssis nu et élimination de toute interférence occlusale, la selle porte-empreinte surmontée d’un bourrelet de Stent’s a été réalisée et d’emblée solidarisée à la selle du châssis (la situation de ses bords ainsi que les éventuelles compressions ont été corrigées par meulage).

Le bourrelet a été réglé en sous-occlusion ; deux épaisseurs d’Aluwax® (Dentsply De Trey) ont été appliquées et collées sur le bourrelet, puis les rapports mandibulo-maxillaires ont été enregistrés. L’édentement, étant unilatéral et de faible étendue, associé à une fibromuqueuse ferme et adhérente à l’os sous-jacent, il n’a pas été nécessaire de réaliser une empreinte de stabilisation avant l’enregistrement des RMM [6].

Le remarginage a été effectué, suivi de l’empreinte de surfaçage avec un matériau de moyenne viscosité (pâte eugénol-oxyde de zinc ou élastomère de moyenne viscosité). Ces deux phases ont été réalisées sous pression occlusale et le patient a été invité à effectuer des mouvements fonctionnels (fig. 13).

Le châssis a été repositionné sur le moulage découpé. L’empreinte a été coffrée, puis coulée (fig. 14 et 15). Après taille du moulage et avant désinsertion du châssis, il était aisé de procéder au transfert sur articulateur pour effectuer les étapes suivantes comprenant le montage des dents prothétiques, la polymérisation, etc.

La non-coïncidence de l’occlusion sur articulateur avec celle repérée en bouche aurait signalé que le châssis avait bougé lors de la prise d’empreinte ou lors de sa mise en place sur le moulage. La reprise de l’empreinte et la réalisation d’un nouveau moulage corrigé se seraient alors imposées [11, 14].

Conclusion

La technique d’empreinte composée partielle assure une meilleure intégration prothétique. La différence de dépressibilité tissulaire est mieux appréhendée et l’enregistrement de l’occlusion (lorsque cela est possible) simultanément à la prise d’empreinte permet en plus un gain de temps appréciable [14, 15].

Toutefois, cette technique reste délicate et n’autorise aucune erreur de repositionnement du châssis sur le moulage fractionné, ce qui exige la présence de suffisamment d’éléments de stabilisation (taquets occlusaux, ergots provisoires).

La qualité de l’empreinte reste tributaire du choix approprié de la technique en fonction du contexte clinique et de l’expérience du praticien.

  • 1 Fleit DB. The altered cast impression technique revisited. L Am Dent Ass 1999; 130: 1476-1481.
  • 2 Borel JC, Schittly J, Exbrayat J. Manuel de prothèse amovible. Paris : Éditions Masson, 1994.
  • 3 Batarec E, Buch D. Abrégé de prothèse adjointe partielle. Paris : Éditions Masson, 1989.
  • 4 Grimonster J, Vanzeveren C, Brabant A, Honorez P. Prothèse amovible partielle : plan de traitement et empreintes. Encycl Med Chir 1991; 23-310-E-10: 10p.
  • 5 Schittly J, Schittly E. Prothèse amovible partielle. Clinique et laboratoire. Rueil-Malmaison : Éditions CdP, 2006.
  • 6 Santoni P. Maîtriser la prothèse amovible partielle. Rueil-Malmaison : Éditions CdP, 2004.
  • 7 Merzouk N, Berrada S, Benfdil F, Abdedine A. Critères de choix des matériaux et techniques d’empreintes en prothèse amovible partielle. Act Odonto Stomatol 2008; 243: 265-275.
  • 8 Leupold RJ, Flinton RJ, Pfeifer Dl. Comparison of vertical movement occurring during loading of distal-extension removable partial denture bases made by three impression techniques. J Prosthet Dent 1992; 68(2): 290-293.
  • 9 Begin M, Hurtado S. Les empreintes en prothèse amovible partielle. Synergie Prothet 2000; 2(1): 5-19.
  • 10 Decup F, Hutin de Swardt I, Renault P, Begin M. Les empreintes en prothèse amovible partielle. Réal Clin 1995; 6(4): 431-445.
  • 11 Duplantier D, Moulin P. Optimisation des empreintes dans les cas d’édentements postérieurs mandibulaires. Cah Prothèse 2005; 131: 35-41.
  • 12 Degrange M. Structure, propriétés des élastomères et précision des empreintes. Act Odonto Stomatol 1995; 191: 369-385.
  • 13 Serre D, Pouyssegur V. Matériaux à empreinte. Encycl Med Chir 1998; 23-064-A-10: 1-27.
  • 14 Walton J. Le modèle corrigé. Clinic 1993; 6: 465-468.
  • 15 Joullié K, Nublat C, Margerit J. Conception des châssis pour prévenir les mouvements de bascule des prothèses amovibles partielles. Cah Prothèse 2003; 121: 65-73.