Le consentement libre et éclairé du patient : une étape clé de la restauration prothétique - Cahiers de Prothèse n° 164 du 01/12/2013
 

Les cahiers de prothèse n° 164 du 01/12/2013

 

Pluridisciplinaire

Pauline Deweerdt*   Alessandra Blaizot**   Céline Catteau***   Grégoire Mayer****  


*AHU
Département de santé publique
**Université Lille 2
Faculté de chirurgie dentaire
place de Verdun
59000 Lille
***AHU
Département de santé publique
****Université Lille 2
Faculté de chirurgie dentaire
place de Verdun
59000 Lille
*****MCU-PH
Département de santé publique
******Université Lille 2
Faculté de chirurgie dentaire
place de Verdun
59000 Lille
*******MCU-PH
Département de prothèse
********Université Lille 2
Faculté de chirurgie dentaire
place de Verdun
59000 Lille

Résumé

La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a largement contribué à l’évolution récente de la relation patient-praticien en affirmant la participation du patient à la décision médicale. Aucun acte ne peut être réalisé sans le consentement libre et éclairé du patient, traduisant l’accord entre celui-ci et le praticien sur les objectifs et les conditions de cet acte. Le recueil du consentement implique qu’au préalable, une information de qualité ait été délivrée au patient. Après avoir rappelé les principes généraux de la notion de consentement, cet article se propose de répondre aux questions suivantes : qui est en droit d’informer ? Qui le praticien doit-il informer ? Quel est le contenu de l’information à délivrer au patient auquel une restauration prothétique est proposée ? Quelles sont les modalités de délivrance de l’information ? Quelles sanctions le praticien encourt-il actuellement en matière de défaut d’information ?

Summary

In France, the Kouchner law on the patients’rights and the quality of health care has contributed to the recent evolution of the patient-practitioner relationship claiming patient participation in medical decisions. Each care has to be achieved with free and informed consent of the patient, reflecting the agreement between him and the practitioner on the objectives and requirements of this care. Obtaining consent implies that quality information has previously been delivered to the patient. After outlining the general principles of the concept of consent, this article seeks to answer the following questions : Who is entitled to inform ? Who should be informed by the practitioner ? What is the content of the information that should be delivered to a patient requiring a prosthetic rehabilitation ? How should the practitioner deliver the information ? What are the sanctions for lack of information ?

La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé [1] a largement contribué à l’évolution récente de la relation patient-praticien en affirmant la participation du patient à la décision médicale. Autrefois de type paternaliste, la relation patient-praticien laisse aujourd’hui une place plus grande à l’autonomie du patient face au corps médical. Le chirurgien-dentiste ne décide plus seul de ce qui est bon pour le patient et celui-ci, désormais informé et conseillé, devient un partenaire à part entière de la relation de soins et, ainsi, un acteur de sa propre santé.

Le rôle accru du patient dans les décisions médicales qui le concernent ne peut se concevoir sans laisser une large place à son information préalable, à l’expression et au respect de sa volonté [2]. Ces aspects prennent une dimension toute particulière lorsqu’il s’agit de restauration prothétique. Les solutions thérapeutiques en matière prothétique face à une même situation clinique sont nombreuses en raison de l’évolution constante des techniques et leur mise en œuvre peut nécessiter la participation de plusieurs praticiens (orthodontiste, parodontiste, implantologiste…). De plus, la nature des actes réalisés (actes non remboursables, hors nomenclature, avec dépassement d’honoraires) confère un caractère onéreux à la restauration prothétique ce qui a pour conséquence d’élever, de façon consciente ou non, les attentes du patient, que celles-ci soient fonctionnelles et/ou esthétiques. Le praticien n’est pas à l’abri d’une action intentée devant les tribunaux ou le Conseil de l’Ordre par un patient insatisfait. Selon le rapport d’activité sur le risque des professionnels de santé établi par la MACSF [3], le nombre de sinistres déclarés par les chirurgiens-dentistes sociétaires a augmenté de 20,4 % entre 2010 et 2011. Parmi les sinistres déclarés en 2011, 62,8 % concernaient des actes de restauration prothétique ou implantaire (tableau I). L’étude des décisions de justice montre que les litiges surviennent volontiers lorsque la relation de confiance entre le patient et le praticien est dégradée en raison notamment de l’insatisfaction du patient au regard d’un traitement qu’il juge onéreux et pour lequel il s’estime en droit d’attendre un meilleur résultat [4]. Pour prévenir ces litiges, il est essentiel que le praticien veille à la qualité du dialogue qu’il instaure avec son patient et soit attentif à l’obligation d’information à laquelle il est tenu [5]. La loi du 4 mars 2002 présente l’avantage de fixer un cadre légal à ce qui doit être dit au patient mais sa mise en pratique est loin d’être aisée pour le praticien [2].

Après avoir rappelé les principes généraux de la notion de consentement, cet article se propose de répondre à la question de l’information du patient auquel une restauration prothétique est proposée et envisage les sanctions encourues actuellement en matière de défaut d’information.

Les principes généraux de la notion de consentement

Le consentement : une notion à rattacher au concept de contrat de soins

Le concept de contrat de soins dans lequel prend forme la relation patient-praticien est né de l’arrêt Mercier du 20 mai 1936 : « Il se forme entre le médecin et son client un véritable contrat comportant, pour le praticien, l’engagement sinon bien évidemment de guérir le malade, du moins de lui donner des soins, non pas quelconques, mais consciencieux, attentifs et, réserve faite de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science ; la violation, même involontaire, de cette obligation contractuelle est sanctionnée par une responsabilité de même nature, également contractuelle. » Il a fallu attendre le 14 mars 1967 pour que soit défini, par un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation, le contrat de soins en matière de chirurgie dentaire [6].

Le contrat de soins qui lie le patient et le praticien libéral est un contrat civil défini comme une convention de laquelle naissent des obligations réciproques (article 1101 du Code civil [7]) dont celle, pour le praticien, d’informer le patient. Il est également dit consensuel et tacite puisqu’il impose l’échange des consentements entre le patient et le praticien, cet échange se faisant le plus souvent de manière implicite [6].

Le consentement à l’acte de soins

La notion de consentement, faisant référence à l’accord tacite qui s’établit entre le patient et le praticien lorsqu’ils acceptent mutuellement de s’engager dans une relation de soins, doit être différenciée de celle du consentement à l’acte de soins, appelé aussi assentiment. C’est à ce dernier que le praticien doit donner une place dans sa pratique quotidienne pour reconnaître l’autonomie du patient. En effet, si le patient consent à être pris en charge par le praticien qu’il consulte, ce n’est pas pour autant qu’il acceptera chaque traitement qui lui est proposé. Le consentement à l’acte de soins traduit l’accord entre le patient et le praticien sur les objectifs et les conditions d’un acte de soins et doit donc être recherché avant la réalisation de chaque acte. Dans le cadre d’une restauration prothétique, cette recherche est faite à chacune des étapes prothétiques (fig. 1). Par ailleurs, la loi du 4 mars 2002 prévoit que le patient puisse retirer son consentement à tout moment (article L. 1111-4) (fig. 2). Un patient qui accepte un traitement prothétique peut donc, en vertu de ce principe, le refuser ou l’interrompre par la suite.

La préservation de l’intégrité du corps humain est un principe fondamental du Code civil auquel il ne peut être dérogé qu’en cas de nécessité médicale et à la condition indispensable du recueil du consentement de l’intéressé (article 16-3 du Code civil [7]). La loi du 4 mars 2002 précise qu’aucun acte médical ni aucun traitement ne peuvent être pratiqués sans le consentement libre et éclairé de la personne (article L. 1111-4) (fig. 2) ce qui signifie, en d’autres termes, que le consentement ne doit pas avoir été obtenu sous la contrainte et que toute l’information nécessaire à la prise de décision doit avoir été délivrée préalablement au patient.

L’information : un préalable indispensable au consentement de qualité

Le principe selon lequel l’information est une condition préalable au consentement est aujourd’hui clairement affiché dans le Code de la santé publique [8] alors qu’il n’était, avant 2002, que sous-entendu dans le Code de déontologie des chirurgiens-dentistes [10] (article 27 repris dans l’article R. 4127-233 du Code de la santé publique) stipulant que « le chirurgien-dentiste qui a accepté de donner des soins à un patient s’oblige à donner des soins éclairés et conformes aux données acquises de la science » [11].

Face à ce devoir d’information, il convient de répondre aux questions suivantes : qui est en droit d’informer ? Qui le praticien doit-il informer ? Quel est le contenu de l’information à délivrer ? Quelles sont les modalités de délivrance de l’information ?

L’auteur de l’information

L’obligation d’information incombe au praticien qui réalise le traitement. Elle ne peut être déléguée au personnel (assistante dentaire, secrétaire). Ce dernier ne peut, tout au plus, que reprendre certains éléments pour s’assurer que l’information a bien été comprise par le patient [12, 13].

Dans les situations où le traitement fait intervenir plusieurs praticiens, celui qui conduit le traitement et qui adresse le patient à un confrère doit au préalable fournir toutes les informations concernant l’ensemble des techniques prévues, dans la limite de ses compétences. Toutefois, chaque praticien est tenu d’informer le patient des éléments relevant de son domaine de compétence en les situant dans la chronologie de la mise en œuvre du traitement. Chaque praticien doit s’enquérir des informations déjà délivrées et en tenir compte pour transmettre ses propres informations [12-14].

Le destinataire de l’information

Le patient est le destinataire principal de l’information. Il existe toutefois des situations pouvant avoir une incidence sur la délivrance de l’information et/ou le recueil du consentement à l’acte de soins (tableau II). Le praticien doit être d’autant plus attentif dans ces situations que la restauration prothétique constitue un traitement lourd et/ou onéreux.

Un nouvel outil de la relation patient-praticien a été introduit par la loi du 4 mars 2002 en la personne de confiance. Tout patient majeur non protégé, ainsi que les majeurs sous sauvegarde de justice ou sous curatelle, peuvent désigner une personne de confiance pour se faire accompagner dans les démarches de soins et assister dans les prises de décision médicale. À la demande du patient, le praticien peut lui délivrer les informations en présence de la personne de confiance désignée [18]. Dans le cadre de la prise en charge de personnes vulnérables pour lesquelles l’expression du consentement peut s’avérer difficile bien qu’elles ne soient pas reconnues incapables sur le plan juridique (par exemple les personnes âgées aux capacités cognitives altérées), l’aide de la personne de confiance (si celle-ci a été désignée) doit être recherchée par le praticien. Il faut néanmoins préciser que la personne de confiance ne donne pas son consentement aux actes de soins mais émet simplement un avis censé traduire au mieux les choix qu’aurait faits le patient [16, 18]. Elle joue le rôle autrefois dévolu à la famille et à l’entourage proche dont la consultation reste d’ailleurs conseillée en l’absence de personne de confiance désignée. Dès lors que le praticien est amené à consulter la personne de confiance ou les proches, il lui est recommandé de consigner dans le dossier médical le contenu de l’information donnée, les raisons qui l’ont contraint à s’adresser à ces interlocuteurs et les avis exprimés par ceux-ci [14, 16].

Le contenu de l’information

La loi du 4 mars 2002 constitue une avancée notable en matière d’information en ayant le mérite de fixer un cadre légal à son contenu [2].

En pratique, le contenu de l’information peut être décliné en trois volets selon la chronologie de la mise en œuvre du traitement [12, 13, 19]. En matière de restauration prothétique, l’information s’attachera plus précisément aux éléments suivants.

L’information préalable à la décision thérapeutique

Le praticien se doit d’informer son patient sur les éléments de nature médicale et technique nécessaires à la prise de décision, à savoir :

– l’utilité de la restauration. Les perspectives d’évolution de la situation clinique en l’absence de traitement (par exemple, l’égression des dents antagonistes et la version des dents contiguës à un édentement non compensé) doivent être expliquées ;

– les solutions thérapeutiques envisageables, leurs avantages et inconvénients et leurs contraintes de réalisation. Une information sur les matériaux utilisés est également requise [20] ;

– le service rendu par chacune des solutions proposées. Le praticien est tenu de « fournir au patient un appareillage apte à lui rendre le service qu’il peut légitimement en attendre ; une telle obligation, incluant la conception et la confection de cet appareillage, étant de résultat » (arrêt de la Cour de cassation du 23 novembre 2004) [4, 6, 21, 22]. Récemment, la Cour de cassation a précisé que le résultat prothétique exigible n’était pas celui subjectivement voulu par le patient mais celui qui peut être concrètement atteint compte tenu de la situation clinique [23]. Le praticien doit donc expliquer clairement les bénéfices que le patient peut raisonnablement attendre sans lui laisser espérer des résultats inatteignables ;

– les complications éventuelles et les « risques fréquents ou graves normalement prévisibles » (article L. 1111-2) (fig. 2). Le caractère exceptionnel d’un risque grave ne dispense pas le praticien de l’information (fig. 3). La jurisprudence montrerait d’ailleurs que la responsabilité du praticien est recherchée en matière d’information dans plus de 90 % des cas pour les conséquences d’actes comportant des risques graves [19] ;

– les possibilités de réintervention ou d’évolutivité des solutions proposées [20] ;

– les solutions envisageables en cas d’échec ;

– le suivi thérapeutique réclamé par chaque solution et ses modalités.

L’obligation d’information est doublée d’un devoir de conseil ; le praticien se doit de guider son patient vers la solution qui lui semble la plus appropriée en lui indiquant celle qui a sa préférence et en expliquant ses raisons [14]. La solution retenue doit être le résultat d’une codécision et non pas d’un choix imposé soit par le praticien soit par le patient. Le praticien ne doit pas se plier aux demandes du patient qui lui imposeraient de s’écarter des règles de l’art (fig. 4) [21].

S’agissant des actes à visée esthétique, il existe des dispositions particulières en matière d’information prévues par la législation que le praticien se doit de connaître car il n’est pas exclu que le juge y assimile certains actes bucco-dentaires (par exemple la chirurgie préprothétique) [5, 24]. Dès lors que l’enjeu esthétique de la restauration prothétique devient prépondérant, il ne peut donc être que conseillé au praticien d’être vigilant en matière d’information. Lorsque la restauration a pour objet de répondre à une demande exclusivement esthétique du patient et qu’il existe une disproportion manifeste entre les risques encourus et les bénéfices attendus, le praticien se doit de s’abstenir en motivant ce choix auprès du patient [24].

Le devoir d’information ne se limite pas aux éléments médicaux et techniques mais doit être complété par une information sur le coût et les modalités de prise en charge par l’assurance maladie obligatoire (article L. 1111-3) (fig. 2). Cette obligation juridique se trouve renforcée pour les actes de chirurgie esthétique (articles L. 6322-2 et D. 6322-30 du Code de la santé publique [8]). Le praticien n’a pas obligation de renseigner le patient sur les conditions de prise en charge par le régime d’assurance complémentaire (sauf relations contractuelles particulières du praticien avec des régimes complémentaires). Il appartient au seul patient de se renseigner auprès de celui-ci [5].

L’obligation juridique est doublée d’une obligation conventionnelle dès lors que le praticien a signé la Convention nationale des chirurgiens-dentistes [25]. Elle précise qu’avant l’élaboration d’un traitement pouvant faire l’objet d’une entente directe sur les honoraires, le chirurgien-dentiste doit remettre à l’assuré un devis descriptif écrit. Celui-ci doit être rédigé y compris pour les patients relevant du régime de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-c). Les éléments devant obligatoirement figurer sur le devis sont définis par la Convention [25]. Des modifications notables sont à prévoir du fait de la signature récente de l’avenant n° 3 à la Convention [26]. Un nouveau modèle de devis type devrait être proposé. Soulignons néanmoins que le respect du devis type protège le praticien dans le cadre conventionnel mais pas nécessairement dans le cas d’un contentieux de responsabilité médicale [5].

Afin de se prémunir contre un malentendu en matière d’honoraires, il est donc conseillé de remettre au patient, après l’avoir expliqué, un devis pour chacune des solutions thérapeutiques proposées, l’apposition de la mention « Le patient a eu la faculté de choisir son traitement » étant obligatoire dans le devis type mais non suffisante [13].

Le devis concernant la solution retenue par le patient est établi en deux exemplaires, datés et signés par le praticien et le patient (ou son responsable légal). Récemment, la cour d’appel a jugé qu’un praticien avait failli à son obligation d’information en ne produisant qu’un devis non signé du patient, la preuve de l’information en matière de coût préalable aux soins n’ayant pas été apportée [27]. Si le devis signé permet de prouver que le patient a été informé sur le coût des soins pour lesquels il s’est engagé, il ne prouve néanmoins en rien qu’une information sur les éléments de nature médicale et technique ait été donnée.

L’information concomitante à la mise en œuvre du traitement

Le praticien doit s’attacher à rappeler l’information précédemment apportée et à la faire évoluer au fur et à mesure de l’avancée du traitement. Si une modification du plan de traitement est nécessaire, le patient doit être informé de ce changement et de sa raison [13, 19]. Le consentement du patient doit à nouveau être recherché et un nouveau devis doit être établi et signé. Il convient de ne pas poursuivre la réalisation tant que le consentement sur les modifications proposées n’a pas été recueilli [13].

L’information succédant à la mise en œuvre du traitement

Après la mise en œuvre du traitement, si des risques nouveaux sont identifiés, le praticien se doit d’en informer le patient sauf dans les cas où il est perdu de vue et qu’il n’est pas possible de le retrouver (article L. 1111-2) (fig. 2). Il s’agit là d’une véritable obligation de suivi qui oblige le praticien à une veille scientifique [5].

Les modalités de délivrance de l’information

L’information doit être délivrée au cours d’un entretien individuel (article L. 1111-2) (fig. 2) : l’information orale prime donc sur l’information écrite. Dans le cadre d’une restauration prothétique, les informations à délivrer peuvent être nombreuses et complexes. Il est donc nécessaire que le praticien y consacre suffisamment de temps. Il peut donc être judicieux que l’entretien fasse l’objet d’un rendez-vous à visée informative et ne soit pas intégré à une séance de soins. Pour être de qualité, l’information doit être hiérarchisée, synthétique et compréhensible par la personne. Le praticien doit s’assurer que le patient a compris l’information en l’invitant par exemple à la reformuler dans ses propres termes. Tout moyen peut être utilisé pour renforcer l’information orale, par exemple des fiches d’information standardisées ou des supports multimédias. L’utilisation de fiches standardisées doit être prudente car celles-ci ne sont pas toujours compréhensibles par le patient ; le praticien les personnalise donc en les annotant avant de les lui remettre. Le patient peut ainsi s’y reporter pour alimenter sa réflexion et formuler ses questions lors de consultations ultérieures [14]. Les photographies de cas traités peuvent également servir à illustrer les différentes solutions thérapeutiques existantes.

L’expression du consentement à l’acte de soins

C’est à l’issue de l’information et après un délai de réflexion raisonnable que le patient émet une préférence personnelle parmi les solutions thérapeutiques proposées par le praticien puis consent à s’engager dans celle-ci. Il n’existe pas de délai légal minimal de réflexion à accorder entre la proposition thérapeutique et le début du traitement, mais la jurisprudence semble se référer à la loi concernant les actes à visée esthétique fixant un délai minimum de 15 jours [5, 28]. Si le patient ne souhaite s’engager dans aucune des solutions proposées, ce choix doit être respecté par le praticien qui s’assure toutefois que le patient en a compris toutes les conséquences (article L. 1111-4) (fig. 2).

Le droit n’impose aucun formalisme en matière d’expression du consentement à l’acte de soins tel un formulaire de consentement.

Le défaut d’information : quelles sanctions ?

Les responsabilités engagées

Le défaut d’information constitue une faute pouvant entraîner la responsabilité du praticien.

Il s’agit tout d’abord d’une infraction déontologique pour laquelle la responsabilité disciplinaire du praticien peut être engagée. La sanction encourue est variable, allant de l’avertissement à l’interdiction permanente d’exercer les fonctions de chirurgien-dentiste. Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002, le droit d’agir devant la chambre disciplinaire est ouvert au patient [29].

La responsabilité civile est celle qui est principalement recherchée par le patient afin d’espérer obtenir le paiement de dommages et intérêts par le praticien (ou son assureur). La loi du 4 mars 2002 a d’ailleurs rendu obligatoire pour le praticien exerçant à titre libéral la souscription d’une assurance de responsabilité civile professionnelle (article L. 1142-2 du Code de la santé publique [8]). Depuis l’arrêt de la Cour de cassation du 3 juin 2010, le défaut d’information peut donner lieu à indemnisation, indépendamment de la réparation de la perte de chance de se soustraire à un risque qui se serait finalement réalisé. Cet arrêt considère en effet que le défaut d’information constitue une violation du droit d’être informé, droit rattaché à la dignité de la personne humaine. Le défaut d’information cause au patient un préjudice moral, ou préjudice d’impréparation, en ne lui permettant pas de se préparer à l’éventualité des complications [30].

Enfin, la recherche de la responsabilité pénale du praticien en matière de défaut d’information est plus rare et concerne principalement les actes à visée esthétique (atteinte à l’intégrité physique du patient sans nécessité médicale).

La preuve de l’information

L’arrêt de la Cour de cassation du 25 février 1997, dit arrêt Hédreul, a renversé la charge de la preuve : il incombe au praticien d’apporter la preuve de l’information [2]. Cette jurisprudence a été intégrée dans la loi du 4 mars 2002 et inscrite au Code de la santé publique [8] dans l’article L. 1111-2 (fig. 2). Ce dernier précise que cette preuve peut être faite par tout moyen. Il n’existe pas de preuve parfaite qui conduit à elle seule le juge à statuer. Elle résulte en général d’un faisceau d’indices convergents tendant à montrer que l’information a bien été donnée [28]. Si la multiplication des procédures peut inciter les praticiens à recourir systématiquement à un document écrit et signé par le patient attestant que l’information lui a été délivrée, la loi ne l’oblige pas. Les juges insistent même sur l’aspect primordial de l’échange oral qui est une condition nécessaire à l’établissement d’une relation de confiance [5]. L’écrit peut même se révéler dangereux, il n’aura de valeur pour le juge que s’il est personnalisé et adapté à la situation clinique du patient, clair, compréhensible et surtout exhaustif [2, 5].

Afin de constituer un ensemble d’éléments probants, il est vivement conseillé au praticien de tenir à jour le dossier médical du patient. Outre les informations de santé relatives à la personne, la Haute Autorité de santé recommande d’y mentionner les informations majeures qui lui ont été délivrées, les difficultés éventuellement rencontrées lors de leur délivrance et les démarches entreprises lorsque la délivrance de l’information a impliqué une tierce personne [14]. On ne peut également qu’insister sur la nécessité de préciser, dans le dossier médical, les consultations à visée informative (date, durée), de garder les notes ou un double de ces notes (schémas explicatifs, remarques du patient avec le vocabulaire qu’il a utilisé) [5]. Peuvent également participer à la construction d’un faisceau de preuves le délai de réflexion accordé au patient, les courriers émis ou reçus par le praticien, notamment dans le cadre d’une prise en charge impliquant plusieurs praticiens, et les examens complémentaires (il convient de faire figurer dans le dossier la date de prescription et la date à laquelle le patient a été revu en possession des résultats de ses examens) [2, 28]. Les modèles initiaux ou modifiés peuvent aussi être un moyen d’apporter la preuve qu’une information sur l’objectif du traitement a bien été délivrée et doivent donc être conservés.

Le délai de prescription

Le dossier médical du patient constitue un élément essentiel pour apporter la preuve de l’information. En France, aucun texte n’indique la durée légale de conservation des dossiers médicaux par les praticiens libéraux [31]. Néanmoins, il ne peut qu’être conseillé au praticien de conserver au minimum ses dossiers tant qu’il existe un risque de contentieux avec le patient. Le délai de prescription est fixé depuis la loi du 4 mars 2002 à 10 ans à compter de la date de consolidation du dommage. L’Ordre des chirurgiens-dentistes recommande néanmoins aux praticiens d’observer une durée de conservation de 20 ans au moins, en gardant à l’esprit que la prescription trentenaire qui était en vigueur avant la loi du 4 mars 2002 reste applicable aux actes effectués avant l’entrée en vigueur de ladite loi [31]. Pour les actes effectués sur un mineur, le délai de prescription s’entend à compter de sa majorité.

Conclusion

Les évolutions législatives récentes ont accordé une place prépondérante à l’information et au consentement éclairé du patient. Le respect de ces obligations en matière prothétique peut s’avérer contraignant et même difficile quand il s’agit d’informer sans inquiéter inutilement. Face à l’augmentation des recours, le praticien pourrait même être tenté de se prémunir contre d’éventuels litiges en demandant au patient de signer divers documents qui ne convaincront pas nécessairement le juge en cas de différend. Pourtant, informer en conscience et impliquer le patient dans les décisions permettent de construire avec lui une relation de soins de qualité.

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  • 29 Dejean-Peligry M. Les différents types de responsabilités du chirurgien-dentiste. Droit, déontologie et soin 2005;5:392-410.
  • 30 Jacotot D. Vers l’indemnisation systématique du défaut d’information ? La Lettre de l’Ordre national des chirurgiens-dentistes 2013;119:32-33.
  • 31 Bouteille G. Durée de conservation du dossier médical, Bruxelles relance le débat. La Lettre de l’Ordre national des chirurgiens-dentistes 2013;117:13-15.