Restauration esthétique du secteur antérieur avec conservation de deux incisives mandibulaires au pronostic réservéAesthetic restoration of anterior sector preserving to two mandibular incisors within reserved prognosis - Cahiers de Prothèse n° 1 du 01/09/2014
 

Les cahiers de prothèse n° 1 du 01/09/2014

 

Prothèse fixée

Alexandre Viteaux *   Samuel Priem **   Pierre Raquillard ***   Céline Brunot-Gohin ****  


*AHU
**Étudiant en 6e année
***Prothésiste dentaire
****MCU-PH
*****Département d'odontologie conservatrice endodontie, UFR d'odontologie, Université de Reims Champagne-Ardenne, 2, rue du Général Köenig, 51100 Reims
******Pôle odontologie, Hôpital Maison-Blanche, CHU de Reims, 48, rue Cognacq-Jay, 51092 Reims Cedex
*******Laboratoire RDB Ceram, 22, place Maurice-Utrillo, 51100 Reims
********Département de prothèses, Ancienne interne des Hospices civils de Lyon, UFR d'odontologie, Université de Reims Champagne-Ardenne, 2, rue du Général Köenig, 51100 Reims

Résumé

L’anatomo-morphologie des incisives mandibulaires complique considérablement le travail du praticien. Le bloc incisif mandibulaire reste ainsi un secteur délicat à restaurer.

Dans le cadre d’une restauration esthétique du sourire, ce cas clinique souligne l’intérêt d’une approche multidisciplinaire (parodontologie, odontologie conservatrice-endodontie et prothèse fixée) afin de réhabiliter des dents fortement délabrées.

La conservation d’incisives mandibulaires au pronostic réservé a pour objectif d’éviter la pose de racines artificielles qui, d’une part nécessitent un aménagement de l’espace disponible, et d’autre part ne reproduisent pas la proprioception de l’organe naturel.

A ce jour, le résultat esthétique et fonctionnel est très satisfaisant. Seul un suivi régulier et une maintenance assidue pourront maintenir le résultat obtenu.

Summary

The anatomy of mandibular incisors makes aesthetic restoration of this sector always challenging to achieve for the practitioner.

This clinical case illustrates the interest of a multidisciplinary approach (parodontology, conservative-endo odontology and fixed prosthesis) for the management of an aesthetic restoration of strongly decayed mandibular incisors.

In this particular case, preservation of these incisors may be an interesting treatment option. Indeed, on the one hand replacement of the teeth by implants would require a specific management of the available space and on the other hand implants are not able to reproduce proprioception.

To date, the aesthetic and functional result is completely satisfying. But favourable prognosis requires long term follow up of the patient.

Key words

aesthetic, dental bleaching, gum graft, veneers, lithium disilicate ceramic

L'évolution des biomatériaux esthétiques et la révolution des pratiques dentaires imposent au praticien une réflexion approfondie quant au choix du plan de traitement initial.

Les restaurations du groupe incisif mandibulaire, par prothèse fixée, demeurent délicates et difficiles à mettre en œuvre en raison du volume réduit de leur portion coronaire et des dimensions limitées de leur morphologie radiculaire. Ces facteurs anatomiques défavorables peuvent compliquer les traitements endodontiques (ou leur reprise) et accroissent sérieusement les risques inhérents aux alésages des canaux destinés à recevoir un ancrage radiculaire.

Dans une conjoncture favorable à la conservation des dents naturelles, il est judicieux de les restaurer et d'éviter ainsi les éventuelles complications liées à la pose de racines artificielles en raison du faible espace disponible. À travers un cas clinique, nous proposons de souligner l'intérêt majeur de la conservation des incisives mandibulaires au pronostic réservé dans le cadre d'une restauration esthétique du sourire. Ce rapport bénéfice/risque doit être évalué dès le début de la prise en charge et le patient doit être impérativement informé de l'éventualité d'un échec thérapeutique (signature d'un consentement éclairé).

De plus, la restauration esthétique du sourire doit s'insérer dans une prise en charge dynamique et globale du visage. En présence de fortes exigences esthétiques, l'utilisation de techniques variées doit être déployée afin de satisfaire au concept de la dentisterie minimale invasive (minimal invasive dentistry) et au principe d'économie tissulaire. L'éclaircissement dentaire, la préparation pelliculaire et les céramiques au disilicate de lithium entrent dans ce processus. Ces objectifs sont détaillés dans cet article.

Présentation du cas clinique

Anamnèse générale

Une patiente âgée de 46 ans est venue consulter pour un problème esthétique. Cette patiente, non-fumeuse, avait une hygiène bucco-dentaire très satisfaisante et un bon état de santé général. Elle était très motivée et son exigence esthétique était forte, essentiellement axée sur son incisive centrale maxillaire droite dont la teinte ne la satisfaisait plus [1,2].

Cependant, après avoir pris conscience du problème paro-prothétique de 41 et 42, elle a spontanément accepté une prise en charge plus globale de sa cavité buccale. Ces paramètres laissaient finalement toute liberté au praticien pour proposer une solution thérapeutique idéale.

Pour répondre aux attentes de la patiente, il a donc été décidé de réaliser une restauration esthétique globale [3].

Examen clinique

Examen exobuccal

Les examens cliniques au niveau de l'étage inférieur de la face n'ont révélé aucune dysharmonie en statique et en dynamique (fig. 1a et b). De face, la ligne des milieux était bien centrée par rapport à l'axe général du visage, les corridors buccaux symétriques et harmonieux, et l'alignement des collets était satisfaisant [4]. L'examen exobuccal de profil montrait un bon soutien de lèvre aussi bien en statique qu'en dynamique (fig. 2a, b et c).

Ainsi, le problème esthétique ne concernait pas les bases osseuses ou les tissus mous exobuccaux mais restait focalisé au niveau des dents antérieures tant en ce qui concernait la teinte que la forme [5].

Examen endobuccal

L'hygiène bucco-dentaire était satisfaisante. À l'arcade maxillaire, on constatait que :

– 17 et 27 présentaient des restaurations en amalgame ;

– 16 était restaurée par un ancrage radiculaire coiffé par une couronne métallique dont le bord cervical était correctement ajusté ;

– 11 présentait, au niveau du tiers inférieur de la face vestibulaire, une dyschromie et un éclat d'émail (fig. 3a ) ;

– 21 avait été restaurée par une facette dont la forme et la teinte n'étaient plus satisfaisantes d'un point de vue esthétique (fig. 3b et c).

Toutes les autres dents étaient pulpées et indemnes de caries.

À l'arcade mandibulaire, on relevait l'absence de lésions carieuses et de mobilité pathologique. Il convient de noter que :

– 36 était absente ;

– 46 portait une couronne métallique (avec traitement endodontique radiologiquement insuffisant) ;

– 41 et 42 étaient coiffées de séculaires couronnes céramo-métalliques en surcontour (avec traitement endodontique radiologiquement satisfaisant), avec des joints dento-prothétiques infiltrés ; une récession gingivale de stade avancé s'était installée (fig. 4).

Examen parodontal

Le parodonte était satisfaisant d'un point de vue quantitatif et qualitatif. Un sondage parodontal, pratiqué sur toutes les dents, n'avait pas détecté la présence de poches parodontales. On constatait l'absence de saignement et d'inflammation gingivale excepté au niveau de 41 et 42 (fig. 3a).

Examen occlusal

La patiente ne présentait aucune symptomatologie au niveau des articulations temporo-mandibulaires (ATM). Le rapport intermaxillaire était stable et la position de référence était une occlusion d'intercuspidie maximale (OIM).

Le plan d'occlusion n'était pas perturbé et les courbes occluso-fonctionnelles étaient satisfaisantes. Il faut signaler l'égression mineure de la 26 consécutive à l'absence de la 36 non remplacée depuis longtemps.

Le schéma occlusal de cette patiente était une fonction de groupe en diduction droite sur 13, 14 et 15, et en diduction gauche sur 23, 24 et 25. En propulsion, aucune prématurité ni interférence n'avait été relevée ou corrigée; le guide antérieur demeurait efficace en dépit du problème esthétique majeur.

Examen radiologique

La radiographie panoramique (fig. 5) complétée par des clichés rétroalvéolaires au niveau des secteurs antéro-maxillaire et antéro-mandibulaire (fig. 6a, b et c) avait montré :

– un espace biologique réduit sur 41 ;

– la présence d'un tenon court et désaxé sur 42.

Cette situation constituait un risque majeur de fracture lors de la dépose de la prothèse, sans compter la substantielle perte tissulaire pouvant entraîner l'affaiblissement des parois résiduelles (fig. 6d).

Approche esthétique multidisciplinaire

Objectifs thérapeutiques

Deux points de vue ont pu être différenciés pour l'approche thérapeutique du cas clinique : d'une part, l'obligation d'une restauration esthétique antérieure, objet de la démarche de la patiente, et d'autre part, la nécessité d'une restauration fonctionnelle postérieure, acceptée par la patiente même si elle ne l'avait pas envisagée initialement.

Ces objectifs ne pouvaient être atteints que par une approche multidisciplinaire et une prise en charge globale de la patiente, le but étant d'établir un plan de traitement idéal.

Controverses et choix thérapeutiques

Quand la conservation des racines naturelles est possible mais risquée, la décision de conserver ou d'extraire demeure un choix délicat pour le praticien. L'avantage de conserver des dents est d'éviter toute difficulté ou complication liée à la pose d'implants. En l'occurrence, le faible espace disponible nécessitait obligatoirement de réaliser un traitement orthodontique pour la mise en place de racines artificielles; la patiente avait refusé cette solution car elle tenait absolument à garder ses dents naturelles.

L'inconvénient de conserver des dents naturelles au pronostic réservé était de ne tolérer aucune erreur technique et pratique du praticien. Toutefois, si l'extraction dentaire devait être envisagée, quelle qu'ait été l'avancée du traitement en cours et même si la patiente en avait été avertie (perte des séances de travail, donc perte de temps), elle aurait été considérée comme un échec thérapeutique avec, pour corollaire, la déception et l'altération du rapport patient/praticien.

La présence de dyschromies dentaires pouvait également être un obstacle à la conservation de dents naturelles. Indépendamment de la couleur faisant appel à des notions de teinte, de saturation et de luminosité, une dent naturelle présente des propriétés de translucidité, de fluorescence et d'opalescence qui doivent être rétablies lors d'une restauration orale du secteur antérieur. Les dyschromies peuvent être d'origine extrinsèque ou intrinsèque (tableau I). Les dyschromies extrinsèques résultent de la consommation de certains aliments et boissons ou de tabac, mais également d'une hygiène bucco-dentaire inadaptée ou d'une utilisation inappropriée de certains produits. Les dyschromies intrinsèques résultent de pathologies acquises au niveau de la chambre pulpaire (hémorragies, nécroses, calcifications et décolorations pathogènes dues à des produits dentaires).

Actuellement, tous les types de dyschromies des dents non vitales peuvent être traités si l'étiologie ne met pas en cause des ions métalliques (tenons canalaires, amalgame dentaire, etc.). L'agent éclaircissant le plus couramment utilisé est le perborate de sodium sous sa forme mono, tri (NaBO2 · H2O2 · 3H2O), ou tétrahydrate. L'effet éclaircissant est dû au relargage de peroxyde d'hydrogène (H2O2) après mélange avec de l'eau distillée. Le taux de réussite varie selon l'ancienneté, l'intensité et l'étiologie de la dyschromie. Dans la majorité des cas, un éclaircissement satisfaisant est obtenu après 3 séances successives sur dent non vitale [2]. L'éclaircissement des dents supports et la céramique au disilicate de lithium constituent une alliance thérapeutique idéale pour répondre aux objectifs esthétiques [1].

Décision thérapeutique

Compte tenu des exigences esthétiques, les choix thérapeutiques ont été les suivants :

– pour les 11 et 21, facettes en céramique au disilicate de lithium ;

– pour les 41 et 42, éclaircissement dentaire, inlay-cores céramisés et couronnes tout céramique au disilicate de lithium associées à une greffe de conjonctif enfoui ;

– au niveau postérieur, un implant sur 36 et un onlay direct par CFAO sur 26 ont été proposés et réalisés, ainsi que les réfections des couronnes sur 16 et 46. Ces thérapeutiques, sortant du cadre de cet article, ne seront pas détaillées.

Cette proposition de traitement satisfait la patiente. Toutefois, dans le temps, le risque d'extraire les deux incisives mandibulaires n'est pas exclu et lui a été notifié. Dans cette hypothèse, la solution implantaire serait idéale et parfaitement envisageable. En revanche, une prothèse amovible partielle ne saurait en aucun cas satisfaire la patiente et ne pourrait constituer qu'une solution transitoire dans ce contexte clinique.

Solution thérapeutique et protocole opératoire

Facettes esthétiques sur dents vitales (11 et 21)

Pour répondre aux attentes initiales de la patiente, la première partie du traitement a été consacrée à l'élaboration des facettes sur 11 et 21 [6] :

– confection d'une clé de réduction tissulaire en silicone sur le moulage d'étude maxillaire (obtenue à partir d'un montage directeur par wax-up) ;

– préparations vestibulaires avec le coffret de fraises pour facettes LD0421 (Komet). La microfêlure du bord libre sur la 11 a été totalement éliminée et les points de contact distaux avec les incisives latérales ont été préservés. Une préparation pelliculaire des faces vestibulaires n'est pas indiquée chez cette patiente; un retour palatin a été envisagé sur les 2 incisives, d'une part à cause de la présence d'une ancienne facette sur 21 et, d'autre part, en raison du bord fracturé de la 11 (fig. 7a et b). Si cette approche a accentué la perte tissulaire, elle a offert l'avantage d'accroître l'espace disponible pour le biomatériau esthétique et, ainsi, d'éviter le recours au traitement des dyschromies dentaires sur dents vitales ;

– mise en place de facettes provisoires en résine chémopolymérisante (Unifast®, GC) fabriquées à partir du wax-up sur lequel a été réalisé un isomoulage indirect (IMI) en silicone. Ces pièces prothétiques d'attente doivent impérativement recouvrir l'ensemble de la préparation jusqu'en palatin (fig. 8). Elles ont été collées temporairement avec un point d'adhésif sur le centre des faces vestibulaires des 11 et 21 (Variolink II®, Ivoclar Vivadent) ;

– prise de teinte(s), effectuée à deux niveaux :

• une teinte A3 des dents adjacentes a été enregistrée avec le teintier Vita Classical® A1-D4 (Vita),

• une teinte ND8 des tissus support a été relevée avec le teintier IPS Natural Die Material® (Ivoclar Vivadent). Le choix de la teinte au niveau des tissus dentaires préparés est une étape essentielle car elle permet au céramiste de jouer sur les teintes au cœur du biomatériau et en surface ;

– expédition au laboratoire des empreintes traitées classiquement en plâtre extra-dur (Fujirock®, GC) (fig. 9a ) puis confections des chapes définitives par CFAO indirecte avec de l'IPS e.max® Press (Ivoclar Vivadent) (fig. 9b). Le biomimétisme a été obtenu par montage de poudre en céramique feldspathique IPS e.max® Ceram (Ivoclar Vivadent). Un glaçage a été réalisé sur l'extrados des pièces prothétiques et un sablage/mordançage sur l'intrados grâce à l'acide Invex® (Ivoclar Vivadent) (fig. 10a et b) ;

– mise en place d'un champ opératoire avec la digue OptraGate® (Ivoclar Vivadent) qui, en effet, est idéalement conçue pour le collage dans le secteur antérieur et, de plus, permet de vérifier l'occlusion sans avoir à la démonter. En outre, elle est très facile à mettre en place et très confortable pour les patients ;

– collage des facettes au Variolink II® (Ivoclar Vivadent) avec une teinte de base bleach et un catalyseur A3 (fig. 11). Les excès ont été éliminés à la sonde droite (fig. 11a) et au fil de soie (fig. 11b) avant la prise complète de la colle duale [7]. Une fois la totalité des excédants éliminée, la polymérisation s'est achevée en orientant le faisceau de la lampe à polymériser sur la face palatine des incisives (fig. 11c).

Le diastème a été légèrement fermé en accord avec les souhaits de la patiente (fig. 12a et b).

Couronnes esthétiques sur dents non vitales (41 et 42)

L'élaboration de ces prothèses a constitué la deuxième séquence du traitement. Le protocole opératoire a été le suivant.

Greffe épithélio-conjonctive de première intention

Dans un premier temps, un détartrage conventionnel a favorisé l'assainissement du parodonte. Dans un second temps, la récession gingivale vestibulaire a été estompée par l'apport d'une greffe épithélio-conjonctive de première intention. Les prothèses fixées provisoires associées à la greffe gingivale ont permis d'obtenir un parodonte sain et d'envisager sereinement le traitement des dyschromies dentaires.

Traitement de dyschromie sur dents non vitales

Un dépose-couronne a facilité le démontage des anciennes couronnes céramo-métalliques (fig. 13a et b). Après élimination d'une microfracture en distal de la 42, un aménagement parodontal a été pratiqué a minima au bistouri électrique (fig. 14). Cette intervention avait deux objectifs :

– accéder aisément aux limites cervicales en distal,

– préparer correctement une cavité interne pour accueillir le produit d'éclaircissement.

Il a été décidé de reporter les reprises des traitements endodontiques. L'absence de toute symptomatologie clinique a autorisé le traitement des dyschromies [8]. Pour obtenir une référence de base, la teinte initiale a été déterminée avec un teintier du commerce (Vita Classical® A1-D4, Vita). Les choix se sont portés sur B4 pour la teinte des racines résiduelles et sur A3 pour la teinte coronaire, teintes identiques à celle des facettes collées sur 11 et 21 (fig. 15).

Des photographies ont été prises pour servir de référence en interséance [1]. L'agent éclaircissant le plus communément utilisé dans ces traitements est le perborate de sodium mélangé à de l'eau distillée [2]. Dans les cas sévères de dyschromies, le perborate peut être additionné de peroxyde d'hydrogène à 3 %. Ce mélange, assez agressif pour les tissus durs résiduels, doit être employé avec mesure et précaution; dans ce cas précis, la teinte des 41 et 42 ne justifiait pas son utilisation [9].

Pour obtenir un éclaircissement complet de la dent, le fond de la cavité interne doit se situer de préférence de 1 à 2 mm en dessous de la jonction amélo-cémentaire (fig. 16). Après avoir éliminé la gutta-percha intracanalaire sur 3 mm par rapport à la ligne de collet anatomique, une couche de protection de 2 mm d'épaisseur a été confectionnée avec du verre ionomère (Fuji II®, GC). Cette cavité a ensuite été nettoyée à l'hypochlorite de sodium à 2,5 % puis mordancée à l'acide orthophosphorique à 37 % (DentoEtch®, Itena) pour retirer la boue dentinaire et ouvrir les tubuli [10,11]. L'objectif de cette étape était de favoriser la pénétration de l'agent éclaircissant. Un mélange de perborate de sodium et d'eau distillée dans un rapport de 2/1 (g/ml), réalisé extemporanément, a été appliqué à plusieurs reprises (3 ou 4) sur les parois de la cavité à l'aide de boulettes de coton stériles; un coton imprégné a été laissé dans la cavité et les couronnes de transition solidarisées ont été rescellées provisoirement à l'aide d'un ciment à l'oxyde de zinc non eugénolé (Temp-Bond NE®, Kerr) (fig. 17a et b).

Un premier contrôle au bout de 7 jours a révélé un gain de teinte important sur la 41 et un peu moindre sur la 42 (fig. 18). Pour cette dent, l'opération a été répétée jusqu'à l'obtention de la teinte souhaitée. Cependant, le nombre maximal d'applications recommandé ne doit pas dépasser 3 séances au fauteuil [2]. Dans ce cas, la teinte B2 a été obtenue après 2 séances de traitement au fauteuil, soit quantitativement 2 semaines successives de traitement.

Le traitement des dyschromies terminé, la reprise des traitements endodontiques s'est imposée car l'examen radiologique avait montré des zones infiltrées et une insuffisance des obturations canalaires (fig. 6d).

Couronnes d'usage en céramique au disilicate de lithium

Des reconstitutions corono-radiculaires céramisées ont été réalisées pour préparer la base du support esthétique des couronnes tout céramique (fig. 19a, b et c) [12,13].

Des chapes en céramique au disilicate de lithium (IPS e.max® Press) ont été exécutées par la technique de la cire perdue (fig. 20a, b, c, d et e) puis recouvertes de leur partie cosmétique (IPS e.max® Ceram, Ivoclar Vivadent) (fig. 21) [14]. Les couronnes en disilicate de lithium ont pour avantage d'associer leurs indéniables propriétés biologiques [15] et physico-chimiques [16] avec un rendu esthétique naturel [17] (fig. 22a). Ces couronnes tout céramique ont été collées avec une colle duale (Variolink II®, Ivoclar Vivadent) après une phase de temporisation avec un ciment de scellement provisoire sans eugénol (Temp-Bond NE®, Kerr) pendant 3 semaines (fig. 22b).

Chirurgie parodontale de seconde intention

Le but de la greffe épithélio-conjonctive initiale était d'assainir le parodonte. À l'issue du traitement, pour redonner du volume tissulaire, améliorer la situation de la gencive marginale et recréer les papilles interdentaires, une chirurgie parodontale de seconde intention a été proposée à la patiente (fig. 23a et b). Une motivation à l'hygiène (brossage vertical avec une brosse à dents souple) a été prescrite durant tout le traitement et renforcée lors des séances de contrôle pour éviter tout risque de récession gingivale au fil du temps.

La réalisation des prothèses fixées d'usage associée à cette seconde greffe gingivale a permis d'obtenir un alignement des collets très satisfaisant. Ce résultat a offert à la patiente un sourire harmonieux qui répondait aux exigences esthétiques et fonctionnelles du contexte clinique (fig. 24a et b).

Conclusion

Une analyse clinique raisonnée [18] et une prise en charge multidisciplinaire [19] sont les garants de la réussite d'un traitement esthétique.

Les couronnes tout céramique présentent un intérêt majeur dans ce type de traitement car elles répondent au principe d'économie tissulaire et elles potentialisent l'esthétique dento-maxillaire. La réalisation de prothèses provisoires reste incontournable en prothèse fixée non seulement pour leur rôle fonctionnel et esthétique mais également pour la mise en condition du parodonte tout au long du traitement.

L'hygiène bucco-dentaire du patient est essentielle pour la pérennité des résultats prothétiques, notamment après des collages. Un suivi régulier et une maintenance assidue permettent d'augmenter la longévité des prothèses dento-fixées à court, moyen et long termes. Par conséquent, des dents naturelles au pronostic réservé ne sont conservables que si tous les acteurs – le praticien, le prothésiste et, surtout, le patient – participent activement à cet objectif thérapeutique.

Remerciements

Les auteurs tiennent à remercier le Dr M.-P. Hippolyte (MCU-PH, Département de parodontologie) pour les chirurgies parodontales accomplies sur cette patiente.

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