Restauration prothétique en présence d'un dysfonctionnement de l'appareil manducateur
 

Les cahiers de prothèse n° 170 du 01/06/2015

 

ATM

F. Rouzé l'Alzit / O. Laviole / J.C. Raymond  

Résumé

RÉSUMÉ La réalisation d'une prothèse composite dans un cas de dysfonctionnement de l'appareil manducateur (DAM) implique la réalisation d'un examen clinique musculo-articulaire, dento-parodontal et occlusal rigoureux permettant de poser un diagnostic précis et de proposer un plan de traitement rationnel. La gestion d'un DAM passe avant tout par un traitement réversible et des conseils comportementaux. Ce traitement orthopédique permettra ainsi de définir la position thérapeutique de la reconstruction prothétique. Enfin, un DAM ayant une origine plurifactorielle, une approche pluridisciplinaire permettrait sa meilleure gestion.

Summary

SUMMARY Prosthetic restoration in case of temporomandibular disorders

The realization of a fixed-removable prosthodontics in case of temporomandibular disorders (TDM) implies the realization of a musculo-articular, dental, periodontal and occlusal clinical examen to accurately diagnose and propose a rational treatment. Managing a TDM requires above all a reversible treatment and behavioral counseling. The orthopedic treatment allows to define the therapeutic position of the prosthetic reconstruction. Finally, DAM has a multifactorial origin, a multidisciplinary approach enable better management of its.

Key words

fixed-removable prosthodontics, fonctionnal occlusion, temporomandibular disorders (TMD), splint therapy

Malgré l'évolution des techniques et des matériaux de restauration ainsi que la prévention mise en œuvre depuis de nombreuses années pour améliorer l'état bucco-dentaire de la population, la prévalence des patients partiellement édentés reste importante.

La prothèse composite, association de prothèses fixée et amovible, est toujours d'actualité, malgré l'essor des systèmes implantaires, et permet de rendre de grands services même si certains la considèrent encore, à tort, comme obsolète. Elle doit s'intégrer parfaitement à l'appareil manducateur pour ne pas lui nuire, son amovibilité ayant été, de tout temps, considérée comme le facteur de perte plus ou moins prématurée des dents restantes.

Même s'il est acquis depuis quelques années que les dysfonctionnements de l'appareil manducateur (DAM) ont une origine plurifactorielle, il est nécessaire de savoir reconstruire une occlusion fonctionnelle sous peine d'augmenter les risques d'apparition ou d'entretien de cette pathologie. Il est également nécessaire de savoir la détecter et de proposer une solution cohérente quant à sa gestion.

Cet article propose d'établir une ligne directrice permettant de gérer un dysfonctionnement de l'appareil manducateur dans un cas de restauration prothétique complexe par prothèse composite et, par extension, dans n'importe quel cas de restauration prothétique. En effet, cette ligne directrice est exploitable à la fois dans la démarche de réflexion à visée diagnostique et dans la maîtrise des étapes thérapeutiques.

DAM : diagnostic et traitement orthopédique

Le dysfonctionnement de l'appareil manducateur est l'expression symptomatique d'une myoarthropathie de l'appareil manducateur et peut donc être articulaire et/ou musculaire [1].

Plusieurs facteurs semblent être à l'origine des dysfonctionnements de l'appareil manducateur. Orthlieb et al. [2] proposent un modèle étiopathogénique à 3 dimensions et distinguent des facteurs de prédisposition, de déclenchement et d'entretien associés à chaque dimension. On distingue ainsi :

– la dimension structurelle, qui représente l'aspect somatique local et comprend l'organisation musculo-squelettique, les articulations temporo-mandibulaires et l'occlusion ;

– la dimension biologique, qui représente l'aspect somatique général influençant le terrain musculo-squelettique ;

– la dimension psychosociale, qui représente l'aspect psychique de l'individu dans un contexte environnemental et culturel influençant le comportement manducateur.

Après un examen clinique rigoureux des articulations temporo-mandibulaires et parfois le recours à des examens cliniques complémentaires tels que l'axiographie et l'IRM, le praticien doit être en mesure de distinguer, en fonction de la symptomatologie oro-faciale :

– les dysfonctionnements de l'appareil manducateur primaires, qui peuvent être de forme musculaire ou articulaire (luxation discale réductible et irréductible) ;

– les dysfonctionnements de l'appareil manducateur secondaires, conséquence de phénomènes morbides généraux (polyarthrite rhumatoïde...) ou de proximité (accident d'éruption d'une dent de sagesse) ;

– les non-dysfonctionnements de l'appareil manducateur comme les sinusites, otites, névralgies...

Le diagnostic d'un dysfonctionnement de l'appareil manducateur primaire se fait à partir de l'étude de la cinématique mandibulaire et, notamment, de la trajectoire du dentalé lors de l'ouverture, de la fermeture et des diductions droite et gauche ainsi que de son amplitude dans le plan frontal. On obtient ainsi différents diagrammes de Farrar selon le dysfonctionnement (tableau I).

Lorsque le diagnostic a été posé, le traitement adéquat peut être envisagé. Lors de phases aiguës, l'examen clinique est parfois difficile à mener, obligeant le praticien à prescrire des anti-inflammatoires stéroïdiens ou non stéroïdiens ainsi que des myorelaxants [3]. De plus, lorsque le blocage est purement musculaire, la réalisation en urgence d'un plan rétro-incisif à la manière du jig de Lucia peut s'avérer indispensable. Si, en revanche, le trouble est articulaire, la réalisation de cales en résine sur les secteurs postérieurs du côté douloureux entraîne une décompression articulaire et, rapidement, un grand soulagement chez le patient.

Il est également important de rassurer le patient, de lui prodiguer des conseils d'exercices de relaxation, voire de l'adresser à un kinésithérapeute ou à un ostéopathe.

Le traitement d'un dysfonctionnement de l'appareil manducateur chronique passe, en première intention, par des conseils, des explications, une rééducation comportementale, voire un suivi psychologique. Au bout de 4 à 8 semaines, et si on ne constate pas de résolution du problème, un traitement par gouttière peut être proposé.

On distingue trois grands types de traitements orthopédiques en fonction du type de dysfonctionnement [4-6].

Le traitement orthopédique d'une pathologie musculaire est une gouttière lisse, portée essentiellement pendant le sommeil, pendant 2 mois, positionnant la mandibule en « relation centrée du jour », la pathologie musculaire faussant l'enregistrement de la relation centrée. Elle est indiquée en cas de spasme des muscles masticateurs.

Le traitement orthopédique d'une pathologie articulaire réductible peut être de deux types. Soit l'antéposition discale est cliniquement et raisonnablement réductible et, dans ce cas, on réalise une gouttière de repositionnement articulaire. Il s'agit d'une gouttière indentée, portée 24 h/24 pendant 3 mois, positionnant la mandibule en propulsion, à l'endroit exact de la recapture discale. Son indication est assez limitée [7]. Soit la luxation discale n'est pas réductible cliniquement. Le traitement est alors le même qu'en présence d'une pathologie articulaire irréductible et consiste en la réalisation d'une gouttière de décompression articulaire. Celle-ci est lisse, portée essentiellement la nuit et lors des périodes de repos dans la journée, elle conduit la mandibule en position thérapeutique et impose des contacts uniquement postérieurs en occlusion d'intercuspidie maximale. Ce traitement orthopédique permet une décompression de l'articulation qui entraîne un remaniement tissulaire fibreux du ligament rétro-discal et aboutit à la formation d'un « néodisque » et à une densification de la zone bilaminaire postérieure [8].

La gouttière peut être maxillaire ou mandibulaire, il n'existe pas de consensus sur ce point. Dans tous les cas, l'arcade la plus mutilée sera celle qui supportera la gouttière occlusale.

Celle-ci permet la gestion du dysfonctionnement de l'appareil manducateur et amène la mandibule dans une position thérapeutique à partir de laquelle se fera la reconstruction prothétique.

Prothèse composite : diagnostic et traitement

Le succès complet du traitement orthopédique étant obtenu, la réalisation prothétique peut être envisagée et oblige à poser un certain nombre de diagnostics précis avant de proposer les solutions thérapeutiques pertinentes.

D'un point de vue prothétique

La perte des dents induit des modifications dans l'organisation de l'arcade dentaire qui doivent être analysées avant la réalisation des prothèses [9-11]. L'examen clinique doit donc se concentrer :

– d'une part, sur le type d'édentement selon la classification de Kennedy Applegate. De son étendue et de la répartition des dents restantes dépend le type de support prothétique :

- soit il y a une prédominance des appuis dento-parodontaux, ce qui maintient une sollicitation importante de la proprioception,

- soit il y a une prédominance des appuis ostéo-muqueux, ce qui induit une sollicitation importante de l'extéroception ;

– d'autre part, sur la valeur extrinsèque et intrinsèque de chaque dent supportant la prothèse :

- l'évaluation de la valeur parodontale des dents restantes doit permettre de définir leur place dans le projet de restauration prothétique,

- l'évaluation des dents (la présence d'abrasions, de caries, d'anciennes obturations étanches ou non, de prothèses fixées, la version et/ou l'extrusion de certaines dents ainsi que les malpositions) ainsi que l'étude des moulages au paralléliseur ont pour objectif de déterminer l'axe d'insertion de la prothèse amovible le plus favorable.

La recherche des surfaces de guidage, des zones de rétention et d'éventuelles interférences majeures à éviter absolument, le tout sans altération esthétique, permet de tracer une ligne guide mettant en évidence les zones de dépouille et de contre-dépouille ainsi que les coronoplasties (par addition ou soustraction) nécessaires, tout en gardant à l'esprit le principe d'économie tissulaire [12].

Le traitement par prothèse amovible partielle métallique doit rétablir l'esthétique et restaurer la fonction sans nuire aux structures dentaires, ostéo-muqueuses, musculaires et articulaires. C'est pourquoi il est nécessaire d'assurer son équilibre selon les impératifs définis par Housset (sustentation, rétention, stabilisation).

Le mouvement de rotation le plus déstabilisant est le mouvement autour de l'axe passant par les dents bordant l'édentement. Il se manifeste dans deux situations :

– lors de la mastication d'aliments durs : il entraîne un enfoncement des selles dans la fibromuqueuse. Cela rejoint le problème de la dualité tissulaire ;

– lors de la mastication d'aliments collants : il entraîne un décollement de la prothèse de sa surface d'appui [13].

Il faut donc définir, pour chaque type d'édentement, l'aire de sustentation : l'axe de rotation principal (passant par les appuis dentaires les plus distaux), le bras de levier maximal et le bras de stabilisation destiné à s'opposer au bras de levier par des appuis directs et indirects.

Ces différents paramètres influencent le choix des composants du châssis ainsi que son tracé afin d'assurer un maximum d'équilibre à la prothèse et de s'opposer ainsi aux mouvements déstabilisants lors des fonctions.

De plus, en prothèse composite, les couronnes fraisées favorisent l'intégration de la prothèse amovible d'un point de vue mécanique, parodontal, esthétique et psychique. Les fraisages nécessaires sont inclus dans la morphologie de la couronne. Les zones de retrait et de dépouille sont créées par rapport à l'axe d'insertion optimal et la morphologie des bras de crochets peut être adaptée aux exigences esthétiques. Tous les paramètres de stabilité de la prothèse amovible sont ainsi optimisés, ce qui est fondamental pour la stabilité articulaire et l'équilibre musculaire.

D'un point de vue occlusal

L'intégration d'une reconstruction prothétique implique l'analyse des relations occlusales et, à travers elles, celle des fonctions occlusales lors de l'examen clinique du patient, ce qui permet de définir les moyens à mettre en œuvre en vue d'une restauration prothétique [14-16].

Lors de l'analyse occlusale préprothétique, les moulages d'étude sont transférés sur articulateur à l'aide d'un arc facial utilisant classiquement comme plan de référence le plan axio-orbitaire pour le moulage maxillaire ainsi qu'un support d'enregistrement du rapport intermaxillaire (RIM) pour le montage du moulage mandibulaire. Celui-ci doit se faire en relation centrée (ou en position articulaire thérapeutique en présence d'une pathologie articulaire, qu'elle soit réductible ou non), car elle est la seule référence à utiliser pour établir un diagnostic occlusal précis à partir du montage des moulages d'étude [17].

Le moulage mandibulaire peut être fractionné, séparant les secteurs postérieurs du secteur antérieur pour faciliter l'étude du guidage en propulsion (fig. 1 et 2).

Le centrage est ainsi analysé et, à travers lui, le différentiel occlusion d'intercuspidie maximale-occlusion en relation centrée (OIM-ORC) dans les sens sagittal, transversal et vertical. Une anomalie de centrage vertical correspond à une variation de la dimension verticale d'occlusion qui induit une rotation mandibulaire autour des articulations temporo-mandibulaires.

En présence d'anomalies de centrage, on peut observer :

– un décentrage mandibulaire transversal générateur de compressions et de distensions articulaires. Il peut constituer un facteur de risque pathogène ;

– une antéposition sagittale excessive ne générant pas de contrainte articulaire mais entraînant une instabilité articulaire lorsqu'elle est supérieure à 1 mm ;

– une rétroposition sagittale excessive favorisant une décoaptation condylo-discale et une compression de la zone bilaminaire.

L'analyse porte également sur le calage, qui correspond à la stabilité dentaire et mandibulaire, permettant la déglutition et autorisant le serrement lors du travail puissant [15]. Ce calage est dépendant de l'anatomie occlusale des dents, de leurs relations intra-arcade et interarcades. Une perte de calage entraîne, selon la localisation :

– une anomalie de calage postérieur. Cela provoque une élévation condylienne postérieure et une compression de l'articulation temporo-mandibulaire ;

– une anomalie de calage antérieur. La présence d'un surplomb antérieur important ou d'une béance antérieure entraîne une absence de contacts occlusaux antérieurs génératrice d'instabilité.

Enfin, le guidage permettant une désocclusion des secteurs postérieurs lors de mouvements centrifuges selon le concept de protection mutuelle est analysé en proclusion, diduction et en rétrusion lors du passage de l'OIM vers l'ORC.

Les anomalies de guidage sont de deux types :

– une interférence occlusale postérieure ou antérieure. C'est un contact occlusal qui limite ou dévie un mouvement mandibulaire harmonieux en propulsion ou en diduction [1] ;

– une prématurité occlusale. C'est un contact occlusal en relation centrée susceptible de dévier l'élévation mandibulaire [1]. La prématurité occlusale s'oppose au glissement harmonieux OIM-ORC. Un glissement long > 1 mm ou asymétrique OIM-ORC est aussi considéré comme une prématurité.

Cette analyse permet de poser un diagnostic occlusal selon les fonctions occlusales et leurs anomalies [18, 19]. Ce diagnostic, qui différencie occlusion fonctionnelle, malocclusion fonctionnelle et malocclusion pathogène, permet de choisir une position de reconstruction prothétique thérapeutique, position dans laquelle le praticien restaure ou reconstruit l'occlusion. Ainsi on obtient, suivant la position thérapeutique choisie, une OIM de fin de traitement qui peut être [20-22] :

– l'OIM initiale du patient lorsque la dimension verticale d'occlusion est correcte et que l'occlusion ou la malocclusion est fonctionnelle (présence d'une ou de plusieurs anomalies occlusales n'entraînant ni impotence fonctionnelle ni atteinte structurelle) ; dans ce cas l'OIM initiale est une OIM de convenance (fig. 3 et 4) ;

– une nouvelle OIM en relation centrée :

- lorsque la dimension verticale d'occlusion est erronée,

- en présence d'une malocclusion pathogène,

- en présence d'une malocclusion fonctionnelle (le bénéfice fonctionnel et esthétique est alors supérieur à la mutilation dentaire que le traitement impose de réaliser),

- en l'absence de pathologie articulaire.

Cas clinique illustrant la réalisation d'une prothèse composite avec comme choix de position thérapeutique une OIM en relation centrée

Cette patiente, de 85 ans, est venue consulter pour un problème esthétique et fonctionnel ainsi que pour des douleurs de type pulpite au niveau des dents maxillaires. L'anamnèse a également révélé un antécédent de bruxisme.

L'examen clinique a montré une absence de symptomatologie musculo-articulaire, une usure extrême des dents maxillaires peu compensée par égression des dents mandibulaires confirmant le bruxisme et un édentement de classe 1 maxillaire et mandibulaire non compensé.

L'examen occlusal a conduit au diagnostic suivant :

– classe III squelettique ;

– perte de dimension verticale d'occlusion ;

– anomalie de centrage ;

– anomalie de calage postérieur et antérieur ;

– absence de guidage ;

– courbes occlusales anarchiques.

La décision de restauration thérapeutique a été prise en accord avec la patiente :

– prothèse composite maxillaire :

- au niveau du secteur antérieur maxillaire, couronnes céramo-métalliques sur 15, 14, 13 solidarisées, 12, 11, 21 solidarisées et 22, 23, 24 solidarisées,

- prothèse amovible partielle métallique maxillaire de 5 dents ;

– prothèse composite mandibulaire :

- au niveau du secteur antérieur mandibulaire, des coronoplasties seront faites pour améliorer le plan d'occlusion,

- couronne céramo-métallique sur 45,

- prothèse amovible partielle métallique mandibulaire de 3 dents ;

Le choix de la position thérapeutique sera donc une nouvelle OIM en relation centrée et une validation de la nouvelle dimension verticale d'occlusion à partir de la dimension verticale phonétique (méthode de Silvermann).

Le schéma occlusal choisi a donc été une protection mutuellement protégée, un guidage incisif en propulsion et un guidage canin en diduction (fig. 5 à 9).

On peut également obtenir une OIM de fin de traitement qui peut être :

– une nouvelle OIM en antéposition (position articulaire thérapeutique) :

- en présence d'un déplacement discal réductible, à condition qu'il le soit cliniquement et après validation par prothèses provisoires,

- lors d'une rétroposition condylienne,

- lors d'une malocclusion fonctionnelle (le bénéfice fonctionnel et esthétique est alors supérieur à la mutilation dentaire que le traitement impose de réaliser),

- en présence d'une malocclusion pathogène,

- en présence d'une classe II division 1 dento-squelettique et avec la nécessité de reconstructions prothétiques postérieures :

• surplomb et recouvrement important,

• rapport dent à dent postérieur ;

– une nouvelle OIM différente de la relation centrée après mise en condition préalable :

- en présence d'un déplacement discal réductible ou irréductible avec ou sans signes et/ou symptômes de compression articulaire,

- lorsque la dimension verticale d'occlusion est erronée,

- en présence d'une malocclusion pathogène,

- lors d'une malocclusion fonctionnelle (le bénéfice fonctionnel et esthétique est supérieur à la mutilation dentaire que le traitement impose de réaliser).

L'analyse prothétique et occlusale permet donc de définir le type de schéma occlusal en fonction de la thérapeutique prévue, avec pour objectif d'assurer l'équilibre prothétique pendant les fonctions.

D'un point de vue fonctionnel : choix du schéma occlusal

Plusieurs paramètres doivent être pris en compte pour établir un schéma occlusal en prothèse amovible partielle [13, 23] :

– en présence de 2 prothèses antagonistes, le schéma occlusal est dicté par la prothèse la plus instable ;

– la situation de l'édentement sur l'arcade va directement influencer les déterminants antérieurs et/ou postérieurs de l'occlusion ;

– enfin, la valeur parodontale des dents restantes indique les possibilités de participation aux mouvements excentrés.

À partir de ces paramètres, il est possible d'établir un schéma occlusal [24-26] :

– suivant la position thérapeutique préétablie, l'OIM de fin de traitement doit assurer le calage et le centrage de la mandibule par des contacts bilatéraux et simultanés concernant les dents restantes ainsi que les dents prothétiques ;

– occlusion en propulsion :

- le guidage antérieur est reconstruit si les contacts antérieurs ne provoquent pas de déséquilibre et si les dents antérieures peuvent supporter le guidage antérieur ; dans ce cas, les contacts postérieurs sont à éviter, ce qui signifie un recouvrement incisif suffisant et une courbe de Spee peu accentuée,

- lorsque le guidage antérieur entraîne un déséquilibre de la prothèse (édentement de classe IV) ou lorsque les dents antérieures ne peuvent supporter à elles seules le guidage antérieur, on recherchera des contacts postérieurs équilibrants sur les taquets occlusaux. Cela nécessite un faible recouvrement incisif et une accentuation de la courbe de Spee ;

– occlusion en diduction :

- du côté travaillant, une fonction canine est recherchée si sa valeur parodontale est bonne ; sinon, on recherchera une fonction de groupe antérieure ou postérieure soit sur dents naturelles, soit sur dents naturelles et prothétiques, les dents naturelles protégeant systématiquement les dents prothétiques, soit uniquement sur dents prothétiques,

- du côté non travaillant, il y a trois possibilités :

• la diduction est assurée uniquement par des dents naturelles du côté travaillant. Dans ce cas, les contacts non travaillants sont à éviter, ce qui implique un recouvrement canin et cuspidien suffisant et une courbe de Wilson peu accentuée,

• la diduction est assurée par des dents naturelles et prothétiques du côté travaillant. La recherche de contacts non travaillants est alors fonction de l'état parodontal des dents naturelles, de la stabilisation de la prothèse lors du mouvement de diduction et de l'importance des aménagements occlusaux nécessaire à l'obtention de ces contacts non travaillants,

• la diduction est assurée uniquement par les dents prothétiques. Dans ce cas, on recherchera des contacts non travaillants pour assurer la stabilisation de la prothèse. Cela implique un faible recouvrement canin, une faible profondeur cuspidienne et une courbe de Wilson accentuée. On est alors dans le schéma d'une occlusion totalement équilibrée.

En prothèse composite, la morphologie occlusale des prothèses fixées est réalisée en fonction de la prothèse amovible, contribuant ainsi à une meilleure stabilité de celle-ci. Elle permet :

– de rétablir des courbes occlusales et des angulations cuspidiennes ;

– de rétablir une fonction de guidage antérieure grâce à la restauration des faces palatines et occlusales des dents restantes ;

– d'obtenir un équilibre occlusal favorable par orientation des surfaces occlusales des dents restaurées par couronnes fraisées, lorsque le guidage antérieur est impossible à rétablir (fig. 10).

Toutes les données récoltées permettent de poser un diagnostic global de la cavité buccale et conduit à la réalisation d'un montage directeur, véritable maquette de la future prothèse composite.

D'un point de vue temporisation : réalisation des prothèses provisoires à partir du montage directeur

Après avoir traité le dysfonctionnement de l'appareil manducateur, défini une position thérapeutique ainsi qu'un schéma occlusal en fonction du diagnostic posé, le praticien ou le prothésiste de laboratoire réalise un montage directeur en fonction des paramètres choisis. Ce montage permet de préfigurer les étapes prothétiques et la conception des prothèses et de visualiser le résultat final à obtenir [27-29]. En effet, il a plusieurs rôles :

– il caractérise le concept occlusal choisi et indique les modifications à apporter ;

– il aide à choisir les moyens de rétention, les préparations et les morphologies des couronnes fraisées ;

– il matérialise le projet esthétique ;

– il permet au praticien de présenter le plan de traitement au patient (rôle pédagogique) ;

– il est également un guide dans la réalisation de la prothèse composite.

La réalisation du montage directeur passe par deux étapes :

– analyse des moulages d'étude au paralléliseur par l'étude des surfaces de guidage, des zones de retrait, des interférences et de l'esthétique ;

– prise en compte des points clés de l'occlusion définis plus haut :

- dimension verticale d'occlusion,

- OIM-ORC (centrage-calage),

- guidage antérieur,

- courbes de compensation et plan d'occlusion.

Ainsi, le montage directeur est réalisé par :

– coronoplasties soustractives ou additives par cire de diagnostic (wax-up) au niveau des dents restantes. On obtient ainsi la forme des futures prothèses fixées qui serviront de modèle à la création des provisoires ;

– montage sur base de cire des dents du commerce. Ce montage doit respecter les aires de montage (aires de Pound, ligne faîtière des crêtes) et l'axe intercrête. On obtient ainsi une prothèse partielle en cire qui pourra être polymérisée pour constituer la prothèse amovible partielle provisoire.

Cas clinique illustrant le montage directeur permettant la réalisation des prothèses provisoires

Cette patiente s'est présentée pour une restauration esthétique et fonctionnelle de sa cavité buccale. À l'interrogatoire, elle a signalé des antécédents de bruxisme et de douleur au niveau des articulations temporo-mandibulaires.

L'examen musculo-articulaire a révélé une absence de douleur musculaire, un claquement au niveau de l'articulation temporo-mandibulaire gauche et des craquements au niveau de celle de droite ainsi qu'une déviation du trajet d'ouverture du côté gauche.

L'examen dentaire a mis en évidence la présence de surfaces d'abrasion au niveau du secteur incisivo-canin mandibulaire, un édentement de classe II division 1 maxillaire compensé par une prothèse amovible partielle en résine et différentes restaurations, et des soins conservateurs à réévaluer.

L'examen occlusal a révélé une perte de dimension verticale d'occlusion, avec une ouverture des diastèmes entre les incisives, et un plan d'occlusion anarchique.

Les éclats de céramique, dus aux surcharges fonctionnelles, étaient la preuve d'un schéma occlusal initial mal construit.

Le diagnostic était donc une malocclusion pathogène établie avec perte de dimension verticale d'occlusion et présence d'un déplacement discal réductible non symptomatologique (fig. 11 à 13).

La décision thérapeutique, prise en accord avec la patiente, comprenait une restauration prothétique avec, comme position thérapeutique, une nouvelle OIM différente de la relation centrée en raison de la présence d'un déplacement discal réductible du côté gauche, une augmentation de la dimension verticale d'occlusion et une restauration des courbes fonctionnelles. Le schéma occlusal choisi était une protection mutuellement protégée en OIM, un guidage incisif en propulsion et un guidage canin en diduction.

Concrètement :

– au maxillaire, restauration par prothèse composite :

- extraction de 28,

- bridge de 13 à 23,

Cas particulier : le groupe incisivo-canin ayant subi une vestibulo-version par suite de la perte de dimension verticale d'occlusion, il a été décidé, dans un premier temps, d'augmenter la dimension verticale au niveau des secteurs postérieurs par prothèse provisoire et, par un système d'élastiques orthodontiques s'attachant sur des crochets situés sur la prothèse amovible partielle transitoire en résine (en distal de 15 et 25) et prenant appui au niveau des faces vestibulaires des incisives et canines, de palato-verser le groupe incisivo-canin. La patiente change les élastiques 3 fois par semaine. On renforce ainsi le calage postérieur et on obtient un guide antérieur retardé en propulsion et une fonction de groupe en diduction.

Dans un second temps, lorsque le groupe incisivo-canin sera situé dans une position plus palatine, le bridge provisoire de 13 à 23 sera réalisé et servira de contention.

- couronnes céramo-métalliques sur 26 et 27,

- prothèse amovible partielle métallique remplaçant les dents absentes,

- soins conservateurs (onlays composites) sur 24 et 25 ;

– à la mandibule, restauration implanto-prothétique :

- extraction de 38 et 48,

- couronnes céramo-métalliques sur 34, 37 et 46,

- 2 implants remplaçant 35 et 36 + couronnes céramo-métalliques,

Cas particulier : il a été décidé de réaliser un bridge provisoire renforcé de 34 à 37 qui servira de guide radiologique lors du scanner.

- extraction et implantation immédiate + couronne céramo-métallique sur 45,

- soins conservateurs (onlays composites) sur 44 et 47,

- restauration du groupe incisivo-canin par composite.

La restauration d'un calage postérieur efficace ainsi qu'une dimension verticale réévaluée dans un schéma occlusal équilibré ont semblé suffisantes dans ce cas pour stabiliser la pathologie articulaire. Si cela n'avait pas été le cas, la solution aurait pu passer par le port diurne des prothèses provisoires et par le port nocturne d'une gouttière adaptée, remplaçant les secteurs édentés.

Un montage directeur a été réalisé, permettant de visualiser le projet prothétique et de réaliser au laboratoire les prothèses provisoires.

Le montage directeur a été réalisé en relation centrée et ne concernait, dans un premier temps, que les dents postérieures pour maintenir l'espace nécessaire à la palato-version du groupe incisivo-canin (réalisation F. Rouzé l'Alzit) (fig. 14 à 18).

Les éléments provisoires ont été réalisés en bouche à partir du montage directeur : au bout de 2 mois, on a pu constater la palato-version du groupe incisivo-canin maxillaire avec début de fermeture des diastèmes (fig. 19 et 20).

D'un point de vue stabilisation : réalisation de la prothèse composite

La réalisation des prothèses provisoires à partir du montage directeur a permis de renforcer les fonctions occlusales, de valider l'OIM de fin de traitement ainsi que le projet prothétique. La réalisation des prothèses d'usage a donc été simplifiée. Il a seulement fallu veiller à conserver la nouvelle OIM lors de l'enregistrement de la relation intermaxillaire.

Revenons au premier cas clinique. Après validation du projet prothétique par les prothèses provisoires, la réalisation de la prothèse composite d'usage a pu être envisagée.

L'enregistrement du rapport intermaxillaire s'est fait par secteur afin de conserver les paramètres validés par les prothèses provisoires (fig. 21 à 24).

Au stade des biscuits, les réglages ont été effectués en fonction du schéma occlusal choisi et validé par les prothèses provisoires (fig. 25 à 28).

Après validation de la prothèse fixée, la prothèse amovible a pu être réalisée. Une empreinte secondaire maxillaire en un temps et deux matériaux (Permlastic® regular et light) a été effectuée grâce à un porte-empreinte individuel ajusté sur les crêtes et sur la voûte palatine et espacé au niveau des dents. Le châssis a été matérialisé par le prothésiste de laboratoire et son adaptation sur la fibromuqueuse ainsi qu'au niveau des supports dentaires a été contrôlée, puis l'enregistrement du rapport intermaxillaire a été réalisé grâce aux bourrelets d'occlusion situés sur les selles prothétiques. Enfin, après un essayage esthétique et fonctionnel, la prothèse amovible a été mise en bouche et l'occlusion validée (fig. 29 à 31).

La réalisation d'une gouttière de protection en fin de traitement a permis de protéger les prothèses de la parafonction (bruxisme).

Une maintenance sera assurée par un contrôle au bout de 2 mois puis de 6 mois la première année et tous les 6 mois à 1 an les années suivantes pour :

– contrôler la santé parodontale ;

– contrôler l'OIM fonctionnelle et effectuer des retouches si nécessaire ;

– évaluer la parafonction et son impact sur les reconstitutions ;

– contrôler et retoucher la gouttière de protection ;

– pérenniser la restauration prothétique dans le temps.

Synthèse

Ces types de traitements ont conduit à proposer une démarche décisionnelle pour faciliter la prise en charge des pathologies musculo-articulaires en fonction de la catégorie d'occlusion du patient (fig. 32 à 34).

Conclusion

La réussite de l'intégration d'une prothèse composite au système manducateur passe par son intégration biologique, esthétique et occlusale. La présence d'un dysfonctionnement de l'appareil manducateur associé complique un peu plus la tâche du praticien quant à ses choix thérapeutiques et à la pérennité des traitements. Un diagnostic précis de ce dysfonctionnement permet d'envisager un traitement orthopédique pour définir la position thérapeutique de reconstruction prothétique ainsi que la nécessité éventuelle du port d'une gouttière de stabilisation après la finalisation de la restauration.

Il est également fondamental de garder à l'esprit que, les dysfonctionnements de l'appareil manducateur ayant une étiologie multifactorielle, la thérapeutique ne devrait pas et ne peut pas être seulement odontologique mais doit également faire appel à d'autres intervenants tels que kinésithérapeutes, ostéopathes, psychologues... Donner au patient cette information dès le début du traitement et lui expliquer les limites de notre action est indispensable pour lui permettre de participer de façon active à la résolution ou à la stabilisation de ses pathologies.

François Rouzé l'Alzit – Attaché universitaire, faculté de Chirurgie dentaire de Bordeaux, 16-20, cours de la Marne, 33082 Bordeaux cedex

Exercice privé, 7, cours de la Marne, 33800 Bordeaux

Odile Laviole – MCU-PH

Département de prothèse, faculté de Chirurgie dentaire de Bordeaux, 16-20, cours de la Marne, 33082 Bordeaux cedex

Jean-Christophe Raymond – Ancien assistant hospitalo-universitaire

Exercice privé, 7, cours de la Marne, 33800 Bordeaux

Liens d'intérêts : les auteurs confirment n'avoir aucun lien d'intérêt concernant cet article.

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