Suivi clinique des restaurations partielles collées indirectes en secteur cuspidé - Cahiers de Prothèse n° 177 du 01/03/2017
 

Les cahiers de prothèse n° 177 du 01/03/2017

 

Grand Est

P. Corne   P. De March   A.-S. Vaillant-Corroy   P. Hirtz  

L'avènement de la dentisterie adhésive, depuis les travaux de Buonocore [1] et de Nakabayashi [2], puis son émancipation ont permis d'élargir l'éventail des possibilités thérapeutiques de compensation des pertes de substances dentaires et d'intégrer ainsi le principe d'économie tissulaire aux préparations. La notion de gradient thérapeutique [

Résumé

Résumé

Les restaurations partielles collées indirectes en secteur cuspidé, plus connues sous le nom d'inlays-onlays, sont très souvent plébiscitées par la littérature scientifique fondée sur des études in vitro. Mais qu'en est-il du point de vue clinique ou de leur pérennité réelle ? Quelles sont les conclusions des études in vivo ? Existe-t-il une différence significative entre les matériaux en céramique et en résine composite ? Cette analyse de la littérature internationale sur les études in vivo et revues de littérature concernant l'emploi des inlays-onlays a pour but de déterminer et d'évaluer, par l'analyse des facteurs de réussite et d'échec, les risques et/ou bénéfices de ces restaurations.

L'avènement de la dentisterie adhésive, depuis les travaux de Buonocore [1] et de Nakabayashi [2], puis son émancipation ont permis d'élargir l'éventail des possibilités thérapeutiques de compensation des pertes de substances dentaires et d'intégrer ainsi le principe d'économie tissulaire aux préparations. La notion de gradient thérapeutique [3] élaborée dans cette logique a mis en évidence la nécessité de conservation tissulaire en rapport avec la pérennité des soins dento-prothétiques. En effet, la réalisation d'une couronne périphérique implique un sacrifice tissulaire d'au moins 70 % au niveau coronaire [4], dont une partie de tissus non forcément lésés, afin de garantir un espace prothétique suffisant pour les matériaux de restauration et la rétention mécanique de la préparation. Or, la perte de substance est le principal facteur compromettant à plus ou moins long terme la survie de la dent sur l'arcade. Cela est encore plus vrai en présence d'une dent dépulpée [5] reconstituée à l'aide d'une restauration par ancrage radiculaire mis en œuvre aux dépens de la dentine radiculaire.

La préservation des tissus originels sains devient ainsi la priorité dans une démarche décisionnelle graduelle du chirurgien-dentiste face à une perte de substance. L'indication préférentielle des restaurations partielles collées indirectes (RPCI) de type inlay-onlay pour la restauration des secteurs postérieurs de moyenne étendue est maintenant clairement établie. Les restaurations partielles en or sont depuis longtemps déjà une référence en termes de pérennité grâce à leurs propriétés bactériostatiques et la qualité de leurs joints optimisés par le brunissage. Cependant leur manque d'esthétique lié à la couleur du matériau et aux exigences de préparation parfois plus étendues pour satisfaire aux objectifs de rétention mécanique ainsi que la réalisation d'un biseau devant être secondairement bruni restreignent leur domaine d'indication compte tenu des nouvelles offres existant sur le marché. L'utilisation de matériaux dits biomimétiques tels que les résines composites de laboratoire ou les céramiques vitreuses constitue aujourd'hui une solution esthétique et biofonctionnelle pour la réalisation de restaurations adhésives pérennes qui permettent, en outre, une meilleure préservation tissulaire. Cependant, malgré leurs avantages indéniables, qui répondent aux exigences des traitements de biosubstitution en matière d'esthétisme, d'économie tissulaire, de bio-intégration et de pérennité, ces thérapeutiques ne sont encore que très rarement envisagées par les chirurgiens-dentistes. Ils optent préférentiellement pour des restaurations foulées dont le domaine d'indication est souvent largement dépassé ou pour des restaurations corono-périphériques beaucoup plus délabrantes et mettant davantage en jeu la pérennité de la dent. En effet, en 2007, seulement 0,71 % des soins recensés auprès des chirurgiens-dentistes français étaient du type RPCI [6]. Ce faible pourcentage ne peut s'expliquer uniquement par la faible prise en charge par les organismes de remboursement et résulte plus vraisemblablement non seulement d'un manque de connaissances des principes de préparation, de mise en œuvre et d'assemblage mais également d'un manque d'informations sur le suivi clinique à long terme de ces restaurations (sensibilités, fractures, caries secondaires) et, plus encore, d'un manque de confiance sur leurs possibilités thérapeutiques. Cet article se propose donc, à partir d'une analyse de la littérature scientifique internationale portant sur des études in vivo, d'identifier les causes d'échecs des inlays-onlays et leur prévalence afin de déterminer, au regard de l'ensemble des études recensées au cours des 20 dernières années, si les RPCI en résine composite ou en céramique constituent une thérapeutique risquée par rapport à leurs avantages attendus précédemment évoqués en considérant leurs échecs et autres complications possibles. Cette approche clinique permet de confronter ces restaurations à leurs conditions réelles d'utilisation pendant des périodes plus ou moins longues et concourt ainsi au choix de la restauration la plus adaptée parmi l'ensemble de l'éventail des solutions possibles, tous paramètres pris en compte.

Description des études

Une recherche bibliographique conduite grâce aux moteurs de recherche Sciences direct et PubMed a ciblé les mots clés suivants : « inlay », « onlay », « clinical study », « follow-up study », « composite », « ceramic », « indirect restoration ». Seules les études dont le texte intégral était accessible, en langue anglaise et en rapport avec la thématique ont été analysées.

Vingt-six articles internationaux [7-32] publiés entre 1998 et 2015 ont ainsi été sélectionnés, portant sur des études in vivo ou sur des revues de littérature concernant la mise en place et le suivi de RPCI en céramique et/ou en résine composite :

– 16 articles [7, 11-13, 15-19, 24-27, 29, 30, 32] portent sur l'utilisation de restaurations en céramique (tableau I) ;

– 9 articles [8-10, 14, 20-23, 28] concernent uniquement l'étude de RPCI en résine composite (tableau II) ;

– 1 étude compare l'utilisation de ces deux biomatériaux [31].

Les principales conclusions de chaque étude sont rapportées dans les tableaux I et II en considérant le matériau de restauration utilisé, le matériau d'assemblage, la durée de l'étude et le nombre de restaurations réalisées. Une attention particulière a été portée au taux de survie et aux principaux facteurs d'échec qui sont analysés et répertoriés dans la partie « Synthèse des résultats ».

Caractéristiques des restaurations étudiées

Parmi les RPCI en résine composite, on distingue les composites micro-hybrides (différentes tailles des charges) dont la plupart sont nanochargés (présence de charges comprises entre 2 et 70 nm), ce qui leur confère une meilleure esthétique et une meilleure aptitude au polissage, et les résines composites formées d'une matrice résineuse chargée en céramique (du type Ceromer®). Concernant les RPCI en céramique, la plupart sont constitués de vitrocéramique renforcée de leucite (du type Empress®, Ivoclar Vivadent). Ce matériau aux propriétés physico-mécaniques élevées permet non seulement de restaurer l'organe dentaire altéré mais également de le renforcer par le biais du collage et de ses propriétés mécaniques remarquables. Mais s'agissant des techniques de mise en œuvre, les études portant sur l'utilisation des procédés de conception et fabrication assistées par ordinateur (CFAO) autonomes ont employé principalement de la céramique feldspathique [31, 32] ainsi que de la céramique renforcée au disilicate de lithium [26].

Le protocole de mise en œuvre dans l'ensemble des études observe les règles de préparation des restaurations partielles collées indirectes [33] et chaque restauration a été effectuée en respectant les exigences de mise en œuvre de chaque matériau. Les étapes cliniques ont été, pour la majorité des études, réalisées par des praticiens expérimentés sauf pour 5 d'entre elles qui ont fait participer des étudiants [14, 21-23, 27]. La plus grande partie des restaurations a été réalisée chez des patients sans parafonctions à l'exception des études de Manhart [22], Huth [14] et Kükrer [20] où ce critère n'était pas discriminant. Des fonds de cavité à l'aide de ciment verre ionomère ou de résine composite ont parfois été mis en œuvre pour améliorer l'architecture de la cavité sans destruction supplémentaire des tissus dentaires et dans le respect du principe d'économie tissulaire.

Les protocoles de collage ont été respectés scrupuleusement pour chaque matériau d'assemblage et réalisés sous champ opératoire. Parmi les différents moyens d'assemblage employés, on distingue les colles sans potentiel adhésif ou les colles autoadhésives présentant chacune plusieurs modes de polymérisation (autopolymérisable, photopolymérisable ou dual).

Toutes les restaurations ont été réalisées sur un modèle en plâtre issu d'une empreinte surfacique conventionnelle, à l'exception des études portant sur les restaurations réalisées par CFAO directe où ces dernières ont été usinées par le système CEREC® de Sirona [29, 31, 32] à partir d'une acquisition par empreinte numérique. L'ensemble des études révèle donc de multiples paramètres, de la préparation jusqu'à l'assemblage, qui sont autant de variables influençant la qualité et la pérennité du traitement et qu'il conviendrait d'apprécier dans une démarche analytique.

Synthèse des résultats

Dans ces études, les paramètres les plus étudiés sont le taux de survie, l'état de surface des restaurations (rugosité, perte de substance), l'intégrité marginale, la compatibilité avec les tissus dentaires résiduels, les sensibilités postopératoires et douleurs nécessitant des traitements endodontiques, ainsi que l'aspect radiographique (pour les contrôles).

Du point de vue des résultats, tous matériaux confondus, l'ensemble des études s'accorde sur le fait que les restaurations partielles collées présentent des taux de survie majoritairement supérieurs à 90 % avant 10 ans. Dans la littérature scientifique, le taux d'échecs annuel moyen rapporté se situe entre 2 et 6 % pour les restaurations en résine composite [14, 22, 34] et entre 1,3 et 1,9 % pour les restaurations en céramique [34]. Il semblerait donc que les restaurations en céramique présentent des performances légèrement supérieures à celles des résines composites en termes de pérennité [34]. L'étude portant sur les matériaux du type Ceromer® montre aussi des résultats encourageants avec un taux de survie de 97,9 % à plus de 4 ans [20]. Ces matériaux dits hybrides, alliant une matrice résineuse à des charges en céramique, et qui présentent des propriétés mécaniques plus importantes que les résines composites sont de plus en plus développés et semblent constituer une bonne solution lors du choix du matériau de restauration des RPCI.

Concernant le procédé de mise en forme par CFAO directe, les résultats sont sensiblement similaires [29, 32], voire supérieurs [31, 35] aux techniques de laboratoire classiques du point de vue fonctionnel. Cependant, pour une esthétique optimale, l'utilisation de maquillage et un choix rigoureux du bloc à usiner sont indispensables (fig. 1 à 3).

En matière de sentiment de satisfaction éprouvé par les patients, la plupart d'entre eux ont été satisfaits de leur restauration du point de vue esthétique et fonctionnel. La majorité des doléances concernent les douleurs postopératoires, conduisant parfois à la mise en œuvre d'un traitement endodontique durant l'année suivant la mise en service de la restauration.

Les restaurations partielles collées en céramique ou en composite représentent donc une solution fiable dans l'arsenal thérapeutique du chirurgien-dentiste en réponse aux objectifs d'intégration esthétique, de fonction et de pérennité. En effet, dans l'étude de Donly et al. [10], on ne retrouve pas de différence significative entre les restaurations en or, restauration de référence, et les inlays en résine composite du point de vue de leur usure et du risque d'échec.

De plus, on peut noter que les restaurations de type onlay présentent une meilleure pérennité que les inlays [18, 28] qui peut s'expliquer par la diminution du facteur C, par l'augmentation de la surface de collage [33] ou encore par le recouvrement des structures dentaires fragilisées. En outre, le recouvrement cuspidien permet de diminuer la profondeur de préparation, paramètre le plus influant sur la résistance à la fracture [3]. En effet, la cuspide sous les contraintes occlusales a tendance à fléchir et mettre à mal le joint de collage, du fait des différences physico-mécaniques des divers matériaux et tissus en présence [36]. Cela est d'autant plus vrai que l'on est en présence d'une cavité profonde intéressant les faces proximales, notamment dans le cas d'une dent dépulpée. La réalisation d'un cerclage pour obtenir un ferrule effect est, dans ces cas, fortement recommandée (fig. 4).

Pour ce qui est de la situation de la dent concernée par le traitement, on note également de meilleurs résultats sur les restaurations au niveau des prémolaires par rapport au secteur molaire [12, 14] ainsi que sur les premières molaires par rapport aux deuxièmes molaires [24]. Cela s'expliquerait par la présence de contraintes occlusales plus faibles, un accès cavitaire amélioré ainsi que des cavités plus petites au niveau des prémolaires [23]. Cependant, Frankenberger [11], Schulte [27] et Nejatidanesh [32] ne partagent pas cette observation et n'ont pas détecté d'influence de la taille, de la position ou du type de dent restaurée sur le risque d'échec.

Concernant l'état de vitalité pulpaire, ce paramètre semble ne pas avoir d'influence sur la longévité ou le risque d'échec [24, 27], excepté dans l'étude de Nejatidanesh [32] qui a montré un risque d'échec plus élevé sur les dents dépulpées que pulpées qui pourraient s'expliquer par le volume des cavités particulièrement important dans ce cas. En effet, tous les échecs sur dents dépulpées dans cette étude sont situés au niveau de cavités restaurant au minimum quatre faces ou plus.

Les différents moyens d'assemblage testés n'ont pas montré d'influence sur le risque d'échec [7, 8, 15, 16, 19, 30]. Une étude révèle tout de même qu'un ciment photopolymérisable avec matrice de céramique modifiée inorganique (du type Ormocer®) induit plus de risque de sensibilité postopératoire que les autres moyens d'assemblage [15] et que les colles sans potentiel adhésif présentent une meilleure intégrité du joint de collage à long terme [30]. De plus, selon l'étude de Peumans et al. [26], le mordançage sélectif amélaire (fig. 5) ne montre pas de résultats significativement plus élevés lors de l'utilisation d'une colle autoadhésive. Cependant, ce résultat nécessite d'être confirmé par d'autres études cliniques aux nombres d'échantillons plus élevés et avec une durée d'étude supérieure à 4 ans. En effet, le mordançage sélectif amélaire améliore, selon les études in vitro, les valeurs d'adhérence aux tissus dentaires sans distinction du moyen d'assemblage (sans potentiel adhésif, avec potentiel adhésif ou autoadhésif) [37, 38].

Les RPCI, qu'elles soient en résine composite ou en céramique, présentent un taux de survie très satisfaisant cliniquement. L'utilisation des techniques indirectes, approuvée par les patients, permet non seulement de rétablir de façon optimale l'anatomie du point de contact en diminuant les risques de bourrage alimentaire mais également de limiter la contraction de prise des matériaux insérés en phase plastique. L'analyse de ces études a conduit à mettre en évidence des facteurs de réussite et d'échec qui permettent d'optimiser les taux de survie clinique des RPCI.

Facteurs de réussite

Expérience du praticien

L'expérience du praticien dans la préparation et les protocoles de collage semble être un facteur déterminant dans le succès des RPCI. Dans les études de Manhart [22] et Huth [14], où les soins ont été effectués par des étudiants, on retrouve des taux de survie inférieurs à ceux de la littérature médicale pour une même catégorie de matériaux. Cependant, d'autres études [23, 27] révèlent le contraire, comme celle de Schulte et al. [27] où l'on ne retrouve pas de différence significative entre les restaurations effectuées par le corps enseignant (91 %) et par les étudiants (90 %). Le facteur opérateur dépendant demeure toutefois très difficile à apprécier. Il dépend principalement du niveau de connaissance des protocoles opératoires ainsi que de la maîtrise et de l'expérience du praticien dans ce domaine. D'autres études seraient donc nécessaires pour déterminer l'influence de l'expérience du praticien dans la réussite d'un protocole de collage. Néanmoins, une connaissance approfondie de ces protocoles ainsi que celle du matériau d'assemblage sont primordiales pour la réussite de ces traitements.

En effet, la mise en condition tissulaire des tissus dentaires est un facteur déterminant dans un protocole de collage. Si la préparation du bandeau amélaire à l'aide d'acide orthophosphorique à 37 % pendant 30 secondes, mis en évidence par les travaux de Buonocore [1], est relativement simple à maîtriser, celle du tissu dentinaire est beaucoup plus compliquée à appréhender et requiert une certaine expérience clinique. Dans les faits, ce dernier est contaminé par la présence de la boue dentinaire au sein des canalicules. En fonction du matériau d'assemblage choisi, une préparation totale, partielle ou nulle doit être entreprise. La difficulté vient de la dualité de la structure dentinaire [39] qui présente une microstructure propice au collage via le réseau canaliculaire, contrecarrée par la présence du fluide plasmatique qui empêche l'établissement d'une surface sèche nécessaire aux protocoles d'adhésion. De ce fait, les agents de collage dentaire se doivent d'être non seulement hydrophobes pour le collage amélaire mais également hydrophiles pour le collage dentinaire. Cliniquement, la dentine après mordançage à l'acide orthophosphorique à 37 % pendant 15 secondes doit d'abord être rincée soigneusement avant d'être séchée, sans être asséchée, au risque sinon d'entraîner un affaissement du réseau collagénique [40] (fig. 6). Cette étape est suivie, pour les colles sans propriétés adhésives, par l'application d'un primaire d'adhésion et/ou d'un adhésif. Cette application se doit d'être suffisamment longue pour permettre la réhydratation du réseau collagénique et est donc aussi soumise au facteur praticien dépendant. La mise en place d'un champ opératoire complet est primordiale afin de garantir une absence totale d'humidité extérieure ou de contamination bactérienne. L'utilisation des systèmes autoadhésifs permet de s'affranchir de ces étapes praticien-dépendantes mais contraint malheureusement le collage dentinaire à la seule adhérence de la boue dentinaire au sein des canalicules (environ 5 MPa) [39]. De plus, la boue dentinaire, pellicule matricielle formée à partir d'un mélange de collagènes dénaturés et d'eau d'origine dentinaire, contient également des éléments d'origine exogène tels que de la salive, du sang et des micro-organismes bactériens qui peuvent, à plus ou moins long terme, être à l'origine d'agressions pulpaires.

L'expérience du praticien intervient également dans la préparation cavitaire qui se doit non seulement de respecter le principe d'économie tissulaire mais également d'intégrer la biomécanique des tissus résiduels dans le contexte occlusal [33]. L'analyse des contraintes occlusales et la gestion de la préparation cavitaire doivent être judicieusement élaborées afin d'optimiser la réalisation des RPCI. Ainsi, dans certaines situations, le recouvrement cuspidien, malgré un délabrement supplémentaire, permet de limiter les contraintes exercées au sein du joint de collage et de limiter le risque d'échec (fig. 7 à 9). Cette appréciation bénéfice/risque lors de la préparation cavitaire ne peut s'effectuer sans une connaissance approfondie des propriétés mécaniques intrinsèques des matériaux de restauration et du contexte occlusal.

Parafonctions

Ces restaurations s'adressent en majorité à des patients présentant une bonne hygiène bucco-dentaire, sans problème occlusal ni parafonctionnel. En effet, dans la majorité des études, une sélection stricte des patients a été effectuée. Ceux-ci devaient présenter une bonne hygiène bucco-dentaire ainsi qu'une occlusion stable et conforme, une absence de parafonctions et de problèmes parodontaux.

Dans les études de Manhart [22] et de Huth [14], incluant des patients bruxomanes, on retrouve des taux de survie inférieurs à ceux de la littérature médicale. Cependant, l'étude reposant sur le composite Ceromer®, incluant 29 % de patients bruxomanes, présente un taux de réussite de 97 % au bout de 4 ans. L'utilisation de matériaux aux propriétés mécaniques importantes et présentant une certaine ductilité, dans ce contexte de contraintes excessives, semble donc plus appropriée. Ainsi, les parafonctions ne semblent plus présenter de contre-indications pour la mise en place de RPCI à condition d'utiliser le matériau adéquat et d'intégrer le niveau de contrainte en intensité et en direction dans la préparation.

La réussite d'un traitement prothétique par RPCI repose essentiellement sur les connaissances des principes de préparation et d'assemblage et de la capacité du praticien à les appliquer. Le choix du matériau de restauration en fonction du contexte clinique, ainsi que celui du matériau d'assemblage et le respect de son protocole d'utilisation sont des paramètres influençant également la réussite de cette thérapeutique, tout comme le respect de ses domaines d'indications et de contre-indications.

Facteurs d'échec

Adaptation marginale

L'adaptation marginale est un paramètre clé dans les RPCI influençant directement la pérennité de la restauration. En effet, elle représente le premier facteur d'échec rapporté pour l'ensemble des études, quelle que soit la nature du matériau d'assemblage ou de restauration. Néanmoins, il semblerait que le joint de collage des colles sans potentiel adhésif présente moins de dégradation dans le temps que les autres [30]. Les défauts d'adaptation marginale sont constatés quelques semaines seulement après la pose de la restauration par une coloration du joint marginal. Dans la plupart des études, cette coloration, qui apparaît très rapidement, n'évolue pas au fil du temps et reste stable. Cette dégradation du joint, qui apparaît sur la majorité des restaurations, entrave juste l'intégration esthétique de ces dernières mais n'indique pas forcément son altération (fig. 10). Ce défaut d'adaptation semble plus présent sur les restaurations en matériau composite qu'en céramique.

Plusieurs hypothèses permettent d'expliquer ces défauts d'adaptation marginale.

Tout d'abord, une insuffisance de collage, notamment à l'émail [18], qui entraînerait une percolation et, par conséquent, une coloration du joint. Une autre hypothèse repose sur une dégradation de l'agent de collage par fatigue du matériau d'assemblage. Une mauvaise polymérisation de ce dernier, notamment lorsqu'il est uniquement photopolymérisable, est une autre explication plausible pouvant être à l'origine de ce défaut d'adaptation [19]. Même si aucun article dans cette étude comparative ne montre de différence significative avec un mode de polymérisation à l'aide des photons, il semble plus prudent d'utiliser un moyen d'assemblage chémopolymérisable ou dual, du fait de l'épaisseur des restaurations dans les secteurs cuspidés et du manque probable d'insolation au niveau de la restauration.

Les résultats obtenus par les procédés de CFAO autonomes, légèrement supérieurs à ceux des techniques conventionnelles rapportés dans la revue bibliographique de Martin et al. [35], peuvent s'expliquer par l'ajustage particulièrement fiable des techniques d'empreinte optique qui permettent d'obtenir des adaptations marginales inférieures à 100 μm [41]. En effet, la faiblesse des RPCI réside dans ce joint de collage souvent mis en défaut par les contraintes de mastication. Ce dernier doit alors supporter les différences de comportement mécanique entre la dualité des structures dentaires et le matériau de restauration. Ainsi, plus son épaisseur sera faible, moins son rôle « d'amortisseur » de contraintes sera mis en jeu lors des fonctions et plus sa pérennité sera augmentée. L'importance de la préparation, par l'intermédiaire d'une dépouille croissante, une forme simple et massive présentant un fond plat, est donc primordiale.

Fractures

Première cause réelle d'échec des restaurations partielles collées, la fracture est le grand ennemi des RPCI en matériau cosmétique et plus particulièrement en céramique.

Cette fracture peut s'effectuer au sein du matériau lui-même, ce qui indique alors une mauvaise répartition des forces occlusales ou un défaut de préparation avec une épaisseur trop faible de matériau. La présence d'un isthme trop étroit ou d'un angle au sein de la cavité, ou encore un défaut d'élaboration du matériau lui-même peuvent également expliquer ce phénomène.

La fracture peut aussi se rencontrer au sein du tissu dentaire, qui s'explique par un défaut de préparation au niveau de la cavité, un mauvais jugement de la résistance des tissus résiduels, ou encore un défaut de réglage de l'occlusion. Le recouvrement cuspidien, dans le cadre de restaurations profondes, permet de diminuer ce risque de fracture [3, 33, 36] (fig. 11).

La fracture peut également s'expliquer par une présence d'émail trop faible par rapport à la taille de la cavité, entraînant une force d'adhérence insuffisante, source de contraintes à l'interface dent/matériau [42]. Il semblerait que les risques de fracture soient plus influencés par la force d'adhésion que par la résistance du matériau lui-même [43].

Les fractures sur les restaurations en céramique entraînent obligatoirement la dépose de ces dernières, du fait des difficultés de mise en place des protocoles de réparations intrabuccales, contrairement aux restaurations en résine composite où la réparation reste envisageable mais entraîne tout de même un affaiblissement des propriétés mécaniques. Pour ce faire, une préparation dans la restauration préexistante à l'aide de fraises diamantées doit être réalisée afin de créer une cavité présentant des contre-dépouilles pour permettre le maintien de cet ajout de matériau. Cela est ensuite complété par un mordançage à l'acide orthophosphorique à 37 % durant 30 à 40 secondes de la résine préexistante, suivi d'un rinçage soigneux puis d'un séchage avant la mise en place d'un adhésif amélo-dentinaire de restauration directe pour permettre la liaison chimique entre les deux résines. La mise en place de la résine composite insérée en phase plastique peut alors débuter, à l'image d'une restauration directe classique, jusqu'à complet comblement.

Douleurs et hypersensibilités

Des douleurs postopératoires peuvent apparaître durant les premières semaines suivant la pose de la restauration. La nécessité d'un traitement endodontique reste occasionnelle mais est présente malgré tout.

Les critères de préparation et l'étendue de la lésion carieuse font que la cavité se trouve très souvent proche de la pulpe dentaire. De plus, les protocoles de collage étant rigoureusement suivis, la pulpe se trouve davantage agressée et des processus de réaction inflammatoire peuvent s'installer, allant parfois jusqu'à la pulpite irréversible.

L'utilisation du scellement immédiat des tubuli dentinaires durant la phase de préparation cavitaire permet non seulement d'augmenter les valeurs d'adhérence après collage [44] et de diminuer le risque de contamination bactérienne pendant la période de temporisation, mais concourt également à limiter le risque d'hypersensibilités postopératoires. Pour ce faire, l'utilisation d'un adhésif automordançant semble préférable du fait de son agressivité moindre pour le tissu pulpaire.

Reprise carieuse/perte d'étanchéité

Le problème des caries secondaires au niveau de ce type de restauration est possible mais semble peu fréquent. Dans la plupart des études, aucune carie secondaire n'a été décelée. Elles font souvent suite à un défaut préalable d'étanchéité ou d'adaptation marginale.

Conclusion

Cette étude comparative a permis de mettre en évidence la fiabilité des RPCI qui doivent faire partie intégrante de l'arsenal thérapeutique du chirurgien-dentiste. Les échecs existent mais sont liés à des causes clairement identifiées. La connaissance des domaines d'indication, des propriétés des matériaux, des règles de préparation et la capacité à les mettre en œuvre sont les paramètres les plus influents pour la réussite des RPCI.

La nature du matériau de restauration, résine composite ou céramique vitreuse, ne semble pas influencer significativement le taux de survie de ces restaurations. Le choix doit donc se faire en fonction de l'affinité du praticien à l'utilisation d'un matériau et de son moyen d'assemblage, mais également en fonction du contexte clinique.

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Liens d'intérêts

Les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.

Auteurs

Pascale Corne - Maître de conférences associé, praticien attaché

Faculté d'odontologie de Nancy

Service d'odontologie, Département de prothèse

Institut Jean-Lamour, UMR 7198 CNRS

Équipe 401 DOLPHIN Nanomatériaux pour la vie et le développement durable

Pascal De March – MCU-PH

Faculté d'odontologie de Nancy

Service d'odontologie, Département de prothèse

Institut Jean-Lamour, UMR 7198 CNRS

Équipe 401 DOLPHIN Nanomatériaux pour la vie et le développement durable

Anne-Sophie Vaillant-Corroy - MCU-PH

Faculté d'odontologie de Nancy

Service d'odontologie, Département de prothèse

Institut Jean-Lamour, UMR 7198 CNRS

Équipe 401 DOLPHIN Nanomatériaux pour la vie et le développement durable

Pierre Hirtz - Assistant hospitalo-universitaire

Faculté d'odontologie de Nancy

Service d'odontologie, Département de prothèse