1918-2018 « Sourire quand même... hier, aujourd'hui et demain ! » - Cahiers de Prothèse n° 181 du 01/03/2018
 

Les cahiers de prothèse n° 181 du 01/03/2018

 

Editorial

Florent Destruhaut et Rémi Esclassan  

, rédacteurs en chef invités

Ce titre s'inspire de la devise de l'association de l'Union des blessés de la face, plus connue sous le terme des « Gueules Cassées », créée en 1921. Un siècle s'est écoulé depuis le début de la Grande Guerre, dont le dernier témoin Georges Choules, un poilu britannique, est décédé en 2011, à l'âge de 110 ans, 3 ans seulement après le dernier poilu français, Lazarre Ponticelli décédé en 2008, également à 110 ans ! Ce terrible conflit présente à ce jour un...


Ce titre s'inspire de la devise de l'association de l'Union des blessés de la face, plus connue sous le terme des « Gueules Cassées », créée en 1921. Un siècle s'est écoulé depuis le début de la Grande Guerre, dont le dernier témoin Georges Choules, un poilu britannique, est décédé en 2011, à l'âge de 110 ans, 3 ans seulement après le dernier poilu français, Lazarre Ponticelli décédé en 2008, également à 110 ans ! Ce terrible conflit présente à ce jour un des plus effroyables bilans jamais estimés en pertes humaines : 20 millions de morts (près de 10 millions de morts chez les militaires et autant chez les civils), 21 millions de blessés et, parmi eux, environ 400 000 mutilés dont 15 000 touchés au visage.

 

Réhabiliter ces hommes et femmes défigurés par la guerre a été dès le départ un des défis les plus nobles et ambitieux de l'histoire de la chirurgie reconstructrice française et de la prothèse réparatrice. Dans cet esprit et depuis leur création, les Cahiers de Prothèse n'ont cessé de souligner l'importance de la prothèse dans la réhabilitation du patient à travers son visage et son sourire. La prothèse maxillo-faciale (PMF) est ainsi régulièrement mise à l'honneur dans ses pages et témoigne de cette volonté de montrer ce qui est fait pour aider les patients à se reconstruire, en dépit des pertes de substances subies.

« L'homme n'est jamais un premier homme, il ne peut commencer à vivre qu'à un certain niveau de passé accumulé » (Ortega Y Gasset).

Lorsque Stéphane Viennot, connaissant nos goûts partagés pour la PMF, l'anthropologie et l'histoire, nous a proposé de coordonner ce numéro spécial anniversaire, nous avons accepté avec plaisir et honneur. Pour permettre un léger pas de côté par rapport à une approche « classique » de la prothèse, il nous a donné son feu vert pour amener les lecteurs des Cahiers de Prothèse sur les chemins variés – mais pertinents – de l'histoire, de la médecine bucco-dentaire, de l'oncologie, des sciences humaines et sociales et, bien sûr, de la prothèse maxillo-faciale. Merci à lui pour sa confiance.

 

Un tel numéro, dont l'objectif est de rendre hommage aux patients et aux soignants, ne pouvait exister sans une équipe d'auteurs passionnés que nous remercions chaleureusement pour avoir accepté de nous faire partager leur expertise et leur passion.

Dans un premier article, Philippe Pomar (PU-PH) et Florent Destruhaut (MCU-PH), spécialistes en PMF, nous proposent une réflexion anthropologique passionnante sur l'importance de la face et du visage, notamment par le biais des représentations faciales traditionnelles telles que les masques égyptiens ou les icônes orthodoxes.

Didier Maurice, MCU-PH et également spécialiste de PMF, décrit les différentes pertes de substance maxillo-faciales et l'évolution des techniques de réhabilitation et de rétention, depuis les lacets et la colle, jusqu'aux implants. Il met également l'accent sur l'impression 3D et la bio-ingénierie qui font vraiment passer la PMF au &pcap;xxi&/pcap;e siècle.

Ensuite, Pierre Baron et Éric Dussourt, chirurgiens-dentistes et historiens membres de la Société française d'histoire de l'art dentaire (SFHAD), offrent une approche historique et originale de la PMF par le biais d'un article sur Anna Coleman Ladd, sculptrice américaine qui créa à Paris le premier atelier pour la confection de masques afin d'aider les soldats défigurés à se réinsérer dans la vie sociale.

Au carrefour de la prothèse, l'histoire et l'anthropologie, Florent Destruhaut revient sur l'évolution des prothèses faciales de l'Antiquité à nos jours et laisse aussi entrevoir celles de demain. Il met l'accent sur les enjeux humanistes, technologiques et éthiques auxquels sont et seront confrontées les prochaines générations de soignants.

Dans une approche contemporaine du soin, Caroline de Bataille, ancienne interne et qualifiée en médecine bucco-dentaire (MBD), décrit à travers son expérience à l'Institut universitaire du cancer les traitements thérapeutiques oncologiques spécifiques des voies aéro-digestives supérieures, leurs toxicités et les perspectives, en lien avec la réhabilitation maxillo-faciale au sein des Soins oncologiques de support.

Enfin, Emmanuelle Vigarios, MCU-PH et qualifiée en médecine bucco-dentaire (MBD) au sein de l'Institut universitaire du cancer (UICT, Oncopole, Toulouse), nous fait partager par le prisme des sciences humaines et sociales sa vision humaniste du soin en PMF sur le visage, la défiguration et la rupture identitaire induite. Elle nous éclaire sur le sens des pratiques en réhabilitation maxillo-faciale et les enjeux pour les patients.

 

Pour paraphraser Paul Ricœur, « nous devons nous souvenir car nous sommes responsables de notre présent et de notre avenir », nous souhaitons que ce numéro spécial anniversaire 1918-2018 des Cahiers de Prothèse arrive à faire un lien entre passé, présent et avenir.

 

Bonne lecture !

  • Audoin-Rouzeau S, Becker JJ. Encyclopédie de la Grande Guerre. Fayard, 2004.

    Monestier M. Les Gueules Cassées. Le Cherche-Midi, 2009.

    Alary É. La Grande Guerre des civils. Perrin, Paris, 2013.

  • Ortega y Gasset J. Méditations sur la technique. Allia, Paris, 2017.

  • Ricœur P. La mémoire, l'histoire, l'oubli. Seuil, Paris, 2000.

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