Apport de l'hypnose en chirurgie dentaire - Cahiers de Prothèse n° 183 du 01/09/2018
 

Les cahiers de prothèse n° 183 du 01/09/2018

 

Pratique professionnelle

F. MACHAT  

« Les dents, la bouche, c'est la communication, la voix, l'intime. Dans l'imaginaire du patient, le chirurgien-dentiste pénètre cette intimité avec ses outils, et cela peut être perçu comme une intrusion » écrit Alain Amzalag [1].

Pour le professeur Gérard Ostermann, spécialiste de l'oralité et des troubles des comportements alimentaires : « La bouche est un carrefour d'échange entre le moi et le...


Résumé

Introduction

Objectivement, nous faisons partie des professions de santé les plus mal aimées. Nous pouvons en chercher les causes parmi les représentations de notre profession à travers les âges, mais le fait que nous intervenons dans la bouche de nos patients n'est pas anodin ; il n'est sans doute pas naturel de travailler dans une cavité intime de l'organisme. Un jour, un de mes fils qui devait avoir 4 ans me questionna sur le métier que j'exerçais, je lui ai alors expliqué que mon travail était de soigner les dents. Il m'a répondu instantanément d'un air dégoûté : « Beurk... Tu mets tes doigts dans la bouche des gens ! »

Nos étudiants et nos jeunes confrères, s'ils ont reçu le plus souvent une formation d'excellence, ne sont que très peu préparés à ce genre d'appréciation. Il n'est, en effet, pas forcément naturel de passer sa vie professionnelle dans la bouche des autres ! Et c'est pourtant ce que nous faisons tous, même si nous sommes passionnés par les aspects techniques de notre profession.

« Les dents, la bouche, c'est la communication, la voix, l'intime. Dans l'imaginaire du patient, le chirurgien-dentiste pénètre cette intimité avec ses outils, et cela peut être perçu comme une intrusion » écrit Alain Amzalag [1].

Pour le professeur Gérard Ostermann, spécialiste de l'oralité et des troubles des comportements alimentaires : « La bouche est un carrefour d'échange entre le moi et le monde. »

De fait, la cavité buccale est une des régions corporelles la plus chargée en récepteurs sensitifs. Nous faisons tous les jours l'expérience de la grande pertinence des remarques de nos patients : sur le volume de nos prothèses, l'état de surface de leurs dents ou encore le réglage occlusal de nos reconstitutions. Cette extrême sensibilité s'applique également à la perception de la douleur, lors de lésions buccales ou dentaires, ainsi qu'aux gestes douloureux que nous sommes amenés à réaliser. Même si l'usage des anesthésiques locaux, très efficaces la plupart du temps, nous permet d'effectuer des soins dans de bonnes conditions, il n'en demeure pas moins qu'une douleur dentaire est souvent présentée comme étant la pire des douleurs ressentie.

Si nous ne prenons pas conscience en tant que soignants de ces différents aspects, nous nous exposons à de nombreuses difficultés avec certains de nos patients, même si nous maîtrisons parfaitement l'aspect technique du soin.

Nous sommes parmi les professionnels de santé qui se formons le plus, et il y a un vrai décalage entre l'évolution de notre profession, qui propose à nos patients des solutions techniques de plus en plus élaborées, de moins en moins traumatisantes, et l'image que l'on nous renvoie : « arracheur de dents » ; « boucher », « menteur », etc.

Bien sûr, cette image n'est pas figée et nos patients sont de plus en plus conscients de l'évolution technique de notre profession. Cela dit, les médias ne nous aident généralement pas, ils véhiculent une image le plus souvent négative – sans compter les scandales actuels autour des centres de santé low cost – par le biais de reportages récurrents concernant des patients mutilés, des traitements inappropriés et des confrères escrocs. Même si une infime partie de notre profession est ici visée, ces récits nous font énormément de tort.

Un sondage IFOP réalisé à la demande de l'UFSBD en 2012 montre que près d'un tiers des Français repousse leurs soins par peur du dentiste ! Cette mauvaise image, et cette appréhension des soins dentaires, est donc un véritable enjeu de santé public.

L'hypnose a une vertu essentielle, celle de nous recentrer, nous chirurgiens-dentistes, comme tous les autres professionnels de santé, sur ce qui demeure le cœur de notre métier : la relation entre le patient et le praticien.

La relation patient/praticien

Cette relation est fondamentale, et elle est effectivement le cœur de notre métier. Loin de toute standardisation des traitements, nous devons nous adapter à chacun de nos patients.

Cette relation se noue lors des toutes premières minutes de communication. Nous savons tous que nous n'avons pas deux fois la possibilité de faire une bonne première impression. Mais, la plupart du temps, cette première impression ne se fait pas avec nous, chirurgiens-dentistes, mais au téléphone avec nos collaborateurs ou collaboratrices, secrétaires ou assistantes.

Ce premier contact téléphonique est fondamental et l'hypnose commence ici. Les mots qui vont être employés revêtent alors une importance toute particulière, car ils vont résonner dans la tête de nos patients jusqu'au jour du premier rendez-vous avec le praticien.

Nous avons tous fait cette expérience d'un mauvais premier contact téléphonique lors d'une prise de rendez-vous chez des confrères du milieu médical. Nous avons alors une mauvaise première impression qui nous conditionne de manière négative avant même notre premier rendez-vous.

De ce point de vue, on peut s'interroger sur la pertinence du recours aux centrales téléphoniques, par certains confrères, qui sont souvent impersonnelles et mal adaptées à la création d'une relation patient/praticien de qualité.

Un premier contact téléphonique désagréable va donc conditionner nos patients, ils vont arriver en « transe » négative à notre cabinet avec un a priori défavorable. Cela sera alors une première consultation compliquée pour le praticien, puisqu'il sera plus difficile d'instaurer une relation de confiance avec le patient.

Au contraire, un premier contact efficace va permettre à nos collaborateurs(trices) de conditionner favorablement notre patient par des mots adaptés. Il doit également permettre de transmettre des informations importantes au praticien, certaines de ces informations n'étant données que lors de ce premier contact téléphonique, d'où l'importance d'un système fiable de transfert de l'information (fiches téléphoniques, registre papier ou informatique, etc.).

Lors de cette première consultation, la chose la plus importante est l'écoute du patient. C'est lui seul qui sait pourquoi il vient. Nous devons donc adopter une attitude de « non-savoir » ! Nous commençons toujours nos premières consultations par une question ouverte du type : « Bonjour, qu'attendez-vous de moi ? » et nous nous taisons, quelques fois, 20 ou 30 secondes. Les premiers mots que le patient va prononcer vont conditionner toute notre relation et surtout... notre plan de traitement.

Établir un plan de traitement aussi beau soit-il sans y inclure la demande principale de notre patient est voué à l'échec, mais encore faut-il la connaître, nous sommes alors parfois surpris par cette demande.

Plusieurs études ont mis en évidence l'absence d'écoute des professionnels de santé, notamment en secteur hospitalier, ainsi la durée d'écoute entre le moment où le patient entre en consultation et le moment où son discours est interrompu par une question fermée (qui implique une réponse unique : oui ou non) par le professionnel de santé se situe autour de 20 secondes ! Apprenons à écouter nos patients [2] !

La douleur

Nous sommes tous confrontés à la douleur de nos patients. Mais connaît-on vraiment la douleur, peut-on la définir simplement ? Selon les critères de l'International Association for the study of Pain (IASP), la douleur se définit comme étant « une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, liée à un dommage tissulaire réel ou potentiel ».

Si la douleur est perçue comme une agression sensorielle, elle est aussi souvent notre meilleure alliée. Elle nous protège contre des blessures graves, c'est elle qui nous alerte lorsque l'on pose sa main sur une surface brûlante.

Sa fonction première est donc de nous protéger, mais elle peut aussi devenir insupportable, une « rage de dents » étant communément considérée comme une des douleurs les plus insupportables.

Les composantes de la douleur

En réalité la perception d'une douleur regroupe trois composantes.

La composante sensorielle

Elle est bien décrite par nos patients et ils sont capables de déterminer précisément la qualité de la douleur (brûlure, piqûre, pression, etc.), sa durée, sa localisation, et son intensité. On parle de douleur par « excès de nociception ».

La composante affective, émotionnelle

Les patients décrivent comment ils ressentent la douleur, à quel point elle est pénible, désagréable, insupportable. Elle est en relation avec la cause mais aussi en regard du contexte humain et environnemental. Une douleur décrite comme modérée dans sa composante sensorielle peut rapidement devenir insupportable, par exemple chez un patient dans un centre de détention. À l'inverse, il y a beaucoup d'exemples de sportifs qui parviennent à terminer, voire gagner, une compétition accompagnés d'une douleur qui dans d'autres circonstances leur aurait été insupportable.

Le professeur Anne-Françoise Allaz a montré lors d'une étude en 2014 que 30 à 50 % des patients douloureux chroniques présentaient des états dépressifs, notamment les patients âgés [3].

La composante cognitive

Elle est en rapport avec le sens que le patient donne à sa douleur et la façon dont il l'interprète. Chaque patient est unique face à sa douleur. Une douleur résultant d'un traumatisme n'aura pas la même signification si celle-ci survient à la suite d'une agression ou d'un accident. Cette composante est également liée à des expériences antérieures mémorisées. Nous constatons tous que le soin d'une carie chez un enfant ayant déjà eu une mauvaise expérience de soins dentaires s'avère souvent plus difficile que chez un enfant qui n'a jamais bénéficié de soins dentaires.

Les voies de la douleur

Le niveau périphérique

Le signal douloureux est transmis par les neurones nociceptifs regroupés soit en faisceaux de petits calibres (fibres A delta et C) soit en faisceaux de plus gros diamètre et donc plus rapides (fibres A alpha et A bêta).

Le niveau médullaire

Dans la moelle épinière, un faisceau de neurones achemine le message douloureux jusqu'au thalamus en passant par le tronc cérébral qui réalise un deuxième relais.

Le niveau cérébral

Le message douloureux est transmis dans les différentes zones cérébrales qui permettent l'intégration du message douloureux en message conscient.

La douleur est un processus multifactoriel mis en jeu par le système nerveux. Il n'y a pas un centre de la douleur, mais de nombreuses voies et structures : on suppose qu'il existe une « matrice de la douleur » comprenant un grand nombre de régions du système nerveux central, y compris dans le cerveau de l'affectivité et des émotions. C'est sur cette matrice que s'imprimerait la douleur.

Les différents types de douleurs

La douleur aiguë

C'est la plus simple à définir : après une lésion des tissus, les récepteurs périphériques des neurones sensoriels (ou nocicepteurs) émettent une information douloureuse qui est transmise à la moelle épinière puis au système nerveux central. Le cerveau prend alors conscience de la douleur et un mécanisme réflexe permet de retirer la main ou le pied pour supprimer la cause de la douleur (brûlure ou piqûre, etc.).

Pour soulager ce type de douleurs, il suffit de supprimer la cause (dépulper une dent, par exemple) ou d'en limiter les effets en utilisant des molécules pharmacologiques : les antalgiques périphériques.

La douleur chronique

C'est un syndrome multifactoriel plus difficile à définir. Les plus fréquentes sont d'origine inflammatoire souvent articulaire. Ces douleurs sont décrites comme persistantes, commençant par une douleur aiguë qui demeure au-delà de trois mois. Les traitements sont peu efficaces. On observe alors une dégradation significative et progressive des capacités fonctionnelles et relationnelles du patient du fait même de sa douleur.

Cette douleur chronique n'est pas seulement une douleur aiguë qui perdure, elle correspond également à un véritable remodelage cérébral (neuroplasticité) et peut devenir une douleur sans cause. Cette transformation nerveuse est, d'une part, structurale (la taille et la forme des neurones changent) et, d'autre part, moléculaire (le fonctionnement des neurones est modifié).

La douleur sans cause

On a décrit quelques grands syndromes cliniques de douleurs idiopathiques : la fibromyalgie, un état douloureux musculaire chronique, étendu à tout l'organisme ou localisé, associé à une grande fatigue ; le syndrome du côlon irritable, un trouble des intestins et de la digestion ; les glossodynies (douleurs de la langue et des muqueuses bucco-dentaires). Et que penser des douleurs des membres fantômes ? Elles sont souvent liées aux conditions de l'amputation, accidentelle ou chirurgicale, et sont en lien avec l'intensité des douleurs juste avant la « perte » du membre. Ne pourrait-il pas y avoir aussi des douleurs de dents fantômes après extraction ?

La mémoire de la douleur

Beaucoup de nos patients nous rapportent des mauvaises expériences qu'ils accusent d'être à l'origine de leur phobie des soins dentaires. En fait, le souvenir d'une séance de soins n'est pas uniquement lié à la douleur ressentie pendant l'acte opératoire, mais bien plus à l'émotion qui s'en dégage. Une de mes patientes me raconta un jour sa pire expérience médicale : c'était lors d'une coloscopie. Je lui demandai alors si elle avait beaucoup souffert, voici sa réponse.

– Ah non pas du tout, je n'ai pas eu mal, mais j'ai eu tellement froid ! Et l'équipe était si désagréable !

Ce mauvais souvenir n'était donc pas lié à la douleur ou à l'acte opératoire en lui-même, mais bien à l'émotion qui s'y rapportait.

Inversement, de nombreux patients en services hospitaliers lourds (cancérologie, grands brûlés) confrontés quotidiennement à la douleur peuvent supporter des actes très douloureux grâce à la bienveillance de l'équipe soignante, et finalement en garder un bon souvenir, comme ce patient.

– Bien sûr j'ai ressenti la douleur, mais l'équipe était si compétente, souriante et agréable, que c'est probablement grâce à eux que je m'en suis aussi bien sorti !

Notre inconscient transforme les faits au travers du prisme de nos émotions. Le souvenir d'une séance de soins n'est absolument pas la restitution fidèle de cette séance, étape par étape, mais bien un aménagement de la réalité lié à ce que nous ressentons. Plus le souvenir est émotionnellement fort, plus il nous sera difficile de nous souvenir de la réalité précise des faits.

Nos confrères psychothérapeutes qui travaillent sur des syndromes post-traumatiques connaissent bien cette difficulté.

Concrètement, la mise en place dans nos cabinets d'un environnement agréable et bienveillant va permettre la plupart du temps à nos patients anxieux de pouvoir accéder aux soins dentaires et finalement garder un bon souvenir de la séance. De ce point de vue, le fait de pouvoir leur proposer une séance de soins sous hypnose centrée sur eux-mêmes – et non plus sur l'acte technique – est une démarche très rassurante.

L'hypnoanalgésie

Comment l'hypnose peut-elle moduler la douleur ?

Ernest et Josephine R. Hilgard en 1994 proposent une théorie néodissociative et mettent en évidence, entre autres, que l'analgésie suggérée est bien amplifiée en état d'hypnose. L'hypnoanalgésie est le résultat de la mise en place pendant l'hypnose d'une barrière psychique permettant au sujet d'isoler la sensation et ainsi d'empêcher le travail mental qui conduit à la création d'un affect douloureux étendu. Cette barrière psychique permet donc une réduction de la conscience de la douleur lorsque l'information « douleur » atteint les fonctions neurologiques supérieures [5].

Des recherches importantes ont été menées ces dernières années montrant que l'hypnoanalgésie implique l'inhibition centrifuge de la transmission nociceptive. Les suggestions hypnotiques pourraient réduire la douleur en activant le système inhibiteur endogène de la douleur descendant à la moelle épinière, et empêchant l'information nociceptive d'atteindre le cerveau.

Christopher de Charms étudie le contrôle de la douleur sous IRM fonctionnelle. Il fait une expérience avec 36 volontaires sains et 12 patients douloureux chroniques, grâce à l'IRMf, avec suivi en temps réel de l'activité de leur partie rostrale du cortex cingulaire antérieur (rACC) impliquée dans le contrôle de la douleur. Il applique une brûlure sur la paume de la main de ces patients. Après trois séances d'apprentissage, tous les patients sont capables de contrôler leur activité cérébrale et de diminuer leur douleur. Si les individus peuvent apprendre à contrôler directement l'activation de certaines régions cérébrales, il est possible qu'ils parviennent à contrôler différents comportements ou éléments de cognition. Ce blocage spécifique pourrait leur permettre de lutter contre les phénomènes douloureux, notamment en cas d'échec des traitements physiques et médicamenteux [6].

David Patterson, professeur de psychologie, de rééducation fonctionnelle, et expert en hypnose (Seattle Université de Washington) a montré via une étude sur des patients brûlés devant subir des soins douloureux, non calmés par la morphine, que l'utilisation de l'hypnose permettait une diminution de la douleur et de l'anxiété de 40 %, ainsi qu'une diminution de la consommation d'opiacés de 50 %.

Les neurosciences commencent à nous éclairer sur la façon dont l'hypnose modifie le fonctionnement cérébral. L'hypnose a une action à la fois centrale (cerveau) mais également périphérique (nerfs) dans le contrôle des phénomènes douloureux.

Bien qu'il soit important d'effectuer d'autres études, ces résultats mettent en évidence les effets physiologiques réels des processus hypnotiques et de la modulation de la douleur par l'hypnose [7].

Le burn-out du chirurgien-dentiste

Le burn-out est un état dépressif lié au milieu professionnel (to burn : brûler/to burn out : s'éteindre).

Les médias ont amplement repris ce concept ; nous sommes dans une vague de sensibilisation sur la souffrance au travail, et certaines statistiques parlent de 40 % de la population active sous la menace d'un burn out ; ce terme se banalise. Il ne faut cependant pas faire d'amalgame entre un simple coup de fatigue qui ne résiste pas à un peu de repos, une dépression liée à de multiples facteurs, personnels, familiaux, professionnels et un véritable burn-out.

Le burn-out est souvent le résultat d'un processus dynamique de longue durée qui mène au dysfonctionnement. Insidieux au début, à peine détectable, le syndrome s'installe et entraîne la victime dans une spirale dont il ne se remet que lentement. C'est un syndrome d'épuisement physique, émotionnel et mental, consécutif à un engagement de longue durée dans des conditions de travail émotionnellement exigeantes.

Le burn-out concerne particulièrement deux catégories de professions : les professions liées à la sécurité et les professions de santé, parmi celles-ci les chirurgiens-dentistes semblent être en première ligne.

Selon une étude menée par le cabinet Technologia spécialisé dans la souffrance au travail, 12,6 % de la population active française présenterait un risque élevé de burn-out, soit plus de 3 millions de Français. Selon l'Observatoire national de la santé des chirurgiens-dentistes (ONSCD), 48 % des praticiens sont concernés par l'épuisement professionnel. Notre métier est considéré comme l'un des plus stressants après celui des policiers. Le burn-out est donc un risque psychosocial majeur pour les chirurgiens-dentistes. De plus, la caricature négative du chirurgien-dentiste sans cesse véhiculée par les médias contribue au développement du burn-out dans la profession (ONSCD, 2011).

Christina Maslach, dès 1981, a étudié le syndrome d'épuisement professionnel des soignants (SEPS) ; elle a développé un questionnaire, le Maslach Burn-out Inventory (MBI), destiné à étudier le burn-out chez les professionnels de santé [8].

Cet instrument met en évidence trois composantes du SEPS :

– l'épuisement émotionnel : il traduit un manque d'énergie, le sentiment que les ressources émotionnelles sont épuisées. Le praticien n'est plus motivé par son travail devenu une corvée ;

– la dépersonnalisation : elle marque le détachement, la négativité, le cynisme envers les patients. Le soignant ne se sent plus concerné par son travail, ses patients, ses confrères ;

– le sentiment d'échec personnel : c'est la dévalorisation de son travail, de ses compétences, la diminution de l'estime de soi.

Lors de nos formations, nous demandons à nos confrères de réaliser ce test, qui reste confidentiel et à visée diagnostique, mais qui ouvre un espace d'échange mettant en avant les difficultés de certains confrères isolés ou en situation de blocage relationnel avec leur personnel ou leur associé.

De ce point de vue, la mise en place de l'hypnose dans notre cabinet a profondément modifié le déroulement de nos journées de travail. Le rapport avec nos patients est plus apaisé, toute l'équipe du cabinet le ressent, la communication s'améliore, l'ambiance est plus sereine.

Cette modification des conditions de travail est décrite par toutes les équipes qui utilisent ces techniques d'hypnose médicale. L'ambiance d'un bloc opératoire, d'un service d'oncologie, de gériatrie, etc., change, les rapports humains s'améliorent... Le nombre de journées d'arrêt de travail diminue. L'utilisation de l'hypnose médicale est d'abord un bénéfice majeur pour les soignants eux-mêmes!

L'autohypnose peut en premier lieu être enseignée à nos patients, mais son utilisation est fondamentale également pour les soignants eux-mêmes. Il s'agit de s'auto-induire une transe hypnotique positive pour mettre son mental au calme ; pour se « nettoyer » ou se débarrasser d'émotions négatives transmises par les patients ; pour activer les ressources physiques et mentales spécifiques révélées par la transe ; pour préparer un évènement futur. Elle permet de traiter au quotidien ces microtraumatismes que chaque soignant subit, et de rester ainsi disponible pour les actes que chacun doit continuer à pratiquer quotidiennement.

L'objectif dépasse amplement l'exercice professionnel, l'autohypnose permettant d'apaiser des émotions issues de la sphère privée, d'activer les ressources conscientes et inconscientes, afin de pouvoir résoudre les difficultés personnelles, de préparer une conférence, un examen médical, une compétition sportive, un accouchement...

Si les chirurgiens-dentistes sont parmi les professions les plus exposées au burn-out, cela n'est pas une fatalité. Nous pouvons bénéficier des ressources que nous offre l'hypnose dans toutes ses modalités. Elle permet de conserver un équilibre psychologique, d'apaiser les relations avec nos patients, d'améliorer le travail en équipe. Le praticien et son personnel retrouvent alors chaque matin le chemin du cabinet dentaire avec le sourire.

Il existe un numéro vert (0800 800 854) accessible gratuitement aux chirurgiens-dentistes, internes et étudiants en odontologie en difficulté.

'hypnose nous aide à lutter contre la mauvaise image de notre profession, en se recentrant sur le cœur de notre métier : la relation singulière entre le chirurgien-dentiste et son patient. Elle nous permet de diminuer le stress lié aux soins dentaires, de moduler la douleur et fait de nos patients nos alliés pour se tourner vers notre objectif commun : l'amélioration de leur état bucco-dentaire. Elle contribue ainsi à la qualité de nos relations humaines ; en ce sens, c'est probablement un bon moyen de lutte contre le burn-out auquel nombre de nos confrères sont exposés.

Bibliographie

  • 1 Amzalag A, Dardenne P. Codes de la relation dentiste-patient. Paris : Masson, 2006.
  • 2 The Patient-Physician Relationship. JAMA 1999;281(3):283-287.
  • 3 Allaz AF, Cedraschi C. Douleurs chroniques et émotions. Revue Médicale Suisse : 10 : 221.
  • 4 Marchand S. Le phénomène de la douleur. Comprendre pour soigner. Paris : Masson, 2009.
  • 5 Hilgard JR, Hilgard ER. Hypnosis in the relief of pain. New York : Brunner/Mazel, 1994.
  • 6 de Charms C, Maeda F et al. Control over brain activation and pain learned by using functional MRI. PNAS ; 102:18626-18631.
  • 7 Michaud D, Halfon Y, Wood C. Manuel d'hypnose pour les professions de santé. Paris : Maloine, 2007.
  • 8 Maslach C et al. Burn-out : l'épuisement professionnel. Presses du Belvédère, 2006.

Liens d'intérêts

Les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.

Auteur

François Machat - Chirurgien-dentiste omnipraticien

Président de l'association ACTIIF HYPNOSE, Limousin

Chargé de cours aux DU de Limoges, Bordeaux et Toulouse et à la Faculté de chirurgie dentaire de Bordeaux

Formateur en hypnose médicale auprès de professionnels de santé