Modes de communication cabinet-laboratoire : point de vue de prothésistes de Dakar - Cahiers de Prothèse n° 191 du 01/09/2020
 

Les cahiers de prothèse n° 191 du 01/09/2020

 

Communication

M. GUEYE   PI KAMARA   K. BADJI   A. TOURE   N. THIOUNE   E.B. MBODJ  

INTRODUCTION

La chaîne prothétique implique un ménage à trois dont les acteurs sont le dentiste, le prothésiste et le patient demandeur de réhabilitation esthétique et fonctionnelle. La réalisation d'une restauration prothétique de qualité requiert un véritable travail d'équipe et une parfaite coordination entre les différents intervenants [1-5].

La collaboration entre...


Résumé

Résumé

La réalisation d'une restauration prothétique de qualité requiert un véritable travail d'équipe. L'objectif de ce travail était d'évaluer les modes de communication cabinet/laboratoire auprès d'un échantillon de prothésistes dentaires de Dakar. Il s'agissait d'une étude pilote descriptive transversale portant sur des prothésistes volontaires sélectionnés par sondage aléatoire. Le questionnaire comportait deux parties : l'état civil et les modes de communication. L'analyse statistique a été effectuée à l'aide du logiciel Epi Info version 3.3.2 au risque d'erreur de 5 %. L'échantillon comptait 15 prothésistes dont 80 % d'hommes. L'ancienneté professionnelle était en moyenne de 19,3 ± 11 ans. Les travaux étaient transportés par le coursier du laboratoire dans 46,7 % des cas. L'outil de communication était le bon de commande pour 54 % des prothésistes. La qualité du partenariat cabinet/laboratoire est essentielle pour le succès prothétique. Elle requiert une communication efficace dans laquelle le prothésiste détient un rôle important.

INTRODUCTION

La chaîne prothétique implique un ménage à trois dont les acteurs sont le dentiste, le prothésiste et le patient demandeur de réhabilitation esthétique et fonctionnelle. La réalisation d'une restauration prothétique de qualité requiert un véritable travail d'équipe et une parfaite coordination entre les différents intervenants [1-5].

La collaboration entre la clinique et le laboratoire passe par l'établissement d'une communication efficace, pierre angulaire de cette relation de partenariat. En effet, dentiste et prothésiste doivent partager le maximum d'informations concernant le cas clinique, notamment les paramètres esthétiques et fonctionnels de la restauration prothétique à réaliser. La transmission des données cliniques et techniques précises et détaillées entre le cabinet et le laboratoire facilite la réalisation du projet prothétique et favorise l'obtention d'un résultat thérapeutique satisfaisant [6-9]. Cependant, certains travaux [3, 6, 10, 11] rapportent que la communication cabinet/laboratoire est de mauvaise qualité. Au Sénégal, peu d'études ont été réalisées sur la communication entre dentiste et prothésiste.

L'objectif de ce travail était d'évaluer les modes de communication entre le cabinet et le laboratoire au travers d'une enquête réalisée auprès d'une population de prothésistes de Dakar.

MATÉRIELS ET MÉTHODES

Il s'agissait d'une étude pilote descriptive transversale portant sur une population de prothésistes. L'échantillonnage était fait par sondage aléatoire à partir de la liste des 41 inscrits à l'Association des prothésistes dentaires du Sénégal (APDS) et exerçant à Dakar.

L'enquête a inclus les personnes volontaires consentantes, ayant accepté de répondre anonymement aux questions après avoir reçu verbalement des informations sur les objectifs de l'étude. Le questionnaire comportait les données socio-professionnelles du prothésiste (sexe, âge, ancienneté professionnelle, dentistes collaborateurs) et les modes de communication (transport des travaux, support de communication). L'analyse des données a été effectuée à l'aide du logiciel Epi Info version 3.3.2 au risque d'erreur de 5 %.

RÉSULTATS

L'échantillon comptait 15 prothésistes représentant 36,6 % de l'effectif officiellement installé. Il était composé de 12 hommes (80 %) et 3 femmes (20 %) qui ont répondu au questionnaire, soit un sex-ratio de 4.

Les prothésistes âgés de plus de 30 ans représentaient 93,3 %. La tranche d'âge de 41-50 ans était constituée de 60 % des prothésistes. La moyenne d'ancienneté dans la profession était de 19,3 ans avec un écart type de 11 et le maxima de 48 ans (fig. 1). Pour 73,3 % des prothésistes, le nombre de dentistes collaborateurs dépassait 3.

Les travaux constitués d'empreintes et de pièces prothétiques étaient retirés du cabinet par le coursier du laboratoire dans 46,7 % des cas et par le prothésiste lui-même dans 26,7 % (fig. 2). Lors de ce transport, 53 % des prothésistes utilisaient des boîtes comme moyen d'emballage et 34 % conditionnaient les travaux dans des sachets hermétiques (fig. 3).

Les instructions des dentistes étaient transmises à 54 % des prothésistes par le biais de bons de commande. Dans 33 % des cas, le téléphone était l'outil de transmission des informations venant du cabinet dentaire (fig. 4).

DISCUSSION

La taille de l'échantillon est limitée par la faible disponibilité des prothésistes à participer à l'enquête. Juszczyk et al. [6] rapportent un taux de réponse similaire de 40 %. Toutefois, la démographie professionnelle reste faible parce que l'offre de formation est récente et la profession de prothésiste peu vulgarisée au Sénégal.

Le sex-ratio reflète la prédominance masculine relevée dans l'APDS qui compte 78 % d'hommes inscrits. La faible représentation féminine est inhérente aux facteurs socio-économiques du Sénégal où le taux de maintien des filles scolarisées est bas.

L'ancienneté professionnelle élevée et la proportion importante de la tranche d'âge de 41 à 50 ans laissent supposer que la population d'étude est constituée de prothésistes expérimentés. Cependant, leur charge de travail est faible car seul 1 prothésiste sur 3 travaille avec plus de 7 praticiens alors que Gambade et al. [3] rapportent une majorité des prothésistes collaborant avec plus de 10 praticiens.

L'acheminement des travaux est assuré dans la majorité des cas par le personnel du laboratoire en la personne du prothésiste ou du coursier. Le laboratoire s'implique plus dans le transport des travaux que le cabinet qui semble soumis aux contraintes d'effectifs, de temps et de disponibilité.

Parmi les facteurs susceptibles de compromettre la fidélité de l'enregistrement des surfaces d'appui prothétique figurent les vibrations, les contraintes mécaniques et les chocs thermiques observés lors du transport des empreintes [12]. Plus de 50 % des prothésistes utilisent comme moyen d'emballage les boîtes permettant de préserver les travaux. Ceux-ci constituent le support et le véhicule des informations cliniques à transférer au laboratoire. De leur fiabilité dépendent la précision et l'adaptation des pièces prothétiques susceptibles de satisfaire aux critères esthétiques et biomécaniques d'intégration fonctionnelle [13].

Seul un tiers de l'échantillon transporte des empreintes conditionnées dans des sachets plastiques hermétiques. Ceci révèle que les prothésistes sont peu nombreux à exiger des dentistes le respect des recommandations relatives au conditionnement des empreintes, malgré leur conscience du risque de contamination croisée entre patient et personnels dentaire et de laboratoire [12, 14-16].

La transmission des instructions entre le cabinet et le laboratoire se fait par l'intermédiaire de bon de commande pour plus de la moitié de l'échantillon. Gambade et al. [3] rapportent une fréquence plus élevée (96 %) d'utilisation de la fiche de liaison. Il s'agit d'un document de communication confectionné par le prothésiste en vue de lui permettre d'accéder aux données cliniques essentielles à la confection de la prothèse. Les prothésistes devraient être plus exigeants car la communication des éléments relatifs au patient est un facteur déterminant pour la réalisation d'un travail de qualité ; mieux, les renseignements précis et détaillés favorisent la simplification de la réalisation du projet prothétique et l'obtention d'un résultat final meilleur du point de vue esthétique, fonctionnel et biologique [9, 17]. Or, Esclassan et al. [18] notent que près de 68 % des prothésistes trouvent les informations transmises par les praticiens « plutôt insuffisantes ». De plus, Kilfeather et al. [19] rapportent que 22 % des prothésistes rappellent les praticiens au téléphone pour avoir des renseignements complémentaires sur le cas clinique. Le téléphone est utilisé comme outil de communication entre le cabinet et le laboratoire dans un tiers des cas, sans aucun document écrit. Même s'il permet de préciser et de détailler les informations sur le patient, ce moyen de correspondance interactive présente des limites car il ne permet pas, comme la fiche de liaison écrite, l'archivage des demandes de travaux et des données cliniques transmises par le praticien.

Les travaux étant récupérés 1 fois sur 4 par le prothésiste, un moyen de communication par présence physique est ainsi instauré en complément de la communication par courrier écrit qui concerne peu de prothésistes.

L'internet est en plein essor dans ce monde envahi par le multimédia et le numérique. Il n'est cependant pas utilisé alors que ses applications multiples améliorent la qualité, la rapidité et la facilité de transmission des caractéristiques esthétiques du patient [3, 9, 20]. Compte tenu des connaissances techniques requises par l'outil informatique, du coût élevé de l'investissement en équipement et de la qualité défaillante du réseau internet, les prothésistes et les dentistes hésitent à adopter ce support de communication.

CONCLUSION

La communication constitue un pilier essentiel de la relation cabinet/laboratoire. Le prothésiste devrait davantage faire connaître ses exigences au dentiste et s'approprier les différents moyens de transmission des informations cliniques pour mieux jouer son rôle dans le développement du partenariat praticien/prothésiste, au service du patient candidat à la réhabilitation.

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Liens d'intérêts

Les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.

Auteurs

Moctar GUEYE - Maître de Conférences agrégé, Institut d'odontologie et de stomatologie de Dakar

Pape Ibrahima KAMARA - Maître assistant, Institut d'odontologie et de stomatologie de Dakar

Khady BADJI - Assistante, Institut d'odontologie et de stomatologie de Dakar

Amadou TOURE - Assistant, Institut d'odontologie et de stomatologie de Dakar

Néné THIOUNE - Maître assistante, Institut d'odontologie et de stomatologie de Dakar

El Hadj Babacar MBODJ - Professeur, Institut d'odontologie et de stomatologie de Dakar