Fêlures coronaires de la dent vitale - Clinic n° 12 du 01/12/2018
 

Clinic n° 12 du 01/12/2018

 

RESTAURATION

Marion FLORIMOND*   Pierre LE GUELLEC**   Franck DECUP***  


*Exercice libéral
Paris
AHU
Paris-Descartes
**Exercice libéral
Saint-Sébastien-sur-Loire (44)
***Exercice libéral
Paris
MCU-PH
Paris-Descartes

« Fêlure », « fissure » ou « craquelure » sont autant de termes utilisés pour désigner un processus pathologique aux formes cliniques variées et à la symptomatologie complexe. Alors que la littérature peine à trouver un consensus quant à sa terminologie, le praticien est souvent démuni face à son diagnostic et à son traitement. Cet article propose de se focaliser sur les fêlures coronaires, souvent présentes, parfois risquées, pouvant être source de complications pulpaires ou mécaniques, et d’en explorer les différentes formes, de la genèse jusqu’à la thérapeutique.

Les fêlures coronaires sont définies comme une perte de cohésion des tissus dentaires en relation avec un plan de fracture incomplet. Elles prennent le plus souvent naissance dans la coque rigide et cassante d’émail sous l’effet des contraintes répétées de la mastication (fig. 1), mais peuvent aussi naître dans la masse dentinaire sous-jacente qui est capable de déformation (fig. 2). Leur présence n’est pas toujours facile à identifier et les signes cliniques associés sont souvent insidieux [1, 2]. En l’absence de diagnostic précoce elles mènent encore trop souvent à des complications pulpaires ou à des fractures qui se soldent systématiquement par des thérapeutiques invasives. Il existe donc un vrai intérêt à mieux comprendre les causes et les mécanismes de cette agression tissulaire.

Les dents naturelles sont prévues pour subir des forces importantes (25 à 50 kg/cm2 lors de la mastication). L’apparition de fêlure est une altération. C’est le résultat d’un déséquilibre ou du vieillissement. Une fêlure arrive lorsque la dent est soumise à des contraintes qui dépassent ses capacités de résistance données par son anatomie et son ultra-structure. De ce fait, les causes nécessaires à l’initiation du phénomène sont soit :

• liées à des contraintes excessives. Les forces auxquelles les dents sont soumises peuvent par exemple être augmentées en présence de parafonctions de type bruxisme ou à la suite de perte de dents sans compensation de l’édentement (fig. 3) ;

• liées à un affaiblissement de la structure dentaire. C’est le cas en présence d’érosion, d’attrition, d’une lésion carieuse ou lorsque la restauration d’une dent ne lui restitue pas pleinement ses propriétés biomécaniques (ex. : amalgame volumineux, parois fragiles non recouvertes) (fig. 4).

Il est fréquent d’observer une association de plusieurs de ces facteurs aboutissant à l’augmentation des contraintes sur une dent présentant un affaiblissement structurel.

Lorsqu’elle progresse dans le tissu dentinaire, la fêlure présente un risque biologique (cascade des pathologies pulpaires) en créant une porte d’entrée aux toxines et bactéries vers le complexe pulpo-dentinaire (fig. 5) ainsi qu’un risque biomécanique (pouvant aller jusqu’à la fracture) du fait de la perte de cohésion des différents tissus impliqués (fig. 6).

La dent est conçue pour mastiquer et donc résister aux contraintes de pression, de flexion et d’usure. C’est pourquoi elle est constituée d’une coque amélaire rigide recouvrant un noyau dentinaire capable d’absorber des déformations. Chacun de ces tissus possède aussi des mécanismes biologiques intrinsèques qui empêchent naturellement la progression des fêlures.

• L’émail, directement soumis aux contraintes fonctionnelles (voire à l’hyperfonction ou aux parafonctions) est souvent parcouru de micro-fêlures superficielles. Mais sa structure permet de résister à la rupture grâce à des systèmes intrinsèques de limitation. Des « tufts » qui correspondent à des zones hypominéralisées (concentrations en protéines plus importantes) et les prismes d’émail qui ne sont pas orientés dans la même direction dans l’émail interne permettent une déflection de leur propagation [3, 4] (fig. 7). C’est pourquoi l’émail garde sa cohésion et les fêlures amélaires ne s’étendent pas à la dentine. Des éclats d’émail peuvent se détacher uniquement si plusieurs fêlures se rejoignent.

• La jonction amélo-dentinaire représente également un puissant système de limitation de la propagation des fêlures initiées en surface. C’est un obstacle à l’entrée des fêlures au sein de la dentine [5].

• Au sein de la dentine, deux modes de résistance à la formation des fêlures existent. D’abord, la déformation plastique capable d’absorber les contraintes et la formation spontanée de ponts de minéralisation se mettant en place entre les berges des fêlures qui débutent. Ensuite, si les contraintes persistent, la fêlure progresse de tubule en tubule (fig. 8). Le tiers dentinaire externe dispose d’un pourcentage plus important de fibrilles de collagène, ce qui le rend plus apte à la déformation plastique. Mais la résistance à la fêlure de la dentine a tendance à diminuer quand on se rapproche de la chambre pulpaire car il y a une augmentation du nombre des tubules dentinaires. Cette propension qu’a la dentine profonde à laisser progresser les fêlures explique en partie la vulnérabilité de la dent en présence de restaurations profondes et l’initiation fréquente des fêlures à ce niveau [6] (fig. 9).

Cliniquement, sur une dent saine, une fêlure naît principalement à cause d’une usure de l’émail externe qui ne pourra plus empêcher l’initiation du défaut (fig. 10).

L’association de l’émail proximal et des crêtes marginales constitue un anneau de cerclage périphérique permettant d’assurer la cohésion de la dent. Lorsque celui-ci est rompu, par une carie ou par la présence d’une restauration, cela augmente la possibilité de déflexion des cuspides. Des fêlures peuvent alors s’initier au niveau d’une crête marginale et d’un pan vestibulaire ou lingual/palatin (fig. 11), puis s’étendre vers la partie cervicale de la dent et aller parfois jusqu’en sous-gingival.

Lorsque la restauration est volumineuse et de module d’élasticité très supérieur à celui de la dentine (matériaux métalliques), les contraintes sont alors directement exercées sur des tissus qui ne sont pas conçus pour cela (tiers interne de la dentine) et l’initiation de la fêlure se fait à partir de l’intérieur, du cœur de la dent.

Les conséquences des fêlures peuvent être biologiques et mécaniques. Elles doivent être considérées comme une atteinte potentiellement grave de l’intégrité de la dent. (encadré)

Un diagnostic complexe

Le principal facteur menant à la prise en charge souvent trop tardive des fêlures est probablement la difficulté du diagnostic précoce. En effet, la symptomatologie n’est pas toujours présente et peut être très variée [1, 2].

La fêlure coronaire peut être associée à une symptomatologie pulpaire de deux origines différentes :

• une sensibilité dentinaire d’origine hydrodynamique. Les mouvements des fluides intra-canaliculaires à la mobilisation de la fêlure stimulent les terminaisons nerveuses associées aux odontoblastes. Les symptômes sont alors associés à la mastication ;

• une inflammation pulpaire due à la pénétration bactérienne (fig. 12). La fêlure offrant une voie de contamination aux bactéries, les signes cliniques observés peuvent être ceux de la pulpite aiguë réversible, de la pulpite aiguë irréversible, de la pulpite chronique ou ceux associés aux complications péri-apicales de la nécrose pulpaire.

La fêlure coronaire peut aussi être de découverte fortuite, sans symptomatologie, à l’issu de l’examen clinique ou de la dépose d’une ancienne restauration.

Entretien clinique

L’entretien clinique peut mettre en évidence des signes d’appel s’il existe des risques de type para-fonction (bruxisme, onychophagie…) ou des habitudes nocives qui pourraient solliciter excessivement les dents.

En présence de symptômes rapportés par le patient, il faudra chercher à connaître leur ancienneté, le contexte de leur apparition, leur localisation, leur intensité, les facteurs déclenchants et les facteurs atténuants.

Examen clinique

Les surfaces dentaires seront observées attentivement après avoir été préalablement nettoyées et séchées, à la recherche de traits de fêlures ou de signes cliniques de facteurs de risque (restaurations, facettes d’usure, lésions carieuses…). Les aides optiques sont des outils précieux dans cette recherche (fig. 13).

Tests complémentaires

Lorsqu’une fêlure coronaire est suspectée ou avérée, le praticien dispose d’un large éventail de tests complémentaires afin de l’aider dans son diagnostic.

Tests visuels

La trans-illumination, le test de coloration et la dépose de restauration sont trois tests complémentaires très simples à mettre en œuvre pour visualiser les fêlures coronaires. Leur sensibilité, c’est-à-dire leur capacité à mettre en évidence la pathologie, peut être considérablement augmentée par l’utilisation d’aides optiques.

Trans-illumination

Ce test très simple à mettre en œuvre repose sur l’étude du cheminement des photons à travers la dent. Un faisceau lumineux de type halogène ou diode électroluminescente (LED) conduit par une fibre optique (par exemple, une lampe à photo-polymériser) appliqué perpendiculairement au trait de fêlure supposé permet de mettre en évidence celle-ci. En effet, une fêlure amélaire profonde ou amélo-dentinaire devient alors très distinctement visible car elle empêche la diffusion de la lumière à travers la couronne (fig. 14).

Test de coloration

L’utilisation de bleu de méthylène ou de révélateur de plaque permet également de mettre en évidence les fêlures de manière très simple. En s’immisçant à l’intérieur du défaut, le colorant appliqué à la surface de la dent le rend alors très aisément objectivable (fig. 15 et 16).

Dépose de la restauration

En cas de suspicion ou de la présence avérée d’une fêlure sous une restauration, l’exploration par la dépose de la restauration permet de confirmer le diagnostic et d’évaluer la profondeur de l’atteinte (fig. 17).

Tests pulpaires

Test de morsure

La douleur au relâchement lorsque le patient mord sur un objet souple tel qu’une canule d’aspiration ou une microbrush est pathognomonique de la fêlure (fig. 18). Cette douleur d’origine hydrodynamique est due à l’augmentation brusque de la pression intra-canaliculaire. La difficulté représentée par le placement de l’objet à un endroit précis et reproductible afin de solliciter la cuspide fragilisée rend ce test incertain. C’est pourquoi des instruments comme le Tooth Slooth ont été introduits afin de faciliter la réalisation de ce test et surtout sa reproductibilité.

Dans tous les cas, il convient d’intercaler l’objet selon des positions variées afin de mobiliser chaque pan cuspidien dans plusieurs directions car, même si les fêlures ont des directions de prédilection, il n’est pas rare de voir celles-ci varier et venir perturber le diagnostic. Il faut alors demander au patient de serrer fort avec un mouvement lent et de relâcher la pression d’un coup, le but étant de reproduire sa douleur habituelle [10]. Toutefois, ce test présente une faible spécificité : une absence de douleur au relâchement ne doit pas suffire à écarter l’éventualité d’une fêlure et d’autres tests doivent le compléter.

Test de percussion

Sur une dent vitale présentant une fêlure, la percussion à l’aide d’un instrument métallique permet de mettre en mouvement les fluides intra-canaliculaires et de rechercher une sensibilité qui ne serait pas présente sur les dents adjacentes, controlatérales ou antagonistes saines. Ce test doit être réalisé au moyen d’un instrument métallique, la percussion devant être faite selon plusieurs incidences pour augmenter les chances de mobilisation des fragments.

Tests de sensibilité pulpaire (fig. 19)

Les tests de sensibilité thermique et électrique visent à étudier la santé pulpaire. Ils ne révèlent pas une fêlure mais explorent ses conséquences sur la pulpe. L’objectif est de mettre en évidence une réponse au stimulus thermique ou électrique qui serait exacerbée ou diminuée comparée à celle des dents saines, ce qui laisserait supposer des répercussions pulpaires de la fêlure telles qu’une inflammation ou une nécrose.

Tests parodontaux

Test de percussion

La percussion permet également de solliciter le ligament alvéolo-dentaire à la recherche d’une sensibilité qui peut être due à une inflammation consécutive à la contamination bactérienne de l’endodonte. Dans le cas des fêlures coronaires sur dents vitales, les signes parodontaux sont généralement inexistants (contrairement aux fêlures radiculaires des dents dépulpées).

Test de palpation

De la même manière que le test de percussion, le test de palpation apicale peut être réalisé à la recherche des complications d’une éventuelle pathologie pulpaire. La présence d’une sensibilité ou d’une douleur à la palpation des tables osseuses en regard des apex est un signe d’une colonisation bactérienne du péri-apex.

Examen radiologique

D’une manière générale les techniques de radiographie traditionnelle en deux dimensions ne permettent que rarement de diagnostiquer une fêlure coronaire.

Examen rétro-coronaire

La radiographie rétro-coronaire est l’examen le plus classique pour l’exploration des tissus coronaires. Les fêlures coronaires ne sont le plus souvent pas visibles radiographiquement. Cet examen servira à écarter l’éventualité de la présence d’une lésion carieuse (diagnostic différentiel). Il peut également permettre de mettre en évidence une apposition de dentine tertiaire dans la chambre pulpaire en réaction à la fêlure.

Examen rétro-alvéolaire

La radiographie rétro-alvéolaire permet d’obtenir des informations sur le péri-apex. En présence d’une fêlure, on cherchera tout particulièrement la présence d’un élargissement desmodontal ou d’une lésion inflammatoire péri-radiculaire d’origine endodontique (LIPOE) consécutive à une pathologie pulpaire.

Cone Beam Computed Tomography (CBCT)

De nos jours, dans la mesure où les possibilités de faire des clichés en trois dimensions se répandent très rapidement, il peut être intéressant d’en réaliser un en cas de suspicion de fêlure car celles-ci apparaissent nettement dans de nombreux cas. En offrant une plus grande résolution que la radiographie conventionnelle avec un temps d’acquisition et une dose d’exposition réduites, le CBCT semble être l’examen radiologique de choix en ce qui concerne le diagnostic des fêlures coronaires même si elles ne sont pas toujours objectivables [11].

Thérapeutique

Étant donné le risque à la fois biologique et mécanique que représente une fêlure coronaire, l’abstention thérapeutique est rarement indiquée. La thérapeutique reposera sur trois objectifs principaux : la suppression des facteurs de risque, la protection du complexe pulpo-dentinaire et la restitution de la résistance à la fracture de la dent. La gestion des complications (pathologies pulpaires et fractures) ne seront pas traitées dans cet article.

Contrôle des facteurs de risque

La dent qui présente une fêlure étant affaiblie, il est essentiel de maîtriser les contraintes auxquelles elle est soumise. Il convient donc, lorsque cela s’avère possible, de replacer la dent dans un contexte occlusal favorable en traitant toutes les parafonctions et dysfonctions, en supprimant les interférences occlusales, en remplaçant les dents absentes et en remplaçant les restaurations défectueuses.

Étanchéification du complexe dentino-pulpaire

L’émail et les tubules dentinaires sont systématiquement colonisés par les bactéries du milieu buccal dès qu’il existe une fêlure. De nombreux facteurs concourent à l’augmentation de la quantité de bactéries et à leur progression en direction pulpaire. En effet, les bactéries se divisent à très grande vitesse et la pression engendrée par la force masticatoire pousse l’ensemble vers la pulpe. Cela explique la progression des bactéries alors que la plupart des espèces bactériennes de la cavité buccale ne se déplacent pas d’elles-mêmes.

L’ouverture de la fêlure avec une fraise flamme ou l’aéro-abrasion est recommandée pour permettre sa décontamination et son étanchéification en profondeur. En fond de cavité, il n’est nécessaire de supprimer les fêlures qu’en regard de la chambre pulpaire sur une faible profondeur pour favoriser leur nettoyage et évaluer l’atteinte pulpaire, sans créer d’effraction. Au niveau des faces verticales, les fêlures doivent être éliminées dans la limite du respect de l’espace biologique (fig. 20).

L’obturation de la fêlure se fait grâce à l’infiltration du réseau collagénique dentinaire et à la formation d’une couche hybride par un adhésif. Ce scellement dentinaire immédiat est le meilleur rempart face à la pénétration bactérienne. L’utilisation du composite par méthode directe et le recours aux restaurations indirectes partielles collées (inlays/onlays/overlays) permet de faire face à tous les types de situations en préservant la vitalité pulpaire.

L’étude de Krell et Rivera en 2007 montre que, suite au diagnostic de pulpite réversible causée par une fêlure et traitée par une étanchéification et un recouvrement par couronne, 20 % de traitements endodontiques ont été réalisés. La conservation de la vitalité pulpaire doit donc être privilégiée en cas de fêlures dentaires et la dépulpation ne doit pas être réalisée « dans le doute », mais le patient doit être prévenu du risque [12]. Le traitement endodontique ne sera réalisé qu’en cas de pulpite irréversible, de nécrose pulpaire ou de persistance de sensibilités au froid après 2 à 3 semaines suite au diagnostic d’une pulpite réversible.

Restitution de la cohésion dentinaire

Si la couronne périphérique scellée a longtemps été la réponse systématique aux fêlures, l’essor des restaurations collées a permis une importante évolution des pratiques. La philosophie de « cerclage » a évolué vers le « recouvrement », bien plus conservateur. Néanmoins, afin de réduire au maximum le risque de fracture, les préparations devront respecter quelques règles.

Préservation tissulaire

L’élimination des tissus dentaires cariés ou l’ouverture de la fêlure doivent être réalisées dans le respect des piliers de résistance de la dent, à savoir les cuspides saines, les crêtes marginales et le pont d’émail non concernés qui doivent être préservés.

Élimination des traits de fêlure

L’élimination du trait de fêlure, quand il est possible sans atteinte pulpaire, garantit l’arrêt de la fêlure (sous condition d’en contrôler la cause). Il doit être réalisé dans le respect des impératifs biologiques vus ci-dessus.

Recouvrement des cuspides affaiblies

Les cuspides entourées par des fêlures ou présentant une fêlure à leur base ou, dans le cas du remplacement de restaurations volumineuses, trop affaiblies par la préparation devront être recouvertes afin de limiter le risque de fracture et d’orienter les forces en compression des structures plutôt qu’en déflection.

Choix du matériau [13, 14]

En ce qui concerne les restaurations indirectes partielles collées, l’or, le composite et la céramique sont les matériaux qui sont les plus aptes à restituer à la dent des propriétés biomécaniques optimales. Bien qu’il ait très largement fait ses preuves dans la littérature, l’or est très souvent délaissé du fait qu’il ne répond pas aux doléances esthétiques des patients. Si la céramique donne de très bons résultats en termes de pérennité et d’esthétique, le composite est une option plus adaptée aux praticiens les moins expérimentés grâce à sa simplicité de mise en œuvre. En revanche, le composite doit systématiquement être privilégié en présence de parafonctions ou en face de dents restaurées par des matériaux de faible résistance à l’abrasion.

Dans le cas des restaurations par technique directe, le composite reste le gold standard, même si ses propriétés sont très largement dépendantes de sa mise en œuvre.

Choix du matériau d’assemblage

Outre leur excellente biocompatibilité et leur capacité à protéger le complexe pulpo-dentinaire, les techniques adhésives doivent absolument être privilégiées sur les dents fêlées pour leur capacité à amortir les contraintes grâce au comportement visco-élastiques des colles.

Conclusion

Les fêlures sont fréquentes et leur diagnostic est encore trop souvent associé à l’apparition de leurs complications. Afin d’éviter des thérapeutiques invasives, il est essentiel de les mettre en évidence au plus tôt afin de pouvoir mettre en place les traitements les plus conservateurs de notre arsenal thérapeutique.

La meilleure option thérapeutique des fêlures restant la prévention primaire, le praticien se doit au quotidien d’être à l’affût des facteurs de risque susceptibles de solliciter excessivement ou d’affaiblir les dents. Dans le cas de fêlure avérée, elle doit être ouverte de façon contrôlée, en association avec l’étanchéification du complexe dentino-pulpaire par l’intermédiaire d’un scellement dentinaire immédiat avec un adhésif. Le recouvrement complet par couronne ne constitue plus à l’heure actuelle la thérapeutique de référence en présence d’une fêlure dentaire compte tenu de l’important délabrement coronaire qu’il engendre. Les progrès faits en matière d’adhésion à l’émail et à la dentine doivent nous faire préférer le recouvrement partiel réalisé par les techniques indirectes.

Bibliographie

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  • [14] Dahan L, Raux F. Pourquoi et quand faire un inlay-onlay ? Inf Dent 2010;92:19-26.

Liens d’intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts concernant cet article.

ENCADRÉ 1

La dent dispose de plusieurs moyens ou freins visant à lutter contre la propagation de la fêlure.

La microstructure amélaire [3, 4]

• L’organisation des cristaux d’hydroxy-apatite. Il existe au sein de l’émail des variations brusques de l’angulation des cristallites qui permettent une déflection des fêlures.

• La présence des tufts. On trouve au niveau de la jonction amélo-dentinaire, dans la zone aprismatique interne, des espaces hypominéralisés contenant du matériel organique appelés tufts. Bien qu’ils soient décrits comme des points de faiblesse du tissu amélaire, ils sont également à l’origine d’un phénomène « d’auto-guérison » grâce auquel les fêlures peuvent se réparer à l’aide des fluides riches en protéines qu’ils contiennent.

La formation de ligaments amélaires [4]. Un phénomène de « pontage » par des structures composées à la fois de prismes d’émail et d’émail aprismatique se met en place grâce à la matrice organique et permet de lutter contre l’expansion de la fêlure.

La jonction amélo-dentinaire (JAD) [6, 7]. Située à la frontière entre l’émail et la dentine, la JAD est une interface qui assure la transition entre les propriétés biomécaniques très différentes de ces deux tissus. Elle est constituée d’une interphase peu minéralisée, entrecoupée de fibres de collagène, douée de capacités de déformation et d’absorption. Il a été observé que les fêlures amélaires s’arrêtaient fréquemment au niveau de la JAD ou seulement quelques microns au-delà.

La microstructure dentinaire [8]. La dentine a une résilience élevée. Contrairement à l’émail, la dentine présente une importante capacité à revenir à son état initial après avoir été soumise à une déformation.

La micro-fissuration [8]. Elle se met en place autour de la fêlure principale au sein de la dentine et permet de maintenir une certaine souplesse du tissu.