Intérêt d'une greffe osseuse autologue verticale d'apposition - Clinic n° 04 du 01/04/2009
 

Clinic n° 04 du 01/04/2009

 

IMPLANTOLOGIE

Henri TORDJMAN  

Docteur en chirurgie dentaire,
DU de chirurgie buccale et d'implantologie,
DU de chirurgie préimplantaire et péri-implantaire,
Exercice exlusif de la chirurgie maxillo-buccale, à l'implantologie et à la parodontologie,
10 rue Gambetta, 78250 Meulan.
tordjman.h@wanadoo.fr

Nous sommes tous confrontés, dans notre exercice quotidien, à des situations de résorption de l'os alvéolaire. Le volume osseux résiduel ne permet pas de poser l'indication implantaire soit par manque d'épaisseur soit par absence de hauteur.

La réparation des défauts alvéolaires localisés pourra être réalisée par des greffes osseuses d'origine ramique ou symphysaire qui offrent plusieurs avantages [1, 2et 3] : un accès chirurgical conventionnel, une proximité des sites donneurs et receveurs réduisant les temps d'intervention et d'anesthésie, ce qui est idéal pour les patients en consultation externe. Comme il n'y a pas de cicatrices cutanées, les patients ont moins peur que lorsque le site donneur est extraoral.

L'objectif de la greffe osseuse autogène d'apposition en onlay est de corriger un déficit par un os fonctionnel dans lequel les implants pourront s'ostéo-intégrer afin de répondre aux impératifs esthétiques, phonétiques et fonctionnels.

Les greffes osseuses autogènes obéissent à un protocole rigoureux et sont pratiquées par des chirurgiens expérimentés [4].

En règle générale, pour les défauts osseux de faible étendue, un prélèvement intrabuccal est choisi au niveau des régions postérieures ou antérieures de la mandibule.

La voie d'abord choisie doit favoriser la vascularisation et le recouvrement total du greffon.

Présentation du cas

La présente description relate l'aménagement osseux préimplantaire par greffe osseuse autogène d'apposition verticale en onlay d'origine ramique.

Anamnèse, désir du patient, diagnostic

Le patient, âgé de 51 ans, non-fumeur et sans antécédent médico-chirurgical particulier, est adressé pour la pose d'un implant en lieu et place de la 13 (fig. 1). Son exigence, à ce stade, est essentiellement esthétique.

L'examen clinique ne révèle aucune anomalie.

Une radiographie rétroalvéolaire (fig. 2) met en évidence un déficit osseux vertical et horizontal considérable allant jusqu'à l'apex de la 14.

Un examen tomodensitométrique est réalisé et interprété. L'étude du scanner confirme l'importance du défaut osseux et une greffe osseuse d'apposition en 3D d'origine ramique est décidée (fig. 3 à 5).

Le patient est informé du plan de traitement, des avantages et des inconvénients du choix thérapeutique ainsi que des risques liés à l'intervention et son consentement est obtenu.

Plan de traitement

Le défi de reconstruire en 3D un volume osseux crestal suffisant afin de permettre la mise en place d'un implant endo-osseux et de répondre aux impératifs esthétiques, phonétiques et fonctionnels était excitant et encouragé par la motivation exceptionnelle du patient.

Comme pour toute chirurgie, le bilan préopératoire est réalisé et ne révèle aucune contre-indication à un acte de chirurgie buccale.

La prémédication est de type habituel aux chirurgies osseuses sur des patients en bonne santé. Elle est commencée 3 jours avant l'intervention :

• amoxicilline, 1 g matin et soir pendant 10 jours ;

• corticoïde, 1mg/kg pendant 4 jours ;

• Atarax : 1mg/kg 1 heure avant l'intervention.

Déroulement du traitement

Première étape

L'anesthésie est confortable avec des injections généreuses juxtapériostées en vestibulaire et en palatin.

La voie d'abord chirurgicale doit permettre l'exposition directe et large de la zone à greffer et le recouvrement facile des greffons après leur mise en place [5]. On incise à distance de la zone à reconstruire afin que les greffons soient recouverts hermétiquement par un lambeau intact et bien vascularisé. Dans ce cas, une première incision verticale se fait dans l'épaisseur du frein labial médian supérieur, suivent une incision intrasulculaire et crestale et une seconde incision de décharge en distal de la 16.

La dissection se fait en levant un lambeau de pleine épaisseur.

La zone à greffer est exposée et le déficit osseux évalué (fig. 6). Le site receveur est préparé et doit être exempt de tout débris muqueux ou conjonctif. À ce stade (fig. 7), il est à noter, outre le défaut osseux considérable en hauteur et en épaisseur, la dénudation des faces mésiales radiculaires de la 14 (fig. 8).

L'accès au site donneur dans la zone rétromolaire se fait après anesthésie locale, par une incision crestale avec une lame 15 associée à 2 incisions de décharge, la première en mésial de la 46 et la seconde dans la muqueuse jugale. Un lambeau muco-périosté permet l'exposition large et directe du site de prélèvement (fig. 9). À ce stade, les principaux éléments anatomiques à respecter sont le nerf lingual et le nerf buccal [6].

Les ostéotomies sont faites à l'aide d'un disque diamanté de 3,25 mm de rayon sous irrigation abondante. Le disque est associé à un carter de protection (fig. 10) qui permet des ostéotomies en toute sécurité. À ce stade, les principales structures anatomiques à respecter sont le nerf alvéolaire inférieur, les racines des molaires mandibulaires et l'artère faciale [4].

Le prélèvement du bloc osseux cortico-spongieux (fig. 11) se fait par clivage à l'ostéotome droit ou courbe en veillant à rester au contact de la corticale.

La fermeture du site de prélèvement se fait de façon hermétique après contrôle de l'hémostase.

Le greffon, laissé dans une cupule remplie de métronidazole, est récupéré et ajusté au site receveur. À ce stade, l'alignement du bord crestal du greffon est capital et l'ajustage des différents blocs osseux se fait de façon minutieuse (fig. 12). L'immobilisation stricte des greffons est obtenue à l'aide d'une vis d'ostéosynthèse traversant, dans le sens vertical, les blocs osseux et vissée en partie dans l'os résiduel apical (fig. 13). Les bords vifs sont émoussés pour éviter toute déchirure du lambeau lors de la fermeture.

La fermeture du site greffé se fait après vérification de l'hémostase et repositionnement du lambeau sans tension (fig. 14 et 15).

Les suites opératoires sont minimes : léger oedème et tuméfaction régressant en 8 jours.

Le patient est revu au bout de 10 jours pour contrôle et ablation des fils.

Deuxième étape

À 4 mois, la cicatrisation des tissus mous recouvrant la greffe est excellente malgré une absence de tissu kératinisé qui sera réparée par une greffe conjonctive (fig. 16).

Après une anesthésie locale et une incision crestale, un lambeau de pleine épaisseur met en évidence la vis d'ostéosynthèse et une légère résorption en distal (fig. 17).

La qualité de ce site implantaire devient alors favorable après retrait de la vis d'ostéosynthèse à un positionnement optimal de l'implant XiVE de 15 mm de longueur et de 3,8 mm de diamètre, en termes de situation, d'axe et d'émergence ; cela est confirmé par un contrôle radiologique.

L'implant a été posé en un seul temps chirurgical avec une excellente stabilité primaire (fig. 18 et 19) et associé, en vestibulaire, à une greffe conjonctive.

À ce stade, il est à noter, outre le gain osseux considérable, le « recouvrement osseux » partiel au niveau du septum initial vestibulaire des faces mésiales radiculaires de la 14.

Cette colonisation des cellules osseuses sur des racines dentaires dénuées de tout ligament alvéolo-dentaire laisse à penser à un phénomène d'ankylose partielle (mais des études doivent être entreprises pour essayer de comprendre ce phénomène).

Troisième étape

Au bout de 2 mois, la mise en charge se fait après cicatrisation des tissus mous et confection, par le confrère correspondant, d'une couronne céramo-métallique répondant à tous les critères fonctionnels et esthétiques (fig. 20 et 21).

La parfaite intégration de la prothèse implanto-portée et le respect de l'impératif esthétique avec alignement des collets ont donné entière satisfaction au patient (fig. 22 à 25).

Conclusion

L'aménagement osseux préimplantaire par greffe osseuse autogène est devenu incontournable dans l'exercice de l'implantologie et doit faire partie intégrante du plan de traitement.

L'étroite collaboration et la bonne entente entre le chirurgien implantologiste et l'omnipraticien sont des conditions incontournables à la réussite de cas complexes.

Bibliographie

  • 1. Antoun H, Abillama F, Daher F. Site de prélèvements osseux et reconstructions alvéolaires pré-implantaires. Implant 2000;6:257-268.
  • 2. Capelli M. Autogenous bone graft from the mandibular ramus: a technique for bone augmentation. Int J Periodontics Restorative Dent 2003;23:277-285.
  • 3. Misch CM. Use of the mandibular ramus as a donor site for only bone grafting. J Oral Implant 2000;XXVI:42-49.
  • 4. Tulasne JF, Andreani JF. Les greffes osseuses en implantologie. Paris : Quintessence International, 2005.
  • 5. Proussaefs P, Lozada J, Klinman A, Rohrer MD. The use of ramus autogenous block grafts for vertical alveolar ridge augmentation and implant placement: a pilot study. Int J Oral Maxillofac Implants 2002;17:238-248.
  • 6. Sauvigne T, Fusari J, Monnier A, Breton P, Freidel M. Le prélèvement rétro-molaire, une alternative au prélèvement mentonnier en chirurgie osseuse pré-implantaire. Rev Stomatol Chir Maxillofac 2002;103:264-268.