Jean-Claude GHISLAIN
 

Clinic n° 04 du 01/04/2009

 

INTERVIEW

Anne-Chantal de Divonne  

Alors que des rumeurs continuent d'être propagées sur la qualité des prothèses dentaires, Jean-Claude Ghislain affirme qu'aujourd'hui : « ces produits ne posent pas de problèmes sanitaires avérés ». Le responsable de l'évaluation des dispositifs médicaux à l'AFSSAPS reste toutefois prudent. Il fait le point sur les dispositions réglementaires qui seront mises en place pour améliorer leur traçabilité, qu'il s'agisse de l'identification des opérateurs, de la mise à disposition du patient d'un certificat de conformité de la prothèse à partir de mars 2010 ou d'un contrôle renforcé des sous-traitants à l'étranger.

La qualité des prothèses est-elle aujourd'hui remise en question par l'AFSSAPS ?

Il n'y a pas aujourd'hui de problèmes sanitaires avérés et nous n'avons pas eu à traiter la mise en cause d'un opérateur. Néanmoins, la délocalisation d'une partie de la production des prothèses génère une très forte préoccupation dans le public, mais aussi chez les chirurgiens-dentistes et les prothésistes en termes de risques potentiels et de concurrence. D'autres pays européens et les États-Unis s'en inquiètent aussi. L'hypothèse de personnes intoxiquées par du plomb en teneur anormale dans des céramiques a été avancée outre-Atlantique.

Le processus de fabrication de la prothèse, jusqu'à présent un secteur de PME habitué au fonctionnement de proximité, est remis en question. La mondialisation de la production déstabilise le secteur et pourrait poser problème.

Quels sont les risques potentiels ?

La prothèse d'importation est le plus souvent réalisée par des sous-traitants pour des opérateurs installés en France. La question est de savoir quelle maîtrise les opérateurs ont de ces sous-traitants et des matières premières qu'ils utilisent. Les matériaux sont à la norme CE au niveau international. Mais des produits de contrefaçon ont été identifiés à l'étranger.

Autre préoccupation majeure pour l'Agence : le risque est de voir des opérateurs exerçant hors réglementation proposer leurs services à des chirurgiens-dentistes. De ce fait, ils n'assumeraient pas la responsabilité de la qualité de leurs produits. Il y a aujourd'hui un problème de transparence dans ce secteur pour procéder à des vérifications.

Quel rôle peut jouer l'AFSSAPS ?

Jusqu'à présent, nous avons interagi avec les organisations professionnelles pour les aider à appliquer la réglementation spécifique aux dispositifs médicaux sur mesure. Un premier guide d'aide tous secteurs confondus a été publié l'an dernier. Et un guide spécifique aux bonnes pratiques dans le secteur dentaire doit paraître dans les prochaines semaines.

L'AFSSAPS a aussi procédé aux premiers contrôles sur dossiers de deux opérateurs pour connaître les conditions dans lesquelles ils sous-traitent leurs prothèses à l'étranger. Les résultats sont acceptables.

Plusieurs mesures nouvelles vont par ailleurs nous permettre d'accroître nos capacités de contrôle et d'augmenter la transparence dans le secteur dentaire. La directive européenne 2007/47 (évolution de la directive 92/42) prévoit d'accompagner chaque prothèse d'une déclaration de conformité signée du fabricant à partir de mars 2010. Cette déclaration sera à disposition du chirurgien-dentiste et des patients. Elle facilitera le repérage du responsable de la fabrication de la prothèse dentaire. Par ailleurs, un décret venant en application d'une disposition de la loi finances pour 2009 et qui doit être publié très prochainement impose aux fabricants, distributeurs, importateurs et exportateurs de se déclarer auprès de l'AFSSAPS en indiquant les dispositifs faisant l'objet de leur activité. La liste de ces opérateurs, susceptibles d'être contrôlés à tout moment, sera publiée sur le site de l'Agence. Elle constituera un premier niveau d'identification pour les chirurgiens-dentistes.

Vous estimez « acceptables » les résultats des contrôles réalisés chez deux importateurs de prothèses. Pourquoi ?

Les résultats sont satisfaisants sur un plan réglementaire. La question est maintenant de savoir quel niveau de précautions les importateurs doivent prendre vis-à-vis de leurs sous-traitants pour garantir la qualité des prothèses. Quelle fréquence d'audit est souhaitable? Doivent-ils systématiquement faire des contrôles ? Il faudra aussi vérifier si ce qui est déclaré est vrai au quotidien.

Reste aussi à mieux connaître le secteur des prothésistes dentaires opérant en France. Combien sous-traitent leur production ? Plus nous aurons d'opérateurs identifiés, plus nous pourrons déployer nos actions. Une de ces actions prévues, le contrôle des produits finis en laboratoire, est un sujet éminemment délicat parce que chaque pièce prothétique est unique. Il est donc difficile de faire une expertise contradictoire. De plus, les normes ont été conçues pour vérifier les matériaux avant qu'ils soient utilisés. Si l'on veut mesurer la teneur en plomb, par exemple, d'une céramique dentaire prête à poser, il semble que le taux est très variable selon la méthode utilisée. Ce type de contrôle exige donc aujourd'hui beaucoup de prudence.

Certains préconisent d'indiquer le pays d'origine de la prothèse...

Nous avons eu des discussions à ce sujet au niveau européen. Ce n'est pas possible pour le moment car non applicable à l'ensemble des dispositifs médicaux. Et puis, la provenance ne signifie pas grand-chose quand les éléments qui composent ces dispositifs proviennent de plusieurs pays différents. On y viendra peut-être un jour, mais pour le moment, la démarche est plutôt de s'assurer que les entreprises qui font fabriquer à l'étranger sont en mesure de garantir la qualité de la fabrication de leurs sous-traitants.