Jean-Claude Michel (président de la CNSD) et Jean-Marc Preynat (Président de l'UJCD) - Clinic n° 05 du 01/05/2009
 

Clinic n° 05 du 01/05/2009

 

INTERVIEW

Anne-Chantal de Divonne  

Quel jugement portez-vous aujourd'hui sur le texte ?

J.-C. Michel (président de la CNSD) : La CNSD a choisi de se battre avec le CNPS* pour préserver les valeurs et les principes de l'exercice libéral contractuel. Nous avons exprimé nos craintes sur des faits visant à étatiser l'organisation de la santé par l'intermédiaire des agences régionales de santé (ARS). Ces agences seront dirigées par un préfet sanitaire nommé par le gouvernement et contrôlées...


Quel jugement portez-vous aujourd'hui sur le texte ?

J.-C. Michel (président de la CNSD) : La CNSD a choisi de se battre avec le CNPS* pour préserver les valeurs et les principes de l'exercice libéral contractuel. Nous avons exprimé nos craintes sur des faits visant à étatiser l'organisation de la santé par l'intermédiaire des agences régionales de santé (ARS). Ces agences seront dirigées par un préfet sanitaire nommé par le gouvernement et contrôlées par un conseil de surveillance présidé par le préfet de région. Cette réorganisation régionale s'accompagne d'un torpillage des conventions nationales et des syndicats nationaux signataires par l'instauration de contrats individuels avec possibilité de nouveaux modes de rémunération et par une modification des critères de représentativité actuels, grâce à des élections régionales.

Nous avons fait ce choix, tout en proposant de nous engager vers une implication et une reconnaissance médicale de notre profession de santé. Les députés ont accepté d'inscrire dans la loi des mesures incitatives pour la démographie, de régionaliser le numerus clausus et de créer un internat qualifiant réservé, dans un premier temps, à la chirurgie orale.

Nous avons pour l'instant échappé à la fin de la liberté d'installation, au SROS** opposable, à la suppression de la participation des caisses aux cotisations sociales des professionnels de santé dans les «zones denses », à la dénonciation pour refus de soins, à la fourniture de la facture du laboratoire de prothèses, à l'inscription des assistantes au Code de la santé, et les conventions nationales collectives sont préservées bien que déshabillées en partie par des conventions régionales. Mais ces conventions régionales se feront sur la base des conventions nationales.

La représentativité syndicale pose donc toujours problème ?

J.-C. Michel : Cet aspect de la loi m'inquiète particulièrement. Car ce n'est pas le nombre des adhérents qui va déterminer la part des représentants d'un syndicat dans une instance comme la commission paritaire nationale mais le résultat aux élections professionnelles. J'aimerais persuader les sénateurs de faire un panachage qui tienne compte de l'ancienneté - ce que les députés ont voté - mais aussi de l'effectif lié aux cotisations.

En matière de démographie, le projet vous convient-il ?

J.-C. Michel : Oui, car l'échéance est reportée de 3 ans ; un temps à utiliser pour améliorer la situation. Si nous n'avons rien fait en 2012, nous porterons une part de responsabilité et nous nous verrons infliger des mesures coercitives. Les étudiants aujourd'hui en 4e année sont prévenus. Il faut qu'ils réfléchissent au sein de leurs organisations étudiantes. Nous avons à notre disposition les mesures incitatives promues par le projet, comme la régionalisation du numerus clausus et les bourses d'études. Il y en a aussi d'autres comme l'incitation des étudiants à faire leur stage actif dans les zones défavorisées.

Sur quels autres points du texte serez-vous vigilant ?

J.-C. Michel : Sur l'article 19 qui concerne le développement personnel. Nous y apporterons le plus d'amendements possibles pour obtenir des précisions dans le cadre de la loi plutôt que d'attendre les décrets d'application. Car aujourd'hui, le gouvernement nous laisse dans le flou. Certains responsables de la profession sont très optimistes. Ma lecture du texte actuel ne l'est pas. L'argent de la formation continue conventionnelle va échapper à la profession alors qu'actuellement, c'est elle qui gère les fonds, choisit les thèmes et organise les séances. Cet argent doit en effet alimenter un fonds de gestion que nous ne maîtriserons plus. Il servira à accréditer non plus des formateurs mais des formations et à conduire une évaluation des pratiques professionnelles (EPP). Pour moi, le système tel qu'il se dessine conduit, à terme, à un conventionnement conditionné par le développement personnel continu !

Quel jugement portez-vous sur le projet de loi dans son ensemble tel qu'il sera discuté au Sénat ?

J.-M. Preynat (Président de l'UJCD) : Un gouvernement s'attaque pour la première fois au dossier de l'hôpital. La ministre essaie de réformer la gouvernance avec l'idée sous-jacente de se saisir du problème financier. C'est compliqué. Il faut faire un choix entre un hôpital qui soigne tout le monde, avec les meilleures techniques - et dans ces conditions les questions budgétaires ne sont pas abordées - et un hôpital géré à la façon d'une entreprise et qui rend des comptes. Le texte va dans cette seconde direction. Est-elle bonne ou mauvaise ? C'est à la société de décider. Mais les professionnels de santé en ville qui ont l'habitude d'être pressurés et encadrés se demandent pourquoi l'hôpital n'aurait pas les mêmes contraintes. Cela pourrait permettre à terme un rééquilibrage de la prise en charge de certains soins de ville et en particulier des soins dentaires. C'est un bon côté du texte.

Dans le détail des articles, craignez-vous toujours ceux concernant la représentativité syndicale ?

J.-M. Preynat : L'approche a évolué favorablement par rapport au texte initial. Les organisations syndicales qui présenteront des candidats aux URPS (unions régionales des professions de santé) devront prouver une antériorité de 2 ans au minimum. Cette clause évite qu'une organisation à peine créée puisse se présenter. C'est une sécurité, mais nous souhaitons que le Sénat aille plus loin et nous militerons pour que les organisations qui présentent leurs candidats aient une représentation nationale.

Et sur un plan dentaire ?

J.-M. Preynat : Il n'y a pas eu beaucoup d'évolution. Sans même que nous ayons à intervenir, les députés ne sont pas allés plus loin que la loi de financement pour ce qui concerne la facturation des prothèses. Sur la formation continue, nous savons simplement qu'il y aura un organisme financier global commun à l'ensemble de la formation professionnelle continue. Pour le reste, nous attendons les décrets d'application. Le dossier des assistantes dentaires a en revanche un peu évolué. La ministre de la Santé a en effet reconnu publiquement pour la première fois qu'il y avait nécessité d'envisager l'inscription des assistantes dentaires au Code de la santé publique, mais elle reporte la décision pour deux raisons qui, pour nous, ne sont pas des obstacles. Mme Bachelot veut confier à l'Inspection générale des Affaires sociales (IGAS) la mise en place d'un groupe de travail sur la formation et la validation des acquis de l'expérience (VAE). Or la VAE existe depuis quelques années et fonctionne très bien. La ministre pense aussi qu'il faut auparavant travailler sur le référentiel formation. Or pour nous, l'inscription au Code n'implique pas l'arrêt immédiat de la filière de formation telle qu'elle existe aujourd'hui. Une évolution peut être envisagée, mais ce n'est pas une condition. Nous espérons rencontrer MadameBachelot avec l'Ordre, les assistantes dentaires et l'UFSBD pour lui présenter ces arguments.

Que pensez-vous des mesures démographiques votées pour les médecins ?

J.-M. Preynat : Nous sommes opposés aux mesures coercitives et favorables aux mesures incitatives. Taxer les médecins qui n'iraient pas travailler dans les zones en carence démographique n'est pas une mesure coercitive à l'installation. Elle peut se discuter s'il y a des contreparties. En fait, on veut instaurer, un peu comme dans le domaine de la retraite, une solidarité intergénérationnelle pour suppléer à des manques. Cela ne me semble pas être injuste. Une transposition pure et dure à notre profession n'est cependant pas possible car, comme toute profession de santé, nous avons nos spécificités. Pour l'instant, cependant, cette solution n'a pas été envisagée pour le dentaire. Mais nous ne sommes pas opposés à une certaine forme de coopération intergénérationnelle.

*Centre national des professions de Santé **Schéma régional d'organisation des soins