Utilisation des minivis en orthodontie - Clinic n° 08 du 01/09/2009
 

Clinic n° 08 du 01/09/2009

 

RÉPONSE D'EXPERT

Serge DAHAN  

> Notre expertAncien interne des hôpitaux

Les minivis orthodontiques sont présentées comme de nouveaux ancrages orthodontiques. Bien que leur emploi puisse paraître simple, certaines précautions s'imposent quant à leur utilisation, leurs indications et leur pose, notamment en ce qui concerne les obstacles anatomiques. De plus, si elles permettent un ancrage « absolu », elles ne résolvent pas à elles seules le problème orthodontique des patients. Elles permettent néanmoins, dans certains cas, des traitements plus simples, plus rapides et donc moins lourds pour les patients et, surtout, elles permettent au praticien de réaliser certains mouvements considérés auparavant comme très difficiles, voire même irréalisables.

Qu'est-ce qu'un ancrage ?

Langlade a défini l'ancrage comme étant « la résistance d'un corps à son déplacement ». En effet, pour provoquer un déplacement dentaire, il est nécessaire d'appliquer des forces sur la ou les dents à déplacer. On sollicite généralement les dents postérieures pour déplacer les dents antérieures. Or, selon la troisième loi de Newton, toute action induit une réaction d'intensité égale et de sens opposé.

Quels sont les différents types d'ancrages ?

On distingue traditionnellement deux types d'ancrages : l'ancrage passif et l'ancrage actif.

L'ancrage passif, ou biologique, est indépendant de tout appareillage. Il s'agit de la dent prise dans son environnement. Il faut considérer :

- la dent elle-même (l'ancrage d'une molaire mandibulaire est supérieur à celui d'une incisive mandibulaire par exemple, de par sa plus grande surface radiculaire qui s'oppose à son déplacement) ;

- la densité osseuse, la proximité de la racine dentaire d'une corticale ;

- l'occlusion, la courbe de Spee, l'engrènement cuspides/fosses.

L'ancrage actif, ou mécanique, est l'ancrage produit par le dispositif orthodontique et ses auxiliaires. Il en existe plusieurs types :

- les ancrages extraoraux, par exemple le masque de Delaire ou les forces extraorales à appui crânien ;

- les ancrages intraoraux, comme la barre palatine, l'arc lingual, l'arc de Nance... ;

- les ancrages interarcades (tractions élastiques intermaxillaires).

Les minivis orthodontiques sont à classer dans les ancrages actifs intraoraux.

Que peut-on faire aujourd'hui avec les minivis qu'on ne pouvait pas faire jadis ?

Les minivis sont principalement utilisées comme auxiliaires pour le traitement de l'adulte, lorsqu'on a des compensations importantes, des édentements non comblés, une faiblesse parodontale, l'absence de piliers postérieurs... On peut très bien les utiliser pour corriger une vestibulo-version des dents (migrations secondaires par exemple) en l'absence de piliers postérieurs. Elles permettent également de désinclure des dents sans sollicitation du reste de l'arcade, et donc sans provoquer de mouvement parasite, ou même en l'absence complète d'éléments dentaires d'ancrage.

Que peut-on faire mieux qu'hier, grâce aux minivis ?

Les minivis peuvent également nous servir, non pour réaliser des mouvements autrefois impossibles, mais pour faciliter la résolution de situations délicates ou pour accélérer le traitement. On peut les utiliser pour distaler des secteurs postérieurs (molaires), pour remplacer des forces extraorales dans certaines situations, pour réduire les béances, pour mésialer des molaires, pour redresser des axes (mésio-version de deuxième molaire par suite de l'avulsion d'une première molaire par exemple) et pour faciliter la traction de dents incluses, pour réaliser l'ingression d'une molaire égressée en absence d'antagoniste (fig. 1 à 3). Les minivis peuvent être utilisées comme seul élément d'ancrage ou elles peuvent venir renforcer l'ancrage déjà existant : on relie alors la minivis de façon rigide à une dent ou un groupe de dents afin de les immobiliser.

Existe-t-il différents types de minivis ? Existe-t-il différents concepts dans le domaine des minivis ? Quels sont les critères de choix ?

Il existe principalement deux types de vis qui diffèrent par leur matériau de fabrication : les minivis en titane et celles en acier chirurgical. Elles ont toutes un aspect de surface lisse. L'ostéo-intégration n'étant pas recherchée, on préférera les minivis en acier pour leur plus grande rigidité et leur coût moindre. La plupart des minivis commercialisées sont autoforantes et autotaraudantes, ce qui dispense de réaliser un forage préalable à leur pose. Elles ont un diamètre qui varie de 1,2 à 2 mm et une longueur comprise entre 6 et 12 mm. On utilisera les vis les plus larges et les plus longues possible, selon les possibilités anatomiques du site receveur. En pratique, les vis les plus utilisées ont un diamètre de 1,3 mm et une longueur de 8 mm.

L'insertion de la minivis à un couple de 30 Ncm (mesuré au contre-angle ou à la clé dynamométrique) est la garantie de sa bonne stabilité. Concernant la mise en charge de la minivis, il est conseillé de la réaliser immédiatement après sa pose. La force appliquée sur elle doit être continue et d'intensité croissante (plus faible au départ, elle ne doit pas dépasser les 200 g). On veillera à ne pas lui appliquer de couple qui pourrait la dévisser.

Qui peut poser des minivis ? Qui prendra la responsabilité en cas de problème ?

L'orthodontiste peut poser les minivis à son cabinet. Il doit posséder une assurance en responsabilité civile et professionnelle qui couvre les risques anesthésiques. Il devra également attester d'une compétence pour la réalisation de cet acte.

L'omnipraticien et le chirurgien-dentiste avec une certaine habitude des actes de parodontologie et chirurgie buccale peuvent réaliser cet acte. Il est fréquent que les orthodontistes adressent à leurs correspondants les patients nécessitant la pose de minivis. C'est un acte rapide à réaliser au fauteuil. Une bonne communication est nécessaire afin de s'entendre sur le positionnement précis des minivis ainsi que sur leur mise en charge. Pour faciliter les échanges entre praticiens, on utilise fréquemment des modèles d'étude en plâtre ou, maintenant, des modèles virtuels afin de marquer le placement exact souhaité (fig. 4 et 5).

Comment déposer les minivis ?

L'absence d'ostéo-intégration des minivis leur assure une dépose aisée. Celle-ci peut être réalisée dès les résultats obtenus ou en fin de traitement orthodontique. Elle se fait par simple dévissage au niveau de la tête de la minivis. Cet acte ne nécessite pas d'anesthésie dans 90 % des cas, ou juste une anesthésie de contact. Le seul risque lié à la dépose est la fracture de la tête de vis. Ce n'est pas réellement un problème, le corps de la minivis pouvant très bien rester dans l'os, d'autant plus que les tentatives de dépose après fracture de la tête de la minivis sont souvent iatrogènes et délabrantes.

Existe-il des contre-indications à l'emploi de minivis ?

Les contre-indications sont assez rares mais la réponse est oui. Elles peuvent être de deux ordres : elles peuvent venir de l'état général du patient (contre-indication à la chirurgie en général, ostéoporose...) ou alors des conditions locales (absence d'os dans le site où l'on souhaite poser la minivis, proximités radiculaires trop importantes, éléments anatomiques à éviter, nerfs...). Ces contre-indications seront révélées lors de l'interrogatoire du patient et de son examen clinique minutieux.

Remerciements

L'auteur tient à remercier le Dr Michel LE GALL, Maître de conférences des Universités en orthopédie dento-faciale, pour son aide à l'élaboration et à la relecture de cette réponse d'expert.

Lectures conseillées

Le Gall M. L'ancrage : les minivis. In : Canal P, Salvadori A (eds). Orthodontie de l'adulte. Paris : Masson, 2008 : 73-104.

Lee JS, Kim JK, Park YC, Vanarsdall RL Jr. Applications cliniques des mini-implants en orthodontie. Paris : Quintessence International, 2007.

Massif L, Frapier L. Utilisation clinique des minivis en orthodontie. Encycl Med Chir (Elsevier SAS, Paris), Odontologie/Orthopédie dentofaciale 2006;23-492-A-17.