Défendre les consommateurs Lettre à l'UFC-Que Choisir - Clinic n° 10 du 01/11/2009
 

Clinic n° 10 du 01/11/2009

 

ÉTHIQUE

Chirurgien-dentiste   titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un mastère d'éthique médicale et biologique.  

Ou comment ceux qui devraient faire évoluer la situation campent sur des préjugés archaïques.

nPour favoriser la « transparence », la loi HSPT devrait obliger le chirurgien-dentiste à mentionner le prix d'achat de la prothèse à son prothésiste et indiquer l'endroit de fabrication.

Doit-on rappeler, suivant le Conseil de l'Ordre, qu'une fiche de traçabilité est une obligation légale et que n'importe quel praticien est prêt à indiquer l'identité des laboratoires sollicités ? Il y a déjà reçu une réponse efficace.

Sans le dire, ce projet cherche à faire la chasse aux prothèses fabriquées à l'étranger ; or, ironiquement, dans une étude au protocole médiocre, votre journal1 concluait que le meilleur laboratoire était justement la figure de proue des travaux délégués à l'étranger. Et puis questionnons-nous : par quelle arrogance pensons-nous que les étrangers travaillent mal ? Les consommateurs ne sont-ils pas heureux de la baisse des prix consécutives aux délocalisations ? Puisqu'on peut tout faire à l'étranger, pourquoi ne pas délocaliser aussi la profession dentaire ? C'est ce monde-là que nous désirons ?

Second point : mentionner le prix d'achat. Après tout, pourquoi pas ? Et allons au bout de la réflexion car soit il s'agit de l'expression populaire de vieux clichés archaïques2, et alors c'est proprement irrationnel et de mauvaise foi, soit il s'agit d'informer le patient, et alors tout est incomplet, vicié et donc mensonger.

Si une telle manoeuvre sert à assimiler le chirurgien-dentiste à un revendeur de prothèses, c'est bien mal connaître le métier alors qu'un traitement prothétique met en oeuvre un ensemble complexe de compétences. Sans compter le coût exorbitant du matériel, le coût du travail et des fournitures ! Mentionnons aussi la provision pour charges URSSAF et retraite, le loyer, le matériel de stérilisation, le coût des matériaux d'empreinte, le salaire horaire de l'assistante ! Et vive la clarté !

D'autant qu'il n'y a aucun scandale dans le prix des prothèses. Une brève comparaison avec les pays européens similaires le montre clairement. D'autant - et là il y a scandale - que les soins (autres que prothétiques) sont mieux rémunérés partout ailleurs, et même en Hongrie (l'eldorado dentaire), à coût de la vie et charges bien moindres ! Est-ce normal ? Je répète : est-ce l'indice d'une justice pour notre profession et l'ensemble des efforts qu'elle réalise pour continuer de garantir des soins de qualité pour tous ?

Ce dont nous aurions besoin, c'est d'associations de patients responsables et puissantes comme dans le domaine du diabète ou de l'asthme. S'il y a des implants dentaires remboursés pour certaines pathologies, c'est parce qu'une association de patients s'est battue jusqu'au ministère ! Savez-vous pourquoi il n'y a pas d'association de patients « dentaires » ? Parce que personne ne se sent malade d'une carie ou d'une gingivite. Et c'est grave, car ce sont d'authentiques maladies.

Si ce n'est aux malades, on peut imaginer qu'il faille en appeler aux consommateurs pour exercer cette pression sur les pouvoirs publics3. C'est seulement ainsi qu'une profession qui a peu de voix pourra répondre aux attentes grandissantes de la société et aux défis à venir. Merci d'ouvrir les yeux et merci de nous aider. Quitte à ne pas être toujours d'accord . n

1. « Que choisir », 28 avril 2009. 2. Je n'ai pas de Porsche, pas de chalet à la montagne et pas de résidence au bord de la mer..., il serait temps de s'intéresser à la réalité de notre profession ! 3. Sans que les assureurs privés interviennent car on sait comment, aux États-Unis, ils mettent en péril la qualité des soins, parfois pour des logiques de profit.