Clinic n° 09 du 01/10/2012

 

De bouche à oreille

Frédéric BESSE  

frbesse@hotmail.fr

Quand nous discutons avec de jeunes confrères, une constatation s’impose : ils ne souhaitent pas exercer leur métier dans un cadre libéral.

Si nous examinons les raisons de ce choix, nous observons que nos successeurs ont une conception de l’exercice libéral qui les effraie, d’une part, mais aussi qui ne correspond pas à leurs aspirations profondes. C’est le cas, par exemple, de jeunes femmes désireuses de consacrer un minimum de temps à leur rôle maternel. Et...


Quand nous discutons avec de jeunes confrères, une constatation s’impose : ils ne souhaitent pas exercer leur métier dans un cadre libéral.

Si nous examinons les raisons de ce choix, nous observons que nos successeurs ont une conception de l’exercice libéral qui les effraie, d’une part, mais aussi qui ne correspond pas à leurs aspirations profondes. C’est le cas, par exemple, de jeunes femmes désireuses de consacrer un minimum de temps à leur rôle maternel. Et pourtant, ceux qui exercent dans ce cadre savent que les jeunes confrères ont tort et que la liberté procurée par ce statut sans patron, sans contraintes, sans emploi du temps défini est très épanouissante.

C’est donc à nous, qui avons connu les évolutions de ces dernières années, de leur expliquer ce qu’ils perdent à rechercher un statut salarié contraignant et humiliant.

Pour commencer, nous allons leur expliquer que le Code de déontologie de la profession se trouve désormais intégré au Code de la santé publique, loi de la République votée par le Parlement. Les petits écarts de conduite sont donc lourdement sanctionnés par des juges professionnels, le respect du Code devant être désormais rigoureux. Et que nos cabinets, soupçonnés de radioactivité intense, sont contrôlés de manière tatillonne par des personnes qualifiées de « compétentes en radioprotection », la responsabilité retombant in fine sur le propriétaire gérant. Et que les installations électriques modernes peuvent griller sur place un patient dans la force de l’âge et doivent donc être contrôlées tous les ans par un organisme agréé. Et cher. Et que les autoclaves, indispensables, obligatoires, onéreux et fragiles, doivent être révisés tous les ans afin de s’assurer de leur bon fonctionnement. Et que la traçabilité des stérilisations, casse-tête ahurissant, doit être assurée. Et qu’ils ne devront pas négliger le contrôle des extincteurs, ni celui des cuves des compresseurs, ni la mise aux normes d’accessibilité de leur cabinet. Sans compter les contraintes à venir…

Nous leur décrirons le ridicule des innombrables affichages liés au statut d’employeur et à celui de professionnel de santé, mais dont la négligence peut entraîner des sanctions administratives, voire pénales.

Et le plaisir de travailler 60 heures par semaine, harcelés par des patients à bout de douleur.

Et la joie de ne pas voir grandir sa progéniture.

Nous devrons aussi leur faire découvrir les joies du Code du travail, qui considère l’employeur comme un esclavagiste. Et le bonheur de négocier avec le personnel son salaire, ses congés, ses arrêts maladie. Et le plaisir de surveiller le travail d’une assistante, de la former, de la reprendre sans la bousculer, ce qui est puni comme « harcèlement ». Enfin, le plaisir de donner son cabinet après 40 ans de dur travail, car personne ne voudra le racheter.

Voilà l’exercice libéral promis à nos jeunes confrères et, à bien y réfléchir, nous serions tentés, nous aussi, de nous humilier…