Dons du rythme - Clinic n° 03 du 01/03/2012
 

Clinic n° 03 du 01/03/2012

 

PASSIONS

CATHERINE FAYE  

Salles de concert pleines, articles dans la presse, émissions télévisées, enregistrement d’un album avec des grands noms de la musique… The Low Budget Men cartonne. Mais hors des sentiers battus. Ce ne sont ni la réussite ni la célébrité qui animent les quatre musiciens de ce groupe de rock, mais une action solidaire et humaniste. Celle de sauver des vies. Tous leurs gains sont reversés à une association pour l’achat de défibrillateurs destinés aux espaces publics. Un acte civique qui pulse avec, à la batterie, Jean-Pierre Mariottini, chirurgien-dentiste niçois.

Qui sont les Low Budget Men ?

C’est une histoire familiale et amicale. J’ai été le premier à faire de la musique, à 11 ans, avec une caisse claire et une cymbale. Je suis autodidacte. Mon frère m’a rejoint, à la guitare et au chant, dans cette aventure : j’avais 20 ans, lui 14. On a commencé par répéter dans le garage, puis dans des studios en ville. Des années plus tard, Pierre, mon fils, est venu jouer de la guitare avec nous. Enfin, Stéphane Mirc, un ami, est devenu notre bassiste.

Et vous avez commencé à jouer en public…

Lors d’un premier concert organisé chez mon frère devant une centaine de personnes, on s’est rendu compte que ce qu’on faisait plaisait. Le maire de Vallauris, Alain Guimel, nous a proposé spontanément une salle de concert et nous lui avons suggéré, après réflexion, d’offrir à Vallauris des défibrillateurs avec les bénéfices de la soirée.

En 2008, notre premier vrai concert a eu lieu devant 700 personnes. La salle était pleine de nos amis, de nos patients. Les années suivantes, c’est devant plus de 1 000 personnes que nous nous sommes produits : à Golfe-Juan, puis au Théâtre de verdure de Nice – des moments exceptionnels.

Comment est venue l’idée des défibrillateurs ?

Mon frère, Claude Mariottini, est cardiologue interventionnel, spécialiste des troubles du rythme cardiaque à l’Institut Arnault-Tzank de Saint-Laurent-du-Var. Après un arrêt cardiaque, il faut agir dans les 4 premières minutes. Il faut savoir que le taux de patients réanimés avec succès atteint seulement 3 % sans défibrillateur disponible, et 30 % quand les secours immédiats en ont un à disposition.

Notre objectif est de sauver 20 000 vies par an.

Des chiffres très importants…

Chaque année, il y a 3 970 morts sur les routes, c’est énorme. La mort subite touche 10 fois plus de personnes. Il y a 50 000 décès par mort subite par an en France, soit 200 par jour. C’est comme si chaque année une ville entière disparaissait.

Combien coûte un défibrillateur ?

1 800 €. Nos concerts ont permis d’en acheter plus de 60 pour la ville de Nice et nous avons équipé les Alpes-Maritimes de plus de 10 % du total des défibrillateurs.

Où sont-ils installés ?

Dans des espaces publics. Mais il faut qu’ils soient localisés. L’idéal serait que l’on puisse faire un partenariat avec les pharmacies. Il y en a tous les 300 mètres, même dans les petits villages. Le pharmacien redeviendrait acteur de la santé et ce serait plus simple pour les citoyens. Autre idée : équiper chaque immeuble. Ce serait une démarche de santé publique. L’ADF pourrait également s’y associer. Chaque chirurgien-dentiste pourrait en installer un dans son cabinet ou le mettre à la disposition de la copropriété, dans une partie commune. L’objectif est de rester dans une chaîne de vie.

Comment s’en sert-on ?

Il suffit de poser les 2 électrodes sur la poitrine, puis la machine parle et dit d’appuyer ou non. Que l’on fasse un accident cardiaque ou un malaise vagal, elle sait détecter et alerter le SAMU.

Que jouez-vous et pour qui ?

On a notre univers musical avec nos compositions, mais aussi des reprises. On s’inspire des Kinks notamment, des Rolling Stones, de Nirvana, de groupes plus grunge depuis que mon fils nous a rejoints. Notre public est intergénérationnel, c’est très britannique et très sympa.

Ce qui vous plaît le plus quand vous jouez ?

Le fait de jouer en public avec mon frère, mon fils et un ami. En plus de notre action, on transmet l’idée que la famille et l’amitié sont essentielles. Et puis, c’est formidable d’entendre et de voir le public reprendre en chœur un titre de notre CD, comme On a sunny afternoon ; 1 200 personnes qui dansent et qui chantent une de vos compositions à tue-tête, ça vous donne vraiment la chair de poule.

Un mentor ?

J’aime bien Socrate avec son « Connais-toi toi-même » car en se connaissant, on peut s’aimer, et en s’aimant, on peut aimer les autres. ?

20 000 vies*, c’est aussi le nom de notre association, pour promouvoir la diffusion des défibrillateurs et sensibiliser la population aux gestes d’urgence.

* 20000-vies.com

Et au quotidien ?

Membre de plusieurs sociétés scientifiques (SOP, SFMBCB, SFPIO, AMECAAP…) et de groupes de travail pour des recommandations de bonne pratique, je suis expert judiciaire près la cour d’appel d’Aix-en-Provence et j’enseigne à la faculté de Montpellier. Omnipraticien, titulaire de plusieurs CES et DU, je reçois ma patientèle dans mon cabinet niçois. J’ai aménagé une chambre de bonne en studio de musique sous mon cabinet et j’habite dans le même immeuble, cela facilite les choses. J’ai moi-même été victime d’un accident cardiaque en 2008, mais je ne peux pas m’empêcher de beaucoup travailler, même le week-end, de faire du sport, de répéter le soir et de lire. J’aime avoir une vie palpitante.