« Pessoa », une journée de dupes ? - Clinic n° 06 du 01/06/2013
 

Clinic n° 06 du 01/06/2013

 

C’est mon avis

Armand SEDEFDJIAN  

Président de l’association Médecine Égale Liberté amel-president@sfr.fr

On peut à juste titre trouver réconfortante la photographie d’une banderole sur laquelle figurent côte à côte les sigles des trois syndicats représentatifs de la profession dentaire venus soutenir les revendications des associations estudiantines. La réaction unanime des associations professionnelles est d’autant plus remarquable qu’elle est inhabituelle. Mais la situation est bien plus complexe qu’il n’y paraît et le motif de la manifestation nous laisse perplexes....


On peut à juste titre trouver réconfortante la photographie d’une banderole sur laquelle figurent côte à côte les sigles des trois syndicats représentatifs de la profession dentaire venus soutenir les revendications des associations estudiantines. La réaction unanime des associations professionnelles est d’autant plus remarquable qu’elle est inhabituelle. Mais la situation est bien plus complexe qu’il n’y paraît et le motif de la manifestation nous laisse perplexes. Ne serait-ce que par la diversité des protagonistes et leurs différentes postures, selon leurs mobiles.

Le fondement de la démarche concerne la santé des citoyens. Ceux-ci se rendent bien compte qu’il devient de plus en plus difficile de voir un professionnel de santé lorsqu’ils en ont besoin. Quoi qu’en dise la ministre, leur nombre est manifestement insuffisant. Les « déserts médicaux » débordent désormais des zones rurales pour gagner les zones urbanisées. La pénurie est patente dans toutes les catégories de professionnels de santé, qu’il s’agisse des médecins généralistes et spécialistes, des ­chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et de la plupart des professions paramédicales.

L’origine du mal : le numerus clausus des étudiants qui a été établi au début des années 1980 à la demande conjointe des organisations professionnelles et de l’Assurance maladie obligatoire. Les premières ne cachaient pas leur crainte d’une concurrence effrénée entre les professionnels et de ses conséquences sur leur situation économique. Et nous avons toujours en mémoire les analyses de certains directeurs de la Caisse nationale d’assurance maladie, lorsqu’ils accusaient la demande et l’offre de soins de creuser leurs déficits récurrents. Nous voyons bien le résultat de leur politique à la fois sur le « trou de la Sécu » et sur les difficultés d’accès aux soins de la population.

Comment y remédier ? Agir sur les répartitions territoriales ne fera que gérer la pénurie : il est devenu indispensable d’augmenter les effectifs. Ouvrir les portes des facultés n’aura d’effets, au mieux, qu’à la fin des cursus universitaires. En attendant, on peut faire appel à des praticiens déjà diplômés provenant d’autres pays. L’Union européenne a ainsi adopté le principe de la libre circulation des diplômes entre ses États membres : rien n’empêche les étudiants refoulés par le numerus clausus de se former dans d’autres pays européens et de revenir exercer en France à condition que leur diplôme soit validé et reconnu par les autorités de ces pays « hôtes ». La Belgique, depuis longtemps, et la Roumanie, plus récemment, ont largement ouvert la voie.

Au lieu de faire front contre le numerus clausus, cause première de cette situation, certains se dressent en rempart de la qualité des soins contre des enseignements qui ne seraient pas conformes aux références ni aux exigences de qualité des formations dispensées en France. À leur décharge, il faut convenir que les pouvoirs publics n’ont pas réagi avec une extrême diligence à l’ouverture sur le territoire national d’une institution privée étrangère. On peut même à penser que, sans la manifestation unanime des professionnels, elle serait déjà en cours de fonctionnement. La position des étudiants diffère selon qu’ils ont réussi au concours ou échoué. Les premiers semblent réclamer l’exclusivité du droit à l’exercice, les seconds demandent l’application du droit européen qui reconnaît la libre circulation des diplômés dans l’Union.

Pourquoi donc refuser aux étudiants éventuellement formés sur le territoire national hors numerus clausus un droit qui est reconnu à d’autres formés ailleurs en Europe ?