Clinic n° 10 du 01/11/2015

 

ADF 2015

Enquête

Catherine Bigot  

Les nouvelles technologies seront les vedettes du congrès de l’ADF 2015 qui consacre le tiers de ses 107 séances aux évolutions numériques dans les cabinets dentaires. Avec les nouvelles technologies, « le cœur de notre métier n’est pas modifié, c’est la manière de pratiquer et de prendre en charge les patients qui change », affirme Éric Gérard, président scientifique du congrès.

Clinic a mis le focus sur quatre séances qui aideront le praticien à choisir et utiliser ces technologies dans le quotidien de son exercice, que ce soit dans sa pratique de l’implantologie ou de l’orthodontie ou encore pour communiquer avec le patient. Le recours à ces nouveaux outils peut aussi être l’occasion de refaire son cabinet…

Réduire les risques en implantologie

Les nouvelles technologies aident et aideront toujours plus les pratiques en implantologie, certes. Mais comment réduire les risques de « casse » quand leur usage n’est pas encore complètement maîtrisé ?

Le constat est là, plus de 6 % des chirurgiens-dentistes déclarent un sinistre auprès de leur assureur chaque année et ce pourcentage ne cesse d’augmenter. Sans compter les litiges que les praticiens règlent par eux-mêmes, à l’amiable, avec leurs patients.

Pas de fumée sans feu

« Ceux qui innovent dans leur pratique, via l’usage de technologies de pointe notamment, sont les plus concernés. Tout simplement parce que les protocoles qu’ils utilisent ne relèvent pas encore du quotidien et manquent de rodage », note Philippe Monsénégo, praticien hospitalier, maître de conférences à l’université Paris VII et expert auprès de la cour d’appel. La sinistralité a donc un lien direct avec le temps d’apprentissage du numérique.

Dans les poses d’implants, la question de savoir comment la responsabilité d’un sinistre sera partagée entre chirurgien-dentiste et médecin radiologue n’est plus d’actualité. L’erreur sera imputée, ou non, au seul praticien.

Savoir raison garder

« L’expansion de l’usage des technologies numériques fait que le praticien délègue de plus en plus de choses aux fabricants d’implants qui préparent des guides chirurgicaux informatisés. Or, dans les cas litigieux, c’est le plus souvent le chirurgien-dentiste qui assume la responsabilité finale de l’acte et donc à lui de s’assurer que les protocoles utilisés rendent son intervention fiable. » Si, dans la chirurgie dite « à l’aveugle », le numérique permet une intervention rapide et confortable pour le patient, la prudence est néanmoins de mise. « Rester dans les données acquises de la science semble raisonnable et nous conseillons aujourd’hui de réserver ce type de chirurgie à des cas cliniques favorables… et à des praticiens expérimentés qui savent reprendre la main quand il faut. » Ce qui n’empêche pas que les difficultés vaillent la peine d’être peu à peu surmontées par l’expérience, car le patient en tirera au final un important bénéfice. « D’une façon générale, le chirurgien-dentiste ne doit réaliser un acte que s’il est capable de gérer les complications de cet acte. »

Les tablettes au service des praticiens

Conviviales et connectées, les tablettes numériques ont toute leur place au sein du cabinet. Pour expliquer, rassurer, prévisualiser, fiabiliser… En deux mots, pour mieux travailler !

C’est au fauteuil que l’usage de la tablette numérique offre ses meilleurs atouts en matière de communication. Par son intermédiaire, le praticien explique plus aisément à son patient les détails d’une pathologie ou d’un plan de traitement, surtout quand ce dernier est un peu complexe et s’étire sur plusieurs mois.

Des patients conquis

D’après Guillaume Gardon-Mollard, omnipraticien à Tours, « l’usage des tablettes donne une image de modernité au cabinet dentaire, rend le côté technique de notre métier moins austère et permet d’instaurer un dialogue devenu indispensable ». Car aujourd’hui, le patient n’attend pas seulement un traitement adéquat et bien réalisé, il veut comprendre. Or, le format convivial de la tablette, sa manipulation très intuitive et son extrême mobilité en font un outil précieux pour clarifier un plan de traitement et donc rassurer le patient, avec un grand confort de lecture et… sans fil. « Les patients avec lesquels nous utilisons une tablette pendant la consultation sont tous satisfaits et motivés, quel que soit leur âge. »

Une communication interactive

Pour peu que le praticien s’équipe en plus d’un système permettant de prendre des photos dans la bouche du patient et de les retransmettre sur écran, il peut alors dessiner au stylet sur l’image prise en bouche et montrer en direct au patient le travail entrepris. « Grâce à la prévisualisation du résultat des traitements sur leur propre visage, les doutes des patients se dissipent, la confiance s’installe plus vite. »

Le praticien gagne ainsi beaucoup de temps et améliore son efficacité globale tout en devenant plus crédible. Toutes les images prises et modifiées peuvent de plus être envoyées au patient par courriel. Avec le prothésiste aussi, la communication est plus que facilitée. Car la tablette permet de capturer très simplement une séquence vidéo grâce à laquelle il pourra mieux se rendre compte de la dynamique des lèvres du patient autour de la prothèse. « Pour l’esthétique et la réduction des approximations, c’est idéal ! »

Orthodontie : l’évolution numérique est incontournable

Cette fois c’est sûr, l’orthodontie ne peut plus se passer des avancées majeures que lui offre la technique numérique. Des diagnostics aux traitements, la révolution sera largement bénéfique à la discipline.

Même si nous vivons dans un environnement de plus en plus technologique, « l’orthodontie est aujourd’hui encore très en retard dans le développement des outils numériques » estime Laurent Petitpas, orthodontiste à Pont-à-Mousson et passionné de haute technologie. « Il faut notamment aller plus loin et plus vite dans le domaine de la CFAO. » En parallèle, l’imagerie médicale a évolué vers le tridimensionnel avec les scanners à reconstruction 3D et les cone beam. Les interfaces entre caméras intrabuccales et imagerie 3D constituent dès lors les nouvelles bases de l’orthodontie actuelle.

Des possibilités jusqu’ici inenvisageables

La révolution numérique en orthodontie devient vraiment possible grâce aux caméras intra-orales, qui simplifient « l’acquisition du patient ». Enregistrer aujourd’hui des empreintes numériques pures ne prend que 3 ou 4 minutes, sachant que cette rapidité d’acquisition va de pair avec une précision remarquable. « Le fait que l’opération se fait directement en bouche simplifie toutes les procédures. » De leur côté, les données des patients deviennent très facilement stockables et consultables. Les moulages en plâtre disparaissent ! Le diagnostic se voit lui aussi fortement amélioré avec la possibilité de tourner l’empreinte dans tous les sens, de grossir à volonté certains détails, de visualiser aisément d’éventuelles asymétries, etc.

Simulations et superpositions

« Des simulations du travail envisagé sur le patient sont également faisables, avec superposition, et sans coût supplémentaire. Les choix thérapeutiques n’en sont que plus éclairés. C’est l’un des grands avantages du numérique. » De là découlent bien sûr la conception et la fabrication assistées par ordinateur, que ce soit en technique fixe ou en technique amovible par aligneur.

« Cerise sur le gâteau, un scanner intrabuccal supplémentaire en fin de traitement permet d’obtenir un rétrocontrôle de ce que l’orthodontiste a réalisé, avec des superpositions anatomiques extrêmement intéressantes. »

Communication : le numérique n’est pas un gadget

La communication numérique serait-elle l’avenir de la relation entre le praticien et ses patients, voire entre le praticien et ses collaborateurs ?

« La concurrence de pays limitrophes de la France peut menacer les cabinets dentaires français. Et si les patients sont tentés d’aller se faire soigner ailleurs, c’est souvent parce qu’ils manquent d’informations et de communication directe avec leur praticien » a constaté Salvator Maira, directeur de l’Institut de recherche de la santé à Grenoble .Dans le contexte actuel d’hyper-information, l’exigence des patients s’accroît et ceux-ci attendent désormais d’être renseignés précisément et de manière quasi continue. La communication numérique est sans doute la future clé de voûte de la fidélisation des patients. « Qu’on le veuille ou non, la communication numérique est en train de prendre le pas sur la communication classique. »

Les générations Y et Z l’utilisent d’ailleurs déjà en priorité. Il faut donc prendre en compte ces changements culturels et mettre en place les innovations technologiques nécessaires. Le numérique répond notamment très bien aux besoins croissants de mobilité et au suivi des patients à distance.

Réinventer la communication

« Certains praticiens ont déjà mené des expérimentations poussées, notamment en Italie, et mis en œuvre des outils permettant de mieux communiquer, au sein du cabinet lui-même comme vers l’extérieur. » De plus en plus de cabinets créent leur propre site Internet pour communiquer sur les pathologies prises en charge, les savoir-faire de l’équipe dentaire, les moyens techniques et humains mobilisables, les tarifications, etc. « La communication numérique peut créer du lien là où il en manquait. » Il est désormais pensable de transmettre des informations ciblées aux patients via l’envoi de courriels, pendant leur traitement et au-delà.

L’équipe dentaire dans le bain

La Toile et les applications pour smartphones permettent par ailleurs de grandes avancées pour le partage des informations médicales et la remise à niveau des connaissances. Par exemple, la consolidation d’informations dans des encyclopédies multimédias de pratiques médicales peut offrir une formation très pédagogique à l’équipe dentaire.

« La communication numérique est à considérer non pas comme une opportunité mais comme une réalité immédiate engendrant de nouvelles pratiques… et probablement un nouveau modèle économique. »

Oser et réussir la transformation de son cabinet

Entre respect de la réglementation, nécessité de repenser son organisation et aspects techniques du projet, la transformation du cabinet est une aventure aux multiples facettes.

« L’exercice en cabinet libéral nécessite souvent des transformations et réorientations d’activité, consécutives par exemple à l’arrivée d’un nouveau praticien au sein de la structure, ou encore à la présence prépondérante des outils numériques » rappelle Jean-Paul Dupin, omnipraticien exerçant dans un cabinet de groupe à Talence.

Au bout de l’aventure : toujours du mieux !

Que ce soit pour améliorer ses conditions de travail, pour pouvoir répondre à un élargissement de son activité ou tout simplement pour satisfaire son envie d’un « beau » cabinet dans lequel on se sente bien, les motivations pour le changement sont aussi nombreuses que les écueils à éviter pour sa réussite. Parmi ceux-ci, le non-respect des normes et de la législation en vigueur occupe une place de choix : accessibilité des locaux, stérilisation, radiographie, etc. « Cette réglementation évolutive et parfois mal perçue peut malgré tout être une chance pour nous aider à transformer nos cabinets. »

Penser à tout

Le côté technique de la réalisation représente aussi une importante zone de risque. « Le réseau informatique et électrique doit par exemple être en phase avec les nécessités actuelles et futures de notre métier, la nature des câbles devant, entre autres, être compatible avec les importants flux d’images que nous traitons. »

Quant à la nouvelle organisation du travail, elle est intimement liée aux aspects économiques du projet et à la gestion du cabinet en tant qu’entreprise. « La plupart des transformations structurelles ayant une longévité de 15 à 20 ans, mieux vaut y réfléchir de manière globale. »

Les responsabilités médico-légales du praticien face aux nouvelles technologies en implantologie : savoir anticiper pour ne pas subir (E107)

Samedi 28/11 de 9 h 00 à 12 h 00

Intérêts de l’utilisation des tablettes numériques au cabinet dentaire (D81)

Vendredi 27/11 de 9 h 00 à 12 h 00

Le numérique est-il en train de révolutionner l’orthodontie ? (D92)

Vendredi 27/11 de 14 h 00 à 17 h 00

Le numérique, véritable outil de communication pour le patient et l’équipe soignante (D97)

Vendredi 27/11 de 14 h 00 à 17 h 00

Il est temps !

Je dois ! J’ai envie de refaire mon cabinet (E111)

Samedi 28/11 de 9 h 00 à 12 h 00