Le règlement arbitral, le juge et les dentistes - Clinic n° 05 du 01/05/2017
 

Clinic n° 05 du 01/05/2017

 

JURIDIQUE

Catherine Faye  

À la suite de l’échec, fin janvier, des négociations entre l’Assurance maladie et les syndicats de chirurgiens-dentistes libéraux, Marisol Touraine a sollicité l’intervention d’un arbitre qui a présenté une proposition de règlement. Malgré la forte mobilisation des professionnels et l’opposition des syndicats, Marisol Touraine a adopté le règlement arbitral. Ce dernier a été publié au Journal officiel du 31 mars 2017 et écrase, à partir du 1er avril 2017, la convention.

Objet

Le règlement opère une réforme des soins dentaires, effective à partir du 1er janvier 2018. Il prévoit qu’« un dispositif de rééquilibrage de l’activité dentaire est mis en place de manière échelonnée et progressive sur quatre ans, à compter du 1er janvier 2018 ». Ainsi, les actes prothétiques (couronnes, bridges), les plus rémunérateurs pour les professionnels, seront plafonnés, tandis que les soins conservateurs et de prévention (carie, détartrage) vont être revalorisés, sur un échéancier de 4 ans.

Les recours envisagés

Les syndicats n’entendent pas en rester là et envisagent notamment des actions contentieuses. En premier lieu, les trois syndicats les plus représentatifs ont annoncé vouloir introduire un recours en référé-suspension contre le règlement arbitral. Cette procédure vise à obtenir la suspension de l’exécution du règlement. Pour y parvenir, le juge doit constater une urgence à agir (en l’espèce, au regard de la date d’entrée en vigueur du règlement) et une illégalité manifeste entachant le texte. En second lieu, le syndicat entend solliciter du juge administratif qu’il saisisse le Conseil constitutionnel dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). La QPC est le droit reconnu à toute personne qui est partie à un procès ou à une instance de soutenir qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. Si les conditions de recevabilité de la question sont réunies, il appartient au Conseil constitutionnel, saisi sur renvoi par le Conseil d’État ou la Cour de cassation, de se prononcer et, le cas échéant, d’abroger la disposition législative. Il s’agit donc d’obtenir l’invalidation d’une disposition législative, postérieurement à sa publication. Or, il convient de souligner que le règlement arbitral, annexé à un arrêté ministériel, n’a pas la valeur d’un texte législatif. La QPC ne peut donc être envisagée directement contre le règlement arbitral. En revanche – et je pense qu’il s’agit de l’angle d’attaque de la Confédération nationale des syndicats dentaires (CNSD) – un tel recours pourrait être envisagé à l’encontre de l’article 75 de la loi de finances de la Sécurité sociale (LFSS) qui imposait une date butoir pour trouver un accord dans un cadre déterminé, à défaut de quoi un arbitre serait désigné. Dès le 23 décembre 2016, date de signature de la LFSS, il est apparu que le législateur pressentait une absence d’accord et voulait imposer une direction. On peut effectivement s’interroger sur la légalité de la pratique adoptée…

Le déconventionnement, une solution ?

En outre, certains syndicats invitent leurs adhérents à un déconventionnement massif pendant l’année 2017. Se déconventionner, c’est faire comprendre au patient qu’il ne bénéficiera d’aucune prise en charge par l’Assurance maladie et d’une faible prise en charge par sa mutuelle. Matériellement, il suffit d’envoyer une lettre à l’Assurance maladie qui actera le déconventionnement. Dans ce cas, et en matière de soins, le non-conventionné reste obligé, à la demande de son patient, de lui délivrer une feuille de soins remplie avec un code CCAM mais il n’est pas tenu de la télétransmettre. Il reste soumis au tiers-payant pour les patients bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU), de l’aide au paiement d’une complémentaire santé (ACS) et de l’aide médicale de l’État (AME) mais absolument pas à la grille tarifaire imposée aux praticiens conventionnés.

Au regard des cotisations, celles-ci sont redéfinies (une cotisation légèrement supérieure devant l’Urssaf et inférieure devant la CARCDSF). Il peut effectivement s’agir du seul moyen de pratiquer son art au prix le plus juste.

À RETENIR

Le règlement arbitral est entré en vigueur. Plusieurs solutions sont aujourd’hui envisagées pour lutter contre. Néanmoins, la voie judiciaire s’avère difficile. En revanche, le déconventionnement massif peut être un pied de nez aux pouvoirs publics qui, par leur politique, ont véritablement oublié le principal intéressé : le patient.