Moi, président… - Clinic n° 05 du 01/05/2017
 

Clinic n° 05 du 01/05/2017

 

QU’EN DITES-VOUS ?

Et si vous décidiez de la politique de santé bucco-dentaire ?

RECRUTER LES FUTURS PRATICIENS LÀ OÙ ON EN A BESOIN

J’agirais dans trois directions. J’aimerais que l’on revienne à une idée de vocation dans l’exercice, que les praticiens puissent prendre soin de leurs patients sans attendre celui qui va leur permettre de payer le matériel ! Pour y parvenir, il faut que l’on puisse vivre des soins et pas seulement de la prothèse.

Sur un plan démographique, j’aimerais que l’on recrute les étudiants là où on en a besoin. En dentaire, comme en médecine, ceux qui réussissent sont issus de lycées de grandes villes. Prenons les moyens de recruter de futurs praticiens dans les départements les plus reculés. On pourrait réserver un quota de places pour des jeunes issus des campagnes, un peu comme cela est organisé en faveur de jeunes de quartiers prioritaires pour l’entrée à Sciences Po Paris. Ces étudiants reviendraient plus facilement exercer là où ils ont grandi.

J’aimerais enfin que l’on développe la démocratie sanitaire à l’échelon local. Il faudrait que les chirurgiens-dentistes soient incités à sortir de leurs cabinets « tours d’ivoire » pour échanger sur leur activité avec les autres professions de santé et les associations qui parlent de santé. Cette ouverture aiderait à changer l’image que donne la profession et serait un moyen de s’intégrer autrement qu’en apparaissant comme des techniciens.

CAP SUR LA PRÉVENTION

J’axerais ma politique sur la prévention en rendant obligatoires et gratuites deux visites par an pour les enfants de 0 à 16 ans. Les soins et l’orthodontie pour raison fonctionnelle seraient aussi pris en charge à 100 %. Il faudra prévoir en même temps la prise en charge des personnes plus âgées qui n’auront pas bénéficié de cette attention pour la prévention ainsi que les accidents et les maladies… Ainsi, au bout de 20 ans, rembourser les couronnes ne sera plus un problème.

Je rémunérerais aussi tous les actes à leur juste prix pour sortir du système actuel de compensation et je coterais des actes comme l’anesthésie et les points de suture qui ne le sont pas.

Pour permettre l’accès aux soins des personnes les moins favorisées, je mettrais en place un système d’accompagnement et d’éducation thérapeutique. Contrairement à l’idée que l’on nous assène, l’accès aux soins dentaires n’est pas qu’une question d’argent. Lors de vacations pour Médecins du Monde à la faculté de Nancy, j’observe que 30 % des personnes ne viennent pas à leur rendez-vous alors que les soins sont gratuits. Quand on est dans la précarité, les priorités ne sont pas dans les soins. Les infirmières Asalée (action de santé libérale en équipe), qui mènent des actions d’éducation à la prévention, pourraient remplir cette fonction à condition d’inclure la santé dentaire dans leur rôle. Curieusement, ce n’est pas le cas !

POUR UNE « ASSURANCE DE LA BONNE SANTÉ »

J’appellerais à un changement radical de paradigme. L’assurance maladie deviendrait l’assurance de la bonne santé. Et je miserais totalement sur la prévention. Tous les examens de prévention seraient obligatoires. Les personnes qui auraient un comportement vertueux seraient récompensées par une meilleure prise en charge. Nous gagnons aujourd’hui notre vie sur une aberration : plus la dent est démolie, mieux nous sommes rémunérés. Au contraire, les praticiens de santé seraient correctement rémunérés pour leurs interventions en amont, pour leur vigilance vis-à-vis des patients, et ils pourraient vivre de la prévention. L’échec thérapeutique, en revanche, serait une punition pour le patient mais aussi pour le praticien.

Il faudrait aussi réfléchir à une manière de responsabiliser les personnes. Il pourrait y avoir un système de bonus/malus quand le patient se met en danger par son comportement (fumer, manger trop de sucre, etc.). Son thérapeute l’informerait totalement des risques qu’il prend et du coût plus élevé de sa prise en charge en cas de dégradation de son état de santé.

Toute une réflexion éthique serait toutefois à mener, car cette démarche conduit à normaliser les comportements, à créer une société d’êtres « bien pensants », qui agissent de la même façon. Cela peut aussi être un monde effrayant !