Le trauma : une véritable urgence - Clinic n° 06 du 01/06/2018
 

Clinic n° 06 du 01/06/2018

 

WHAT’S UP EN ENDO ?

Sarah ATTAL STYM-POPPER  

Ancienne AHU en odontologie
conservatrice et endodontie
Directrice d’EndoSophie, concept de
transmission du savoir en endodontie
Paris

Le jeu du What’s up d’EndoSophie est de mettre en lumière la réflexion clinique du praticien pendant tout le déroulé d’un cas clinique. Le but est d’apprendre à jouer avec les données historiques, cliniques et radiographiques que présente le patient.

Un cas, un diagnostic, une décision thérapeutique adaptée.

Une chute dans la cour de l’école, en plein milieu d’une journée déjà bien chargée, est un des événements les plus redoutés du chirurgien-dentiste.

Il faut dégager du temps pour accueillir rapidement le petit patient et sa famille, et il faut agir au plus vite, savoir quoi faire et comment anticiper l’avenir. Cela ne demande pas tant de compétences techniques qu’un véritable savoir [1].

Ce que rapporte le patient. Un appel en plein milieu de l’après-midi. La petite Chloé est tombée en cour de récréation. Elle a 9 ans. C’est l’infirmière scolaire qui appelle : la 11 a été expulsée d’un coup et elle l’a remise en place. La dent est restée en dehors de l’alvéole seulement 30 minutes [2].

→ Ce que déduit le praticien. L’urgence en traumatologie est sans doute la véritable urgence.

L’enfant doit venir au cabinet dès que possible, il a priorité et l’agenda sera remanié en temps réel.

Il y a 3 composantes essentielles dans la gestion d’une urgence en traumatologie :

• gérer l’inquiétude de la famille et le stress du petit patient ;

• gérer techniquement le cas, savoir quoi faire tout de suite ;

• gérer la composante administrative : établir un certificat initial soigné et porter au dossier les radiographies et photographies nécessaires, car l’enfant sera pris en charge toute sa vie sur la base de ce certificat.

C’est l’infirmière qui a fait le plus difficile en replaçant la dent dans l’alvéole.

Diagnostic clinique et pré-orientation thérapeutique

Ce que rapporte le patient. JO : Chloé arrive le menton rouge et blessé. La lèvre inférieure saigne. La lèvre supérieure est enflée.

En bouche :

• au maxillaire : 11, 21 et 22 sont fracturées, sans exposition pulpaire ;

• à la mandibule : pas de fracture dentaire visible. Une blessure dans le fond du vestibule, une morsure.

La palpation des tables osseuses vestibulaires et palatine (linguale) n’est pas particulièrement douloureuse, à l’exception de la zone apicale des 11, 12, 21 et 22.

• Test au froid sur 11, 12, 21 et 22 négatif.

• Test à la percussion : ultra sensible sur 11 et 21.

• Test à la palpation : sensible dans le fond du vestibule surtout en regard de 11 et 12.

→ Ce que déduit le praticien. Un des points importants est de ne pas se focaliser sur la zone d’intérêt. Il s’agit d’une 11 expulsée, certes, mais il faut vérifier qu’il n’y a pas de fracture des tables osseuses maxillaires et mandibulaires, inspecter les tissus mous et passer en revue chaque dent. Ici, il y avait une morsure dans le fond du vestibule à la mandibule. Curieusement, la petite patiente était plus inquiète de cela que de l’avulsion. Le cas une fois cerné, on peut se concentrer sur les 11, 12, 21 et 22. Il est tout à fait normal que les incisives ne répondent pas au froid. Ceci peut durer plusieurs mois. Ce sont les tests comparés, d’une dent à l’autre et dans le temps, qui vont relater la physiopathologie pulpaire [3].

Dans ce cas, la sensibilité des 11 et 12 est revenue à 1 mois, celle de la 22 à 2 mois et celle de la 21 jamais.

Quoi qu’il en soit, à JO, il est nécessaire de poser une contention semi-rigide au composite collée, par exemple, pendant 3 semaines.

Conclusion

La gestion des cas de traumatologie est toujours complexe parce que le diagnostic porté un jour peut changer à la visite suivante. Il est évolutif dans le temps et peu prévisible. Deux ans après la prise en charge d’un trauma, on peut considérer que la situation est stable [3]. Mais, dans certain cas, elle peut encore évoluer, et ce pendant 8 ans. Les évolutions possibles sont multiples : résorption inflammatoire, résorption de remplacement, ankylose, nécrose pulpaire.

Le premier point est de considérer que ces cas sont à surveiller de près.

Le deuxième est de ne pas se hâter quant au diagnostic pulpaire, la physiologie de la pulpe jeune étant puissante et souvent imprévisible.

Le dernier est de se rappeler que, pour ces patients jeunes sur dents permanentes immatures, il convient de garder le plus longtemps possible ces dents sur arcade et que tout mouvement orthodontique sera pris comme un nouveau trauma pour les dents endommagées [7].

Bibliographie

  • [1] Andreasen JO. Challenges in clinical dental traumatology. Endodont Dent Traumatol 1985;1:45-55.
  • [2] The Recommanded Guideline of the American Association of Endodontists: the treatment of traumatic dental injuries (http://www.wedgeendo.com/documents/AAETraumaGuidelinesSEPT2013.pdf).
  • [3] Brashkar SN, Rappaport HM. Dental vitality test and pulp status. J Am Dent Assoc 1973;86: 409-411.
  • [4] Andreasen JO, Borum MK, Jacobsen HE, Andreasen FM. Replantation of 400 avulsed permanent incisors. Factors related to periodontal ligament healing. Endod Dent Traumatol 1995;11:76-89.
  • [5] Andreasen FM, Vestergaard Pedersen BV. Prognosis of luxated permanent teeth: the development of pulp necrosis. Endod Dent Traumatol 1985;1:207-220.
  • [6] Bakland LF, Andreasen JO. Will mineral trioxyde aggregate replace calcium hydroxyde in treating pulpal and periodontal healing complications subsequent to dental trauma? A review. Dent Traumat 2012;28:25-32.
  • [7] Trope M. Root resorption due to dental trauma. Endod Topics 2002;1:79-100.