À tire-d'aile - Clinic n° 04 du 01/04/2019
 

Clinic n° 04 du 01/04/2019

 

Équipe et Espace

Stéphanie FRISON  

Consultante Edmond Binhas

Blotti au cœur de la petite cité médiévale de Montfort-l'Amaury, dans les Yvelines, où vécut Maurice Ravel, le cabinet dentaire de Jean-Claude Fenninger joue les contrastes entre les vieilles pierres et un équipement de pointe. Un lieu qu'il pilote avec dextérité, au service de ses patients.

Jean-Claude Fenninger se décrit comme un « vieux dinosaure » attaché au centre-ville. Loin de lui donc l'idée de s'installer ailleurs, dans un centre commercial, par...


Blotti au cœur de la petite cité médiévale de Montfort-l'Amaury, dans les Yvelines, où vécut Maurice Ravel, le cabinet dentaire de Jean-Claude Fenninger joue les contrastes entre les vieilles pierres et un équipement de pointe. Un lieu qu'il pilote avec dextérité, au service de ses patients.

Jean-Claude Fenninger se décrit comme un « vieux dinosaure » attaché au centre-ville. Loin de lui donc l'idée de s'installer ailleurs, dans un centre commercial, par exemple, comme bon nombre de ses confrères. Sa pratique n'est pas un travail de commerce, « même si c'est un ``bon commerce'' au sens ancien du terme, celui d'une entente avec les gens ». Ainsi, son cabinet dentaire se situe au coin de deux étroites rues pavées, dans une maison du XVIIe siècle, où l'on accède par un perron agrémenté de buis. Au rez-de-chaussée, une salle de radiologie équipée d'un cone beam, deux salles de soins d'omnipratique dotées de fauteuils Intego de chez Sirona, une caméra de prise d'empreinte optique, une usineuse CEREC, un laser diode et, à l'étage, un bloc opératoire et sa salle de repos contiguë. En haut, moulures crème, harmonie de blancs et de beiges, parquet ancien, objets personnels, chaîne hi-fi et beaux livres. En bas, chaleur du bois dès l'accueil, ambiance minimaliste, fonctionnelle et technologique pour les salles de soins, aéronautique pour la salle d'attente où des sièges d'avion disposés en ligne invitent au voyage et à la détente. Dans chaque pièce, les murs sont ornés de photos d'avions, l'autre passion du praticien qui vole depuis l'âge de 40 ans. « Il y a une similitude entre le geste chirurgical et le geste aéronautique », remarque le praticien. « On n'a pas le droit à l'erreur. On construit un atterrissage, on construit une figure, on anticipe sur les résultats. La démarche chirurgicale procède de toute cette construction. »

Décollage vertical

Avant d'entamer ses études, Jean-Claude Fenninger a même pensé à devenir pilote d'essai. Puis médecin. Il a finalement opté pour la dentisterie mais a gardé sa passion initiale. Il suit son cursus à Paris V (Montrouge) puis au centre dentaire Jean Déliberos, dans le 9e arrondissement parisien. Une période féconde et bouillonnante, pendant laquelle il se lance à corps perdu dans l'action syndicaliste étudiante, à laquelle il consacre 80 % de son temps. Successivement président de l'association des étudiants à la faculté d'odontologie, délégué des étudiants au sein du comité de liaison des étudiants de France (Clef), du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (Cnesser), puis secrétaire général de l'Union nationale des étudiants en chirurgie dentaire (UNECD), il milite notamment pour obtenir un statut hospitalier de la dentisterie et un sursis supplémentaire pour les étudiants en chirurgie dentaire obligés d'interrompre leurs études pour partir au service national. Son engagement politique le conduit à s'essayer quelque temps au journalisme. Quelques enquêtes au Figaro Magazine avant de soutenir sa thèse. Le titre : « Droit à la santé ou droit à la maladie ? ». Un pied de nez au président du jury, doyen de la faculté : « J'ai toujours aimé mettre les pieds dans le plat ! », s'amuse-t-il.

À la fin de ses études, l'envie de « faire un break » avant de plonger dans le grand bain le conduit à Mayotte. « Je voulais mettre à profit sur des populations éloignées ce que j'avais appris. » Seul dentiste pour 60 000 habitants, il part chaque semaine à moto dans la brousse pour procéder à des extractions. Il y reste un an et demi. Une expérience marquante qui l'ouvre à un autre monde et une autre vision de la vie, de la mort et de la maladie. À son retour, il cherche à s'installer dans la région de Montfort, d'où est originaire son épouse. Après quelques remplacements, il fait dans un premier temps l'acquisition d'un cabinet à La Ferté-Vidame, en Eure-et-Loir, où il exerce pendant 7 ans. Dans le même temps, c'est en tant que collaborateur d'un ancien copain de promotion qu'il met enfin un pied à Montfort-l'Amaury, pensant lui racheter le cabinet. Quand celui-ci le vend finalement à quelqu'un d'autre, il décide, en 1989, d'acheter une maison et partage avec son épouse, gynécologue, le rez-de-chaussée de l`actuel cabinet. Au bout de quelques années, il crée un cabinet selon un concept de deux fauteuils et son épouse passe à l'étage. En 2002, il récupère l'étage où prend place le bloc opératoire.

Vitesse de croisière

Jean-Claude Fenninger préconise la dentisterie la plus préventive, la moins invasive possible fondée sur le respect du tissu dur et mou et la préservation de la vitalité des dents. Il pratique l'art dentaire dans un but de santé globale, grâce à une approche médicale holistique. Aucun amalgame mercurial n'est utilisé depuis plus de 20 ans et les matériaux bio-actifs sans bisphénol A sont adoptés. Il privilégie les actes groupés et travaille selon les acquis les plus récents de la science. Il suit l'actualité au plus près et s'en inspire, il a exploré toutes les disciplines en se formant en permanence. « Je ne peux pas rêver avoir mieux comme matériel que ce que j'ai en ce moment », affirme-t-il. En 1995, à un moment où il avait l'impression d'avoir fait le tour de son métier, il fait la connaissance d'un coach professionnel, le Québécois Pierre Brassard, fondateur d'IDO santé. C'est pour lui une rencontre majeure qui lui permet d'apprendre à se découvrir et à penser la stratégie d'évolution de son cabinet. Et surtout, de développer l'idée de travailler en équipe. « T'es un bon cheval. Tu me fais penser à Prost mais, tous les matins, tu montes dans une 2CV », lui dit-il à l'époque. C'est ainsi qu'entrent en scène ses deux précieuses collaboratrices. D'abord Denise, il y a 25 ans, « la gentille » selon les mots du praticien. Celle qui accueille les patients, les met à l'aise, gère les dossiers, passe les commandes, bref l'indispensable, celle qui met de l'huile dans les rouages. Puis Jennifer, depuis 14 ans. Celle qui l'assiste dans les actes, « ce qui pique, ce qui coupe ». La fine équipe gère 9 000 dossiers grâce à une organisation taillée au cordeau, et les décisions sont prises en commun. Ainsi, c'est sur une proposition de Jennifer, devenue maman, que les soins sont désormais regroupés sur 4 journées continues, libérant les mercredis et les samedis. « Nous sommes moins fatigués, plus productifs, et les patients qui venaient le samedi viennent maintenant pendant l'heure du déjeuner », note le praticien.

Atterrissage en douceur

« Je suis très heureux aujourd'hui car je me suis rendu compte progressivement que j'adore mon travail », s'exclame-t-il. À 63 ans, Jean-Claude Fenninger s'est posé la question de raccrocher la blouse. « La retraite ? Qu'est-ce que je ferais de mes journées ? Du golf, de l'aviation et, au bout d'un moment... » Le lendemain du jour où il s'est posé cette question, un patient parvenu au terme de 2 ans de soins lui a rendu un hommage si vibrant qu'il s'est dit : « Il n'y a pas un autre endroit, aujourd'hui, où j'aimerais être à la fois aussi utile et où j'ai des preuves de satisfaction aussi importantes ». Un métier parfois ingrat, mais avec les retours positifs de ses patients, « on se sent pousser des ailes ». Il décide alors de renouveler les deux fauteuils de son cabinet et de repartir pour 5 ans. Pour lui, la suite se résume en deux mots : partager et transmettre. Ayant lui-même souffert de ne pas avoir partagé sa pratique, il pense trouver 2 personnes pour reprendre le cabinet, lequel pourrait fonctionner durant 6 jours, car il s'agit d'une structure d'omnipratique de haut niveau qui nécessite de l'expérience et, en raison de l'investissement sur du matériel récent, un coût horaire à dégager. D'autant que, grâce au logiciel CEREC qui permet de faire de la chirurgie guidée, des soins qui nécessitaient auparavant un an et demi de travail peuvent se grouper désormais en une journée. Selon Jean-Claude Fenninger, qui fait partie de la fin des baby boomers, les cabinets se feront de plus en plus rares et le matériel de plus en plus onéreux. Parallèlement, les praticiens ne veulent plus travailler 80 heures par semaine, préférant privilégier leur vie familiale. Une pratique de 3 jours par semaine peut être largement suffisante... pour peu qu'on s'y sente pousser des ailes.

Catherine FayeON AIME

Les références à l'aéronautique partout présentes, des murs à la salle d'attente où sont alignés de vrais fauteuils d'avion.