L’ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE AU SERVICE DU SEVRAGE TABAGIQUE : QUAND INFORMER NE SUFFIT PAS ! - Clinic n° 09 du 01/09/2023
 

Clinic n° 09 du 01/09/2023

 

Parodontie

Sébastien JUNGO*   Marjolaine GOSSET**  


*UFR d’Odontologie, Université Paris Cité, Montrouge. Service de Médecine bucco-dentaire, Hôpital Bretonneau AP-HP, Paris.
**UFR d’Odontologie, Université Paris Cité, Montrouge. Service de Médecine bucco-dentaire, Hôpital Charles-Foix AP-HP, Ivry-sur-Seine.

Selon les données de Santé publique France, 31,9 % des 18-75 ans déclarent fumer en 2021, un chiffre en hausse par rapport à 2019 probablement en lien avec la crise sanitaire du Covid-19 [1]. Le sevrage tabagique reste donc toujours un enjeu essentiel de santé publique en raison de l’impact de cette habitude, de cette addiction sur la santé, dont la santé orale. Les chirurgiens-dentistes sont en première ligne comme acteurs du sevrage...


Résumé

Modifier les facteurs de risque du patient pour rétablir sa santé bucco-dentaire et pérenniser les traitements est un enjeu quotidien dans la pratique de tout chirurgien-dentiste. Alors que, pour certains patients, l’information et le conseil sur les comportements néfastes de santé seront suffisants pour qu’ils les modifient (par exemple, cesser de consommer du tabac ou pratiquer des techniques de brossage efficace), ces actions seront insuffisantes pour d’autres. Savoir identifier à quelle phase de changement de comportement le patient se situe, adopter une écoute active et empathique pour pouvoir identifier avec lui ses freins, ses inquiétudes, ses besoins et ses souhaits, entamer une démarche progressive lors des phases de soins des patients… Tout cela permettra de modifier durablement ces comportements de santé. Il s’agit des principes de l’éducation dit thérapeutique (ETP) du patient, telle que conçue par l’OMS et qui vise à permettre au patient atteint de maladie chronique d’être acteur de son traitement. L’ETP a fait ses preuves, notamment dans le traitement des addictions. En ce sens, elle représente une approche efficace, centrée sur le patient, pour conduire le sevrage tabagique. Cet article illustre ce qu’est et comment mettre en place l’éducation du patient pour le sevrage tabagique.

Selon les données de Santé publique France, 31,9 % des 18-75 ans déclarent fumer en 2021, un chiffre en hausse par rapport à 2019 probablement en lien avec la crise sanitaire du Covid-19 [1]. Le sevrage tabagique reste donc toujours un enjeu essentiel de santé publique en raison de l’impact de cette habitude, de cette addiction sur la santé, dont la santé orale. Les chirurgiens-dentistes sont en première ligne comme acteurs du sevrage tabagique en recevant de nombreux patients en suivi annuel. Ils ont depuis 2016 la possibilité de prescrire des substituts nicotiniques et ils sont formés à l’enseignement de comportements favorables de santé (par exemple, techniques d’hygiène orale). Mais comment intégrer le sevrage tabagique lors de la prise en charge quotidienne du patient ? Avoir recourt au principe de l’éducation thérapeutique (ETP) sera une clé. L’ETP est une démarche adaptée pour le traitement des addictions grâce à un processus très encadré d’un point de vue légal et structuré sous forme de programmes, malheureusement encore trop peu développé en odontologie. Cependant, il est possible de s’appuyer sur les caractéristiques de l’ETP, de la posture éducative qu’il propose, pour accompagner le patient lors du sevrage tabagique dans sa prise en charge au cabinet dentaire. Qu’est-ce que l’ETP ? Comment l’intégrer à ma pratique ? Qu’en attendre dans le cadre du sevrage tabagique ? Cet article vise à répondre de façon simple et pratique à ces questions.

QU’EST-CE QUE L’ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE EN ODONTOLOGIE ?

Définie dès 1988 par l’OMS, l’Éducation Thérapeutique (ETP) a pour objectif de reconnaître et d’accroître les capacités de soins du patient atteint de maladie chronique. Elle vise à transmettre à ce patient les compétences d’auto-soin et d’adaptation face aux situations à risque, qu’il pourra appliquer dans sa vie quotidienne, pour changer de façon durable ses comportements et ainsi prévenir les risques de poussée ou de rechute, ou tout du moins savoir mesurer les conséquences d’un comportement dit néfaste sur son équilibre (par exemple, mesurer les conséquences sur la qualité de vie et la santé de l’oubli de la prise d’un médicament quotidien). Le développement de l’ETP part en effet du constat que le patient atteint de maladie chronique doit apprendre à vivre avec sa maladie, ses composantes physiques et émotionnelles et qu’il possède une expertise du vivre avec sa maladie, notamment les imperfections et la complexité du traitement, que le soignant ne possède pas. Ainsi, l’ETP définit le rôle du patient pour collaborer de façon efficace avec les soignants afin de mieux gérer la maladie au quotidien et éviter les complications.

En odontologie, le chirurgien-dentiste est confronté quotidiennement au traitement de maladies chroniques que sont la maladie carieuse et les maladies parodontales. Le développement de programmes d’ETP, tels que définis par la Haute Autorité de Santé [2] et accrédités par les Agences régionales de santé, incluant des actions en odontologie, existe pour des patients atteints de maladies chroniques avec de fortes conséquences biopsychosociales, que ces maladies soient prévalentes (par exemple, diabète), rares (par exemple, maladie de Sjögren) ou à expression orale forte (par exemple, hypophosphatémie). Cependant, il n’existe pas à ce jour et à notre connaissance de programmes d’ETP dédiés aux patients atteints de parodontite. Cependant, il est évident que l’ETP peut tenir une place importante dans le traitement des maladies carieuses et parodontales dans la mesure où ces maladies ont des conséquences psycho-sociales certaines et ne pourront être stabilisées sans les compétences d’auto-soin du patient (hygiène alimentaire, hygiène orale). Ainsi ces approches sont maintenant étudiées, pratiquées et enseignées en odontologie [3].

ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE, ÉDUCATION À LA SANTÉ EN ODONTOLOGIE : QUELLES DIFFÉRENCES ?

Mettre en place l’ETP en odontologie est une démarche continue, progressive, personnalisée et centrée sur le patient. Elle se distingue des actions dites d’éducation à la santé telles que des séances d’information et d’éducation individuelles, voire collectives (par exemple, séance de sensibilisation à l’hygiène orale dans les écoles), qui visent à la prévention (dite « primaire ») des maladies chroniques et sont par essence ponctuelles et généralistes (non individualisées) [4]. Cependant, les thématiques de l’éducation à la santé et de l’ETP en odontologie sont identiques : il s’agit, entre autres, du sevrage tabagique, de l’enseignement des techniques d’hygiène orale ou de l’éducation à un équilibre alimentaire. L’ETP va se distinguer car elle sera adaptée spécifiquement au patient que l’on traite en intégrant notamment ses dimensions propres telles que l’acceptation de l’impact psychologique de l’édentement chez le patient parodontal (quand bien même celui-ci est compensé) ou du sevrage tabagique.

QUELLES POSTURES ET QUELS OUTILS POUR FAVORISER L’ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE ?

Le praticien dispose de plusieurs outils pour mettre en œuvre l’ETP du patient au cours de ses séances de prophylaxie et de soins. Nous aborderons ici trois piliers de l’ETP : mettre en œuvre une alliance thérapeutique avec le patient, utiliser l’écoute active et proposer des séances d’entretien motivationnel (figure 1).

L’alliance thérapeutique

L’alliance thérapeutique est le processus par lequel soignant et soigné s’accordent, de façon réaliste, sur les objectifs du traitement et les moyens à mettre en place pour les atteindre (dont les changements de comportement). Autrement dit, il s’agit d’un « pacte » que nouent le patient et le thérapeute pour faire front commun face à la maladie.

Elle sous-entend que :

- le patient exprimera ses attentes vis-à-vis du traitement (quitte à ce que le praticien l’aide à les réorienter si elles ne sont pas raisonnables) ;

- le patient identifiera, avec le praticien, les changements de comportement qu’il s’engage à mettre en œuvre pour accéder aux objectifs définis ;

- le praticien aidera le patient à développer des stratégies, de façon concrète dans son quotidien, pour obtenir ces modifications de comportement (par exemple, « Vous avez évoqué votre souhait d’arrêter la cigarette pour pratiquer l’intervention sans savoir comment vous y prendre. De quoi auriez-vous besoin pour cela ? »).

La posture du praticien lors de la mise en œuvre de cette alliance thérapeutique est cruciale : le soignant doit être empathique, c’est-à-dire centré vers le patient, « comme si » il était à sa place, capable de l’accueillir sous toutes ses dimensions, sans jugement et avec authenticité. On dit ainsi que le soignant doit avoir « un regard inconditionnellement positif » envers son patient avec une congruence entre ses paroles et son attitude. Pour cela, l’utilisation de l’écoute active est très importante.

L’écoute active

L’écoute active vise à accompagner le patient dans son analyse (pratique réflexive). Pour ce, le soignant aura recours :

- aux questions ouvertes (par exemple, « où en êtes-vous avec le sevrage tabagique ? » plutôt que « avez-vous commencé à réduire votre nombre de cigarettes ? ») afin de favoriser l’expression du patient et éviter les réponses binaires ;

- à la reformulation. Celle-ci peut avoir différents objectifs : elle peut permettre au praticien de témoigner au patient qu’il a entendu son vécu et ses sentiments et d’en valider son interprétation (par exemple, « si j’ai bien compris, vous ressentez un manque lorsque vous êtes au travail »), de mettre en avant une ambivalence (« Vous me dites que la cigarette vous aide à vous détendre. En même temps, vous exprimez un bien-être et présentez un meilleur souffle depuis que vous avez réduit le tabac ») ou, encore, de renforcer le sentiment d’auto-efficacité du patient (« lors de ce premier sevrage, vous vous êtes prouvé que vous étiez capable d’arrêter de fumer par vous-même. Vous en avez l’expérience : vous êtes encore plus armé pour y arriver à nouveau »).

Ainsi, l’emploi efficace de l’écoute active permet d’impliquer le patient dans ses choix et donc de renforcer son engagement.

L’entretien motivationnel

L’entretien motivationnel est une méthode de communication proposée par Miller et Rollnick au début des années 80 [5]. Directive et centrée sur la personne, elle est utilisée pour augmenter la motivation intrinsèque (propre à l’individu) par l’exploration et la résolution de ses ambivalences. En effet, lorsqu’un patient s’engage dans un changement de comportement, il va ressentir et exprimer des ambivalences entre ses souhaits de changement et sa capacité ou sa motivation à changer. Cette phase de dilemme, particulièrement labile, est génératrice de statu quo : elle est un moment clé à identifier.

Pour soutenir son patient, le soignant proposera donc des temps de consultation au cours desquels il s’appuiera sur les compétences relationnelles de l’écoute active (utilisation de questions ouvertes, de l’écoute réflexive et de la valorisation des efforts fournis) pour accompagner le patient dans un processus d’engagement. Au cours de ces entretiens, le patient définira :

- « avec qui », c’est-à-dire avec quel soutien il souhaite modifier son comportement (par exemple, recours à un psychologue, un addictologue…) ;

- le « quoi », c’est-à-dire la nature du changement à entreprendre (par exemple, élimination des cigarettes inutiles dans un premier temps) ;

- le « pourquoi » de ce changement, c’est-à-dire ce qu’il y gagnera (par exemple, « j’en ai marre de fumer… Ça me coute trop de temps, d’argent et d’énergie ») ;

- le « comment », c’est-à-dire comment il va planifier la mise en œuvre pratique des solutions définies (par exemple, « j’appelle Tabac info service en sortant dès demain »).

COMMENT METTRE EN PLACE L’ETP DANS LA PRATIQUE DE L’ODONTOLOGISTE ?

Le Modèle TransThéorique du changement (MTT), introduit initialement en addictologie par Proschaska et DiClemente à la fin des années 70 [6], décrit 6 stades par lesquels passe un patient face à une problématique de changement. Chaque stade est une étape à franchir, dans un ordre à respecter, au risque de provoquer un réflexe correcteur renforçant les résistances du patient. Comprendre ce modèle est déterminant pour permettre au chirurgien-dentiste de comprendre où en est le patient fumeur de son projet (ou non) d’arrêter de fumer et ainsi d’adapter sa prise en charge. Ce processus a également été décrit dans un article rédigé à l’occasion du Mois Sans Tabac en 2022 par l’Union française pour la santé bucco-dentaire et la Société française de parodontologie et implantologie orale [7].

Voici ces 6 étapes, illustrées dans le contexte du sevrage tabagique (figure 2), et la façon dont elles peuvent se formuler pour un patient.

1. Non-implication

« Arrêter de fumer, non, je n’ai pas envie ! »

À ce stade, le patient ne se sent pas concerné par l’arrêt du tabac : il peut savoir que celui-ci est néfaste mais il n’envisage pas d’arrêter de fumer. Sans motivation du patient, toute tentative de sevrage tabagique sera vouée à l’échec. Le rôle du chirurgien-dentiste est alors d’informer le patient de l’impact du tabac sur sa santé générale, et plus spécifiquement sur la sphère orale, d’identifier ses freins et d’exposer les solutions existantes et adaptées pour arrêter ou tout du moins réduire sa consommation. Il faut arriver à éveiller son intérêt, le faire adhérer à cette démarche et lui faire savoir qu’on est disponible, ou un autre professionnel de santé, pour l’y accompagner : « Je peux vous aider si vous le souhaitez ».

2. L’intention, c’est-à-dire l’adhésion à l’information

« J’aimerais bien arrêter de fumer mais ce n’est pas si simple. »

À ce stade, le « discours changement » est perceptible. Le patient se sent concerné par le sevrage tabagique mais n’est pas prêt à débuter la démarche de sevrage. Le rôle du chirurgien-dentiste consiste à explorer l’ambivalence du patient (« je sais que je devrais arrêter de fumer, je voudrais, mais je ne le fais pas ») en l’aidant à évoquer puis en renforçant les points positifs de l’arrêt pour que le patient souhaite s’engager dans la démarche de sevrage. À ce stade, l’entretien motivationnel est un outil très intéressant.

3. Décision d’un changement

« Je me prépare à mettre en place un changement. »

Le patient est prêt à débuter le sevrage tabagique. Le praticien doit alors évaluer la difficulté du sevrage pour déterminer s’il se sent compétent pour prendre en charge le sevrage tabagique ou s’il préfère référer le patient. La difficulté du sevrage dépend :

- du soutien, de l’entourage du patient, de l’existence de codépendances (par exemple, surveiller que l’addiction au tabac ne se déporte pas sur l’alcool lors de l’arrêt) ou de comorbidités anxieuses ou dépressives qui accentuent l’intensité des symptômes du sevrage ;

- du niveau de dépendance du patient qu’il est simple d’évaluer grâce au test de Fageström (2012).

4. Initiation du changement

« Je mets en place un nouveau comportement. »

À ce stade, le soignant doit accompagner le patient dans le sevrage par des techniques comportementales, l’apport de ressources externes (par exemple, Info tabac service) et d’éventuelles prescriptions de substituts nicotiniques. Les symptômes du sevrage sont souvent plus marqués durant les trois premières semaines d’arrêt : il est important d’accompagner le patient de façon très régulière durant cette période.

5. Maintien du changement

« Je parviens à mettre en place le sevrage mais j’ai besoin d’être accompagné, d’être soutenu dans cette démarche. »

Il sera important lors des visites de suivi du patient de discuter à chaque fois avec lui du stade de son sevrage, d’identifier le travail accompli, les prochaines tâches à réaliser tout en restant à l’écoute de ses difficultés afin de trouver avec lui les solutions adaptées. Chaque patient a son propre rythme et ses propres difficultés : l’accompagnement doit donc être personnalisé et centré sur le patient.

6. Sortie du cycle

Le changement de comportement est acquis : « Je n’ai plus besoin du praticien pour m’aider à le maintenir. »

Idéalement, le patient sera accompagné jusqu’à quitter son identité de fumeur, c’est-à-dire être libéré de sa dépendance physique et psychologique.

Cependant, certains patients vivront des épisodes de rechute, c’est-à-dire de reprise du comportement antérieur, de non-observance. Ces rechutes devront être analysées avec le patient pour comprendre leurs raisons et identifier commet les prévenir lors de la reprise du sevrage. Un bilan des actions qui ont été mises en place avec succès sera également intéressant à réaliser. Il sera très important de dépasser ces épisodes de rechute en les plaçant comme étape du processus de sevrage et en aidant le patient à adhérer à nouveau à l’idée du sevrage tabagique (étape 2). L’idée est qu’une rechute représente un faux pas, un pas de côté, dans une démarche, c’est-à-dire qu’elle ne doit pas entraver le chemin qui mène à l’objectif final de sevrage que le patient souhaite obtenir.

L’ETP EST-ELLE EFFICACE DANS LE SEVRAGE TABAGIQUE : QUE DIT LA LITTÉRATURE ?

En dehors de son impact indéniable sur les maladies carieuses et parodontales et sur les pathologies de la muqueuse orale, la cessation tabagique est en enjeu majeur dans le traitement de nombreuses maladies dont des maladies du système respiratoire telles que la bronchopathie pulmonaire obstructive chronique (BPCO).

Il existe à ce jour un niveau de preuves important quant à l’efficacité de la délivrance de conseils individualisés, de préférence répétés [8]. Par ailleurs, les thérapies de groupes semblent également plus performantes que les sevrages entrepris par le patient seul par lui-même [9].

En France, l’efficacité d’ateliers d’ETP, au sens premier du terme, et plus particulièrement de la technique de l’entretien motivationnel, pour le sevrage tabagique des patients a fait l’objet de plusieurs études.

Ateliers d’ETP et sevrage tabagique

Ici sont présentés les résultats d’un atelier d’ETP pour le sevrage tabagique de patients atteints de BPCO et le regard d’anciens fumeurs sur de tels ateliers. Ces informations, extraites d’un résumé publié d’un congrès national et d’un mémoire de Diplôme Universitaire, semblent intéressantes à considérer car elles donnent du poids aux possibilités de l’ETP, en tant que programme, dans le sevrage tabagique. Elles éclairent sur le regard des patients quant au sevrage et au rôle des professionnels de santé dans cette démarche.

Ainsi, dans l’étude menée au dispensaire Émile-Roux de Clermont-Ferrand et présentée en 2014 lors du congrès de la Société nationale de pneumologie en langue française, le sevrage tabagique de 88 patients fumeurs atteints de BPCO et inclus dans un programme ETP incluant l’arrêt du tabagisme est comparé à celui de 88 fumeurs BPCO en sevrage mais non intégrés dans ce programme d’ETP. Les soignants observent les effets bénéfiques du programme d’ETP dans le temps car le nombre de patients sevrés est supérieur dans le groupe ayant bénéficié de l’ETP à 3 mois (57 % versus 35 %) et à 6 mois (49 % versus 30 %). Ainsi, l’intégration du sevrage tabagique dans le programme d’ETP du patient semble bénéfique pour la pérennisation des résultats du sevrage [10].

Nous avons également identifié un travail mené lors du Diplôme Universitaire de Patients-Experts Maladies Chroniques. Une enquête « Programme ETP et sevrage du tabac » a été réalisée en 2018 pour explorer, a posteriori, les attentes d’ex-fumeurs vis-à-vis d’un programme d’ETP spécifiquement lié au sevrage [11]. L’enquête a inclus 15 personnes âgées de 48 ans à 62 ans atteintes de BPCO, ayant cessé de fumer depuis 1 an et plus, après 4 tentatives d’arrêt en moyenne. Il apparaît que :

- les motifs qui incitent à participer à un programme d’ETP sur le sevrage tabagique sont le fait d’avoir conscience des conséquences négatives du tabac, le désir d’être accompagné dans la démarche de changement et le fait d’être motivé à changer de comportement. Il ressort que prendre soin de sa santé (avant même l’idée du sevrage pour traiter la BPCO) et se sentir capable de se sevrer sont des points importants ;

- pour prévenir les rechutes, les anciens fumeurs identifient l’importance de recevoir une aide extérieure, de recevoir un soutien moral, d’améliorer leur bien-être psychologique et leur estime de soi ou, encore, de réorganiser leur vie ;

- les problématiques associées au sevrage sont la nutrition, la gestion des envies, du stress, de la relaxation, de l’ambivalence du tabac (plaisir et souffrance), des aides au sevrage ;

- la posture empathique du soignant ne stigmatisant pas les patients et sachant susciter la motivation est importante.

Entretien motivationnel et sevrage tabagique

Les effets de l’entretien motivationnel dans le sevrage tabagique en comparaison de l’absence d’intervention ou d’autres interventions ont fait l’objet de plusieurs études internationales, ce qui a permis à la Cochrane de mener et réactualiser une revue systématique sur le sujet en 2019 [12]. Plus de 15 000 participants fumeurs de tabac (37 études) ont été inclus. L’entretien motivationnel s’est déroulé en 1 à 12 séances. Les auteurs concluent qu’il n’y a pas suffisamment de preuves pour montrer si cette technique aide ou non les gens à arrêter de fumer par rapport à l’absence d’intervention, en complément ou par rapport à d’autres types de soutien comportemental pour le sevrage tabagique. De plus, il n’y a pratiquement aucune preuve que l’entretien motivationnel pour le sevrage tabagique améliore le bien-être mental. Les auteurs concluent à l’importance de réaliser de nouvelles études sur le sujet.

CONCLUSION

L’éducation des patients est une phase essentielle du traitement des maladies orales chroniques. Le chirurgien-dentiste, pour garantir le succès de ses traitements, pourra s’appuyer sur les principes de l’éducation thérapeutique et adopter une démarche centrée sur les patients. Cette posture, une fois qu’elle est comprise et maîtrisée, s’exerce en pratique quotidienne avec le patient, en étant ponctuée au fur et à mesure des consultations de soins ou, si nécessaire, lors de séances dédiées à cette démarche. Elle est particulièrement importante pour accompagner le patient vers le sevrage tabagique.

BIBLIOGRAPHIE

  • 1. L’interruption de la baisse de la prévalence du tabagisme se confirme en 2021. BEH 2022:(26) 469-499. [www.santepubliquefrance. fr/presse/2022/l-interruption-de-la-baisse-de-la-prevalence-du-tabagisme-se-confirme-en-2021]
  • 2. HAS. Éducation thérapeutique du patient (ETP), 2014. [www.has-sante.fr/jcms/c_1241714/fr/education-therapeutique-du-patient-etp]
  • 3. Marquillier T, Trentesaux T, Gagnayre R. Éducation thérapeutique en odontologie pédiatrique : analyse des obstacles et leviers au développement de programmes en France en 2016. Santé Publique 2017/6;29:781-792.
  • 4. Dodin C, Gosset M. L’éducation thérapeutique, une nouvelle approche pour le soin du patient. Clinic 2018;39:247-252.
  • 5. Miller WR, Rollnick S. Motivational interviewing: Preparing people for change, 2nd ed. New York: Guilford Press, 2002.
  • 6. Prochaska JO, DiClemente CC. Stages and processes of self-change of smoking: Toward an integrative model of change. J Consult Clin Psychol 1983;51(3):390-395.
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  • 8. Lancaster T, Stead LF. Individual behavioural counselling for smoking cessation. Cochrane Database Syst Rev 2017;3(3):CD001292. [doi:10.10 02/14651858.CD001292.pub3]
  • 9. Stead LF, Carroll AJ, Lancaster T. Group behaviour therapy programmes for smoking cessation. Cochrane Database Syst Rev 2017;3(3): CD001007.
  • 10. Perriot J, Doly-Kuchcik L, Marchandise F, Merson F. L’éducation thérapeutique du patient facilite l’arrêt du tabac. Dispensaire Émile-Roux, Clermont-Ferrand, France. Rev Maladies Respiratoires 2015;32 (suppl.):A135-A136. [doi:10. 1016/j.rmr.2014.10.681]
  • 11. Pochulu C. Enquête « Programme ETP et sevrage du tabac », 2018. [sante-respiratoire.com/etp-dans-le-sevrage-tabagique-quen-attendent-les-fumeurs/]
  • 12. Lindson N, Thompson TP, Ferrey A, Lambert JD, Aveyard P. Motivational interviewing for smoking cessation. Cochrane Database Syst Rev 2019;7(7):CD006936.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.