L’USURE DENTAIRE ÉROSIVE : MIEUX LA COMPRENDRE POUR MIEUX LA DIAGNOSTIQUER - Clinic n° 11 du 01/11/2023
 

Clinic n° 11 du 01/11/2023

 

Connaître

Pathologie

Léa MASSÉ*   Charlène LESIEUR**   Anne-Margaux COLLIGNON***   Olivia KÉROURÉDAN****  


*CCU-AH, UFR des Sciences odontologiques de Bordeaux, Université de Bordeaux. Pôle de Médecine et Chirurgie bucco-dentaire, CHU de Bordeaux. UMR 5199 PACEA, CNRS/Université de Bordeaux.
**CCU-AH, Hôpital Louis-Mourier, AP-HP, Colombes. Exercice libéral à Levallois-Perret.
***MCU-PH, UFR Odontologie Montrouge, UR2496, Université de Paris Cité. Service de Médecine bucco-dentaire, Hôpital Louis-Mourier, AP-HP, Paris.
****MCU-PH, UFR des Sciences odontologiques de Bordeaux, Université de Bordeaux. Pôle de Médecine et Chirurgie bucco-dentaire, CHU de Bordeaux. UMR 1026 BioTis (Bioingénierie Tissulaire), INSERM/Université de Bordeaux.

Depuis ces vingt dernières années, l’usure par érosion chimique connaît une augmentation exponentielle. Elle constitue désormais un réel problème de santé publique, pouvant impacter la qualité de vie des patients au niveau physique et psycho-social. Les signaux d’alerte étant faibles au stade précoce, ils peuvent passer inaperçus pour le patient comme pour le praticien. Le chirurgien-dentiste est le professionnel de santé en première ligne pour dépister cette...


Résumé

L’usure dentaire érosive est un phénomène d’origine chimique conduisant à une perte tissulaire progressive et irréversible des tissus durs de la dent. Sa prévalence est en constante augmentation et elle représente aujourd’hui un véritable problème de santé publique avec près de 1 patient concerné sur 3. Son caractère asymptomatique aux stades initiaux et son association fréquente à d’autres formes d’usure rendent son diagnostic complexe. Depuis plusieurs années, la littérature scientifique ne cesse de s’étoffer sur ce sujet, permettant une meilleure connaissance de cette pathologie et une meilleure prise en charge. Les rôles-clés du chirurgien-dentiste face à l’érosion consistent en une interception précoce reposant sur un examen clinique minutieux, l’identification des facteurs étiologiques et l’évaluation de la progression des lésions. Cette démarche préventive représente la solution de choix pour espérer ralentir la croissance de cette pathologie au sein de la population.

Depuis ces vingt dernières années, l’usure par érosion chimique connaît une augmentation exponentielle. Elle constitue désormais un réel problème de santé publique, pouvant impacter la qualité de vie des patients au niveau physique et psycho-social. Les signaux d’alerte étant faibles au stade précoce, ils peuvent passer inaperçus pour le patient comme pour le praticien. Le chirurgien-dentiste est le professionnel de santé en première ligne pour dépister cette pathologie.

DE QUOI S’AGIT-IL ?

L’usure dentaire érosive, plus connue sous le nom d’érosion dentaire, est un phénomène d’origine chimique conduisant à une perte tissulaire progressive et irréversible, sans intervention de micro-organismes. Les lésions érosives peuvent être provoquées par une acidité extrinsèque (alimentation) et/ou intrinsèque (reflux gastro-œsophagiens) [1].

L’usure dentaire érosive intervient rarement de manière isolée. Elle est le plus souvent combinée à d’autres phénomènes d’usure, d’origine mécanique (figure 1) :

- l’abrasion, liée à l’interaction mécanique entre les tissus dentaires et un agent extérieur (brossage traumatique) ;

- l’attrition, provoquée par les contacts dento-dentaires (contraintes masticatoires) ;

- et l’abfraction, à l’origine de pertes tissulaires au niveau de la jonction amélo-cémentaire en lien avec des forces occlusales excessives et répétées (bruxisme).

Il a récemment été montré que les phénomènes érosifs jouaient un rôle de plus en plus important dans l’usure dentaire, en particulier du fait des modifications des habitudes alimentaires. Les attaques acides répétées entraînent une fuite de minéraux au niveau des tissus dentaires, en particulier du calcium et du phosphate, rendant cette surface plus vulnérable aux agressions. Cette interaction des différentes formes d’usure génère une potentialisation de leurs effets, induisant une accélération des pertes tissulaires [2] (figure 2).

L’engouement actuel de la littérature scientifique pour cette pathologie pourrait laisser penser qu’il s’agit d’un phénomène nouveau [3]. En réalité, ces lésions d’usure ne sont pas nouvelles ; c’est leur augmentation fulgurante qui est inédite et entraîne la nécessité d’optimiser et de standardiser les approches diagnostiques et thérapeutiques.

UN PHÉNOMÈNE VRAIMENT NOUVEAU ? QUELLES EN SONT LES CAUSES ?

La prévalence de l’érosion dentaire, chez les patients âgés de 18 à 88 ans, varie de 4 à 82 % [4]. Différentes études se sont intéressées à la prévalence en fonction de l’âge ou encore en fonction du pays de résidence des patients. Dans cet article, nous nous sommes intéressés à la prévalence en fonction de l’étiologie, puisque celle-ci peut être multifactorielle. Les différents facteurs en cause, extrinsèques et intrinsèques, peuvent être retrouvés de manière indépendante ou être associés. Ils ont été rassemblés dans le tableau 1.

Le premier facteur intrinsèque rencontré est le reflux gastro-œsophagien (RGO) qui est dû à une remontée dans les voies aéro-digestives supérieures des sucs gastriques et de la bile contenus normalement dans l’estomac. Selon Lechien et al., cette pathologie toucherait 10 à 30 % des personnes des pays occidentaux et ne cesserait de progresser avec les changements de mode de vie. La prévalence de l’érosion chez les patients atteints de RGO est comprise entre 16 et 44 % alors qu’elle est inférieure à 20 % chez les patients sans RGO. Les patients atteints de RGO auraient donc presque 2 fois plus de risque de développer des lésions érosives, notamment au niveau des dents antérieures plus atteintes que les dents postérieures [5]. Les troubles du comportement alimentaire ou TCA (anorexie, boulimie) sont un autre facteur intrinsèque qui toucherait, selon la Haute Autorité de Santé, 3 à 5 % de la population. Il a été reconnu que ces troubles sont à l’origine de lésions buccales érosives et sont en constante augmentation [4, 6]. D’autres signes physiques ou comportementaux peuvent être évocateurs de TCA (perte ou changement de poids soudain ou rapide, préoccupation accrue à l’égard de l’apparence, étourdissement ou fatigue). Pour déceler ces troubles, le chirurgien-dentiste peut se mettre en contact avec le médecin traitant afin de confirmer le diagnostic et de mettre en place un plan de soin pluridisciplinaire si nécessaire [6, 7].

Comme facteur extrinsèque, l’alimentation peut être à l’origine de lésions érosives. Les habitudes alimentaires des populations ayant évolué, c’est l’un des facteurs ayant pris le plus d’importance ces dernières années, notamment en raison de la consommation de boissons acides et/ou sucrées qui, selon l’INSEE, ne cesse d’augmenter (jus de fruits, boissons énergisantes et sportives, sodas avec ou sans sucre). Une étude s’est intéressée à la profondeur de perte d’émail après exposition à ces différents types de boissons. Les boissons ayant entraîné la perte d’émail la plus profonde sont les boissons sportives (Gatorade) suivies des boissons énergisantes (Red Bull), sodas sucrés (Coca-Cola), sodas non sucrés (Coca Zero) et jus de pomme. Les aliments et boissons acides peuvent multiplier respectivement le risque de lésions érosives par 2 et 3 [7]. Un article a comparé le risque de développer des lésions dentaires érosives en fonction du régime alimentaire (végétarisme, végétalisme et omnivorisme). Les patients végétariens et végétaliens présenteraient respectivement 4 et 2,5 fois plus de risque de développer des lésions érosives par rapport aux patients omnivores [8].

Un autre facteur de risque plus méconnu est la consommation de drogues et d’alcool de manière régulière et prolongée. Ces comportements semblent également être à l’origine de lésions érosives [6, 9]. Il en est de même pour l’utilisation régulière et prolongée de médicaments ou de produits d’hygiène orale, qui peuvent également avoir un effet potentiellement érosif. Plus précisément, certains médicaments connus et parfois couramment utilisés (acide acétylsalicylique, citrate de bétaïne) peuvent être à l’origine de lésions érosives. Certains dentifrices ou bains de bouche peuvent contenir des acides ou de l’EDTA et ainsi présenter un pH très bas (de 3,4 à 8,3). Une étude a permis de mettre en évidence la micro-dureté de l’émail après une exposition de 3 minutes dans différents types de bains de bouche. Certaines marques entraînent plus de déminéralisation que du jus d’orange [10].

ENJEUX DU DIAGNOSTIC PRÉCOCE

L’usure dentaire érosive est un phénomène irréversible et cumulatif. Cette notion d’irréversibilité des dommages explique l’importance du diagnostic précoce et doit être communiquée au patient afin de souligner l’intérêt de sa prise en charge dès les stades initiaux.

Le dépistage précoce des lésions érosives s’avère complexe. En effet, les lésions initiales, à l’exception de celles situées au niveau des zones cervicales, sont le plus souvent asymptomatiques car elles ne concernent que l’émail. De plus, aucun outil diagnostique spécifique des lésions érosives n’existe à ce jour. Seule une inspection visuelle permet ce dépistage mais il reste limité par la subjectivité et l’expérience du praticien (figure 3). Par ailleurs, le patient consulte généralement tardivement, le plus souvent pour un préjudice esthétique (modification de teinte ou de forme des dents), fonctionnel (perte de dimension verticale d’occlusion) ou douloureux (hyperesthésies) lorsque les pertes tissulaires sont déjà avancées [11]. L’utilisation de scanners intra-oraux pourrait cependant aider au diagnostic précoce des lésions érosives. Avec l’avènement du numérique, ces outils offrent de belles perspectives dans la gestion de l’érosion dentaire, du diagnostic à la thérapeutique [12]. Reconnaître les lésions d’usure érosive dès le stade initial est pourtant crucial pour pouvoir intercepter ce phénomène, mettre en œuvre les mesures de prévention adaptées en fonction des facteurs étiologiques identifiés et éviter l’aggravation des pertes tissulaires.

COMMENT DISTINGUER LES LÉSIONS ÉROSIVES ?

Les lésions érosives présentent des aspects cliniques caractéristiques ainsi qu’une topographie dépendante des principaux facteurs étiologiques. L’association d’un examen clinique attentif à une recherche approfondie des facteurs de risque, impliquant une bonne connaissance du contexte médical global, est donc nécessaire à l’élaboration du diagnostic.

Examen clinique

Un examen clinique visuel minutieux, réalisé dans des conditions optimales (éclairage suffisant, miroir de bonne qualité, surfaces dentaires nettoyées et séchées), doit être mis en œuvre. Différentes lésions coronaires pourront être observées [6, 8, 11].

Au stade initial, les lésions érosives s’apparentent à une déminéralisation superficielle de l’émail avec une perte de la morphologie naturelle de la surface dentaire.

Àun stade plus avancé, la perte de tissu amélaire peut conduire à une disparition intégrale de la morphologie occlusale et à une exposition dentinaire. Des plages para-fonctionnelles peuvent être associées (facettes d’attrition). Il est rare de constater des expositions pulpaires du fait des remaniements dentinaires permanents occasionnés par les cycles répétés d’attaque acide, à l’origine d’une « hyperminéralisation » dentinaire (figure 4). La présence de dentine sclérotique explique l’absence fréquente d’hyperesthésies.

Au niveau des faces vestibulaires, les surfaces dentaires prennent un aspect lisse et satiné, ou mat, pouvant évoluer vers la formation de concavités et d’arêtes (figures 5 et 6). Les concavités formées apparaissent plus larges que profondes. L’un des aspects caractéristiques de ces lésions est la persistance d’un bandeau d’émail intact le long de la gencive marginale, zone préservée des attaques acides grâce à la présence de la plaque dentaire marginale et à la neutralisation des acides par le fluide sulculaire (figure 7).

Au niveau des faces occlusales, l’érosion entraîne un arrondissement des cuspides et sillons. L’érosion initiale est souvent caractérisée par la présence de lésions en cupule au niveau des pointes cuspidiennes (figure 8). Un autre indice révélateur de l’érosion dentaire peut également être la présence de restaurations en surcontour, les matériaux de restauration n’étant pas sensibles à l’attaque acide (figure 9).

Diagnostic différentiel

Le diagnostic différentiel entre une lésion érosive et une lésion carieuse est le plus souvent évident à réaliser. Chez les patients consommateurs de boissons acides et sucrées, des lésions mixtes, à la fois d’origine érosive et carieuse, peuvent être rencontrées (figure 10).

En revanche, différencier une lésion érosive d’une autre lésion d’usure (principalement abrasion et attrition) est une tâche plus complexe. La morphologie de la lésion d’usure varie en fonction de l’étiologie principale. Le diagnostic clinique des érosions dentaires est souvent rendu difficile par l’association de différentes formes d’usure.

Les atteintes liées à l’attrition se distinguent des lésions érosives par leur aspect bien délimité avec une correspondance des lésions sur les dents antagonistes (figure 11).

L’abrasion, elle, conduit à des lésions concaves, plus profondes que larges, aux limites de contour arrondies, avec un aspect de surface émoussé, satiné (figure 12). Le cas le plus fréquent étant celui des patients avec une méthode de brossage traumatique.

Plus controversée, l’abfraction apparaît sous la forme de pertes de substance cunéiformes localisées au niveau cervical vestibulaire, plus profondes que larges, avec des bords anguleux. Elle serait en rapport avec des contraintes occlusales excessives (figure 13).

Seule l’anamnèse permettra véritablement l’établissement du diagnostic grâce à l’évaluation des facteurs comportementaux [13].

Identification des facteurs étiopathogéniques et évaluation du risque

L’une des étapes-clés de la prise en charge des patients présentant des lésions érosives réside dans la recherche des facteurs étiopathogéniques, nécessitant la réalisation d’une anamnèse approfondie. La suppression de ces facteurs étiologiques est souvent difficile et doit être intégrée de manière systématique à la démarche thérapeutique.

La topographie des lésions est un élément essentiel à prendre en compte dans la détermination de l’étiologie principale. Typiquement, une atteinte des faces palatines et occlusales guidera le diagnostic vers une origine endogène, comme des vomissements chroniques (figure 14). Une atteinte asymétrique sera plutôt évocatrice de la présence de reflux gastro-œsophagiens, l’acidité gastrique stagnant du côté vers lequel se positionne préférentiellement le patient durant son sommeil (figure 15). À l’inverse, les acides exogènes provoqueront plutôt des lésions au niveau des faces vestibulaires et occlusales.

L’évaluation des risques s’appuiera ainsi sur une anamnèse complète, médicale, dentaire, alimentaire et comportementale. Des questions ciblées et systématisées permettront de recenser les facteurs étiologiques de la manière la plus exhaustive possible :

- liste des aliments et boissons consommés pendant au moins 4 jours ;

- consommations (jus de fruits, boissons énergisantes, sodas, infusions, alcool, vinaigre, légumes crus) ;

- symptômes évocateurs de problèmes gastriques ou TCA (vomissements, goût amer, douleurs rétrosternales, signes d’anorexie-boulimie) ;

- prise de médicaments (antidépresseurs) ou de compléments alimentaires (vitamines) et forme galénique (cachets effervescents) ;

- hygiène bucco-dentaire : type de brosse utilisée (poils souples ou poils durs, manuelle ou électrique), habitudes de brossage, abrasivité du dentifrice utilisé ;

- antécédents médicaux et thérapeutiques (syndrome de Gougerot-Sjögren, radiothérapie oro-faciale).

Concernant les habitudes alimentaires, la tenue d’un journal diététique peut être suggérée au patient afin de recenser les habitudes de consommation d’aliments et boissons acides, dont la prise est souvent sous-estimée lors d’un simple interrogatoire.

COMMENT ÉVALUER LA SÉVÉRITÉ ET LA PROGRESSION DES PERTES TISSULAIRES D’ORIGINE ÉROSIVE ?

L’évaluation de la progression des lésions est essentielle dans la prise en charge du patient. Le succès d’une mesure de prévention et/ou de restauration ne peut être évalué que si la perte de tissus dentaires a été initialement déterminée. Différents indicateurs peuvent être utilisés pour évaluer l’efficacité des mesures de prévention sur l’évolution des lésions. Parmi eux, la disparition d’une hyperesthésie dentinaire reflète une réduction de la perméabilité de la dentine exposée et donc une diminution de l’activité lésionnelle. De même, une coloration de la dentine peut indiquer un arrêt de la perte de substance [14]. Chronologiquement, les atteintes seront d’abord visibles au niveau des pointes cuspidiennes des secteurs prémolo-molaires et des faces linguales au niveau incisivo-canin. Les deuxièmes molaires seront concernées dans un second temps, avec l’augmentation du contact avec les composants acides.

D’autres moyens peuvent être employés pour la surveillance des pertes de substance, comme les photographies ou les modèles conventionnels/numériques, mais ils ne permettent pas à eux seuls une évaluation objective de la progression des lésions. Ainsi, si des érosions sont mises en évidence ou si un facteur de risque est présent, le recensement de scores lésionnels doit être associé à l’examen clinique.

Parmi les systèmes existants, la classification BEWE (Basic Erosive Wear Examination - système visuel pour la détection des lésions érosives) a été proposée en réponse à l’absence de standardisation internationale en termes de diagnostic des érosions dentaires [15]. Cet outil permet de détecter et d’évaluer rapidement les pertes tissulaires dues aux acides. Cette classification est facile d’utilisation et permet d’orienter vers les stratégies préventives (organisation de la fréquence de suivi, identification et si possible suppression des facteurs étiologiques, mise en place de mesures d’interception) et restauratrices à mettre en œuvre. L’examen dentaire effectué dans le cadre du système BEWE s’effectue par sextant. Toutes les dents vont être évaluées une à une (excepté les troisièmes molaires) pour évaluer les dommages acides au niveau des faces vestibulaires, occlusales et palatines ou linguales (figure 16). Les surfaces dentaires recouvertes par une restauration sur plus de 50 % de la surface totale ne doivent pas être prises en considération, les autres surfaces du sextant étant alors utilisées pour indiquer le score. Une fois collectés, les scores par sextant sont additionnés (le score maximal pouvant être atteint chez un patient s’élevant à 18) (figure 17). Le score total correspond au degré de sévérité de l’atteinte érosive et permet de guider vers la thérapeutique appropriée. Le score BEWE est compris entre 0 (aucune atteinte érosive) et 3 (perte de substance atteignant plus de 50 % de la surface concernée) (figure 18) (tableau 2). Bien que l’exposition dentinaire soit fréquente pour les scores 2 et 3, elle n’est pas prise en compte directement dans la détermination du BEWE du fait de l’irrégularité de l’épaisseur de l’émail qui empêche une corrélation directe avec la sévérité de l’atteinte (dentine cervicale exposée plus rapidement du fait de l’épaisseur amélaire moindre à ce niveau) [15]. En fonction des facteurs étiologiques mis en évidence et du degré de sévérité des dommages érosifs, la gestion clinique sera adaptée ; il est recommandé de revoir le patient entre 6 mois (pour une érosion moyenne ou élevée) et 2 ans (pour une érosion faible) pour une nouvelle mesure de son score BEWE (tableau 3).

CONCLUSION

L’augmentation rapide et continue de la prévalence de l’usure dentaire érosive au sein de la population nécessite une généralisation et une standardisation de la démarche préventive en pratique clinique. Le dépistage précoce des lésions érosives, associé à un suivi de la progression des pertes tissulaires, doit être instauré de manière systématique lors des consultations bucco-dentaires, au même titre que la maladie carieuse. Pour cela, le système BEWE représente un outil simple, rapide à mettre en œuvre et adapté à ce besoin de standardisation du diagnostic de l’érosion dentaire. Le chirurgien-dentiste joue un rôle central dans la gestion/prise en charge de cette pathologie. En proposant des solutions préventives et thérapeutiques, le praticien améliore à la fois la santé bucco-dentaire mais aussi la qualité de vie des patients.

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Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.