TRAITEMENT DE RÉHABILITATION COMPLEXE PAR 3 STEP TECHNIQUE
 

Clinic n° 11 du 01/11/2023

 

Restaurer

Traitement

Anthony ATLAN*   Maxime DROSSART**   Thibault DROUHET***   Franck DECUP****  


*Ancien AHU des Hôpitaux de Paris. Formateur et co-dirigeant de la société de formation DentalClub. Exercice libéral à Paris.
**Formateur et co-dirigeant de la société de formation DentalClub. Exercice libéral à Paris.
***Praticien contractuel Hôpitaux Pitié Salpêtrière - Charles-Foix. Ancien Chef de Clinique des Hôpitaux de Paris. Exercice libéral à Paris.
****MCU-PH en OCE, Université Paris cité. Hôpital Charles-Foix, AP-HP, Paris. Exercice libéral à Paris.

L’usure dentaire sévère pathologique provoque des perturbations de l’esthétique et de la fonction qui alertent généralement le patient avant même les complications biologiques. Qu’elle constitue une doléance du patient ou qu’elle représente un résultat diagnostique, elle traduit un besoin de traitement souvent global et complexe.

L’usure atteint d’abord les tissus durs des dents en modifiant leur anatomie et leurs structures. Avec l’aggravation du processus, les...


Résumé

L’usure dentaire sévère et pathologique implique des besoins de traitement globaux et complexes. Dans la plupart des cas, les dents usées conservent des structures résistantes aux contraintes et une vitalité pulpaire, ce qui en fait une base fiable pour les restaurations. Plusieurs auteurs ont donc proposé des techniques de réhabilitation globale peu invasives fondées sur la préservation tissulaire et l’adhésion. C’est le cas pour la 3 Step Technique qui permet une approche progressive et réversible grâce à une stratégie rationnelle et contrôlable.

Le but de cet article est d’exposer et d’illustrer ce protocole en détaillant le diagnostic initial et la détermination des paramètres esthétiques et fonctionnels pour chaque étape du traitement. Pour tous les temps opératoires, les interventions sont décrites et expliquées pour aider à la réalisation de ces traitements par tous praticiens impliqués.

L’usure dentaire sévère pathologique provoque des perturbations de l’esthétique et de la fonction qui alertent généralement le patient avant même les complications biologiques. Qu’elle constitue une doléance du patient ou qu’elle représente un résultat diagnostique, elle traduit un besoin de traitement souvent global et complexe.

L’usure atteint d’abord les tissus durs des dents en modifiant leur anatomie et leurs structures. Avec l’aggravation du processus, les répercussions orales sont multiples. La ligne et le cadre du sourire, la position des bords incisifs, le plan d’occlusion, la perte du guidage antérieur, la perturbation des courbes occlusales, l’efficacité masticatoire et le rapport inter-arcades sont autant de paramètres fonctionnels et esthétiques qui peuvent être touchés. Pendant un certain temps, les compensations dento-alvéolaires et les adaptations physiologiques aident à absorber les conséquences de ces changements. Cette usure s’aggravant, le risque est grand qu’elle finisse par perturber le système neuro musculaire et les articulations temporo-mandibulaires.

Les répercussions de l’usure sévère affectent donc les tissus oraux et perturbent aussi l’équilibre masticatoire et la qualité de vie du patient [1].

L’usure est considérée sévère à partir d’un score BEWE ≥ 14 [2] (groupes 4 et 5 selon Lasfargues-Colon [3, 4]). Une réhabilitation fonctionnelle et esthétique est alors nécessaire et doit tenir compte des perturbations fonctionnelles le cas échéant.

Dans la plupart des cas, les dents usées, quelle que soit la sévérité de l’atteinte, gardent une cohésion de leur structure et l’espace pulpaire s’adapte en se rétractant. Pendant très longtemps ces modifications ne compromettent ni la résistance aux contraintes de mastication ni la vitalité pulpaire. Les tissus résiduels doivent être considérés comme diminués (perte de structure), transformés (hyperminéralisation) mais ils sont sains et peu susceptibles à la fracture mécanique. Ce sont donc des supports fiables, en l’état, pour accueillir des restaurations. La préservation des structures restantes est donc la règle à respecter (sous condition de régulariser et de conditionner les surfaces). De même, les tissus résiduels (amélo-dentinaire) sont un parfait support d’adhésion dont la fiabilité est montrée par de nombreux auteurs [5-8].

Depuis plus de quinze ans, sur la base de ces connaissances, des principes de préservation tissulaire et des règles de l’adhésion, plusieurs auteurs ont proposé des techniques de réhabilitation globale peu invasives [9-14]. Leur stratégie commune est caractérisée par :

- l’étiologie et le contrôle des facteurs de risque ;

- l’analyse et la correction du rapport inter-arcades, statique et dynamique, en fonction des altérations fonctionnelles ;

- un projet (physique ou numérique) fonctionnel et esthétique de la réhabilitation globale ;

- l’augmentation de la dimension verticale pour libérer l’espace prothétique nécessaire aux restaurations ;

- une rééducation fonctionnelle par temporisation si nécessaire ;

- le recours à des restaurations adhésives minimalement invasives ;

- une protection physique des restaurations après le traitement ;

- le suivi.

Vailati a été l’une des premières, dès 2008, à conceptualiser une technique de réhabilitation complète adhésive pour les lésions d’usure dentaires sévères et généralisées [15]. Elle propose une stratégie en 3 étapes principales. La démarche est progressive, réversible, validable par le patient, ajustable à chaque étape et permet une réintervention facile.

L’objectif de cet article est de décrire la conduite de cette thérapeutique restauratrice de l’usure dentaire généralisée. Nous exposerons une approche de réhabilitation fondée sur les données actuelles en résumant les étapes de prise en charge du patient et la réalisation des actes (encadré 1).

ÉTAPES DE TRAITEMENT DE RÉHABILITATION

Depuis la première consultation jusqu’à la fin du traitement, nous pouvons distinguer les différentes phases d’intervention dans lesquelles s’inscrivent les 3 étapes (3 Step Technique) proposées par Vailati qui caractérisent la prise en charge des patients atteints d’usure sévère :

- évaluation diagnostique initiale ;

- détermination des paramètres esthétiques et fonctionnel (plan d’occlusion et augmentation de la dimension verticale) (Step 1) ;

- redéfinition de l’équilibre postérieur (Step 2) ;

- restauration du guide antérieur (Step 3) ;

- finalisation du sourire ;

- contrôle et suivi.

La stratégie dite 3 Step Technique est fondée sur la réalisation progressive d’un montage prospectif en 3 temps (par wax-up ou design numérique) en interaction entre le laboratoire et les étapes cliniques. La codification de chacune de ces étapes peut être précisément établie et correspond à une organisation par séance reproductible. C’est une des forces de la 3 Step Technique qui transforme un traitement complexe en une approche rationnelle et contrôlable.

ÉVALUATION DIAGNOSTIQUE INITIALE

Temps de la séance = 1 heure (figures 1 et 2).

La prise en charge du patient débute par la compréhension des formes de lésions d’usure (érosion, attrition ou abrasion), la recherche étiologique et l’identification des facteurs de risque. Tout sera mis en œuvre pour contrôler et rétablir l’équilibre intra-oral.

Un bilan clinique et radiographique dentaire, parodontal et ostéo-muqueux est réalisé et une préparation initiale visant à guérir les tissus est programmée si nécessaire.

Des photos (extra et intra-orale) sont réalisées, éventuellement complétées par des vidéos (de mastication notamment). Seront également nécessaires des empreintes des arcades (physiques ou numériques), un enregistrement de la position maxillaire (arc facial) et un enregistrement de l’occlusion.

D’emblée, trois questions se posent pour comprendre l’importance des perturbations engendrées par l’usure et définir les besoins et le cadre du traitement.

• Y a-t-il des perturbations fonctionnelles ?

• Quelles répercussions esthétiques y a-t-il sur le sourire ?

• Quels sont les besoins de restaurations et d’augmentation de dimension verticale ?

Rechercher des perturbations fonctionnelles

L’évaluation des perturbations fonctionnelles fait appel à des tests d’analyse de l’occlusion statique et dynamique. De manière synthétique, les informations suivantes sont à recueillir [5, 16, 17].

• Recherche d’une dysfonction ou de douleurs des articulations temporo-mandibulaires : une interrogation sur la douleur ainsi que la palpation des articulations donneront le signal d’alerte. Le cas échéant, elles seront à prendre en charge au préalable.

• Évaluation de la stabilité de la position d’intercuspidie maximale : l’enregistrement de l’occlusion statique doit montrer au moins un contact par dent à l’intérieur de la table occlusale. Dans le cas contraire, prévoir que les contacts manquants devront être retrouvés grâce aux restaurations à venir.

• Évaluation de la symétrie lors de la mastication : le test de latéralité ou le test de mastication d’un chewing-gum (qui peut être filmé avec un smartphone) devra montrer une fluidité et une symétrie de déplacement. Dans le cas contraire, le traitement devra permettre de libérer les trajets de la mandibule et de retrouver un guidage symétrique.

Recherche des interférences occlusales : pour cela, il faudra « déprogrammer » l’occlusion du patient par interposition d’un obstacle entre les arcades. Une butée antérieure ou l’interposition de 2 cotons dans les secteurs prémolaire, durant 4 minutes, suffit pour que le patient perde la mémoire de ses repères occlusaux [15, 18]. Il est ensuite invité à refermer jusqu’à rencontrer un premier contact dento-dentaire qui est alors enregistré.

Analyser les perturbations esthétiques dans le sourire

Les perturbations esthétiques sont très souvent le motif même de la consultation. Il est de toute façon essentiel de planifier la modification de l’anatomie des dents antérieures dès le départ pour situer le point inter-incisif qui donnera la référence antérieure du plan d’occlusion et de la courbe du sourire.

Des photos du visage de face, regard à l’horizon, lèvres au repos et avec un franc sourire (prononciation de « yeeeeh ») sont réalisées pour évaluer les images par rapport aux références esthétiques connues [19].

Des vidéos sont également recommandées si possible.

Des photos avec écarteur sont également réalisées : en vue frontale (en occlusion, en latéralité droite et gauche et en propulsion) et en vue latérale. Puis, chacun des 6 secteurs est pris en vue occlusale avec marquage des contacts.

Toutes ces informations visuelles servent d’éléments diagnostiques cliniques et vont permettre au laboratoire d’élaborer le projet des modifications.

Évaluer les besoins de restaurations et d’augmentation de la dimension verticale

D’une part, l’identification des dents avec lésions d’usure ainsi que le niveau de leur exposition dentinaire déterminent le besoin de protection biologique nécessaire de ces structures. D’autre part, l’évaluation des pertes anatomiques des dents et la recherche d’un équilibre et d’une fonction occlusale normale déterminent le choix des dents à restaurer.

L’ensemble de ces observations indique le nombre et la localisation des restaurations (directes ou indirectes) à envisager.

Les restaurations additives adhésives seront rendues possible grâce à la possibilité de redonner un espace inter-arcades en augmentant la dimension verticale [20]. L’augmentation « nécessaire et suffisante » peut être évaluée en clinique mais sera finalisée sur articulateur lors de l’élaboration progressive du projet au laboratoire.

Pour cela, l’enregistrement du rapport inter-arcades est fait après une déprogrammation de l’occlusion (voir ci-dessus) en plaçant des cires d’occlusion au niveau des secteurs postérieurs et en demandant au patient de fermer en s’arrêtant avant d’atteindre la première interférence occlusale. Ainsi, la position de la mandibule est enregistrée en symétrie centrée avec une faible ouverture à partir de laquelle il sera possible de faire varier l’ouverte de l’articulateur pour restaurer les courbes occlusales et le guide antérieur selon les paramètres nécessaires.

Finalement, cette première étape doit aboutir au diagnostic clinique complet qui sera exposé au patient. Les répercussions de l’usure permettent de fixer les besoins de traitement et de les proposer au patient avec tous les éléments de compréhension. Ils sont indispensables à l’adhésion des personnes à ces thérapeutiques complexes qui conduiront à de nombreuses interventions.

C’est aussi la première étape d’interaction avec le laboratoire auquel sont adressés les empreintes, les enregistrements (arc facial et position inter-arcades), les photos et les commentaires éventuels sur le positionnement des dents antérieures.

LABORATOIRE : ÉTAPE N° 1

Montage prospectif pour les dents antérieures (figure 3).

La demande est faite au laboratoire de réaliser le montage prospectif antérieur (wax-up en cire ou design virtuel) de toutes les faces vestibulaires des dents visibles lors du sourire (généralement de 6 à 6 au maxillaire et des incisives mandibulaires si nécessaire) et de la face palatine des incisives centrales qui serviront de butée antérieure fixant la position de la mandibulaire et la dimension verticale.

Le projet est réalisé à partir de l’analyse esthétique et des paramètres d’occlusion.

Àcette étape sont définis 3 éléments clés :

- la situation du bord incisif maxillaire (fondée sur les caractéristiques esthétiques) ;

- la nouvelle dimension verticale d’occlusion définie par une butée antérieure au niveau des incisives centrales (fondée sur le besoin d’espace des restaurations postérieures et dans la limite d’une ouverture antérieure adaptée à une forme anatomique linguale acceptable) ;

- l’orientation du plan d’occlusion (fondé sur le positionnement des faces vestibulaires des prémolaires et premières molaires, dans le respect d’une courbe du sourire harmonieuse et du plan de Francfort).

Ce projet est généralement fait de compromis et nécessite une discussion entre le praticien et le prothésiste du laboratoire.

Le laboratoire réadresse les modèles ainsi préparés avec une clé en silicone du projet.

CLINIQUE : ÉTAPE N° 1

Validation du projet esthétique, de l’augmentation de la dimension verticale et de la forme palatine des incisives centrales (butée antérieure) (temps de séance = 1 heure) (figures 4 à 7).

Cette étape est guidée par la réalisation d’un mock-up. C’est le transfert du projet qui est reporté en bouche grâce à une clé en silicone chargée de résine bis-acryl auto-polymérisable, facilement manipulable, ajustable et démontable (ex. : Luxtemp, DMG ; Protemp, 3M ESPE ; Structure 2, Voco ; Fixtemp, DREVE) [21].

L’objectif est de valider la position des bords incisifs, l’axe et la morphologie des dents choisies par rapport au visage (de 6 à 6) [22].

La butée antérieure (face palatine de 11 et 21 et bord libre de 31 et 41 reconstruites via le mock-up) permet de matérialiser l’augmentation de la dimension verticale proposée par l’analyse des espaces requis au laboratoire. Les rapports inter-arcades sont à nouveau vérifiés et réenregistrés cliniquement.

Le patient est impliqué dans le projet du sourire qui lui est proposé. Des photos et vidéos sont réalisées et montrées au patient. Des modifications peuvent être facilement réalisées par soustraction ou par adjonction de composite directement en bouche. La transformation esthétique est souvent importante et les limites des possibilités du traitement doivent aussi être clairement exposées. À ce stade, tout est réversible et le patient doit se sentir libre de son choix dans la poursuite (ou non) du traitement.

Le cas échéant, toutes les modifications apportées sont à nouveau enregistrées par empreintes (physiques ou numériques). Le mock-up est retiré à la fin de cette séance.

Remarque : Si le projet est trop écarté des besoins de traitement ou de la demande du patient, il peut être complètement modifié par un retour au laboratoire, de nouveaux échanges et un nouvel essai.

LABORATOIRE : ÉTAPE N° 2

Montage prospectif pour la réalisation des dents postérieures. Choix de la technique de restauration.

La demande est faite au laboratoire de réaliser la poursuite du projet prospectif (wax-up en cire ou design virtuel) sur les dents postérieures à partir des paramètres (dimension verticale d’occlusion, rapport inter-arcades et plan d’occlusion) validés lors de la séance clinique 1.

Le projet se concentre d’abord sur les dents 4, 5 et 6 qui permettent d’assurer le calage inter-arcades. La question se pose de savoir comment distribuer la hauteur des restaurations dans les secteurs postérieurs entre l’arcade maxillaire et l’arcade mandibulaire. L’analyse sur articulateur prend en compte :

- les dents à restaurer ;

- la position des cuspides maxillaires vestibulaires idéales données par le mock-up (courbe esthétique) ;

- les impératifs fonctionnels (courbe de Spee et de Wilson).

Les restaurations anatomiques doivent permettre d’obtenir un calage stable des arcades et une liberté de déplacement sans interférence.

Àcette étape, la technique de restauration et le choix du matériau se posent. Plusieurs possibilités s’offrent au praticien.

• Restaurations temporaires moyen terme : recours à des restaurations temporaires en composite par technique directe ou indirecte. C’est une solution intermédiaire de choix pour résoudre rapidement le déficit fonctionnel et tester de nouveaux paramètres d’occlusion. Des clés en silicone transparentes sont demandées pour réaliser des restaurations directes en résine composite, pressées ou injectées ou des restaurations indirectes, généralement solidarisées, en composite de laboratoire (réalisation classique ou avec assistance numérique). Cette solution, qui doit être suivie dans le temps, permet également de réintervenir secondairement et individuellement sur les dents qui le nécessiteraient [23].

• Restaurations temporaires court terme : recours à des restaurations provisoires en résine bis-acryl. C’est une solution pratique si la temporisation est très courte. Elle servira de jauge de préparation pour les restaurations d’usage réalisées dans une séance ultérieure.

• Restaurations d’usage : recours à des restaurations définitives en céramique ou composite. C’est une solution adaptée aux cas plus simples (sans perturbation fonctionnelle). Les restaurations sont réalisées directement sur les surfaces usées ou sur les dents préparées en fonction des pertes de substance, voire sur des substrats préexistants (ancienne restauration adéquate, remplacement de couronne, implants, etc.). Le cas échéant, la préparation biologique des tissus aura été réalisée préalablement (scellement dentinaire, traitement de carie, substitut dentinaire, remplacement de restauration, etc.). Des clés en silicone des wax-up postérieurs sont également demandées pour proposer une solution provisoire si nécessaire.

CLINIQUE : ÉTAPE N° 2

Restauration anatomique des dents postérieures. Assemblage clinique des restaurations selon le choix du matériau et de la technique (temps de séance = 2 à 4 heures).

Cette étape consiste en la restauration de tous les secteurs postérieurs planifiés.

Chaque pièce ou clé est contrôlée et les paramètres d’occlusion sont vérifiés.

Les restaurations sont mises en place selon l’objectif et la technique choisie, secteur par secteur et arcade par arcade.

Dans tous les cas, les procédures opératoires s’appuient sur les principes de l’adhésion et impliquent la mise en œuvre de toutes les étapes recommandées (champs opératoire, aides optiques, préparation des surfaces, procédures adhésives, finitions précises, contrôle post-opératoire et suivi).

À la suite de la mise en place des restaurations postérieures, l’équilibration occlusale est ajustée de manière à :

- obtenir une fonction de centrage de la mandibule lors de la fermeture ;

- répartir les contacts sur les dents postérieurs (au moins un contact par dent sur une cuspide d’appui) ;

- permettre les déplacements en latéralité sans interférence cuspidienne gênante.

À ce stade, le patient présente une béance antérieure liée à l’augmentation de dimension verticale. C’est une situation provisoire qui n’a pas d’incidence et à laquelle le patient s’adapte étonnement facilement. Il est conseillé de laisser le patient fonctionner comme cela quelques jours avant de le revoir pour une visite de contrôle et de préparer l’étape suivante qui finalisera la restauration du guide antérieur [24].

Pour cela, les surfaces d’usure des dents antérieures sont simplement conditionnées (scellement dentinaire, régularisation des formes par adjonction de composite si besoin et polissage des bords irréguliers). Des modifications des angles et des bords peuvent être nécessaire selon le type, plus ou moins recouvrant, des restaurations définies. En fonction du degré d’usure et du besoin esthétique, le choix s’effectue entre des facettes palatines simples prolongeant les bords libres usés ou des « tacos » dont une partie s’étend par un recouvrement vestibulaire partiel.

La perte de structure des dents mandibulaires antérieures peut être modifiée également par des restaurations en résine composite en fonction du besoin de restauration anatomique.

Une empreinte des arcades est alors réalisée. Le rapport inter-arcades est à nouveau enregistré. Le tout est transmis au laboratoire accompagné du projet esthétique initial.

LABORATOIRE : ÉTAPE N° 3

Réalisation des restaurations de l’anatomie du guide des dents antérieures.

La demande est faite au laboratoire de réaliser les facettes palatines (version simple ou « tacos ») en céramique hybride.

Ces restaurations doivent répondre à l’exacte reproduction de la forme globale des dents initialement décidée lors du projet esthétique validé à l’étape n° 1. Elles doivent offrir des contacts répartis en occlusion statique et assurer un guidage libre lors de la fonction. Les limites palatines sont supra-gingivales. Leur forme palatine a été définie par Vailati pour respecter ces objectifs [5].

CLINIQUE : ÉTAPE N° 3

Restaurations du guide antérieur et de l’anatomie des faces palatines et du bord libre des dents antérieures (temps de séance = 2 à 3 heures).

Cette étape consiste en la restauration fonctionnelle du guide antérieur et en l’amélioration esthétique du sourire.

Les restaurations sont d’abord essayées et vérifiées selon plusieurs points [25] :

- validation du respect du projet esthétique (situation du point inter-incisif, forme, embrasures occlusales, continuité avec la dent support) ;

- adaptation des éléments et ajustement des bords ;

- répartition des contacts occlusaux et contrôle des formes linguales ;

- vérification des contacts proximaux et des possibilités d’hygiène (ouverture suffisante des embrasures linguales).

Après validation, l’assemblage est effectué par collage dans le respect des conditions recommandées (vues ci-dessus).

À l’issue de cette dernière étape, le patient sera revu après quelques jours pour un contrôle global de l’équilibration occlusale et de l’intégration du nouveau sourire.

OPTIMISATION ESTHÉTIQUE DU SOURIRE

Restauration des faces vestibulaires des dents du sourire par facettes si nécessaire.

Les modifications apportées par la technique dite « 3 Step » apporte de fortes satisfactions au patient tant sur le plan du confort fonctionnel que pour son estime de soi par le biais de son sourire retrouvé.

Il est possible d’améliorer et de rendre plus durable l’aspect du sourire en complétant ensuite les restaurations antérieures par des facettes vestibulaires.

La procédure aboutit à des préparations a minima des faces vestibulaires, réalisées en partie dans le matériau composite et sur la dent.

Àl’issu de l’assemblage de ces restaurations, la structure dentaire restante qui a été préservée se trouve protégée entre les deux facettes vestibulaire et linguale [7].

CONTRÔLE ET SUIVI DE TRAITEMENT

Protection des tissus dentaires et des restaurations ; suivi des facteurs de risque du patient.

Ces traitements complexes concernant des patients dont l’environnement oral a été très déséquilibré doivent être suivis régulièrement.

Les facteurs de risque initiaux ne sont pas toujours complétement éliminables. La compensation de leurs effets nécessite le recours à des gouttière de protection sur le long terme. Ces gouttières peuvent avoir pour objectif d’être support d’agent de reminéralisation et de répartir les contraintes pour préserver les restaurations.

Les résultats montrés à moyen et long termes sont favorables [7, 26] mais la condition du suivi est essentielle et les réinterventions localisées sont très probables. C’est un véritable contrat qu’il faut faire accepter au patient dès le début du traitement pour assurer le succès du traitement dans la durée

CAS CLINIQUE TEMPS PAR TEMPS (figures 8 à 30)

Les étapes laboratoire ont été réalisées par Asselin Bonichon, Laboratoire Nouvelles Technologies.

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Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.

Remerciements

Les auteurs remercient Asselin Bonichon (Laboratoire Nouvelle Technologie) pour les magnifiques réalisations des restaurations céramiques.

Encadré 1
OBJECTIFS ET ENJEUX DES RÉHABILITATIONS D’USURE SÉVÈRES GÉNÉRALISÉES

• Protéger les tissus exposés et restaurer les tissus perdus pour des raisons biologiques, fonctionnelles et esthétiques.

• Assurer un maximum de préservation tissulaire.

• Créer l’espace nécessaire pour pouvoir restaurer les pertes anatomiques par des restaurations additives en recourant à une augmentation de la dimension verticale.

• Recourir aux restaurations adhésives.

• Rétablir une occlusion stable, fonctionnelle et un sourire harmonieux.