GESTION D’UNE RÉHABILITATION MAXILLO-MANDIBULAIRE SUITE À UN ÉCHEC THÉRAPEUTIQUE
 

Clinic n° 02 du 01/02/2024

 

Chirurgie

Pré-implantaire

Jonathan SELLEM*   Michaël SANTOS**  


*Ancien AHU, Faculté Paris Descartes.
**Exercice libéral à Montpellier.
***Prothésiste dentaire, enseignant, formateur. Gérant Laboratoire Intersteeth, Paris.

PREMIÈRE CONSULTATION

La patiente se présente au cabinet en 2018. A la suite de la prise en charge par un confrère, elle explique que les deux barres posées se sont fracturées à deux reprises après 15 jours. La patiente est contrariée, elle n’a plus confiance dans les solutions amovibles implanto-retenues et souhaite se réalimenter convenablement et retrouver une vie sociale normale (figure 1).

Face à...


Résumé

« Il n’y a pas de réussite facile ni d’échecs définitifs », cette citation de Marcel Proust résume l’état d’esprit qui doit être adopté par le tandem praticien/prothésiste au quotidien et tout particulièrement lorsque nos patients sont confrontés à un échec de traitement. La proximité dans le cas présenté entre la pose de la prothèse et l’apparition de l’échec représente une épreuve pour notre patiente. La prise en compte de l’impact psychologique et la nécessité de lui redonner confiance rapidement sont essentielles pour la conduire vers une nouvelle réhabilitation. Au travers de cet article nous partageons les différents aspects de la prise en charge de la patiente. L’analyse de ses antécédents, l’aspect psychologique, son état d’esprit, les traitements prothétiques réalisés précédemment, la nature des matériaux utilisés, les défaillances observées. Forts de cette analyse nous avons proposé à la patiente une temporisation fiable qui lui redonne confiance le temps de la réalisation des nouvelles prothèses d’usage. Le recours à un matériau innovant tel que le PEEK nous a semblé une solution intéressante. Poser le bon diagnostic, s’adapter aux attentes du patient, élaborer un plan de traitement efficient sont autant de challenges qui doivent être relevés.

PREMIÈRE CONSULTATION

La patiente se présente au cabinet en 2018. A la suite de la prise en charge par un confrère, elle explique que les deux barres posées se sont fracturées à deux reprises après 15 jours. La patiente est contrariée, elle n’a plus confiance dans les solutions amovibles implanto-retenues et souhaite se réalimenter convenablement et retrouver une vie sociale normale (figure 1).

Face à l’échec de nature prothétique, nous devons prendre en considération l’impact psychologique sur la patiente, la rassurer et lui proposer une approche différente de la précédente.

Les souhaits de la patiente sont entendus dès cette première consultation puis des solutions sont étudiées afin de lui apporter une solution pérenne.

• Comment ne pas être confronté aux mêmes échecs que lors de la précédente réhabilitation ?

• Quelles solutions apporter à court terme pour rassurer la patiente ?

La patiente présente au maxillaire un bridge complet présentant de nombreuses fractures de céramique (figures 2 et 3). À la mandibule, la patiente a un appareil amovible avec des cavaliers qui assurent la rétention de l’appareil sur une barre en titane. Comme évoqué précédemment, les deux barres usinées se sont fracturées après seulement 15 jours (figures 4 à 6). Nous notons également la fracture d’1 implant (figure 7).

La patiente accepte que des chirurgies préimplantaires soient réalisées afin de permettre la pose d’autres implants en accord avec le futur projet prothétique.

Deux implants sont ainsi posés pour compléter les 3 existants à la mandibule. L’implant fracturé est déposé.

Des photographies sont réalisées et il est décidé, conjointement avec le prothésiste, de déposer le bridge maxillaire afin de pouvoir monter sur articulateur les deux arcades. L’objectif de cette étape est d’utiliser les repères esthétiques de la prothèse amovible complète afin de proposer à la patiente un montage prospectif qui lui plaise esthétiquement et nous permette de comprendre ce qui s’est passé auparavant [1]. Le premier constat lors du montage des modèles est la présence d’une classe II, selon Ackermann, confirmée en dysmorphose squelettique selon Balard par la téléradiographie de profil, sûrement présente depuis toujours chez la patiente mais accentuée par la résorption osseuse post-extractionnelle.

Ce facteur est capital à prendre en compte dans la proposition du futur montage prospectif. Les figures 8 et 9 présentent les examens radiologiques qui mettent en évidence une classe II de Balard.

Quels sont les choix thérapeutiques décidés en concertation entre le prothésiste et le praticien ?

1. Prise en compte de la classe II squelettique et compensation partielle de cette dernière dans le montage prospectif.

2. Recours à des matériaux plus souples et innovants tels que le PEEK.

3. Temporisation rapide avec prothèse fixée afin de rassurer la patiente sur la faisabilité, lui redonner du confort pour avoir le temps de la prendre en charge.

Le plan de traitement retenu est le suivant :

- réalisation d’un montage prospectif de première intention ;

- temporisation avec un bridge provisoire maxillaire armature PEEK ;

- temporisation à la mandibule avec une prothèse base résine transvissée sur 3 implants à la mandibule ;

- réévaluation pour planifier la pose d’implants en accord avec le montage prospectif validé par la patiente ;

- pose d’implants à la mandibule et chirurgie pré-implantaire au maxillaire (comblement sinusien) ;

- réalisation d’une prothèse mandibulaire implanto-portée avec Ti-Bases + armature PEEK + dents en résine composite ;

- pose d’implants au maxillaire et mise en place d’un bridge provisoire transvissé maxillaire ;

- extraction des 4 dents résiduelles maxillaires ;

- réalisation d’un bridge armature PEEK + Ti- Base + dent en résine composite sans fausse gencive ;

- maintenance.

TEMPORISATION

Pour temporiser rapidement la situation nous avons fait le choix de réaliser un bridge provisoire avec une armature en PEEK. Cette armature en PEEK reposera dans un premier temps sur les 13/23/17/27. Une fois les chirurgies pré-implantaires réalisées et les implants posés en regard du bridge provisoire, ce dernier est perforé et solidarisé à l’ensemble des implants.

Nous utilisons une des propriétés du PEEK qui permet une adhésion entre le PEEK et la résine composite pour unir nos piliers provisoires [2]. Concernant la mandibule, nous décidons de réaliser une PAC mandibulaire vissée sur les 3 implants antérieurs tout en espaçant la résine en regard des implants pour permettre le passage aisé des brossettes.

La mise en place de ces deux restaurations a permis de mettre rapidement en confiance la patiente et nous a permis de travailler sereinement sans précipitations pour l’élaboration de la prothèse d’usage.

RÉHABILITATION ESTHÉTICOFONCTIONNELLE MAXILLOMANDIBULAIRE PRÉ-IMPLANTAIRE

Première séance clinique

Lors de cette première séance clinique, le bridge maxillaire est découpé en lingual, déposé et rebasé à l’Unifast. Cette intervention permet de transformer un bridge d’usage scellé avec un ciment « définitif » en bridge transitoire. Nous pourrons nous assurer cliniquement de la viabilité des dents supports de notre futur bridge provisoire. Cela permet également à la patiente de porter encore son bridge le temps de la réalisation du futur bridge provisoire.

Des empreintes d’étude sont prises au maxillaire et à la mandibule (figures 10 et 11). Au maxillaire, il persiste 13/23/17/27 qui nous servent de piliers pour la temporisation au maxillaire.

Lors de cette séance la manipulation en relation centrée (RC) nous assure que cette position est bien réitérative chez la patiente. Une évaluation de la future DV peut être enregistrée à cette étape et pourra être affinée avec les maquettes d’occlusions à la prochaine séance (figure 12).

Un relevé d’informations esthétiques, telles que les teintes dentaire (figure 13) et gingivale (figure 14), ainsi que des clichés et des vidéos de la patiente sont transmis au prothésiste.

À l’aide d’un papillomètre (figure 15), outil qui permet de déterminer la longueur de la lèvre supérieure et/ou de la ligne d’occlusion des lèvres en prenant comme appui fixe la papille rétro-incisive, nous pouvons estimer la hauteur du plan incisif et donc la longueur et le positionnement des futures dents maxillaires antérieures. Nous pouvons également déterminer la largeur du bloc incisivo-canin à l’aide d’un alamètre (figure 16), instrument qui facilite le choix de dents antérieures. Il permet également de prendre en considération des indications relatives au type de patient : formes de dents triangulaires, ovales ou carrées, délicates, universelles, affirmées.

Après coulée de l’empreinte maxillaire prise en wash technique au silicone, l’empreinte d’étude à l’alginate fera office d’empreinte primaire.

Première phase prothétique

Une maquette d’occlusion maxillaire est réglée en fonction des informations cliniques transmises. Une base rigide prévient de toute déformation intrabuccale et la teinte claire du bourrelet facilite le réglage de la longueur du plan incisif frontal en jouant sur l’effet de contraste.

Un porte-empreinte individualisé, muni d’un bourrelet d’occlusion calibré, est confectionné sur le modèle primaire mandibulaire (figure 17).

Deuxième séance clinique

Lors de cette seconde séance le placement du point inter-incisif sur la maquette occlusale est réalisée en premier lieu (figures 18 et 19). Ensuite, un arc facial sur la base d’occlusion maxillaire permettra la mise en place du modèle maxillaire sur articulateur (figure 20).

Enfin, le rapport maxillo-mandibulaire (RMM) est enregistré en prenant soin de s’assurer que la patiente est en relation centrée (RC) et a une bonne dimension verticale d’occlusion (DVO) (figure 21). Une empreinte secondaire est prise aux polyéthers en enregistrant le jeu de la musculature de la patiente.

Deuxième phase prothétique

Au laboratoire, l’empreinte secondaire mandibulaire est coffrée et préparée avec un plâtre de classe III compensateur.

Le modèle maxillaire est positionné dans l’articulateur à l’aide de l’arc facial. Le modèle secondaire est ensuite indexé au maxillaire à l’aide des maquettes d’occlusion.

L’articulateur est paramétré en fonction des données radiographiques [3, 4] (figure 22). Le concept occluso-prothétique retenu est une occlusion bilatéralement équilibrée en tenant compte de la spécificité d’un montage en dysmorphose squelettique de classe II (figure 23).

Les couloirs prothétiques, zone musculaire neutre, doivent être impérativement respectés sous peine de récidive d’échec thérapeutique.

Troisième séance clinique

Lors de cette séance un montage sur cire prospectif est proposé à la patiente. Lors de cet essayage nous prenons le temps de lui expliquer l’impact de la classe II squelettique et les choix que nous avons pris afin d’optimiser le résultat fonctionnel et esthétique (figure 24).

Le projet prothétique esthético-fonctionnel est validé.

Troisième phase prothétique

L’ensemble des éléments est scanné afin d’avoir une représentation numérique des espaces prothétiques suffisants pour confirmer l’utilisation d’un matériau polymère, de type PEEK.

Le PEEK

Le polyétheréthercétone ou PEEK (PolyEther-EtherKetone) est un polymère thermoplastique semi-cristallin à hautes performances appartenant à la grande famille des polyétheracétylcétones ou PEAK (figure 25).

D’abord essentiellement utilisés dans l’industrie automobile et aéronautique ainsi que dans le génie mécanique, les polyaryléthercétones (PAEK) sont employés depuis les années 1980 en médecine comme biomatériaux pour les implants traumatologiques, orthopédiques et vertébraux grâce à leur haute biocompatibilité. Leur introduction dans le monde de l’odontologie est plus tardive : les premières pièces ont été réalisées en 2011.

Le PEEK présente des caractéristiques physiques permettant d’être utilisé dans des conditions mécaniques extrêmes (industrie automobile/ aéronautique) en substitut aux alliages métalliques.

Ces caractéristiques physiques additionnées à des caractéristiques biologiques font qu’il devient un matériau intéressant en odontologie [5, 6].

Quelques propriétés du PEEK

Le module d’élasticité ou module de Young du PEEK se situe entre 3 et 4 GPa [5], se rapprochant ainsi de celui de l’os. De ce fait, c’est un matériau rigide qui compense les efforts masticatoires et amortit les tensions concentrées à l’interface os/ implant en recréant une zone tampon contrairement aux autres matériaux couramment utilisés dont le module d’élasticité est beaucoup plus élevé (titane/zircone). La partie implantaire ainsi que le système musculo-articulaire seront donc moins sollicités.

Par sa faible densité (1,32 g/cm3) [2], le PEEK permet la réalisation de prothèses complètes légères.

Le PEEK présente l’avantage d’être résistant à la fatigue mécanique ainsi qu’à l’abrasion [7, 8]. De plus, d’après une étude, des tests mécaniques sur une infrastructure en PEEK ont permis de mesurer la résistance maximale à la flexion avant la fracture. Elle serait de 1518 N, ce qui est inférieur à celles du titane et de la zircone [9]. Néanmoins, dans la cavité buccale, les forces couramment exercées sont largement inférieures à ce seuil, ce qui en fait un matériau utilisable cliniquement. Sur une infrastructure en PEEK, l’adhésion des résines composites est possible en respectant le protocole d’assemblage adéquat, comme le montre l’étude de Jin et al. [10].

La notion de biocompatibilité désigne la capacité d’un matériau à ne pas interférer, ou ne pas dégrader, le milieu biologique dans lequel il est utilisé. L’inertie du PEEK assurée par sa stabilité chimique garantit une absence de relargage ; de plus, sa capacité à adhérer aux tissus mous ainsi qu’à l’os lui confère de hautes performances en termes de biocompatibilité.

Le PEEK semble se présenter comme une réelle alternative aux métaux, alliages et céramiques dans le domaine de la prothèse de grande étendue. Néanmoins, un recul clinique à long terme reste nécessaire.

Conception de l’armature de bridge en PEEK

Pour temporiser rapidement la situation, nous avons fait le choix de réaliser un bridge provisoire avec une armature en PEEK. Cette armature reposera dans un premier temps sur les piliers dentaires 13/23/17/27. Une fois les chirurgies pré-implantaires réalisées et les implants posés en regard du bridge provisoire, ce dernier sera perforé et connecté aux implants via des gaines transvissées. L’armature est modélisée, en fonction du montage prospectif et des espaces prothétiques disponibles, puis usinée.

Quatrième séance clinique

L’armature en PEEK est essayée afin de valider son ajustage et sa passivité. Le RMM est enregistré sur l’armature à la bonne DVO et en position de RC à l’aide d’un matériau à base résine (Duroc, Elsodent) (figure 26).

Quatrième phase prothétique

Les dents prothétiques du montage maxillaire prospectif sont repositionnées sur l’armature en PEEK à l’aide d’une clé en silicone. Les montages maxillaire et mandibulaire sont transformés par système de thermo-polymérisation (figure 27).

La prothèse maxillaire est scellée et la prothèse mandibulaire est transvissée. Les réglages d’usage de l’occlusion sont réalisés (figures 28 et 29).

Au maxillaire, nous avons donc un bridge complet dento-porté avec armature en PEEK et partie cosmétique en PMMA.

À la mandibule, une prothèse amovible complète fixée par 3 implants, via 3 piliers provisoires transvissées dont les émergences implantaires facilitent la prophylaxie.

Afin de garder une certaine dynamique et restaurer davantage la confiance de la patiente, la réalisation de la future prothèse d’usage mandibulaire est amorcée.

RÉHABILITATION D’USAGE MANDIBULAIRE IMPLANTO-RETENUE

Première séance clinique

La réhabilitation maxillaire nécessite des chirurgies pré-implantaires [11]. Nous décidons de commencer par la réhabilitation de la prothèse d’usage mandibulaire. En effet, nous souhaitons réaliser au plus vite la réhabilitation mandibulaire afin d’éviter tout risque de casse mandibulaire ultérieure. Pour rappel, la patiente était très inquiète au début du traitement au sujet de cette réhabilitation après la double fracture de ses anciennes barres en titane, peu de temps après la pose.

Après l’ostéo-intégration des deux nouveaux implants mandibulaires en zone 36/46, la prise en charge débute par la prise d’empreinte implantaire mandibulaire. La future restauration mandibulaire reposera ainsi sur 5 implants (figures 30 et 31).

Afin d’avoir la meilleure précision possible lors de la prise de l’empreinte, des transferts ouverts sont vissés aux implants. Ces transferts seront unis entre eux à l’aide de résine. Les espaces entre deux implants étant parfois larges, la résine sera coupée entre deux implants distants. Une nouvelle résine sera injectée pour réunir les implants entre eux le plus passivement possible. L’empreinte sera prise à l’aide d’un polyéther Impregum Soft (3M) en base et d’un polyéther fluide Garant L (3M) [12-15]. Une empreinte maxillaire est réalisée de même qu’un arc facial afin de remonter le maxillaire sur l’articulateur.

Première phase prothétique

L’empreinte implantaire préparée, les analogues sont positionnés et vissés en contrôlant l’absence de tous mouvements axiaux et rotationnels des transferts dans l’empreinte (figure 32).

Un silicone est injecté dans les zones périimplantaires afin de reproduire la gencive. Cette fausse gencive amovible permet l’accès et le contrôle de l’ajustage de la future restauration avec la partie implantaire (figure 33).

Une clé de validation est réalisée afin de contrôler la passivité du modèle de travail implantaire (figures 34 et 35).

Une maquette d’occlusion mandibulaire stabilisée sur 2 implants est également préparée afin de garantir sa parfaite tenue lors de l’enregistrement du RMM (figure 36).

Deuxième séance clinique

Au rendez-vous suivant un contrôle de passivité de l’empreinte est réalisé à l’aide de la clé en plâtre (figure 37). Puis l’enregistrement du rapport maxillo-mandibulaire est effectuée (figure 38).

Deuxième phase prothétique

Au laboratoire l’ensemble de ces nouveaux éléments (actualisation du RMM, modèle maxillaire et mandibulaire) est scanné et compilé (matché) avec les fichiers précédemment réalisés, ce qui permet d’éviter un nouvel essayage esthético-fonctionnel avant la fabrication de l’armature mandibulaire.

L’armature est alors modélisée, usinée, séparée de son disque et de ses connecteurs (figure 39). La phase de collage des embases titanes (figure 40) dans leurs espaces dédiés dans l’intrados de l’armature débute. Les interfaces sont parfaitement nettoyées et soigneusement sablées. Les promoteurs d’adhérence sont sélectionnés en fonction de la nature du support et du matériau d’apport. L’intrados en PEEK est recouvert d’un adhésif polymère/polymère (Visio. link, Bredent) et la surface de l’embase titane d’un adhésif métal/polymère (MKZ, Bredent) (figure 41) puis photopolymérisé.

La liaison entre ces deux parties est assurée par un composite de collage (dual DTK, Bredent) (figure 42). Un excédent de matériau est préservé afin de contrôler l’amorce de prise de la photopolymérisation ; sa chémopolymérisation garantit sa parfaite réticulation et sa stabilité à long terme (figure 43). Une clé d’indexation occlusale en silicone a été réalisée (figure 44).

Troisième séance clinique

Au cabinet, l’armature en PEEK est essayée et validée (figure 45). Le RMM est également validée à l’aide de la clé d’indexation occlusale en silicone (figure 46).

Troisième phase prothétique

Au laboratoire, les facettes et armature sont préparées par sablage à l’alumine (Al 110 µm/1,5-2 bars) et application d’un adhésif polymère/polymère photopolymérisable (figure 47) permettant la liaison avec la résine composite de collage dual (Combo.lign, Bredent) (figure 48). Ainsi, la partie cosmétique est solidarisée à l’armature (figure 49) qui peut ensuite recevoir les résines composites et les stains photopolymérisables (figure 50) afin de recréer une fausse gencive polychromique [16] (figure 51).

Quatrième séance clinique

Au cabinet, la prothèse mandibulaire est essayée, l’ajustage implantaire est contrôlé et l’intégration esthético-fonctionnelle finale est validée (figure 52).

Lors de cette séance, la patiente est sensibilisée à l’importance de l’hygiène bucco-dentaire et le protocole de nettoyage à l’aide de brossettes lui est transmis (figure 53). Ainsi équipée, la patiente peut envisager l’attente de ses chirurgies maxillaires implantaires sereinement. Le rendu esthétique satisfaisant lui permet de reprendre confiance en elle et dans le plan de traitement proposé.

La réhabilitation fonctionnelle, assurant confort et efficacité masticatoire, nous permet également, durant cette phase de temporisation, de contrôler d’éventuels risques et de prévenir d’un nouvel échec.

RÉHABILITATION MAXILLAIRE, PHASE D’OSTÉO-INTÉGRATION

Un comblement sinusien a été effectué par un confrère et complété par la pose de 6 implants maxillaires. Le positionnement des implants a été planifié en accord avec l’implantologiste. Ces derniers ont été positionnés en fonction du projet prothétique et en dehors des 4 dents encore présentes au moment de la chirurgie. Un guide duplicata du projet prothétique (figure 54) a fait office de guide chirurgical pour favoriser le bon positionnement de ces implants.

Une fois les implants ostéo-intégrés, la prothèse maxillaire provisoire - qui, pour rappel, était un bridge complet avec armature PEEK dento-portée - est alors adaptée sur les implants. Pour ce faire, des piliers transitoires sont vissés aux implants, la prothèse est perforée en regard de ces derniers puis de la résine est injectée pour solidariser l’ensemble. Un traitement du PEEK a été effectué en amont afin d’assurer une bonne adhésion PEEK/ résine. Les 4 dents résiduelles sont ensuite extraites. La conception de la prothèse d’usage maxillaire peut maintenant être entreprise (figures 55 à 63).

RÉHABILITATION MAXILLAIRE

Première séance clinique

Une empreinte à ciel ouvert est réalisée à l’aide des transferts vissés et unis à la résine au maxillaire. Cette dernière est faite à l’aide de polyéther à l’Impregum et au Garant L (3M). Une empreinte mandibulaire, la prothèse en place, est également prise (figures 64 à ).

Première phase prothétique

Comme pour l’empreinte implantaire mandibulaire, le même soin doit être apporté à la préparation du modèle maxillaire. Le contrôle de l’immobilité (passivité) des transferts lors du vissage des analogues est crucial pour la suite des étapes de travail.

Une clé de validation en plâtre est également confectionnée au laboratoire (figures 71 à 74).

Deuxième séance clinique

Lors de cette séance, la mise en place de la clé en plâtre permet la validation du modèle de travail.

Comme évoqué lors des précédentes étapes, le montage sur articulateur est réalisé dès les prémices du traitement de la patiente. Un montage fiable, réalisé dans de bonnes conditions à l’aide d’un arc facial, permet d’avancer sereinement. Nous avons, dès les premières séances, un positionnement fidèle du maxillaire et de la mandibule sur l’articulateur. Cela permet, à partir d’articulé de Tench, de mordu en résine ou en silicone d’utiliser ce même montage tout au long de la prise en charge de la patiente. Une étape de prise de RMM est donc évitée. Le bridge provisoire étant transvissé aux implants, sa fiabilité est donc excellente pour le transfert sur articulateur (figures 75 à 77).

Deuxième phase prothétique

Une base résine stabilisée par 2 implants est utilisée pour confectionner le montage.

L’analyse des causes probables de l’échec thérapeutique précédent résidant dans le fait que la gestion des rapports occlusaux n’a pas pris en compte la relation des bases osseuses, un soin particulier est apporté à cette étape. Les montages prospectifs ont été validés en fonction des paramètres suivants afin d’éviter toute surcharge masticatoire sur des zones insuffisamment étendues.

Pour rappel, le concept occluso-prothétique choisi pour ce cas est une occlusion bilatéralement équilibrée : des contacts sur l’ensemble des cuspides d’appuis avec leurs fosses crêtes marginales antagonistes en occlusion centrée ; 3 contacts non consécutifs et simultanés du côté travaillant et balançant en latéralité et des contacts antérieurs et postérieurs dans les mouvements de propulsion.

En cas de promaxillie et/ou de rétromandibulie, donc de classe II squelettique sur patient denté, la première molaire mandibulaire est distalée par rapport à la première molaire maxillaire, ce qui conduit à une supraclusion ou une infraclusion du bloc incisivo-canin (figure 78).

Sur patient édenté, la relation entre les premières molaires doit correspondre à une classe I, c’est-à-dire que la cuspide mésio-palatine de la molaire maxillaire est en contact avec la fosse de la molaire mandibulaire antagoniste en occlusion centrée, rétablissant ainsi des contacts de « normocclusion » et permettant de répartir la pression masticatrice sur le maximum de surfaces occlusales et en préservant le complexe implanto-stomato-gnathique (figure 79).

Troisième séance clinique

Un essayage est effectué ayant principalement pour objectif de permettre la validation finale du projet prothétique par la patiente avant l’usinage de l’armature. Le RMM est à nouveau contrôlé (figure 80).

Troisième phase prothétique

Le protocole de fabrication de l’armature en PEEK est identique à celui de la mandibule, à savoir :

- acquisition numérique des différents éléments nécessaires à la conception (modèles, montage prospectif…) ;

- modélisation de l’armature en fonction de l’espace prothétique disponible ;

- usinage d’un disque en PEEK ;

- section des connecteurs et collage des embases titane au niveau des implants.

Un nouvel essayage avec la partie cosmétique est envoyé au cabinet dentaire afin de contrôler l’adaptation de l’armature, l’ajustage implantaire et le montage esthético-fonctionnel (figure 81).

Quatrième séance clinique

Lors de cette séance un essayage sur cire est réalisé. Toutefois, comme vous pouvez le constater, l’ajustement gingival n’est pas optimal. En effet, malgré toutes les précautions prises lors de l’empreinte, il reste difficile d’enregistrer la compression idéale des intermédiaires.

Une seconde intervention est réalisée en extra-buccal. Le bridge provisoire est à nouveau revissé sur le modèle maxillaire où la fausse gencive a été préalablement ôtée. Un silicone est ensuite positionné entre le plâtre et les intermédiaires du bridge provisoire afin de donner au prothésiste les informations sur la compression idéale à avoir et limiter d’éventuelles retouches. Le bridge provisoire est, une fois de plus dans cette situation, un allié précieux pour limiter les séances cliniques et apporter de la fiabilité dans la transmission des informations entre le praticien et le prothésiste (figures 82 et 83).

La prothèse d’usage maxillaire ainsi finalisée est vissée aux implants. Les contrôles d’usage de l’occlusion sont effectués. Une attention est portée au passage des brossettes.

La patiente sera revue en consultation pour s’assurer de son bon apprentissage et de son contrôle de plaque optimale (figures 84 et 85).

CONCLUSION

Lors de reprise de traitements qui n’ont pas donné entière satisfaction ou n’ont pas atteint les objectifs escomptés, il est nécessaire d’analyser précisément les sources d’erreurs potentielles et d’apporter des solutions cohérentes, parfois innovantes, en adéquation avec les aspirations des patients.

Leur prise en charge passe par une écoute attentive de leurs attentes et la fine lecture de leurs doléances qui participent au succès thérapeutique.

Dans ce cas, le respect des principes fondamentaux des concepts occluso-prothétiques adaptés aux dysmorphoses squelettiques de classe II ainsi que l’utilisation d’un matériau pouvant absorber une partie des contraintes masticatoires nous ont paru être une alternative honorable, la patiente souhaitant en outre rester sur une solution fixée.

Le résultat toujours perfectible sur le plan esthétique

- l’utilisation de matériaux cosmétiques composite et polymère n’ayant pas le même rendu que les matériaux céramique et zircone

- satisfait toutefois la patiente, compense et rassure sur le plan fonctionnel à long terme.

Ce cas débuté en 2018 a été pensé dans sa planification avec les moyens dont nous disposions et que nous maîtrisions à cette époque. La partie laboratoire, conception et fabrication des éléments prothétiques, a été réalisée à l’aide des outils et des machines numériques.

La partie clinique a été gérée de manière conventionnelle. L’évolution des techniques d’acquisition numériques actuelles optimise et simplifie aujourd’hui les rendez-vous au fauteuil. En effet, l’utilisation de clichés photographiques couplés aux clichés d’un scanner facial permet de visualiser, via les logiciels de modélisation, une simulation du futur sourire du patient et de la lui proposer.

Le scanner intra-oral permet d’enregistrer et de conserver la situation intra-buccale des tissus et la position des implants.

L’utilisation de système d’enregistrement axiographique dynamique et numérique (type Modjaw) facilite l’analyse occluso-articulaire et l’enregistrement de la cinématique mandibulaire.

L’ensemble de ces données permet ainsi la création d’un patient virtuel, réduisant les séances cliniques et optimisant des étapes de fabrication.

De plus, l’ensemble de ces données peut être conservé, complété et modifié sans limitation de durée.

Quel que soit le chemin choisi ou le plan de traitement élaboré, la priorité doit rester la satisfaction de nos patients. L’intégration naturelle et esthétique doit être en corrélation avec l’ensemble des impératifs anatomo-fonctionnels et le sourire de nos patients reste notre plus belle récompense.

Liens d’intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.

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