MISE EN CHARGE IMPLANTAIRE IMMÉDIATE EN SECTEUR POSTÉRIEUR, UNE NOUVELLE PERSPECTIVE ? - Clinic n° 03 du 01/03/2024
 

Clinic n° 03 du 01/03/2024

 

Chirurgie

Implantaire

Jérôme SIEFERT*   Jérémie PERRIN**  


*Stomatologue libéral à Avranches.
**Exercice libéral à Planguenoual.

La mise en charge immédiate en secteur postérieur est peu utilisée malgré l’accumulation progressive des preuves de faisabilité. Pour le patient, l’accélération de la prise en charge et le confort immédiat sont deux nettes avancées. La bonne sélection des patients et la gestion rigoureuse des contraintes occlusales restent toutefois des conditions nécessaires à une réussite thérapeutique. Le présent cas clinique décrit une approche technique réalisable dans un cabinet d’omnipratique pour un remplacement en occlusion d’un édentement unitaire encastré dans le secteur postérieur à l’aide d’une prothèse transitoire.

L’implantologie dentaire a connu une évolution significative de ses protocoles de mise en charge, c’est-à-dire le moment où une prothèse fonctionnelle est assemblée sur l’implant. Les protocoles initiaux du Pr Bränemark [1], nécessitant un délai d’attente de 6 mois avant utilisation des implants pour le maxillaire et de 4 mois pour la mandibule, ont progressivement diminué pour désormais envisager des mises en charge immédiates.

Dans le secteur antérieur et/ou esthétique, le recours à la mise en esthétique immédiate est une option à considérer. Par contre la dent transitoire n’est pas mise en fonction à J0. La mise en charge est différée afin de ne pas soumettre l’implant à des contraintes mécaniques qui seraient délétères car rarement appliquées dans l’axe de celui-ci. Cette différence entre l’axe des forces et l’axe de l’implant étant en général moins marquée dans les secteurs postérieurs, l’idée d’une mise en charge rapide fait son chemin. Cela s’explique par la volonté de préserver au mieux les tissus mous et de restaurer rapidement la fonction et l’esthétique. Une attention toute particulière est alors portée à la gestion du profil d’émergence qui doit tendre vers un idéal, se rapprocher des dents naturelles. Les résultats positifs obtenus dans ces situations ont encouragé leur adoption plus généralisée.

Cependant, dans les secteurs postérieurs, le recours aux mises en charge immédiates reste encore rare, voire exceptionnel, malgré des études démontrant la faisabilité technique [2-4]. Cela peut s’expliquer par plusieurs facteurs tels que la charge occlusale plus importante dans ces régions, la densité osseuse variable, la nécessité d’une stabilité primaire élevée pour garantir le succès à long terme de l’implant, mais également les a priori des praticiens ou la peur des échecs. Bien que les études laissent envisager la faisabilité des mises en charge immédiates dans les secteurs postérieurs, l’examen clinique minutieux du patient reste de mise.

L’apparition récente d’implants spécialement conçus pour les mises en charge immédiates laisse envisager le recours à cette technique dans les secteurs postérieurs. Leur design favorise une stabilité primaire élevée tandis que leur état de surface accélère l’ostéo-intégration. Comme dans le secteur antérieur, la mise en place immédiate d’une prothèse transitoire présentant un profil d’émergence idéal peut être un avantage supplémentaire permettant une cicatrisation des tissus mous guidée par cette prothèse.

En chirurgie, la RAAC (récupération améliorée après chirurgie) est une approche de prise en charge globale du patient favorisant le rétablissement précoce de ses capacités après la chirurgie. En partant de ce concept et des possibilités ouvertes par les dernières générations d’implants, nous nous sommes penchés sur l’intérêt d’une mise en charge immédiate en secteur postérieur.

L’objectif de ce cas clinique est de décrire une approche réalisable dans un cabinet d’omnipratique pour un remplacement en occlusion d’un édentement unitaire encastré dans les secteurs postérieurs à l’aide d’une prothèse transitoire. Le but est de mettre en évidence l’opportunité d’un tel remplacement de manière simple, tout en permettant la meilleure gestion possible des différents tissus durs et mous.

MISE EN CHARGE CONVENTIONNELLE VERSUS MISE EN CHARGE IMMÉDIATE

La 5e conférence de consensus de l’ITI (International Team for Implantology) repose sur les définitions des protocoles de mise en charge présentés par Weber et al. [5] pour différencier chaque approche. Elle décrit ainsi 3 schémas différents pour débuter la prise en charge prothétique :

- la mise en charge conventionnelle des implants dentaires, qui se définit comme une temporisation supérieure à 2 mois après mise en place chirurgicale de l’implant ;

- la mise en charge précoce des implants dentaires qui voit une temporisation se situant entre 1 semaine et 2 mois après la mise en place chirurgicale de l’implant ;

- la mise en charge immédiate des implants dentaires qui est une temporisation intervenant moins de 1 semaine après la mise en place chirurgicale de l’implant.

Cette même conférence de consensus établit que, pour la région molaire mandibulaire, la mise en charge immédiate et précoce des prothèses implantaires unitaires transitoires est une procédure prévisible et peut généralement être recommandée dans les cas où des avantages cliniques sont identifiés. Cette préconisation pourrait être étendue aux molaires maxillaires si la stabilité primaire est suffisante. Cependant, la faible quantité de données scientifiques sur cette thérapeutique ne permet pas une recommandation générale de ces procédures de mise en charge. Dans la région molaire la mise en charge conventionnelle devrait être la procédure de choix. Toutefois, si la mise en charge immédiate est envisagée, elle doit s’astreindre à respecter certaines règles, sous peine d’une majoration des échecs.

Ainsi, une mise en charge immédiate n’est envisageable que lorsque le couple d’insertion de l’implant est élevé (généralement s’il dépasse les 35 N.cm) et ne peut donc s’envisager que dans un os présentant une densité suffisante et/ou en cas de volume suffisant. D’un point de vue prothétique, il est fréquent de positionner une prothèse en sous-occlusion. On parle alors de temporisation immédiate ou de mise en esthétique immédiate.

Pour le patient, une mise en charge immédiate se traduit généralement par la consigne stricte d’éviter toute sollicitation pendant la période de cicatrisation. Il existe donc une conduite d’évitement qui entraîne au moins temporairement « une boiterie » de l’appareil manducateur.

À l’opposé, le recours à une mise en charge conventionnelle implique qu’un délai suffisant (généralement plus de 2 mois) soit laissé pour obtenir une ostéo-intégration complète de l’implant. Il en résulte que la prothèse fixée sur l’implant va nécessairement supporter des contraintes occlusales et permettre de retrouver les fonctions habituelles d’une prothèse dentaire. Ici, la prothèse temporaire va permettre de tester le schéma occlusal mais également de sculpter le berceau gingival et de modeler le profil d’émergence afin d’intégrer au mieux la prothèse. Une conception idéale de ce profil d’émergence pourra recourir, entre autres, à des zones de compression pour modeler la muqueuse ou à des greffes de tissus mous pour rendre le biotype gingival plus favorable.

Il est également à noter que, d’un point de vue esthétique, une épaisseur des tissus minimale de 1,5 à 2 mm permet de masquer les matériaux prothétiques trans-gingivaux [6, 7].

Ainsi, une conception prothétique réfléchie associée à un respect du temps de cicatrisation biologique plaident toujours en faveur d’une mise en charge conventionnelle.

DESIGN IMPLANTAIRE, ÉTAT DE SURFACE, CONNECTIQUE ET PRÉ-REQUIS PATIENT

Envisager une mise en charge immédiate en secteur postérieur fait apparaître de multiples contraintes tant au niveau de l’implant qu’au niveau de l’ostéo-intégration et de la gestion à court, moyen et long terme de la muqueuse péri-implantaire.

Le cahier des charges inhérent à l’implant idéal découlerait des contraintes suivantes.

• Nécessité d’une stabilité primaire importante, de plus de 35 N.cm, afin de pouvoir recourir aux procédures de mise en charge immédiate, quelle que soit la nature de l’os. Ainsi, un design conique, agressif, auto-taraudant, voire ostéo-condensant assurant un ancrage primaire important est nécessaire. Cette spécificité de design est apparue avec les implants de nouvelle génération, spécifiquement étudiés pour maximiser l’ancrage mécanique à la fin des années 2000 et au début des années 2010 [8, 9].

• Recours à un état de surface augmentant rapidement le contact entre l’os et la surface implantaire (Bone Implant Contact - BIC). Or, les implants dentaires aux surfaces rugueuses ont démontré de façon systématique leurs avantages par rapport à ceux dotés des anciennes surfaces en titane usiné, du fait d’un BIC amélioré et d’une plus grande stabilité biomécanique et fonctionnelle que les implants aux surfaces plus lisses [10]. Le recours à des états de surface sablés, mordancés, hydrophiles permet ainsi d’associer plusieurs niveaux de rugosité (macro, micro et nano) augmentant à chaque niveau le BIC.

• Utilisation d’une surface active pour favoriser l’ostéo-intégration. La bio-intégration d’un implant osseux fait intervenir une cascade de processus initiés par l’adsorption de molécules environnantes à la surface du biomatériau, aboutissant à la formation d’un biofilm jouant un rôle central dans l’adhésion cellulaire et la régénération du tissu osseux au contact de l’implant. Au fil du temps, les surfaces actives (utilisation de traitements physiques et chimiques pour créer des états de surfaces macro, micro et même nanoscopiques) ont petit à petit supplanté les surfaces lisses uniquement usinées. Les modifications de surface ont pour but d’empêcher l’adhérence bactérienne et de promouvoir simultanément les fonctions des cellules osseuses pour améliorer l’ostéo-intégration de l’implant. Les dernières recherches in vitro suggèrent que les propriétés hydrophiles ainsi que l’état de surface en termes de microstructures, mais surtout nanostructures, permettent l’accélération de l’ostéo-intégration, la formation d’un réseau de fibrine et la minéralisation, facilitant ainsi les phases précoces de l’ostéo-intégration [11].

• Existence d’un col implantaire transmuqueux permettant à la fois la création d’une plateforme satisfaisante pour l’assemblage d’une prothèse et le maintien d’une bonne hygiène péri-implantaire mais respectant également l’espace biologique naturel constitué par l’épithélium péri-implantaire (qui simule l’épithélium de jonction au niveau d’une dent). L’enfouissement infra-osseux entre 1 à 2 mm au-delà de l’os crestal vestibulaire limiterait la résorption osseuse péri-implantaire [12].

• Nécessité d’une connectique avec platform switching indexée permettant un positionnement reproductible à l’interface pilier/implant et s’opposant aux forces rotationnelles. Le design de la connectique sera primordial afin de limiter un effet de souffle (pumping effect) réduisant l’inflammation des tissus péri-implantaires et le risque de cratérisation précoce. Le concept de platform switching permettrait quant à lui de déplacer les contraintes exercées au niveau crestal vers le centre de l’implant induisant une répartition harmonieuse des forces le long de l’implant [13]. En termes de moindre résorption osseuse cervicale, (préservation de l’espace biologique), les meilleurs résultats semblent être observés pour des implants à connexions coniques intégrant le switching platform en situation sous-crestale [14]. Ils permettraient une meilleure répartition des forces le long de l’implant en évitant les surcharges au niveau crestal [15-18]. Pour rappel, la muqueuse péri-implantaire assure un rôle primordial d’étanchéité et de protection vis-à-vis du milieu buccal contre l’agression bactérienne en assurant une étanchéité du milieu par la présence de la lame basale, de desmosomes et d’hémi-desmosomes. La muqueuse péri-implantaire possède une proportion plus importante de fibres de collagène et une proportion plus faible de fibroblastes ainsi qu’une vascularisation réduite suggérant un aspect histologique de tissu cicatriciel et donc un potentiel de réparation plus limité que le parodonte.

Concernant la sélection des patients, la thérapeutique a été proposée à l’ensemble des patients de plus de 18 ans ne présentant pas de contre-indications absolues : cardiomyopathies graves, valvulopathies, infarctus du myocarde de moins de 6 mois, cancer ou hémopathie maligne en cours d’évolution, insuffisance rénale chronique sévère, greffe d’organe avec traitement immunosuppresseur en cours, antécédent ou traitement en cours par anti-résorbeur osseux, antécédent de radiothérapie des voies aérodigestives supérieures, troubles psychiatriques.

Certaines contre-indications temporaires ont également empêché l’inclusion : grossesse, diabète non équilibré, tabagisme à plus de 10 cigarettes par jour, maladie parodontale non stabilisée et/ou non suivie.

Ont ainsi été concernés les patients présentant un édentement unitaire encastré au niveau des secteurs postérieurs (2e prémolaire, 1re et 2e molaires) maxillaire ou mandibulaire avec un volume osseux suffisant de manière spontanée ou après reconstruction osseuse (parfaitement cicatrisée, au moins 4 mois) permettant la mise en place d’un implant de diamètre minimal de 4,1 mm avec des marges osseuses péri-implantaires au col de 1,5 mm et d’une longueur supérieure à 8 mm avec une marge par rapport au nerf alvéolaire inférieur de 2 mm. En somme, un volume minimal de 7,1 × 7,1 × 10 mm a été nécessaire pour envisager l’inclusion.

GESTION DU PROFIL D’ÉMERGENCE

Afin de limiter au maximum les lésions des tissus mous au niveau du site implantaire, le design de l’incision chirurgicale recourt à une technique de mini flap de pleine épaisseur, à savoir la réalisation de fines incisions et une élévation a minima du lambeau, avec incision au collet des dents adjacentes. Seul un décollement de la muqueuse crestale est effectué, permettant de limiter l’exposition osseuse mais permettant toutefois de contrôler le positionnement du point d’émergence implantaire.

Après implantation, et uniquement en cas d’obtention d’un couple d’insertion supérieur à 35 N.cm (et inférieur à 55 N.cm), une prise d’empreinte en technique pick-up associant deux silicones de basse et haute viscosité est réalisée. Dans le cas contraire, la procédure chirurgicale se solde par la mise en place d’une vis de cicatrisation avec contrôle clinique à 1 semaine, 1 mois et 3 mois avant réalisation d’une prothèse de manière classique. Une empreinte alginate de l’arcade antagoniste et un enregistrement des rapports intermaxillaires ont également été réalisés dans le même temps afin de permettre une gestion prothétique la plus complète possible au laboratoire.

D’un point de vue prothétique, le profil d’émergence, zone de transition entre le col de l’implant et la limite marginale muqueuse, est géré en suivant les recommandations des différentes conférences de consensus ITI. L’émergence vestibulaire suit d’abord un profil plan à concave jusqu’à la limite marginale alors que, en palatin, il suit un profil plan à convexe en respectant le contour palatin des dents adjacentes. Enfin, l’émergence interproximale s’effectue en ligne droite avant de devenir légèrement convexe au-dessus de la zone de contact pour soutenir les tissus interproximaux. Récemment, il a été mis en évidence qu’un angle d’émergence muqueuse supérieur à 30° au niveau d’implants de type bone level était associé à un risque majoré de mucosite péri-implantaire [19].

Il a donc été demandé au laboratoire prothétique de respecter au mieux ces différentes caractéristiques. A contrario, il a été demandé de ne pas tenir compte du profil muqueux visualisé sur l’empreinte et de privilégier au maximum cette émergence idéale.

De même, le choix de l’implant s’est porté vers un implant avec un col transmuqueux présentant une angulation compatible, et donc évitant des plateformes de fort diamètre. La faible hauteur de ce col (1,8 mm dans le cas présent) ne rend l’implant que partiellement transmuqueux et permet une conformation a minima du berceau gingival.

INTÉRÊTS D’UNE MISE EN CHARGE IMMÉDIATE

L’intérêt de recourir à un protocole de mise en charge immédiate est indéniable pour le patient. La phase prothétique est réalisée dans les 48 heures suivant le geste chirurgical en lieu et place d’une temporisation classique de 3 à 6 mois. Le patient bénéficiera d’une seule phase d’agression et donc d’une seule période de cicatrisation/adaptation. Ce type de protocole lui permet de rétablir au plus vite ses besoins esthétiques et fonctionnels et d’accepter plus facilement, voire de totalement intégrer la solution implantaire. Au lieu d’avoir l’impression de se soumettre à un traitement long et complexe, il lui semble simple, rapide et efficace. Dans le cas présent, associé à une gestion stricte de l’occlusion, la récupération de la fonction manducatrice avec une mastication alternée permet un retour à une situation de normalité pour le patient.

Au niveau biologique, il devient possible dans le cas de sites cicatrisés, où la crête osseuse est plate et où les papilles ont disparu, de travailler immédiatement le profil d’émergence des tissus mous, dès la chirurgie implantaire, pour un meilleur résultat esthétique et prophylactique. Dans le cas de sites post-avulsionnels, il est possible de maintenir au mieux le capital osseux de l’alvéole et de préserver le volume de la gencive marginale et des papilles de la dent fraichement extraite [20, 21]. Enfin, les contraintes occlusales exercées sur les implants seront mieux définies que celles exercées par une prothèse transitoire amovible peu ou mal ajustée et compressive des tissus mous.

Pour le praticien, ce protocole, bien que plus contraignant en termes de rigueur de travail, permet d’éviter l’inconfort prothétique et les problèmes esthétique et fonctionnel des solutions amovibles de temporisation tout en diminuant le temps total du traitement.

INCONVÉNIENTS DE LA MISE EN CHARGE IMMÉDIATE

La surcharge occlusale dans les secteurs postérieurs fait référence à une force excessive appliquée sur les molaires et prémolaires, se produisant généralement pendant la fonction masticatoire, lors de l’exercice des forces de compression et de cisaillement. Elle peut être le résultat de différents facteurs tels qu’une malocclusion source d’une répartition inégale des forces de mastication, un bruxisme ou un mauvais ajustement d’une ou de plusieurs prothèses sources de points de contact aberrants.

Au fil du temps, une usure dentaire excessive va apparaître, potentiellement associée à des fractures dentaires. Enfin, une surcharge occlusale au niveau d’un implant dentaire augmente le risque de fibro-intégration lors de la cicatrisation et, à plus long terme, le risque d’apparition ou de majoration de la résorption osseuse péri-implantaire. Ce phénomène de compression osseuse excessive, aussi appelé overload, est lié à la rétention primaire mécanique de l’implant dans l’os. Si celle-ci est trop importante, on observe une ischémie osseuse et l’apparition d’une zone nécrotique au contact de l’implant [22].

Dans le but de parer au mieux à l’existence d’une telle surcharge occlusale, un contrôle des points de contact et un rééquilibrage occlusal par ajustements sélectifs des contacts dentaires sont nécessaires dès qu’une reconstitution coronaire est réalisée. En cas de dyspraxie (clenching ou bruxisme), le recours à un plan de libération occlusal peut s’envisager.

Lors d’une mise en charge immédiate, un échec de la thérapeutique se traduirait par la perte de l’implant ou parfois, dans une moindre mesure, par la nécessité de déposer la reconstitution coronaire. Un signe précoce serait l’apparition d’une sensation d’instabilité de la prothèse, auquel cas sa dépose s’effectuerait avec décharge complète de l’implant, qui ne supporterait plus qu’une vis de cicatrisation afin de permettre au mieux la poursuite d’ostéo-intégration.

PROTOCOLE ET CAS CLINIQUE

Le but de cet article est de proposer, sous la forme d’une note technique, une approche non consensuelle des réhabilitations dans les secteurs postérieurs en proposant une mise en charge fonctionnelle immédiate sur implant dans le cas d’un édentement isolé en position prémolaire ou molaire. Il vise à proposer un concept de réalisation simple au cabinet, notamment en omni-pratique, mais également à évaluer la faisabilité technique d’une implantation avec mise en charge autorisant la mastication.

D’un point de vue technique, le choix de matériel s’est porté vers l’implant Straumann TLX SLActive Standard Plus (figure 1) qui adopte une approche transmuqueuse identique à celle utilisée pour l’implant Straumann Soft Tissue Level. Or, celui-ci a montré, dans une étude clinique indépendante, le plus faible développement de péri-implantite après 9 ans [23]. Il offre ainsi une gestion satisfaisante des tissus mous au moment même de l’implantation et permet une gestion prothétique simple et mécaniquement satisfaisante par la nature de sa plateforme.

Au niveau endo-osseux, l’implant TLX Standard Plus adopte une configuration géométrique beaucoup plus agressive entrant dans le cadre récent des implants recherchant une stabilité primaire importante. Le profil agressif des spires donne une caractéristique auto-taraudante mais également ostéo-condensante à cet implant, dans le but de maximiser la stabilité mécanique primaire de l’implant au moment de son insertion.

Enfin, le recours à l’état de surface Roxolid SLActive permet de maximiser les moyens d’intégration osseuse sur le plan biologique. De nouvelles données d’une étude à long terme montrent une performance impressionnante de SLActive lors d’une mise en charge immédiate, avec un taux de survie satisfaisant à 10 ans [24].

L’ensemble de ces éléments laisse envisager l’implant TLX SLActive Standard Plus comme une option pour le remplacement fonctionnel immédiat d’un édentement, du fait de cette alliance d’ostéo-intégration mécanique et biologique, primaire et secondaire, et d’une gestion plus physiologique des tissus mous péri-implantaires.

La gestion muqueuse avec le col Standard Plus et la plateforme prothétique, associée à la gestion osseuse, permet d’envisager la mise en charge en occlusion dès le jour de la chirurgie implantaire.

Cette prise en charge a été proposée consécutivement à 5 patients répondant aux critères d’inclusion pour un total de 6 prises en charge implantaires (tableau 1). Le protocole suivi sera ici illustré avec l’exemple de la première patiente.

Après réalisation d’un examen clinique et radiologique confirmant la possibilité d’inclusion (figure 2), puis obtention de l’accord du patient, le protocole pré-chirurgical débute par la prise d’empreintes d’étude permettant de générer un fichier STL par le laboratoire en vue d’une planification chirurgicale, voire du recours à un guide, et de confectionner un porte-empreinte individuel à ciel ouvert.

Sous anesthésie locale à l’articaïne adrénalinée 1/200 000, des incisions mini-invasives sont pratiquées au-dessus du site de traitement. Les chirurgies implantaires sont réalisées selon le protocole chirurgical standard recommandé par le fabricant, en l’occurrence avec un forage pour un os de densité faible puisqu’il est estimé de densité 3 dans le cas de notre patiente. Un implant TLX SLActive Standard Plus RT diamètre 4,5 mm longueur 10 mm est positionné sans difficulté particulière. Avant de mettre en place une vis de cicatrisation temporaire standardisée, un transfert est vissé sur l’implant pour réaliser une empreinte silicone à double viscosité. La fermeture muqueuse est réalisée à l’aide de points de suture simple de Vicryl 4/0 (figure 3). Le patient est alors libéré jusqu’au lendemain, date à laquelle il est prévu de visser la prothèse transitoire.

Au laboratoire, à partir du maître modèle, la fausse gencive, l’occlusion et le modèle antagoniste sont scannés sur le logiciel Dental Wings afin de pouvoir générer la modélisation de la prothèse transitoire transvissée en résine PMMA (poly méthacrylate de méthyle acrylique) (figure 4). Un soin particulier est pris pour réaliser un profil d’émergence idéal et pour obtenir une occlusion et des points de contact précis. La prothèse transitoire transvissée est ensuite usinée pour être collée sur un pilier temporaire en titane.

La seconde phase, prothétique, est dans chaque cas réalisée 24 heures après l’implantation. La transitoire PMMA est transvissée avec un couple de serrage de 15 N.cm (figures 5a à 5d). Une rectification de l’occlusion est nécessaire après vérification des contacts aux papiers à occlusion 40 µm.

L’objectif étant de recréer des calages cuspides/fosses, seuls les contacts en central dans les sillons et sur les cuspides palatines sont conservés en maxillaire, et inversement en mandibulaire. Les contrôles sont d’abord effectués en occlusion d’intercuspidation maximale puis lors des mouvements de diduction.

Une fois la mise en charge effectuée, le patient est revu pour contrôle clinique à 1 semaine, 1 mois et 3 mois dans le cadre du suivi chirurgical.

Les patients ont pour consigne d’utiliser un bain de bouche à la chlorhexidine 3 fois par jour et des analgésiques si nécessaire. D’un point de vue alimentaire, la seule restriction mise en place est le recours à une alimentation pouvant être coupée à la fourchette. La mastication bilatérale alternée est toutefois encouragée.

Ce protocole a pu être appliqué à 5 patients pour un total de 6 implants posés au niveau d’édentements unitaires postérieurs dans la région des premières ou deuxièmes molaires maxillaires ou mandibulaires. Le taux de mise en charge n’a toutefois pu être que de 80 %, la stabilité primaire n’ayant pu être obtenue dans un cas.

Sur les 5 autres implantations, le succès de mise en charge immédiate a été de 100 % mais 2 échecs sont apparus à 3 semaines, se traduisant dans les 2 cas par une mobilité implantaire. Pour le premier patient, la mobilité est apparue chez un patient prédisposé au bruxisme (antécédent connu) qui est réapparu de manière intense dans les suites postopératoires secondairement à des soucis professionnels. Pour le second, un traumatisme occlusal sur la prothèse transitoire à 3 semaines est à l’origine de la mobilité.

Dans les 2 cas, la dépose de la prothèse avec mise en place d’une vis de cicatrisation a permis une bonne poursuite de l’ostéo-intégration en 3 semaines de l’implant et une prise en charge ultérieurement de manière traditionnelle.

Sur les 3 autres implants, 1 seul implant a présenté un léger dévissage de la prothèse après 1 semaine ; celle-ci a été resserrée à 20 N.cm, avec des suites favorables ultérieurement.

Concernant la première patiente, les suites ont été totalement simples outre le dévissage décrit ci-dessus, sans complications prothétiques ou biologiques (figure 6). La satisfaction de la patiente a été immédiate et lui a permis d’oublier rapidement l’édentement, ceci se traduisant par un retour quasi immédiat à une alimentation alternée satisfaisante. La prothèse d’usage a été réalisée environ 1 an après la prise en charge initiale sans difficultés particulières par son dentiste traitant.

Fait notable, le remplacement de la prothèse transitoire en PMMA par celle d’usage en zircone s’est effectué en réutilisant le fichier STL d’usinage, sans nouvelle prise d’empreinte.

À 2 ans post-opératoires, lors d’un contrôle, la situation clinique est très satisfaisante, sans signe de mucosite ni résorption péri-implantaire (figure 7). Le berceau gingival obtenu est très satisfaisant avec un profil d’émergence naturel. Par ailleurs, la patiente est toujours aussi satisfaite. Ce ressenti particulièrement positif semble être partagé par le deuxième patient qui a bénéficié du même protocole pour le remplacement des dents absentes en 36 et 47 dans le même temps opératoire et prothétique.

DISCUSSION

Selon ce rapport de cas portant sur 6 implants, le taux de succès conforme au protocole défini s’élève à 50 %. Pour un des cas, les conditions nécessaires pour une mise en charge immédiate n’étaient pas satisfaites, tandis que pour deux autres cas, l’ostéointégration a été obtenue avec succès, mais en utilisant un protocole classique impliquant un pilier de cicatrisation. Trois implants, dont 2 sur le même patient, ont été intégrés avec succès selon le protocole préétabli.

Cependant, ce protocole offre des perspectives prometteuses, avec un suivi de cas sur 2 ans, notamment en ce qui concerne la satisfaction du patient. Il souligne également l’importance de la sélection des patients, en particulier en ce qui concerne les risques de surcharge occlusale, comme le montrent les 2 échecs prothétiques. La recherche approfondie de para-fonctions délétères ainsi qu’un volume suffisant et une qualité osseuse minimale, permettant un torque minimal d’insertion de 35 N.cm pour des implants de 8 à 10 mm seulement, semblent être des conditions incontournables pour atteindre une stabilité primaire suffisante.

À ce jour, seul le protocole 1T1T (One-Tooth One-Time) [25] semble être allé au-delà de ce qui vient d’être présenté avec la réalisation d’une mise en charge immédiate de l’implant par une prothèse d’usage en occlusion à l’aide d’un flux de travail entièrement numérique sans moulage. Dans les deux cas, les tissus mous sont modelés lors de leur cicatrisation par le profil d’émergence idéal conceptualisé ex vivo. Comme le suggérait par ailleurs la conclusion du protocole 1T1T, de telles prises en charge semblent désormais envisageables compte tenu des évolutions technologiques des matériaux et de l’intégration des flux numériques. Ces approches réduisent le nombre de rendez-vous tout en permettant des résultats immédiats satisfaisants autant pour le patient que pour le praticien.

Enfin, élément inattendu, la prothèse d’usage a pu être confectionnée à partir de la prothèse transitoire sans prise d’empreinte préalable, ce qui permet encore une fois un gain de temps mais également une réduction du nombre de dévissages et revissages délétères pour la pérennité du microgap péri-implantaire.

Toutefois, il est nécessaire de rester prudent concernant ces nouvelles perspectives qui, bien qu’attrayantes par leur rapidité de mise en œuvre et la satisfaction des patients, nécessitent, outre une connaissance parfaite des possibilités chirurgicales et prothétique, la nécessité d’une sélection stricte des patients afin de garantir le succès de ces cas. Des recherches cliniques supplémentaires doivent être menées pour valider ces nouvelles approches en pratique courante.

CONCLUSION

Ce cas clinique permet de montrer la faisabilité technique d’un traitement chirurgical et prothétique en un temps d’un édentement encastré postérieur. Grâce aux progrès des connaissances, des moyens techniques et du matériel, la mise en charge immédiate en secteur postérieur semble désormais accessible en pratique courante. Il faut cependant savoir raison garder et ne pas considérer cette possibilité comme consensuelle. De même, il est nécessaire de retenir qu’une sélection rigoureuse des patients est nécessaire à la recherche d’une quelconque contre-indication avant d’envisager ce type de procédure de manière courante.

Comme le démontre le cas présent, l’éducation du patient dans ce type de protocole est primordiale et la surcharge occlusale reste un risque d’échec majeur. Des études complémentaires plus poussées semblent être nécessaires pour conforter cette potentielle nouvelle approche.

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Liens d’intérêt

Jérôme Siefert déclare des liens d’intérêts avec Straumann et déclare que le contenu de cet article ne présente aucun conflit d’intérêts. Jérémie Perrin déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.

Remerciements

Au laboratoire Lecapitaine à Avranches, pour le travail prothétique présenté.