UN NODULE JUGAL GÊNANT - Clinic n° 05 du 01/05/2024
 

Clinic n° 05 du 01/05/2024

 

Dermatologie

Buccale

Bastien MARCINIAK*   Léo COLIN**   Marie GAILLARD***   Volkan CETINKAYA****   Camille LEROY*****   Marion MORCEL******   Alexandra CLOITRE*******   Émilie HASCOET********   Anne-Gaëlle CHAUX*********   Philippe LESCLOUS**********  


*Unité Fonctionnelle de Chirurgie orale, Service d’Odontologie restauratrice et chirurgicale, CHU Hôtel-Dieu, Nantes.

MOTIF DE CONSULTATION

Une patiente de 66 ans est adressée par son médecin traitant pour un nodule muqueux jugal droit apparu progressivement il y a plusieurs mois.

DEMARCHE DIAGNOSTIQUE

La patiente n’a pas d’antécédents médico-chirurgicaux ni de traitement médicamenteux notables. Elle ne rapporte aucune consommation tabagique.

L’examen exobuccal ne met rien de particulier en évidence. Aucune adénopathie locorégionale n’est palpable.

À...


MOTIF DE CONSULTATION

Une patiente de 66 ans est adressée par son médecin traitant pour un nodule muqueux jugal droit apparu progressivement il y a plusieurs mois.

DEMARCHE DIAGNOSTIQUE

La patiente n’a pas d’antécédents médico-chirurgicaux ni de traitement médicamenteux notables. Elle ne rapporte aucune consommation tabagique.

L’examen exobuccal ne met rien de particulier en évidence. Aucune adénopathie locorégionale n’est palpable.

À l’examen endobuccal, l’hygiène bucco-dentaire apparaît perfectible. Au niveau de la face interne jugale droite en regard des 43 et 44, on remarque une lésion nodulaire pédiculée non inflammatoire d’environ 8 mm de diamètre (figure 1). La muqueuse de recouvrement de la lésion apparaît saine. À la palpation, la lésion est molle, à base souple et non douloureuse. La patiente se plaint d’une gêne esthétique et de saignements occasionnels au niveau de cette lésion suite à des mordillements occasionnels. Un diastème est noté entre la 43 et la 44.

L’hypothèse diagnostique privilégiée est alors une hyperplasie fibro-épithéliale localisée (communément appelée diapneusie). L’hypothèse d’une lésion muqueuse maligne, bien que fort peu probable, n’est pas à éliminer. Le diagnostic exact nécessite une argumentation histologique.

L’exérèse de la lésion est alors programmée et réalisée sous anesthésie locale (figures 2 à 4).

La pièce opératoire est envoyée au laboratoire d’anatomo-pathologie.

Les suites opératoires sont simples et la cicatrisation est complète à 3 semaines (figure 5).

Le compte rendu anatomo-pathologique confirme la bénignité de la lésion. Un épithélium hyperplasique peu kératinisé recouvre un tissu conjonctif sain avec de nombreux capillaires sans infiltrat inflammatoire (figure 6). Le diagnostic de diapneusie est retenu.

COMMENTAIRE

La diapneusie est un nodule d’hyperplasie fibro-épithéliale bénin et fréquent. Elle est causée par une irritation chronique de la muqueuse. Dans la plupart des cas, elle apparaît en regard d’un édentement, d’une dent délabrée ou encore d’un diastème interdentaire, associé à un tic de succion, ce qui est probablement le cas avec cette patiente. Elle peut être exacerbée par des mordillements répétés et être alors associée à des hémorragies peu importantes, ce qui est aussi le cas chez cette patiente.

L’aspect clinique le plus fréquent de la diapneusie est un nodule non douloureux et non inflammatoire d’apparition progressive au niveau d’une muqueuse libre, linguale ou jugale le plus souvent. Il n’y a généralement guère de problème diagnostique.

Néanmoins, d’autres types de proliférations muqueuses, conjonctives notamment, ne peuvent être exclues, comme un fibrome, une tumeur bénigne d’une glande salivaire accessoire ou un lipome par exemple. Une tumeur maligne muqueuse ne présente généralement pas ces caractéristiques cliniques mais ne sera formellement exclue qu’après argumentation histologique.

La prise en charge est chirurgicale. L’exérèse est indiquée en cas de gêne fonctionnelle ou esthétique (ce qui est le cas chez cette patiente). Elle consiste en une exérèse chirurgicale complète avec envoi systématique de la pièce opératoire pour analyse histologique. Afin de limiter les récidives, elle doit être précédée d’un traitement étiologique : orthodontique, prothétique, comportemental… C’est cette dernière approche que nous avons privilégiée chez cette patiente en lui demandant de s’abstenir autant que possible de tout tic d’aspiration de la muqueuse au niveau du diastème entre 43 et 44. A noter que l’exérèse ne peut suffire à éviter la récidive.

Il n’existe pas de risque évolutif malin. Le suivi n’est pas systématique et dépendra de l’étiologie.

CONCLUSION

La diapneusie est une lésion dermatologique buccale fréquente et bénigne dont le diagnostic est généralement aisé. L’étiologie doit être recherchée avant toute prise en charge chirurgicale afin de limiter la récidive. La diapneusie ne présente pas de risque de transformation maligne.

Liens d’intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.