Les adhésifs, une proposition au-delà d’une PAC de qualité - Clinic n° 07 du 01/07/2018
 

Clinic_Hors Série n° 07 du 01/07/2018

 

ADHÉSION

Michel POMPIGNOLI  

Ancien AHU, Prothèses
Paris DescartesExercice libéral

Les adhésifs et substituts de rétention, les « colles », sont le plus souvent associés à un échec du traitement du patient édenté complet par une prothèse amovible, que ce soit uni ou bi-maxillaire.

Cependant, l’existence des crèmes adhésives, destinées à l’usage des PAC peut être considérée comme un moyen pour le praticien d’apporter, dans certaines situations cliniques qu’il est à même et lui seul d’identifier, une solution pour le bien-être de son...


Les adhésifs et substituts de rétention, les « colles », sont le plus souvent associés à un échec du traitement du patient édenté complet par une prothèse amovible, que ce soit uni ou bi-maxillaire.

Cependant, l’existence des crèmes adhésives, destinées à l’usage des PAC peut être considérée comme un moyen pour le praticien d’apporter, dans certaines situations cliniques qu’il est à même et lui seul d’identifier, une solution pour le bien-être de son patient en terme de qualité de vie. Il est une évidence que la prothèse complète d’excellence a ses limites. Des limites qui se définissent en fonction du patient, de ses attentes, de ses espoirs.

A contrario, tout praticien responsable de son engagement ne peut espérer réparer quelconque insuffisance de traitement en occultant toute cause, sans concevoir d’y apporter remède et trouver la réponse adaptée.

Les compétences du praticien ne sont en aucun cas concernées ; elles doivent s’appliquer ici pour apprécier les limites de la PAC d’excellence au regard de la difficulté du cas clinique présent. Ces limites doivent être définies dès la première consultation afin d’éviter une déception, pour le praticien comme pour le patient, déception qui pourrait être vécue comme un échec d’un traitement parfaitement en accord, au demeurant, avec les recommandations et bonnes pratiques.

Il faut également noter que l’utilisation des adhésifs échappe en partie à l’observation des chirurgiens-dentistes. L’automédication favorisée pas des conseils glanés dans le voisinage, peut-être préjudiciable à la santé des patients car certaines pathologies (blessures) ou disfonctionnements (perte du rapport intermaxillaire) peuvent s’installer sournoisement sans l’intervention judicieuse du spécialiste.

Au-delà de ces considérations, l’usage d’un adhésif peut apparaître une contrainte pour certains patients, contrainte liée à la dépendance quand rien n’est plus possible dans son quotidien sans sa présence.

Indications de prescription des adhésifs

Nous n’aborderons pas leur usage dans le cadre des traitements de temporisation : implantologie, élaboration de nouvelles prothèses, etc. Leur indication participe en plein au traitement.

La PAC qui rassemble tous les critères de qualité reconnus répond aux attentes et espoirs de la majorité des cas simples en leur assurant une qualité de vie satisfaisante. Seule une particularité psychologique peut, dans ces cas, imposer l’usage des fixatifs. Il est important de la relever dès le début du traitement et d’avertir le patient que son usage lui est indispensable pour son propre confort.

Cas cliniques

Les cas présentés montrent que les limites des PAC peuvent être repoussées par une indication judicieuse d’un adhésif.

Mr H

Ce patient est un cas difficile à plus d’un titre. Au delà de surfaces d’appui très résorbées, c’est un homme d’apparence très puissant, avec des masséters très volumineux, un menton volontaire et une activité professionnelle qui l’amène à souvent fréquenter les restaurants. Très gourmand de viandes rouges, il se plaint de ne pas pouvoir « mâcher facilement » les quartiers de steaks parfois très résistants, avec sa prothèse récemment mise en place.

La sustentation des bases est assurée, la rétention et la stabilisation sont jugées satisfaisantes pour une alimentation habituelle. Nous lui expliquons qu’il n’y a aucune mesure entre une personne se nourrissant de salade cuite et d’une autre de viande épaisse et résistante. Il s’est tourné vers une crème adhésive pour augmenter son efficacité masticatoire et améliorer son quotidien « gourmet » et en conséquence sa qualité de vie.

Mme B (fig. 2)

Cette patiente de 67 ans consulte pour le renouvellement de sa prothèse maxillaire. Le cas est défavorable à plusieurs niveaux :

• surfaces d’appui réduites, muqueuse peu épaisse sur la voûte palatine ;

• bridge complet mandibulaire ancien porté par plusieurs implants et dont le schéma occlusal ne respecte pas les conditions d’équilibre d’une base amovible antagoniste ;

• la prothèse existante présente une usure importante des dents prothétiques entraînant une diminution de la DVO s’accompagnant d’une position avancée de la mandibule en occlusion. De surcroît, la base prothétique est largement évidée en son centre dégageant une partie importante du palais ;

• l’usage d’une crème adhésive est quotidien depuis plusieurs années et la patiente émet le souhait de ne plus avoir à en utiliser.

Il lui est expliqué que sa situation est difficile, que l’usage d’un adhésif depuis de nombreuses années a établi un « confort », illusoire peut-être mais bien réel, et que s’en soustraire sera délicat. Il lui faudra avoir la volonté de coopérer avec le praticien.

Le contrat de confiance établi, la prothèse est réalisée. Pendant un an, elle ne succombera pas, malgré les multiples tentations car cette personne a encore une vie sociale importante : soirées, repas de représentation…

Mais elle finit par abandonner car, nous avoue-t-elle, sa prothèse « tombe » quand elle téléphone ! En effet, c’est l’appui du combiné sur sa joue et par conséquent sur la base qui déplace légèrement celle-ci de ses surfaces d’appui et lui fait perdre sa rétention par ailleurs fragile. Aujourd’hui elle utilise quotidiennement une crème adhésive et consulte régulièrement.

M. X

Ce patient consulte pour un renouvellement de prothèses… récentes ! L’observation clinique montre l’existence de prothèses bi-maxillaire parfaitement réalisées. Le cas est très favorable et la qualité de la réalisation prothétique est exceptionnelle. Il finit par avouer l’objet de sa démarche. Il est pianiste concertiste. À chaque fois qu’il donne un récital, il est pris d’une panique incontrôlable en pensant à l’éventualité de perdre sa prothèse maxillaire. En conséquence, il garnit abondamment sa base maxillaire de crème adhésive. Aucun argument destiné à le rassurer n’a d’échos auprès de lui.

Désirant changer quelques éléments de sa prothèse existante, il nous demande de lui en réaliser un nouveau jeu. Le résultat n’est ni mieux ni pire que celui existant en termes de stabilité et donc de sécurité aux moments cruciaux !

Ce patient est revenu nous voir à plusieurs reprises et il utilise toujours la crème adhésive à chaque concert, jusqu’au jour où il est revenu avec un bridge complet reposant sur des implants ! L’angoisse était vaincue.

Conclusion

Il est essentiel d’établir, dès l’observation clinique, les attentes des patients et ce que peut leur apporter la prothèse d’excellence adaptée tout particulièrement à la situation clinique présente. Il est aisé d’imaginer pouvoir améliorer une situation liée à une ancienne prothèse existante plus du tout adaptée… mais plus difficile d’en établir la limite.

C’est à ce moment là que doit être décidée l’indication d’un adhésif (ou de tout autre moyen complémentaire) car c’est la qualité de vie du patient qui doit être envisagée et non la satisfaction du maître d’œuvre devant un traitement jugé « d’excellence ».

On peut donner avec précision des indications d’usage des adhésifs et leur mode d’emploi. On peut donner des conseils généraux de leur usage mais ce sont les patients eux-mêmes qui trouvent quantité, qualité et fréquence d’utilisation. Ils tiennent compte du goût, de la facilité d’utilisation, de la durée d’efficacité. Les crèmes adhésives apportent confort et sécurité aux patients qui l’exigent.

Proclamer, comme d’aucun, praticien affûté dans la discipline, « je n’ai jamais eu d’échecs », c’est méconnaître les attentes et espoirs de nos patients. Ces derniers s’accommodent de nos traitements prothétiques, ils ne les oublient jamais, ils les aiment encore moins !

Dans des situations cliniques difficiles - surfaces d’appui fortement résorbées (fig. 1) recouvertes de muqueuse fine, éléments anatomiques périphériques très mobiles… -, les fixatifs présentent un complément indispensable pour offrir au patient une qualité de vie meilleure en dépit des contraintes d’hygiène qu’impose l’usage de ces produits. Les indications sont beaucoup plus nombreuses qu’il n’y paraît et parfois même en présence de cas favorables. Conscient de cette demande, le praticien prescrit leur usage mais s’assure du patient quant à des visites régulières de maintenance au moins bi-annuelles. Il pourra ainsi contrôler, entre autres, la quantité de produit utilisé, qui doit toujours être celle prescrite, mais aussi l’apparition de pathologies fonctionnelles ou muqueuses.

POUR VOS PATIENTS

Comment utiliser une crème adhésive ?

Pour l’appliquer :

- Brossez, rincez et séchez votre prothèse

- Appliquez des bandes courtes de crème sur la prothèse en vous éloignant des bords (si la crème s’est durcie, plongez le tube fermé dans de l’eau chaude)

- Evitez d’en mettre trop pour un confort optimal

- Remettez votre prothèse en bouche en la maintenant fermement pendant quelques secondes

- Attendez plusieurs minutes avant de manger ou de boire.

Pour la retirer :

- Rincez la bouche à l’eau tiède et retirez doucement la prothèse

- Enlevez les résidus de crème adhésive avec de l’eau tiède et une brosse souple

- Utilisez un coton-tige imbibé avec un corps gras pour retirer les résidus de crème

- Nettoyez la prothèse (brossage au savon de Marseille) puis désinfectez-la soigneusement avec un comprimé effervescent (ne pas laisser tremper toute la nuit) et rincez à l’eau.